Numéro 1 - Janvier 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2022

PRET

1re Civ., 5 janvier 2022, n° 20-17.325, (B), FS

Cassation partielle

Prêt d'argent – Prêteur – Etablissement de crédit – Responsabilité – Action en justice – Caution – Prescription – Délai – Point de départ – Mise en demeure de payer les sommes dues par l'emprunteur – Applications diverses

Prêt d'argent – Prêteur – Etablissement de crédit – Responsabilité – Action en justice – Emprunteur non averti – Prescription – Délai – Point de départ – Premier incident de paiement – Applications diverses

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 mars 2020), suivant offre acceptée du 2 août 2006, la société le Crédit lyonnais (la banque) a consenti à la société civile immobilière du Louvre (l'emprunteur) un prêt de 129 970 euros, garanti par la société Crédit logement (la caution professionnelle), puis par M. [T] et Mme [N] (les cautions) les 24 juillet et 8 août 2006. A la suite d'échéances impayées à compter du 15 août 2013, la banque a prononcé la déchéance du terme le 8 février 2015.

2. Après avoir réglé le solde du prêt à la banque, la caution professionnelle a assigné, le 11 août 2015, l'emprunteur et les cautions en paiement, lesquelles ont, le 22 mars 2017, appelé la banque en intervention forcée et garantie, en invoquant une disproportion des engagements de caution et un manquement de celle-ci à son devoir de mise en garde, ainsi qu'un défaut d'information annuelle des cautions.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

3. L'emprunteur et les cautions font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites les demandes formées par celles-ci à l'encontre de la banque, au titre d'un manquement à son obligation d'information annuelle, alors « que la prétention de la caution fondée sur le défaut d'information annuelle de la caution, lorsqu'elle tend seulement au rejet de la demande en paiement des intérêts au taux contractuel formée par la banque à son encontre constitue un moyen de défense au fond sur lequel la prescription est sans incidence ; que M. [T] et Mme [N] faisaient valoir que le moyen tiré du défaut d'information annuelle de la caution avait été soulevé par les cautions en tant que défense au fond aux fins de voir le créancier débouté de sa demande en paiement au titre des intérêts et de voir le montant qu'ils seraient susceptibles de rester devoir au créancier réduit au seul capital, déduction faite des intérêts contractuels payés par le débiteur principal et à tout le moins demandaient la condamnation de la banque à les garantir à hauteur du montant total correspondant aux intérêts contractuels payés et à payer ; qu'en se bornant à affirmer que la demande de déchéance des intérêts ne pouvait concerner que la période antérieure à 2011 et qu'elle était nécessairement prescrite, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la prétention de la caution fondée sur le défaut d'information annuelle ne constituait pas un moyen de défense au fond sur lequel la prescription était sans incidence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 64 et 71 du code de procédure civile, ensemble de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier. »

Réponse de la Cour

4. Dès lors qu'elle a retenu que les cautions poursuivaient la banque en garantie et ne s'opposaient pas à une demande formée par celle-ci à leur encontre et que leurs prétentions, fondées sur le non-respect par la banque de son obligation d'information annuelle, constituaient une demande soumise à la prescription et non un moyen de défense, la cour d'appel a procédé à la recherche prétendument omise et légalement justifié sa décision.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. L'emprunteur et les cautions font grief à l'arrêt de condamner celles-ci à payer à la caution professionnelle les sommes de 9 676,39 euros et de 95 578,31 euros, outre des intérêts, alors « qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; que la sanction ainsi prévue prive le contrat de cautionnement d'effet à l'égard tant du créancier que des cofidéjusseurs lorsque, ayant acquitté la dette, ils exercent leur action récursoire ; qu'en l'espèce, M. [T] et Mme [N] sollicitaient, en leur qualité de cautions, de voir juger que leurs engagements souscrits au profit de la banque étaient manifestement disproportionnés et faisaient valoir qu'ils pouvaient se prévaloir des dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation à l'encontre de tout créancier, en ce y compris une autre caution ; que pour écarter le moyen opposé par M. [T] et Mme [N] en leur qualité de caution, à la caution professionnelle, cofidéjusseur ayant payé la banque aux lieu et place de l'emprunteur, tiré de la disproportion de leur engagement de caution par rapport à leurs biens et revenus, la cour d'appel a considéré qu'étranger au contrat de prêt, la caution professionnelle, qui exerçait son recours personnel ne pouvait se voir opposer par les cautions les exceptions et moyens opposables au créancier principal comme la disproportion de leur engagement de caution ; qu'en statuant ainsi, elle a violé les articles L. 341-4, devenu L. 332-1 du code de la consommation, ensemble les articles 2305 et 2310 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 341-4, devenu L. 332-1, du code de la consommation et les articles 2305 et 2310 du code civil :

