Numéro 1 - Janvier 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2022

PROCEDURE CIVILE

2e Civ., 13 janvier 2022, n° 20-17.516, (B), FS

Rejet

Acte de procédure – Nullité – Vice de forme – Applications diverses – Déclaration d'appel – Chefs du jugement critiqués – Défaut – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 14 mai 2020), la société Monte Paschi Banque (la banque) a interjeté appel, le 18 septembre 2017, d'un jugement ayant rejeté sa demande de sursis à statuer et l'ayant condamnée au paiement d'une certaine somme avec intérêts au taux légal à la société MCE 5 Development (la société).

2. Par une ordonnance qui n'a pas été déférée à la cour d'appel, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de la société tendant à voir déclarer nulle la déclaration d'appel mentionnant un appel total sans distinguer les chefs critiqués du jugement.

3. La société a saisi la cour d'appel d'une demande tendant à voir dire sa saisine non valable, le nombre de caractères nécessaires à l'énonciation des chefs critiqués du jugement ne justifiant pas qu'un document les mentionnant soit joint à la déclaration d'appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

5. La banque fait grief à l'arrêt de constater que la cour d'appel n'était saisie d'aucune demande par la déclaration d'appel du 18 septembre 2017 qui n'a pas opéré dévolution, alors « que la déclaration d'appel doit préciser les chefs de jugement que l'appel critique expressément et ceux qui en dépendent ; que si la déclaration d'appel doit être faite « par acte », aucune forme n'est cependant imposée à cette déclaration en ce qu'elle doit mentionner les chefs de jugement critiqués ; qu'en décidant dès lors que « l'annexe », qui indiquait les chefs de jugement expressément critiqués, n'était pas de nature à opérer dévolution en ce qu'elle ne valait pas déclaration d'appel, la cour d'appel a ajouté une condition à la loi, en violation des articles 562 et 901 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article 901, 4°, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, la déclaration d'appel est faite, à peine de nullité, par acte contenant notamment les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

En application des articles 748-1 et 930-1 du même code, cet acte est accompli et transmis par voie électronique.

7. En application de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, seul l'acte d'appel emporte dévolution des chefs critiqués du jugement.

8. Il en résulte que les mentions prévues par l'article 901, 4°, du code de procédure civile doivent figurer dans la déclaration d'appel, laquelle est un acte de procédure se suffisant à lui seul.

9. Cependant, en cas d'empêchement d'ordre technique, l'appelant peut compléter la déclaration d'appel par un document faisant corps avec elle et auquel elle doit renvoyer.

10. Ayant constaté que les chefs critiqués du jugement n'avaient pas été énoncés dans la déclaration d'appel formalisée par la banque, celle-ci s'étant bornée à y joindre un document intitulé « motif déclaration d'appel pdf », la cour d'appel, devant laquelle la banque n'alléguait pas un empêchement technique à renseigner la déclaration, en a exactement déduit que celui-ci ne valait pas déclaration d'appel, seul l'acte d'appel opérant la dévolution des chefs critiqués du jugement.

11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Articles 562 et 901, 4°, du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 ; articles 748-1 et 930-1 du code de procédure civile.

2e Civ., 13 janvier 2022, n° 20-19.978, (B), FRH

Rejet

Conclusions – Dépôt des conclusions – Conclusions tardives – Office du juge

Saisie par l'une des parties de conclusions aux fins de rejet de conclusions tardives et de pièces produites, une cour d'appel, statuant en appel selon la procédure à jour fixe, n'a pas à rechercher si l'autre partie était en mesure de s'expliquer sur cette demande de rejet des conclusions tardives et des pièces mais uniquement à vérifier si la partie avait eu le temps utile de prendre connaissance des nouvelles conclusions et pièces.

Conclusions – Dépôt des conclusions – Conclusions aux fins de rejet de conclusions tardives – Office du juge

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 4 juin 2020), sur le fondement d'un acte notarié, la société Les Vergers a fait délivrer, le 14 décembre 2017, un commandement de payer valant saisie immobilière à la société [Adresse 3] (la société [Adresse 3]).

