Numéro 1 - Janvier 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2022

PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION

2e Civ., 13 janvier 2022, n° 20-18.121, (B), FRH

Cassation

Procédure – Appel – Dispositions applicables – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 mai 2020) et les productions, Mme [W] a relevé appel le 3 septembre 2019 d'un jugement du juge de l'exécution d'un tribunal de grande instance, rendu dans un litige l'opposant à la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (la caisse), et a remis, le même jour, au greffe ses conclusions d'appelante.

2. Le 7 octobre 2019, Mme [W] a reçu l'avis de fixation de l'affaire à bref délai, délivré en application de l'article 905 du code de procédure civile.

3. Le 9 octobre 2019, Mme [W] a, de nouveau, déposé ses conclusions d'appelante au greffe et les a notifiées à la caisse, alors constituée.

4. Après avoir invité les parties à présenter leurs observations, le magistrat de la chambre concernée, désigné par le premier président, a prononcé la caducité de la déclaration d'appel au 3 octobre 2019.

5. Mme [W] a déféré cette ordonnance à la formation collégiale de la cour d'appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Mme [W] fait grief à l'arrêt de constater, à la date du 3 octobre 2019, la caducité de la déclaration d'appel et de prononcer sa caducité, alors « qu'à compter de la fixation de l'affaire à bref délai en application de l'article 905 du code de procédure civile, la procédure est soumise aux délais et aux sanctions prévues par les articles 905-1 et suivants du même code ; que lorsque l'affaire est fixée à bref délai, l'appelant dispose, à peine de caducité de la déclaration d'appel, d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe et les notifier aux avocats des parties et d'un délai d'un mois supplémentaire à compter de l'expiration ce délai pour les signifier aux parties qui n'ont pas constitué avocat ; qu'en l'espèce, il ressort de la procédure que sur la déclaration d'appel de Mme [W] du 3 septembre 2019, le président de la chambre saisie a fixé l'affaire à bref délai par un avis de fixation du 7 octobre 2019, que Mme [W] a remis au greffe et notifié ses conclusions d'appel au conseil de l'intimée, la Cipav, le 9 octobre 2019, dans le délai d'un mois de la réception de l'avis de fixation ; qu'en retenant néanmoins que la déclaration d'appel était caduque dès lors que le délai pour signifier ses conclusions à l'intimée expirait le 3 octobre 2019, un mois après la remise au greffe de ses conclusions d'appel, la cour d'appel a violé les articles 905, 905-2 et 911 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 905, 905-2 et 911 du code de procédure civile, et l'article R. 121-20 du code des procédures civiles d'exécution, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :

7. Il résulte, d'abord, du dernier de ces textes que lorsque l'appel est relatif à une décision du juge de l'exécution, sauf autorisation d'assigner à jour fixe, l'instruction à bref délai s'applique de plein droit, même en l'absence d'ordonnance de fixation en ce sens.

8. Il résulte, ensuite, des articles 905-2, alinéa 1er, et 911 susvisés, qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, l'appelant doit, au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai, remettre ses conclusions au greffe et les notifier à l'avocat de l'intimé.

9. Il s'ensuit que les conclusions d'appelant d'un jugement du juge de l'exécution, qui peuvent être déposées au greffe avant la fixation de l'affaire à bref délai, doivent être notifiées à l'intimé dans le délai maximal d'un mois suivant la réception, par l'appelant, de l'avis de fixation à bref délai.

10. Pour constater, à la date du 3 octobre 2019, la caducité de la déclaration d'appel et prononcer sa caducité, l'arrêt retient que le délai d'un mois ouvert à l'appelante pour signifier ses conclusions à l'intimée n'ayant pas constitué avocat expirait le 3 octobre 2019, soit un mois après la remise au greffe de ses premières conclusions le 3 septembre 2019, peu important que l'avis de fixation ait été adressé postérieurement à cette dernière date.