6. Aux termes du premier de ces textes, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

7. La sanction ainsi prévue prive le contrat de cautionnement d'effet à l'égard tant du créancier que des cofidéjusseurs lorsque, ayant acquitté la dette, ils exercent leur action récursoire.

8. Pour condamner les cautions à payer à la caution professionnelle les sommes qu'elle a acquittées, l'arrêt retient que celle-ci, qui est étrangère au contrat de prêt et qui exerce un recours personnel, ne peut se voir opposer par les cautions les exceptions et moyens opposables au créancier principal comme la disproportion de leur engagement de caution.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. L'emprunteur et les cautions font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites les demandes formées par celles-ci à l'encontre de la banque, au titre de la disproportion de leur engagement, alors « que le délai de prescription de l'action d'une caution à l'encontre d'une banque, aux fins de faire sanctionner un engagement disproportionné au regard de son patrimoine et de ses ressources, commence à courir, non à partir de la souscription du cautionnement, mais à partir du jour où la caution a eu connaissance de ce que les obligations résultant de son engagement de caution allaient être mises à exécution par le créancier ; qu'en retenant que la disproportion de l'engagement de caution s'appréciait aux dates de conclusion de l'engagement de caution, signés les 24 juillet et 8 août 2006 de sorte qu'à la date de l'assignation de la banque en intervention forcée du 22 mars 2017, l'action de M.[T] et Mme [N], cautions, était prescrite, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2224 du code civil :

11. Il résulte de ce texte que l'action en responsabilité de la caution à l'encontre du prêteur fondée sur une disproportion de son engagement se prescrit par cinq ans à compter du jour de la mise en demeure de payer les sommes dues par l'emprunteur en raison de sa défaillance, permettant à la caution d'appréhender l'existence éventuelle d'une telle disproportion.

12. Pour déclarer les demandes formées par les cautions à l'encontre de la banque irrecevables comme prescrites, l'arrêt retient, d'une part, que la disproportion s'apprécie au jour de la conclusion des engagements et qu'ils ont été signés les 24 juillet et 8 août 2006, d'autre part, que l'assignation de la banque en intervention forcée date du 22 mars 2017.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

14. L'emprunteur et les cautions font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites les demandes formées par le premier à l'encontre de la banque, au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde, alors « que le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité du débiteur ou de la caution à l'encontre d'une banque, pour manquement à son obligation de mise en garde, doit être fixé, non au jour de la conclusion du contrat de prêt ou du contrat de cautionnement, mais au jour où le débiteur ou la caution a su, par la mise en demeure qui lui était adressée, que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution par le créancier ; qu'en décidant que l'emprunteur ayant accepté l'offre de prêt immobilier le 2 août 2006 et les cautions ayant signé leur engagement de caution solidaire les 24 juillet et 8 août 2006, leur demande était prescrite, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil, ensemble l'article 1147 ancien du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2224 du code civil :

15. Il résulte de ce texte que l'action en responsabilité de l'emprunteur non averti à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement, permettant à l'emprunteur d'appréhender l'existence et les conséquences éventuelles d'un tel manquement.

16. Pour déclarer les demandes formées par l'emprunteur à l'encontre de la banque irrecevables comme prescrites, l'arrêt retient, d'une part, que le dommage résultant d'un manquement au devoir de mise en garde se manifeste dès l'octroi du crédit et que l'offre de prêt a été acceptée le 2 août 2006, d'autre part, que l'assignation de la banque en intervention forcée date du 22 mars 2017.

17. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne solidairement la SCI du Louvre, M. [T] et Mme [N] à payer à la société Crédit logement les sommes de 9 676,39 euros, outre intérêts au taux légal à compter à compter du 25 août 2014 et de 95 578,31 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2015, et en ce qu'il déclare les demandes de la SCI du Louvre, de M. [T] et de Mme [N] à l'encontre de la société le Crédit lyonnais irrecevables comme prescrites, l'arrêt rendu le 19 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Champ - Avocat général : Mme Mallet-Bricout - Avocat(s) : SARL Cabinet Munier-Apaire ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article L. 341-4, devenu L. 332-1, du code de la consommation ; article 2224 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur la disproportion de l'engagement de caution : 1re Civ., 26 septembre 2018, pourvoi n° 17-17.903, Bull. 2018, I, n° 159 (cassation partielle). Sur l'action en responsabilité de l'emprunteur non averti : 1re Civ., 9 juillet 2009, pourvoi n° 08-10.820, Bull. 2009, I, n° 172 (rejet) ; 2e Civ., 18 mai 2017, pourvoi n° 16-17.754, Bull. 2017, II, n° 102 (cassation partielle).

1re Civ., 5 janvier 2022, n° 20-18.893, (B), FS

Cassation partielle

Prêt d'argent – Prêteur – Etablissement de crédit – Responsabilité – Action en justice – Prescription – Délai – Point de départ – Premier incident de paiement – Applications diverses

Il résulte de l'article 2224 du code civil que l'action en responsabilité de l'emprunteur non averti à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement, permettant à l'emprunteur d'appréhender l'existence et les conséquences éventuelles d'un tel manquement.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 juin 2019), suivant offre acceptée du 14 janvier 2013, la société Bred banque populaire (la banque) a consenti à M. et Mme [F] un prêt professionnel destiné au rachat d'une licence de taxi.

2. Des échéances étant demeurées impayées à compter du 25 octobre 2015 et M. [F] ayant été placé en redressement judiciaire le 11 avril 2016, la banque a, le 3 juin 2016, assigné Mme [F] en paiement.

En appel, celle-ci a sollicité, par conclusions du 8 février 2018, des dommages-intérêts au titre d'un manquement de la banque à son devoir de mise en garde.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Mme [F] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite sa demande de dommages-intérêts, alors « que le dommage résultant du manquement d'une banque à son obligation de mettre en garde un emprunteur non averti sur le risque d'endettement excessif né de l'octroi d'un prêt consiste en la perte d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, ce risque étant que l'emprunteur ne soit pas en mesure de faire face au paiement des sommes exigibles au titre du prêt ; qu'en conséquence, le délai de prescription de l'action en indemnisation d'un tel dommage commence à courir, non à la date de conclusion du contrat de prêt, mais à la date d'exigibilité des sommes au paiement desquelles l'emprunteur n'est pas en mesure de faire face ; qu'en retenant, au contraire, que le dommage résultant d'un manquement à l'obligation de mise en garde se manifesterait dès l'octroi du crédit, pour en déduire qu'en l'espèce, le délai de prescription de cinq ans aurait commencé à courir dès la date de souscription du contrat, le 14 janvier 2013, et qu'il aurait déjà été « acquis » lorsque l'exposante a formé sa demande de dommages-intérêts, pour la première fois, le 8 février 2018, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. La banque conteste la recevabilité du moyen tiré de la prescription, en raison de sa nouveauté.

5. Cependant, ce moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations de l'arrêt, est de pur droit.

6. Il est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 2224 du code civil :

7. Il résulte de ce texte que l'action en responsabilité de l'emprunteur non averti à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement, permettant à l'emprunteur d'appréhender l'existence et les conséquences éventuelles d'un tel manquement.

8. Pour déclarer prescrite la demande de dommages-intérêts, l'arrêt énonce que le délai de prescription court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance, que le dommage résultant d'un manquement au devoir de mise en garde se manifeste dès l'octroi du crédit, que le délai de prescription a commencé à courir dès la date de souscription du contrat, le 14 janvier 2013, et que la demande a été formulée pour la première fois le 8 février 2018.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable comme prescrite la demande en dommages-intérêts formée par Mme [F], l'arrêt rendu le 20 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Champ - Avocat général : Mme Mallet-Bricout - Avocat(s) : SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer ; SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Article 2224 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 9 juillet 2009, pourvoi n° 08-10.820, Bull. 2009, I, n° 172 (rejet) ; 2e Civ., 18 mai 2017, pourvoi n° 16-17.754, Bull. 2017, II, n° 102 (cassation partielle).

