Numéro 1 - Janvier 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2022

PROTECTION DES CONSOMMATEURS

1re Civ., 19 janvier 2022, n° 20-20.467, (B), FS

Cassation

Cautionnement – Principe de proportionnalité – Critère d'appréciation – Biens et revenus à considérer – Biens et revenus personnels – Caution mariée sous le régime de la séparation des biens

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 22 juin 2020), par actes des 27 mai 2014 et 26 mars 2015, M. [R] (la caution), marié sous le régime de la séparation de biens, s'est porté caution solidaire à concurrence de 139 750 euros d'un prêt de 215 000 euros et à concurrence de 15 600 euros d'un découvert en compte courant de 12 000 euros, qui avaient été consentis par la Société générale (la banque) à la société Pâtisserie [O] [R].

2. Celle-ci ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné en paiement la caution qui a opposé, en appel, la disproportion de ses engagements.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que la disproportion éventuelle de l'engagement d'une caution mariée sous le régime de la séparation des biens s'apprécie au regard de ses revenus et patrimoine personnels, comprenant sa quote-part dans les biens indivis, s'il en existe ; que, partant, la proportionnalité des engagements de caution de M. [R], marié sous le régime de la séparation des biens, devait s'apprécier en tenant compte de sa quote-part dans la maison indivise achetée avec son épouse, nonobstant la circonstance indifférente que cette dernière n'ait pas donné son accord aux cautionnements ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ensemble l'article 1538 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 341-4, devenu L. 332-1, du code de la consommation, et 1538 du code civil :

4. La disproportion éventuelle de l'engagement d'une caution mariée sous le régime de la séparation de biens s'apprécie au regard de ses revenus et biens personnels, comprenant sa quote-part dans les biens indivis.

5. Pour dire les engagements de la caution manifestement disproportionnés à ses biens et revenus et rejeter les demandes de la banque, l'arrêt retient que la caution a acquis en indivision avec son épouse une maison, qui constitue un bien « commun » n'entrant pas dans son patrimoine dès lors qu'elle est mariée sous le régime de la séparation de biens et que l'épouse n'a pas donné son accord au cautionnement.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Serrier - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article L. 341-4, devenu L. 332-1, du code de la consommation ; article 1538 du code civil.

Rapprochement(s) :

Com., 24 mai 2018, pourvoi n° 16-23.036, Bull. 2018, IV, n° 59 (cassation) ; 1re Civ., 24 mars 2021, pourvoi n° 19-21.254, Bull., (cassation).

1re Civ., 5 janvier 2022, n° 20-17.325, (B), FS

Cassation partielle

Cautionnement – Principe de proportionnalité – Disproportion de l'engagement – Sanction – Etendue – Détermination

Aux termes de l'article L. 341-4, devenu L. 332-1, du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. La sanction ainsi prévue prive le contrat de cautionnement d'effet à l'égard tant du créancier que des cofidéjusseurs lorsque, ayant acquitté la dette, ils exercent leur action récursoire.

Il résulte de l'article 2224 du code civil que l'action en responsabilité de la caution à l'encontre du prêteur fondée sur une disproportion de son engagement se prescrit par cinq ans à compter du jour de la mise en demeure de payer les sommes dues par l'emprunteur en raison de sa défaillance, permettant à la caution d'appréhender l'existence éventuelle d'une telle disproportion.

Il résulte de ce même texte que l'action en responsabilité de l'emprunteur non averti à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement, permettant à l'emprunteur d'appréhender l'existence et les conséquences éventuelles d'un tel manquement.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 mars 2020), suivant offre acceptée du 2 août 2006, la société le Crédit lyonnais (la banque) a consenti à la société civile immobilière du Louvre (l'emprunteur) un prêt de 129 970 euros, garanti par la société Crédit logement (la caution professionnelle), puis par M. [T] et Mme [N] (les cautions) les 24 juillet et 8 août 2006. A la suite d'échéances impayées à compter du 15 août 2013, la banque a prononcé la déchéance du terme le 8 février 2015.