11. En statuant ainsi, tout en constatant que les conclusions d'appelante, régulièrement remises au greffe avant l'avis de fixation, avaient été notifiées à la caisse, dont il n'était pas discuté qu'elle avait alors constitué avocat, le 9 octobre 2021, dans le délai d'un mois suivant la réception, par l'appelante, de l'avis de fixation prévu par l'article 905-2 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Boutet et Hourdeaux -

Textes visés :

Articles 905, 905-2, alinéa 1, et 911 du code de procédure civile et article R.121-20 du code des procédures civiles d'exécution, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017.

2e Civ., 13 janvier 2022, n° 20-11.081, (B) (R), FS

Rejet

Règles générales – Mesures d'exécution forcée – Caducité – Effets – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 novembre 2019), sur des poursuites de saisie immobilière diligentées contre la société Eurise, tiers détenteur, par l'agent comptable du service des impôts de [Localité 10] (le Trésor public), celui-ci lui a délivré un commandement de payer ou de délaisser après avoir délivré un commandement de payer à M. [E], débiteur.

2. Par jugement d'orientation du 11 décembre 2008, un juge de l'exécution a notamment validé la procédure de saisie immobilière, ordonné la vente forcée et fixé la date d'adjudication. M. [E] et la société Eurise ont relevé appel de ce jugement. Celui-ci a été confirmé par l'arrêt du 21 novembre 2019, sauf en ce qui concerne le montant de la créance qu'elle a réduit.

Recevabilité, contestée par la défense, et objet du pourvoi

3. Le prononcé de la caducité ne fait pas perdre son fondement juridique à la disposition d'un jugement, rendu à l'occasion d'une saisie immobilière, qui a statué sur une contestation ou une demande portant sur le fond du droit, disposition revêtue de l'autorité de la chose jugée.

4. La cour d'appel ayant fixé le montant de la créance du poursuivant, le pourvoi conserve son objet et est recevable, en tant qu'il attaque ce chef de dispositif, et ceux ayant déclaré irrecevables les conclusions de M. [E] et les contestations et demandes de la société Eurise.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. M. [E] et la société Eurise font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les conclusions prises au nom de M. [E] et, en conséquence, de confirmer le jugement d'orientation entrepris ayant ordonné la vente forcée des biens et droits immobiliers sis à [Adresse 9], cadastré section [Cadastre 7], sauf à réduire à la somme de 391 439,57 euros le montant de la créance de l'administration poursuivante, alors :

« 1°/ que les conclusions d'une partie ayant mentionné un domicile inexact sont recevables dès que l'indication du domicile réel a été fournie ; qu'ayant relevé que si M. [E] avait d'abord communiqué une adresse postale ne correspondant pas à son domicile, il avait ultérieurement indiqué son domicile réel, correspondant à celui mentionné sur son passeport, la cour d'appel ne pouvait exiger en outre, pour déclarer néanmoins irrecevables ses conclusions, qu'il justifie davantage encore de l'effectivité de ce domicile, quand il incombait à l'administration fiscale, qui entendait se prévaloir de l'irrecevabilité desdites écritures, de justifier le cas échéant que le domicile ainsi indiqué était inexact ou fictif ; que l'arrêt a donc été rendu au prix d'une violation des articles 961 du code de procédure civile et 1353 du code civil ;

2°/ que les conclusions d'une partie ayant mentionné un domicile inexact sont recevables dès que l'indication du domicile réel a été fournie ; qu'en se bornant à relever que la production par M. [E] d'une copie de la première page de son passeport délivré en 2014 mentionnant comme domicile la nouvelle adresse qu'il avait indiquée était insuffisante à établir l'effectivité de ce domicile, sans pour autant constater son inexactitude ou son caractère fictif, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 961 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. En application de l'article 961 du code de procédure civile, les conclusions des parties doivent, à peine d'irrecevabilité, indiquer, pour les personnes physiques, leur domicile réel.