1re Civ., 5 janvier 2022, n° 19-24.436, (B), FS

Rejet

Prêt d'argent – Prêteur – Etablissement de crédit – Responsabilité – Obligation de conseil – Assurance groupe – Action en justice – Prescription – Délai – Point de départ – Connaissance du défaut de garantie du risque assuré – Applications diverses

Il résulte de l'article 2224 du code civil que, lorsqu'un emprunteur a adhéré à un contrat d'assurance de groupe souscrit par le prêteur à l'effet de garantir l'exécution de tout ou partie de ses engagements, le délai de prescription de son action en responsabilité au titre d'un manquement du prêteur au devoir d'information et de conseil sur les risques couverts court à compter du jour où il a connaissance du défaut de garantie du risque qui s'est réalisé.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 19 septembre 2019) et les productions, le 27 décembre 2007, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Languedoc (la banque) a consenti à M. [Z] (l'emprunteur) un prêt immobilier.

2. Des échéances étant demeurées impayées, la banque a prononcé la déchéance du terme le 23 mai 2014 et assigné l'emprunteur en paiement le 8 septembre 2014.

Par conclusions du 2 septembre 2016, celui-ci a sollicité l'annulation du contrat pour non-respect du délai légal de réflexion et des dommages-intérêts au titre de manquements de la banque, d'une part, à son obligation de mise en garde lors de l'octroi du prêt, d'autre part, à son obligation d'information et de conseil au titre de l'assurance souscrite.

Examen des moyens

Sur les troisième et quatrième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes de dommages-intérêts formées à l'encontre de la banque et de le condamner à payer diverses sommes avec intérêts et capitalisation, alors :

« 1°/ que la prescription de l'action en responsabilité du banquier pour manquement au devoir de mise en garde court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en considérant que le dommage se manifestait envers l'emprunteur dès l'octroi du crédit, de sorte que le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité pour manquement au devoir de mise en garde devait être fixé à la date de souscription du contrat de prêt, quand l'existence d'un devoir de mise en garde pesant sur le banquier suppose, par hypothèse, que l'emprunteur n'est pas apte à prendre seul conscience des risques consécutifs à ce crédit au jour où l'opération est conclue, risques dont il ne peut se convaincre qu'au moment où ils se réalisent, la cour d'appel a violé l'ancien article 1147 du code civil, ensemble l'article 2224 du code civil ;

2°/ que la prescription de l'action en responsabilité du banquier court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en l'espèce, l'emprunteur faisait valoir que le dommage s'était révélé à lui lors du premier incident de paiement non régularisé constaté au mois de décembre 2013 ; qu'en se bornant à énoncer, pour déclarer irrecevables les demandes d'indemnisation de l'emprunteur à l'encontre de la banque, que le point de départ de la prescription quinquennale était la date de souscription du contrat de prêt et que la demande formée le 2 septembre 2016 était dès lors atteinte par la prescription, sans rechercher si le dommage ne s'était pas révélé lors des difficultés de l'emprunteur à rembourser les échéances du prêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil, ensemble de l'ancien article 1147 du code civil ;

3°/ que le motif que la cour d'appel a tiré de la qualité d'emprunteur prétendument averti de M. [Z], qui a trait à l'appréciation du bien-fondé de l'action en responsabilité et non à sa recevabilité, ne saurait donner une base légale à l'arrêt d'irrecevabilité qui a été prononcé, au regard de l'article 2224 du code civil, ensemble de l'article 122 du code de procédure civile ;

4°/ qu'a seul la qualité d'emprunteur averti, celui qui dispose des compétences nécessaires pour apprécier le risque de l'endettement né de l'octroi du prêt, compte tenu de ses qualités subjectives et de la complexité de l'opération ; qu'en se bornant à relever que l'emprunteur était à l'époque de la conclusion du prêt, en janvier 2008, depuis quelques mois associé majoritaire de la Sarl AB Immobilier dont l'objet était la transaction immobilière, l'achat et la revente de biens et qu'il était par ailleurs gérant d'une SCI dont l'objet était la location de terrains et autres biens immobiliers inscrite au RCS depuis janvier 2000, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir que l'emprunteur avait des connaissances en matière financière et une expérience des mécanismes d'endettement et était ainsi averti, a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1147 du code civil, ensemble de l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Le prêteur n'est tenu d'un devoir de mise en garde qu'à l'égard d'un emprunteur non averti.