2. Par acte du 20 mars 2018, M. [J], associé de la société [Adresse 3], et cette dernière ont assigné la société Les Vergers devant un tribunal de grande instance en nullité du contrat de prêt.

3. Par jugement du 12 août 2019, un juge de l'exécution a sursis à statuer sur la procédure de saisie immobilière, dans l'attente de la décision du tribunal de grande instance.

4. La société Les Vergers a été autorisée par le premier président d'une cour d'appel à interjeter appel immédiat de ce jugement.

Examen des moyens

Sur les premier, quatrième, cinquième et sixième moyens, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, dont le premier est irrecevable et les suivants ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

6. La société [Adresse 3] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les conclusions et les pièces n° 25 à 38 qu'elle a déposées le 20 janvier 2020, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en déclarant irrecevables, à la demande de la société Les Vergers, les conclusions et pièces numéros 25 à 38 déposées le 20 janvier 2020 par la SCCV [Adresse 3], au motif que ces écritures et pièces avaient été déposées trois heures avant l'audience de plaidoiries, de sorte que la société Les Vergers s'était trouvée dans l'impossibilité d'en prendre connaissance en temps utile, sans préciser à quelle heure la société Les Vergers avait contesté ce dépôt prétendument tardif de conclusions et de pièces et sans rechercher si la SCCV [Adresse 3] avait été en mesure de s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse au moyen

7. En premier lieu, l'arrêt constate qu'en application d'une ordonnance du 24 octobre 2019 fixant un calendrier de procédure, la société Les Vergers a assigné la société [Adresse 3] le 6 novembre 2019 et que cette dernière a conclu le dernier jour du délai qui lui était imparti, soit le 20 décembre 2019, sans communiquer ses pièces malgré une sommation du 24 décembre 2019.

8. En deuxième lieu, il relève que la société Les Vergers a répliqué par conclusions notifiées le 6 janvier 2020 tandis que la société [Adresse 3] a attendu le 20 janvier 2020 à 11 heures 39 pour notifier de nouvelles conclusions, à 12 heures 03 pour communiquer ses pièces n° 1 à 11, à 12 heures 28 ses pièces 21 à 24, et à 12 heures 36 pour communiquer ses nouvelles pièces 25 à 30 non produites en première instance, soit moins de 3 heures avant l'audience de plaidoiries fixée dès l'ordonnance de référé rendue le 16 octobre 2019 par la juridiction du premier président.

9. En dernier lieu, l'arrêt retient qu'aucun motif ne justifie un tel comportement contraire à la loyauté des débats et au principe du contradictoire qui, du fait du dépôt tardif de nouvelles écritures et de nouvelles pièces, a mis la société Les Vergers dans l'impossibilité d'en prendre connaissance en temps utile.

10. C'est en l'état de ces constatations et énonciations que la cour d'appel, qui n'avait pas à rechercher si la société [Adresse 3] avait été en mesure de s'expliquer sur la demande de rejet des conclusions tardives et des pièces, a souverainement apprécié si la société Les Vergers avait eu un temps utile pour prendre connaissance des dernières conclusions et pièces.

11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

12. La société [Adresse 3] fait grief à l'arrêt la débouter de toutes ses demandes, de mentionner que la créance de la société Les Vergers s'élevait à 1 000 000 euros avec intérêts au taux de 17 % l'an du 15 décembre 2011 jusqu'à complet remboursement du prêt, avec imputation sur les intérêts des sommes de 107 819,34 euros le 7 novembre 2013, 51 426,72 euros le 3 août 2016, 9 000 euros le 30 décembre 2016 et 250 000 euros le 10 avril 2017 et d'ordonner la vente forcée des biens saisis, alors « qu'aux termes de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en retenant, pour débouter la SCCV [Adresse 3] de toutes ses demandes, fixer la créance de la société Les Vergers et ordonner la vente forcée des biens saisis, que les pièces n° 12 à 20 produites par la SCCV [Adresse 3] ne figuraient pas au dossier remis à la cour d'appel, sans inviter les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier de ces pièces qui figuraient au bordereau de pièces annexé aux conclusions d'intimées de la SCCV [Adresse 3] notifiées le 20 décembre 2019, déclarées recevables, et dont la communication n'avait pas été contestée, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

13. Après avoir constaté que les pièces numéros 12 à 20 et 31 à 38 visées au bordereau de pièces ne figuraient pas au dossier de plaidoirie, la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée sur cette absence de pièces, n'avait donc pas à inviter les parties à s'expliquer.