7. Cette fin de non-recevoir peut être régularisée jusqu'au jour du prononcé de la clôture, ou, en l'absence de mise en état, jusqu'à l'ouverture des débats.

8. Il en résulte que, si la charge de la preuve de la fictivité du domicile pèse sur celui qui se prévaut de cette irrégularité, il appartient à celui qui prétend la régulariser de prouver que la nouvelle adresse indiquée constitue son domicile réel.

9. Ayant souverainement retenu que, dans sa déclaration d'appel et ses écritures, M. [E] se disait domicilié à [Localité 8], Floride, Etats-Unis d'Amérique, mais qu'il résultait des pièces produites par le créancier poursuivant qu'il s'agissait d'une propriété vacante, que M. [E] ne contestait pas ne pas résider à cette adresse et que dans ses dernières écritures, il se disait être domicilié à [Adresse 6] au Panama, sans justifier de l'effectivité de ce domicile, c'est à bon droit que la cour d'appel a déclaré ses conclusions irrecevables.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. M. [E] et la société Eurise font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les contestations et demandes incidentes présentées par la société Eurise et, en conséquence, de confirmer le jugement d'orientation entrepris ayant ordonné la vente forcée des biens et droits immobiliers sis à [Adresse 9], cadastré section [Cadastre 7], sauf à réduire à la somme de 391 439,57 euros le montant de la créance de l'administration poursuivante, alors « que même si la saisie immobilière est diligentée contre le tiers détenteur de l'immeuble sur lequel le créancier poursuivant dispose d'un droit de suite, le droit à un procès équitable, en ce qu'il postule le respect des droits de la défense et l'exigence d'un procès à armes égales, implique que le débiteur principal soit régulièrement assigné à l'audience d'orientation, aux côtés du tiers détenteur, à l'effet de lui permettre de contester utilement l'existence, l'étendue ou encore l'exigibilité de la créance qui fonde les poursuites et de se prémunir par la même du recours ultérieur dont dispose à son encontre le tiers détenteur ; que dès lors, en considérant qu'il était indifférent que l'assignation à comparaître à l'audience d'orientation délivrée à M. [E] fût entachée de nullité, motif pris qu'aucune disposition légale n'exige que le débiteur soit assigné à l'audience d'orientation quand la saisie immobilière est poursuivie contre le tiers détenteur, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

11. Selon l'article R. 321-19 du code des procédures civiles d'exécution, la signification du commandement de payer valant saisie au tiers détenteur, produit à l'égard de celui-ci les effets attachés à la signification au débiteur du commandement de payer valant saisie. A défaut pour le tiers détenteur de satisfaire à la sommation qui lui est faite, la saisie immobilière et la vente sont poursuivies à l'encontre de celui-ci, selon les modalités prévues par le livre III de ce code.

12. Il ne résulte ni de l'article R. 322-4 du code des procédures civiles d'exécution, ni d'aucun autre texte qu'en cas de saisie immobilière entre les mains d'un tiers détenteur, le débiteur des causes de la saisie doive être assigné à l'audience d'orientation.

13. Par ailleurs, le débiteur est recevable à former tierce opposition contre le jugement d'orientation, et est, préalablement à la procédure judiciaire, destinataire, en application de l'article R. 321-5 du même code, d'un commandement de payer mentionnant la délivrance du commandement valant saisie au tiers détenteur.

14. Il est mis en mesure de faire valoir ses droits et c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait.

15. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DÉCLARE le pourvoi irrecevable sauf en ce qu'il attaque le chef de dispositif ayant fixé le montant de la créance du comptable du service des impôts des particuliers de [Localité 10] agglomération, et ceux ayant déclaré irrecevables les conclusions de M. [E] et les contestations et demandes de la société Eurise ;

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dumas - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Leduc et Vigand ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article 961 du code de procédure civile.

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