2. Après avoir réglé le solde du prêt à la banque, la caution professionnelle a assigné, le 11 août 2015, l'emprunteur et les cautions en paiement, lesquelles ont, le 22 mars 2017, appelé la banque en intervention forcée et garantie, en invoquant une disproportion des engagements de caution et un manquement de celle-ci à son devoir de mise en garde, ainsi qu'un défaut d'information annuelle des cautions.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

3. L'emprunteur et les cautions font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites les demandes formées par celles-ci à l'encontre de la banque, au titre d'un manquement à son obligation d'information annuelle, alors « que la prétention de la caution fondée sur le défaut d'information annuelle de la caution, lorsqu'elle tend seulement au rejet de la demande en paiement des intérêts au taux contractuel formée par la banque à son encontre constitue un moyen de défense au fond sur lequel la prescription est sans incidence ; que M. [T] et Mme [N] faisaient valoir que le moyen tiré du défaut d'information annuelle de la caution avait été soulevé par les cautions en tant que défense au fond aux fins de voir le créancier débouté de sa demande en paiement au titre des intérêts et de voir le montant qu'ils seraient susceptibles de rester devoir au créancier réduit au seul capital, déduction faite des intérêts contractuels payés par le débiteur principal et à tout le moins demandaient la condamnation de la banque à les garantir à hauteur du montant total correspondant aux intérêts contractuels payés et à payer ; qu'en se bornant à affirmer que la demande de déchéance des intérêts ne pouvait concerner que la période antérieure à 2011 et qu'elle était nécessairement prescrite, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la prétention de la caution fondée sur le défaut d'information annuelle ne constituait pas un moyen de défense au fond sur lequel la prescription était sans incidence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 64 et 71 du code de procédure civile, ensemble de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier. »

Réponse de la Cour

4. Dès lors qu'elle a retenu que les cautions poursuivaient la banque en garantie et ne s'opposaient pas à une demande formée par celle-ci à leur encontre et que leurs prétentions, fondées sur le non-respect par la banque de son obligation d'information annuelle, constituaient une demande soumise à la prescription et non un moyen de défense, la cour d'appel a procédé à la recherche prétendument omise et légalement justifié sa décision.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. L'emprunteur et les cautions font grief à l'arrêt de condamner celles-ci à payer à la caution professionnelle les sommes de 9 676,39 euros et de 95 578,31 euros, outre des intérêts, alors « qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; que la sanction ainsi prévue prive le contrat de cautionnement d'effet à l'égard tant du créancier que des cofidéjusseurs lorsque, ayant acquitté la dette, ils exercent leur action récursoire ; qu'en l'espèce, M. [T] et Mme [N] sollicitaient, en leur qualité de cautions, de voir juger que leurs engagements souscrits au profit de la banque étaient manifestement disproportionnés et faisaient valoir qu'ils pouvaient se prévaloir des dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation à l'encontre de tout créancier, en ce y compris une autre caution ; que pour écarter le moyen opposé par M. [T] et Mme [N] en leur qualité de caution, à la caution professionnelle, cofidéjusseur ayant payé la banque aux lieu et place de l'emprunteur, tiré de la disproportion de leur engagement de caution par rapport à leurs biens et revenus, la cour d'appel a considéré qu'étranger au contrat de prêt, la caution professionnelle, qui exerçait son recours personnel ne pouvait se voir opposer par les cautions les exceptions et moyens opposables au créancier principal comme la disproportion de leur engagement de caution ; qu'en statuant ainsi, elle a violé les articles L. 341-4, devenu L. 332-1 du code de la consommation, ensemble les articles 2305 et 2310 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 341-4, devenu L. 332-1, du code de la consommation et les articles 2305 et 2310 du code civil :

6. Aux termes du premier de ces textes, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

7. La sanction ainsi prévue prive le contrat de cautionnement d'effet à l'égard tant du créancier que des cofidéjusseurs lorsque, ayant acquitté la dette, ils exercent leur action récursoire.