14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat(s) : Me Bertrand ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

2e Civ., 13 janvier 2022, n° 20-16.774, (B), FRH

Cassation

Droits de la défense – Partie n'ayant pas comparu à l'audience – Cas – Corona virus disease (COVID)-19

Selon l'article 14 du code de procédure civile, applicable en matière d'omission de statuer, nulle partie ne peut étre jugée sans avoir été entendue ou appelée.

Il résulte de l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que toute « personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial.

Encourt dès lors la cassation, une cour d'appel qui statue sur une requête en omission de statuer au vu des conclusions des parties non comparantes à l'audience, alors que, formulé en termes généraux et affirmatifs, un communiqué de presse du ministère de la justice diffusé par le Conseil national des barreaux annonçant la fermeture des juridictions, sauf en ce qui concerne les services assurant le traitement des contentieux essentiels, en vue de lutter contre la propagation de la corona virus disease (Covid)-19, était de nature à induire en erreur les parties en leur donnant l'assurance que l'affaire serait nécessairement renvoyée.

Droits de la défense – Partie n'ayant pas comparu à l'audience – Cas – Corona virus disease (COVID)-19

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Spie Batignolles génie civil du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [Z].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 mai 2020), l'établissement Pôle emploi a saisi une cour d'appel d'une requête en omission de statuer en vue de voir compléter le dispositif d'un précédent arrêt en date du 27 mars 2019 ayant statué dans un litige prud'homal opposant M. [Z] à la société Spie Batignolles TPCI, devenue Spie Batignolles génie civil. Après une réouverture des débats et plusieurs renvois, l'affaire a été de nouveau renvoyée au 16 mars 2020.

3. Un communiqué de presse du ministère de la justice, en date du 15 mars 2020 et diffusé le même jour par le Conseil national des barreaux, a annoncé que dès le lundi 16 mars 2020, les plans de continuation d'activité des services de la justice seraient actionnés pour lutter contre la propagation du Covid 19, avec la fermeture des juridictions sauf en ce qui concerne les services assurant le traitement des contentieux essentiels (audiences pénales urgentes, présentation devant le juge d'instruction et le juge des libertés et de la détention, audiences du juge des enfants pour les urgences, permanences du parquet, procédures d'urgences devant le juge civil notamment pour l'éviction du conjoint violent).

4. L'affaire a été retenue à l'audience du 16 mars 2020, la société Spie Batignolles n'ayant pas comparu.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. La société Spie Batignolles génie civil fait grief à l'arrêt de compléter le dispositif de l'arrêt du 27 mars 2019 en insérant les dispositions suivantes : « Dit que la société Spie Batignolles Génie Civil doit rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage qu'il a versées à M. [Z] à compter du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, et ce à concurrence de six mois d'indemnités », et de condamner la société Spie Batignolles génie civil à payer, à ce titre, à Pôle emploi la somme de 42 684,15 euros, alors « que le juge ne peut trancher un litige sur le fond sans que les parties aient été présentes ou représentées à l'audience et sans que celles-ci aient été mises en mesure de comparaître, y compris en matière de requête en omission de statuer ; qu'en l'espèce, la société Spie Batignolles Génie Civil faisait valoir qu'elle avait agi dans le respect des directives gouvernementales annonçant la fermeture des tribunaux et le report de l'ensemble des audiences à compter du lundi 16 mars 2020, sauf contentieux essentiels, de sorte qu'elle n'a ni comparu, ni été mise en mesure de comparaître à une audience qui, compte tenu de la situation sanitaire et des directives nationales, ne pouvait être tenue le 16 mars 2020 à 9 heures ; qu'en statuant néanmoins sur le fond de l'affaire et en affirmant que « les parties n'ayant pas comparu à l'audience du lundi 16 mars 2020 à 9 heures, qui n'était pas annulée, la cour statuera au vu des conclusions et pièces qu'elles ont déposées », la cour d'appel a violé les articles 14 et 463 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 14 et 463 du code de procédure civile, et l'article 6,§1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

6. Selon le premier de ces textes, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée.

7. Selon le deuxième, en matière d'omission de statuer, le juge statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées.