6. Après avoir relevé qu'à la date de la conclusion du prêt, l'emprunteur était associé majoritaire d'une société créée par lui en 2001 et ayant pour objet la transaction immobilière et était gérant d'une société civile immobilière ayant pour objet la location de terrains et autres biens immobiliers inscrite au registre du commerce depuis janvier 2000 et que l'exercice de ces fonctions lui avait permis d'acquérir une expérience professionnelle et une connaissance certaine du monde des affaires, la cour d'appel en a souverainement déduit que l'emprunteur était averti.

7. Dès lors, c'est à bon droit et sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante qu'elle a écarté le point de départ de la prescription invoqué par l'emprunteur et a ainsi légalement justifié sa décision.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

8. L'emprunteur fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; que le dommage résultant d'un manquement du souscripteur d'une assurance de groupe à son devoir de conseil envers l'assuré sur l'adéquation de la garantie souscrite à ses besoins ne se manifeste qu'au moment où l'emprunteur prend conscience de l'inadéquation de la garantie qu'il a souscrite ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action indemnitaire de l'emprunteur exercée à l'encontre de la banque, la cour d'appel a considéré que le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité pour manquement à l'obligation d'information et de conseil se situait à la date de souscription du contrat de prêt ; qu'en se prononçant ainsi, quand le point de départ du délai de prescription ne pouvait être fixé avant la prise de conscience par l'emprunteur de l'inadéquation de la garantie souscrite à ses besoins personnels, seul événement de nature à révéler le dommage résultant du manquement du souscripteur de l'assurance de groupe à son devoir d'information et de conseil, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil ;

2°/ que subsidiairement la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action indemnitaire exercée par l'emprunteur à l'encontre de la banque, la cour d'appel a considéré que le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité pour manquement à l'obligation d'information et de conseil se situait à la date de souscription du contrat de prêt dès lors que l'emprunteur avait déjà contracté au moins deux prêts qu'il avait remboursés en totalité et qu'il ne pouvait, après avoir signé l'offre de prêt, l'acte de cautionnement et la garantie CAMCA qui ne prévoyait pas l'assurance perte d'emploi mais seulement l'incapacité et le décès, et après avoir pris connaissance des conditions du contrat d'assurance, se méprendre sur ce à quoi il s'engageait ; qu'en se prononçant ainsi, par des motifs impropres à caractériser en quoi l'emprunteur avait pu, dès la conclusion du contrat de prêt, se rendre compte du caractère inadapté de la garantie proposée à ses propres besoins, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

9. Il résulte de l'article 2224 du code civil que, lorsqu'un emprunteur a adhéré à un contrat d'assurance de groupe souscrit par le prêteur à l'effet de garantir l'exécution de tout ou partie de ses engagements, le délai de prescription de son action en responsabilité au titre d'un manquement du prêteur au devoir d'information et de conseil sur les risques couverts court à compter du jour où il a connaissance du défaut de garantie du risque qui s'est réalisé.

10. La cour d'appel, devant laquelle l'emprunteur soutenait qu'à compter de son licenciement prononcé en mai 2010, les échéances du prêt n'avaient pu être prises en charge par l'assureur, a constaté qu'il avait invoqué pour la première fois, le 2 septembre 2016, un manquement de la banque à son devoir de conseil.

11. Il s'en déduit que la demande en dommages-intérêts, qui a été introduite au-delà du délai de prescription quinquennale, était prescrite.

12. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions des articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Champ - Avocat général : Mme Mallet-Bricout - Avocat(s) : SARL Cabinet Munier-Apaire ; SCP Capron -

Textes visés :

Article 2224 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 9 juillet 2009, pourvoi n° 08-10.820, Bull. 2009, I, n° 172 (rejet) ; 2e Civ., 18 mai 2017, pourvoi n° 16-17.754, Bull. 2017, II, n° 102 (cassation partielle).

1re Civ., 5 janvier 2022, n° 20-16.031, (B), FS

Cassation partielle

Prêt d'argent – Prêteur – Etablissement de crédit – Responsabilité – Obligation de conseil – Assurance groupe – Action en justice – Prescription – Délai – Point de départ – Connaissance du défaut de garantie du risque assuré – Applications diverses

Il résulte des articles L. 110-4 du code de commerce et 2224 du code civil que, lorsqu'un emprunteur a adhéré à un contrat d'assurance de groupe souscrit par le prêteur à l'effet de garantir l'exécution de tout ou partie de ses engagements, le délai de prescription de son action en responsabilité au titre d'un manquement du prêteur au devoir d'information et de conseil sur les risques couverts court à compter du jour où il a connaissance du défaut de garantie du risque qui s'est réalisé.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 19 février 2020), suivant offre acceptée le 5 septembre 2007, la caisse de Crédit mutuel [Localité 3] [Localité 4] (la banque) a consenti à M. et Mme [T] [W] [F] (les emprunteurs) un prêt immobilier.

Le 27 juin 2007, M. [T] [W] [F] a adhéré au contrat d'assurance de groupe proposé par la banque sans souscrire la garantie perte d'emploi. Il a été licencié le 26 mars 2009. A la suite d'impayés, la banque a prononcé la déchéance du terme.

2. Soutenant que divers frais n'avaient pas été pris en compte dans le calcul du taux effectif global et que la banque avait manqué à ses devoirs d'information et de mise en garde quant aux risques couverts par l'assurance, les emprunteurs ont, le 21 novembre 2013, assigné la banque en déchéance de son droit aux intérêts, annulation de la stipulation de l'intérêt conventionnel, responsabilité et indemnisation.

La banque a opposé une fin de non-recevoir tirée de la prescription.

Examen des moyens

Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite leur demande en dommages-intérêts pour manquement de la banque à ses devoirs d'information et de conseil, alors « que le dommage résultant d'un manquement au devoir de conseil dû à l'assuré sur l'adéquation de la garantie souscrite à ses besoins se réalise au moment du refus de garantie opposé par l'assureur ; qu'en fixant le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité pour manquement au devoir d'information et de conseil relatif aux risques couverts par l'assurance emprunteur à une date antérieure à la réalisation du risque non couvert, à savoir le licenciement de M. [T], et donc antérieure à la réalisation du préjudice, la cour d'appel a violé les articles L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à l'espèce, et 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 110-4 du code de commerce et 2224 du code civil :

5. Il résulte de ces textes que, lorsqu'un emprunteur a adhéré à un contrat d'assurance de groupe souscrit par le prêteur à l'effet de garantir l'exécution de tout ou partie de ses engagements, le délai de prescription de son action en responsabilité au titre d'un manquement du prêteur au devoir d'information et de conseil sur les risques couverts court à compter du jour où il a connaissance du défaut de garantie du risque qui s'est réalisé.

6. Pour déclarer irrecevable l'action en responsabilité des emprunteurs, l'arrêt fixe le point de départ du délai de prescription le 27 juin 2007 et en déduit que la prescription de l'action était acquise le 19 juin 2013, à l'expiration du nouveau délai quinquennal courant à compter du 19 juin 2008.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de M. et Mme [T] [W] [F] en responsabilité de la caisse de Crédit mutuel [Localité 3] [Localité 4] pour manquement à ses devoirs d'information et de mise en garde, l'arrêt rendu le 19 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Serrier - Avocat général : Mme Mallet-Bricout - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; Me Le Prado -

Textes visés :

Article L 110-4 du code de commerce ; article 2224 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 9 juillet 2009, pourvoi n° 08-10.820, Bull. 2009, I, n° 172 (rejet) ; 2e Civ., 18 mai 2017, pourvoi n° 16-17.754, Bull. 2017, II, n° 102 (cassation partielle).

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