8. Pour condamner les cautions à payer à la caution professionnelle les sommes qu'elle a acquittées, l'arrêt retient que celle-ci, qui est étrangère au contrat de prêt et qui exerce un recours personnel, ne peut se voir opposer par les cautions les exceptions et moyens opposables au créancier principal comme la disproportion de leur engagement de caution.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. L'emprunteur et les cautions font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites les demandes formées par celles-ci à l'encontre de la banque, au titre de la disproportion de leur engagement, alors « que le délai de prescription de l'action d'une caution à l'encontre d'une banque, aux fins de faire sanctionner un engagement disproportionné au regard de son patrimoine et de ses ressources, commence à courir, non à partir de la souscription du cautionnement, mais à partir du jour où la caution a eu connaissance de ce que les obligations résultant de son engagement de caution allaient être mises à exécution par le créancier ; qu'en retenant que la disproportion de l'engagement de caution s'appréciait aux dates de conclusion de l'engagement de caution, signés les 24 juillet et 8 août 2006 de sorte qu'à la date de l'assignation de la banque en intervention forcée du 22 mars 2017, l'action de M.[T] et Mme [N], cautions, était prescrite, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2224 du code civil :

11. Il résulte de ce texte que l'action en responsabilité de la caution à l'encontre du prêteur fondée sur une disproportion de son engagement se prescrit par cinq ans à compter du jour de la mise en demeure de payer les sommes dues par l'emprunteur en raison de sa défaillance, permettant à la caution d'appréhender l'existence éventuelle d'une telle disproportion.

12. Pour déclarer les demandes formées par les cautions à l'encontre de la banque irrecevables comme prescrites, l'arrêt retient, d'une part, que la disproportion s'apprécie au jour de la conclusion des engagements et qu'ils ont été signés les 24 juillet et 8 août 2006, d'autre part, que l'assignation de la banque en intervention forcée date du 22 mars 2017.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

14. L'emprunteur et les cautions font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites les demandes formées par le premier à l'encontre de la banque, au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde, alors « que le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité du débiteur ou de la caution à l'encontre d'une banque, pour manquement à son obligation de mise en garde, doit être fixé, non au jour de la conclusion du contrat de prêt ou du contrat de cautionnement, mais au jour où le débiteur ou la caution a su, par la mise en demeure qui lui était adressée, que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution par le créancier ; qu'en décidant que l'emprunteur ayant accepté l'offre de prêt immobilier le 2 août 2006 et les cautions ayant signé leur engagement de caution solidaire les 24 juillet et 8 août 2006, leur demande était prescrite, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil, ensemble l'article 1147 ancien du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2224 du code civil :

15. Il résulte de ce texte que l'action en responsabilité de l'emprunteur non averti à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement, permettant à l'emprunteur d'appréhender l'existence et les conséquences éventuelles d'un tel manquement.

16. Pour déclarer les demandes formées par l'emprunteur à l'encontre de la banque irrecevables comme prescrites, l'arrêt retient, d'une part, que le dommage résultant d'un manquement au devoir de mise en garde se manifeste dès l'octroi du crédit et que l'offre de prêt a été acceptée le 2 août 2006, d'autre part, que l'assignation de la banque en intervention forcée date du 22 mars 2017.

17. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne solidairement la SCI du Louvre, M. [T] et Mme [N] à payer à la société Crédit logement les sommes de 9 676,39 euros, outre intérêts au taux légal à compter à compter du 25 août 2014 et de 95 578,31 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2015, et en ce qu'il déclare les demandes de la SCI du Louvre, de M. [T] et de Mme [N] à l'encontre de la société le Crédit lyonnais irrecevables comme prescrites, l'arrêt rendu le 19 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Champ - Avocat général : Mme Mallet-Bricout - Avocat(s) : SARL Cabinet Munier-Apaire ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article L. 341-4, devenu L. 332-1, du code de la consommation ; article 2224 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur la disproportion de l'engagement de caution : 1re Civ., 26 septembre 2018, pourvoi n° 17-17.903, Bull. 2018, I, n° 159 (cassation partielle). Sur l'action en responsabilité de l'emprunteur non averti : 1re Civ., 9 juillet 2009, pourvoi n° 08-10.820, Bull. 2009, I, n° 172 (rejet) ; 2e Civ., 18 mai 2017, pourvoi n° 16-17.754, Bull. 2017, II, n° 102 (cassation partielle).

3e Civ., 19 janvier 2022, n° 21-11.095, (B), FS

Cassation partielle

Clauses abusives – Définition – Clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties – Cas – Clause contractuelle de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge – Validité – Office du juge

En application des articles L. 132-1, devenu L. 212-1, R. 132-2, 10°, devenu R. 212-2, 10°, du code de la consommation, la clause qui contraint le consommateur, en cas de litige avec un professionnel, à recourir obligatoirement à un mode alternatif de règlement des litiges avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire.