8. Il résulte du troisième que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial.

9. L'arrêt relève que l'instance d'appel étant soumise au régime de la représentation obligatoire, les parties ont été dûment appelées, un avis d'audience leur ayant été adressé par le réseau virtuel, et qu'elles n'ont pas comparu à l'audience du lundi 16 mars à 9 heures, qui n'était pas annulée, de sorte que la cour a statué au vu des conclusions et pièces déposées.

10. En statuant ainsi, alors que la fermeture des juridictions, à l'exception des services assurant le traitement de contentieux essentiels, annoncée dans le communiqué de presse en termes généraux et affirmatifs, était de nature à induire en erreur la société Spie Batignolles génie civil en lui donnant l'assurance que l'affaire, fixée le lendemain à 9 heures, serait nécessairement renvoyée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Durin-Karsenty - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 14 du code de procédure civile ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Com., 19 janvier 2022, n° 20-14.010, (B), FRH

Cassation partielle

Exception – Exception de nullité – Caractère perpétuel – Limites – Commencement d'exécution de l'acte – Exclusion – Réalisation d'une condition suspensive

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 janvier 2020) rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 15 mars 2017, pourvois n° 15-16.609 et 15-17.589), M. [J] et la société Blace finance ont conclu le 5 mai 2000 avec la société A7 Management une promesse de cession de leurs parts sociales constituant la totalité du capital de la Sarl Sehb exploitant un hôtel situé à Biarritz, dont la gestion a été confiée à la société A7 Management jusqu'en 2005 puis à la société Techniques et Management hôteliers (la société TMH).

La cession était subordonnée à la réalisation de conditions suspensives tenant notamment au remboursement échelonné par la société Sehb du solde créditeur des comptes courants détenus par les promettants.

La société Sehb, mise en redressement judiciaire le 19 juillet 2009, a fait l'objet d'un plan de continuation en exécution duquel des augmentations de capital ont été souscrites par les sociétés Agena, Gargantua, Hôtel de [Localité 12], Du bois fleuri, Anne de France et [Localité 11] Hôtel et par M. [R].

2. Reprochant à M. [J] et à la société Blace finance de refuser de lui céder les parts de la société Sehb en exécution de la promesse et d'avoir convoqué irrégulièrement les assemblées d'associés ayant décidé les augmentations de capital, la société A7 Management les a assignés, ainsi que les sociétés Agena, Gargantua, Hôtel de [Localité 12], Du bois fleuri, Anne de France, [Localité 11] Hôtel et M. [R] afin que lui soit reconnue la qualité d'associée à 100 % dans le capital de la société Sehb et d'obtenir le paiement de dommages-intérêts ainsi que l'annulation des augmentations de capital et des parts sociales émises.

Examen des moyens

Sur les troisième et quatrième moyens du pourvoi principal, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

4. La société A7 Management fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la saisine de la cour de renvoi à l'égard de la société TMH, alors « que la mise hors de cause de la société TMH par la Cour de cassation dans son arrêt du 15 mars 2017 résultant d'une erreur de procédure non imputable aux parties, le rabat de cet arrêt de ce chef entraînera, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt de la cour d'appel de renvoi du 7 janvier 2020 en ce qu'il a déclaré irrecevable sa saisine à l'égard de cette société. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 625 du code de procédure civile :

5. Par arrêt du 23 juin 2021 (pourvois n° 15-16.609 et 15-17.589), la chambre commerciale, financière et économique a ordonné le rabat de son arrêt du 15 mars 2017 rendu dans la présente affaire, en ce qu'il avait mis hors de cause la société TMH.

6. Il en résulte que l'arrêt déféré, en ce qu'il a déclaré irrecevable la saisine de la cour d'appel de renvoi à l'égard de cette société par suite de cette mise hors de cause, se trouve dépourvu de fondement et que la cassation est encourue de ce chef.