Conformément à l'article R. 632-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, il appartient au juge d'examiner d'office la régularité d'une telle clause.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [I] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [C] et M. [V].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 24 novembre 2020), par contrat du 6 novembre 2012, M. [I] a confié la maîtrise d'oeuvre de travaux de réhabilitation d'un logement d'habitation aménagé en partie dans une ancienne cave à la société Polygone habitat concept, M. [V] ayant été chargé du lot électricité ventilation.

3. M. [I] a donné à bail à M. [C] l'appartement ainsi réhabilité.

4. Se plaignant de la forte humidité affectant le logement, M. [C] a assigné M. [I] en exécution de travaux et réparation de ses préjudices, lequel a assigné en garantie les intervenants à l'acte de construire.

5. Une expertise a été ordonnée.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. M. [I] fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable à agir à l'encontre de la société Polygone habitat concept, alors « que le juge doit examiner d'office le caractère abusif des clauses invoquées par une partie dès lors qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ; que dans sa version applicable au contrat de maîtrise d'oeuvre du 6 novembre 2012, l'article R. 132-2 10° du code de la consommation présume abusives, dans les contrats entre professionnels et consommateurs, les clauses ayant pour objet ou pour effet d'entraver l'exercice d'actions en justice en obligeant le consommateur à recourir au préalable à un mode alternatif de règlement des différends ; que pour dire M. [I], maître d'ouvrage, irrecevable à agir contre la SARL, maître d'oeuvre, la cour d'appel a retenu que l'article 3.13 du contrat du 6 novembre 2012 contenait une clause aux termes de laquelle les parties s'engageaient, en cas de litige sur l'exécution de ce contrat, à saisir la commission de conciliation de l'association Franche-Comté Consommateurs avant toute procédure judiciaire ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher d'office, comme elle y était tenue, si cette clause, qu'elle était en mesure d'examiner en fait et en droit, ne présentait pas un caractère abusif, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation en sa rédaction issue de la loi 2010-737 du 1er juillet 2010, ensemble l'article R. 132-2 10° dudit code en sa rédaction issue du décret 2009-302 du 18 mars 2009 et l'article R. 632-1 de ce même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation, R. 132-2, 10°, devenu R. 212-2, 10°, et R. 632-1 du même code :

7. Selon le premier de ces textes, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

8. Le second dispose que, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont présumées abusives, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges.

9. Il est jugé, au visa de ces textes, que la clause, qui contraint le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, de sorte que l'arrêt qui, à défaut de cette preuve contraire, fait produire effet à une telle clause doit être cassé (1re Civ., 16 mai 2018, pourvoi n° 17-16.197).

10. Selon le troisième, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 et applicable au litige, le juge écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des débats.

11. Pour accueillir la fin de non-recevoir opposée par la société Polygone habitat concept aux demandes du maître de l'ouvrage, l'arrêt, qui constate que le contrat de maîtrise d'oeuvre comporte une clause selon laquelle « en cas de litige portant sur l'exécution du contrat, les parties conviennent de saisir et de se soumettre à la commission de conciliation de l'association Franche-Comté consommateurs, et ce avant toute procédure judiciaire, sauf éventuellement mesures conservatoires. A défaut d'un règlement amiable le litige sera du ressort des juridictions compétentes » et qui relève que M. [I] ne réplique pas à ce moyen procédural, retient que le non-respect de cette clause est sanctionné par une fin de non-recevoir.

12. En se déterminant ainsi, alors que la clause, qui contraint le consommateur, en cas de litige avec un professionnel, à recourir obligatoirement à un mode alternatif de règlement des litiges avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, de sorte qu'il lui appartenait d'examiner d'office la régularité d'une telle clause, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare M. [I] irrecevable à agir à l'encontre de la société Polygone habitat concept, l'arrêt rendu le 24 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Boyer - Avocat général : M. Burgaud - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Articles L. 132-1, devenu L. 212-1, et R. 132-2, 10°, devenu R. 212-2, 10°, du code de la consommation ; article R. 632-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014.

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