Et sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. M. [J] et les sociétés Blace finance, Agena, Anne de France, Du bois fleuri, Hôtel de [Localité 12], et [Localité 11] Hôtel font grief à l'arrêt de déclarer la société A7 Management recevable et fondée en sa demande tendant à voir constater le caractère parfait de la cession au 3 septembre 2010, de confirmer le jugement sur ce point et en ce qu'il ordonne à M. [J] et à la société Blace Finance d'acter ce transfert de parts et de remettre à A7 Management sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé un délai de 15 jours suivant la signification du jugement, les actes de cession portant sur ces parts, établis au nom de A7 Management, et de dire parfaite, à la date du 3 septembre 2010, la cession des parts de la société Sehb, objet de la promesse signée le 5 mai 2000, alors « que la condition suspensive est étrangère à l'exécution du contrat dès lors qu'elle concerne sa formation ; qu'ayant constaté que le paiement de comptes courants était l'objet de conditions suspensives, il était par hypothèse exclu que l'arrêt retienne que le paiement révélait une exécution du contrat et que cette exécution fasse obstacle au caractère perpétuel de l'exception de nullité ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 1168 ancien du code civil, ensemble la règle suivant laquelle l'exception de nullité est perpétuelle. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1168 et 1304 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

8. Il résulte de ces textes qu'après l'expiration du délai de prescription de l'action en annulation d'un acte, l'exception de nullité ne peut être invoquée que pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte qui n'a pas encore été exécuté ou n'a pas reçu un commencement d'exécution.

9. Pour déclarer irrecevable l'exception de nullité opposée par M. [J] et la société Blace finance, l'arrêt constate qu'il a été procédé au règlement des comptes courants et que ce règlement correspond à deux des conditions suspensives prévues dans la promesse. Il en déduit que les paiements intervenus pour solder les créances de comptes courants visées à l'acte s'analysent en un commencement d'exécution de la promesse, peu important que le débiteur de cette obligation soit la société Sehb, dès lors que ce règlement conditionnait le transfert des parts.

10. En statuant ainsi, alors qu'une condition suspensive fait dépendre l'obligation souscrite d'un événement futur et incertain mais ne constitue pas l'objet de l'obligation, de sorte que la réalisation de la condition ne constitue pas l'exécution, même partielle, de cette obligation et ne peut, par suite, faire échec au caractère perpétuel d'une exception de nullité, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. L'examen de la validité de la cession étant préalable à celui de son opposabilité, il s'ensuit que ne peuvent être maintenues les dispositions de l'arrêt qui, après avoir dit que la société A7 Management était recevable et fondée en sa demande tendant à voir constater le caractère parfait de la cession de parts litigieuse au 3 septembre 2010, ont déclaré la cession inopposable à la société Sehb et aux personnes ayant souscrit aux augmentations de capital de cette dernière après cette date.

12. La cassation prononcée entraîne donc celle des dispositions de l'arrêt qui ont statué sur l'opposabilité de la cession et ses conséquences, ce qui rend sans objet l'examen du deuxième moyen du pourvoi principal.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen du pourvoi principal et sur les autres griefs du pourvoi incident, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la saisine de la cour de renvoi à l'égard de la société Techniques et Management hôteliers, en ce qu'il dit la société A7 Management recevable et fondée en sa demande tendant à voir constater le caractère parfait de la cession au 3 septembre 2010 et condamne la société A7 Management à payer à M. [J] et à la société Blace finance le prix de cession, en ce qu'il dit que la cession de parts n'est pas opposable à la société Sehb ainsi qu'aux personnes ayant souscrit aux augmentations de capital, et en ce qu'il dit que la société A7 Management est irrecevable à agir en annulation des augmentations de capital réalisées dans le cadre du plan de redressement et à exercer l'action sociale, l'arrêt rendu le 7 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Guérin (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Ponsot - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Bouzidi et Bouhanna ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles 1168 et 1304 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Rapprochement(s) :

Sur la mise en oeuvre de l'exception de nullité : Com., 13 mai 2014, pourvoi n° 12-28.013, Bull. 2014, IV, n° 84 (rejet).

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