Numéro 1 - Janvier 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2022

PRESCRIPTION CIVILE

1re Civ., 5 janvier 2022, n° 20-16.350, (B), FRH

Rejet

Délai – Point de départ – Action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 26 mai 2020), suivant offre acceptée le 11 mars 2004, la société Crédit lyonnais (la banque) a consenti à M. [L] et à Mme [O] (les emprunteurs) un prêt immobilier.

2. Le 11 décembre 2015, les emprunteurs ont assigné la banque en annulation de la clause stipulant l'intérêt conventionnel, puis sollicité, à titre subsidiaire, la déchéance du droit aux intérêts par voie de conclusions.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite leur demande de déchéance du droit aux intérêts, alors :

« 1°/ que le point de départ du délai de prescription de l'action tendant à obtenir la déchéance du droit aux intérêts doit être fixé, lorsque l'emprunteur est un consommateur, à la date où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant le taux effectif global, c'est-à-dire à la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur et, lorsque tel n'est pas le cas, à la date de la révélation de celle-ci à l'emprunteur ; que lorsque l'emprunteur invoque plusieurs erreurs, le point de départ du délai doit être fixé distinctement pour chacune des erreurs invoquées à la date où chacune d'entre elles a été révélée à l'emprunteur ; qu'en retenant pourtant que « la prescription de l'action ne s'apprécie pas grief par grief de sorte que la découverte d'erreurs dont les emprunteurs n'ont pu avoir connaissance par la seule lecture du contrat ne permet pas de reporter le point de départ de la prescription lorsque certains des griefs invoqués étaient détectables par le simple examen de l'offre », la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du code de commerce, ensemble l'article L. 312-33 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause ;

2°/ que le point de départ du délai de prescription de l'action tendant à obtenir la déchéance du droit aux intérêts doit être fixé, lorsque l'emprunteur est un consommateur, à la date où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant le taux effectif global, c'est-à-dire à la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur et, lorsque tel n'est pas le cas, à la date de la révélation de celle-ci à l'emprunteur ; que le point de départ du délai de prescription doit être fixé à la date où l'emprunteur peut, par lui-même et sans recourir aux services d'un tiers, se convaincre de l'erreur ; qu'en retenant pourtant que les emprunteurs pouvaient, dès la date d'acceptation de l'offre de prêt dont la lecture leur permettait de constater que les intérêts avaient été calculés sur la base d'une année de trois cent soixante jours, « mandater un analyste pour établir des calculs et vérifier les autres conditions du prêt », la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du code de commerce, ensemble l'article L. 312-33 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

4. Ayant relevé qu'au soutien de leur action en déchéance du droit aux intérêts, les emprunteurs invoquaient notamment le recours à une année de trois cent soixante jours pour calculer les intérêts conventionnels, puis souverainement estimé qu'ils avaient pu déceler une telle irrégularité à la simple lecture de l'offre de prêt qui mentionnait cette base de calcul, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que le point de départ du délai de prescription de l'action devait être fixé au jour de l'acceptation de l'offre, sans report possible tiré de la révélation postérieure des autres irrégularités invoquées, et en a déduit que l'action des emprunteurs était prescrite.

5. Le moyen, inopérant en sa seconde branche qui critique des motifs surabondants, n'est donc pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Vitse - Avocat(s) : SCP Delamarre et Jehannin ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article L. 312-33 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause ; article L. 110-4 du code de commerce.

2e Civ., 20 janvier 2022, n° 20-15.717, (B), FRH

Rejet

Prescription décennale – Article 2226 du code civil – Domaine d'application – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 février 2020), le 20 juillet 1986, M. [D] circulait au guidon d'une motocyclette non assurée, qui a été impliquée dans un accident de la circulation ayant causé des blessures à Mme [R], sa passagère.

2. L'état séquellaire de Mme [R] s'est aggravé à deux reprises, le 1er décembre 1992 et le 13 mars 1997.

3. M. [D] a assigné le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) devant un tribunal de grande instance aux fins de restitution de sommes qu'il estimait indûment versées, à la suite de recouvrements forcés par les services fiscaux.

Le FGAO a formé des demandes reconventionnelles en paiement au titre des sommes versées à Mme [R] en réparation des deux aggravations successives de son préjudice.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. M. [D] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au FGAO la somme de 125 522,21 euros en réparation de l'aggravation du préjudice corporel de Mme [R], constatée le 13 mars 1997 alors :

« 1°/ que le FGAO, subrogé dans les droits de la victime qu'il indemnise, est soumis à la prescription applicable à l'action de cette dernière contre le responsable, laquelle court à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation, et non à compter du paiement fait à la victime ; que, pour juger que la prescription n'était pas acquise, la cour d'appel, qui a fixé pour points de départ les jours des paiements effectués par le fonds à la victime, et non la date de l'aggravation du dommage, a violé l'article 2270-1 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article L. 421-3 du code des assurances ;

2°/ que le FGAO, subrogé dans les droits de la victime qu'il indemnise, est soumis à la prescription applicable à l'action de cette dernière contre le responsable, laquelle court, pour un délai de dix ans, à compter de l'aggravation du dommage ; que la cour d'appel, qui a retenu que la seconde aggravation du dommage avait été constatée par un certificat médical du 13 mars 1997, ce dont il résultait que, le recours subrogatoire du Fonds ayant été exercé, selon la cour, par conclusions reconventionnelles du 5 juin 2018, la prescription était acquise, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constations, en violation de l'article 2270-1 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article L. 421-3 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte de l'article 2226 du code civil que l'action en responsabilité, née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel, se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage, initial ou aggravé, de la victime directe ou indirecte des préjudices. Il s'ensuit que l'action subrogatoire du FGAO en remboursement des sommes versées à la victime est soumise à la même règle.

7. Pour dire non prescrite l'action subrogatoire du FGAO, l'arrêt constate que la consolidation de la seconde aggravation de l'état de santé de Mme [R] a été fixée au 20 décembre 2010 par l'expert amiable et que le FGAO a sollicité, par conclusions du 5 juin 2018, la condamnation de M. [D] à lui payer la somme de 125 522,21 euros, versée par le Fonds en réparation du préjudice corporel qui résultait de cette aggravation.

8. Il en résulte que cette demande formée, à titre subrogatoire, par le FGAO contre M. [D] n'était pas prescrite.

9. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt déféré se trouve légalement justifié.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bouvier - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SARL Delvolvé et Trichet -

Textes visés :

Article 2226 du code civil.

1re Civ., 5 janvier 2022, n° 19-24.436, (B), FS

Rejet

Prescription quinquennale – Article L. 110-4 du code de commerce – Délai – Point de départ – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 19 septembre 2019) et les productions, le 27 décembre 2007, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Languedoc (la banque) a consenti à M. [Z] (l'emprunteur) un prêt immobilier.

2. Des échéances étant demeurées impayées, la banque a prononcé la déchéance du terme le 23 mai 2014 et assigné l'emprunteur en paiement le 8 septembre 2014.

Par conclusions du 2 septembre 2016, celui-ci a sollicité l'annulation du contrat pour non-respect du délai légal de réflexion et des dommages-intérêts au titre de manquements de la banque, d'une part, à son obligation de mise en garde lors de l'octroi du prêt, d'autre part, à son obligation d'information et de conseil au titre de l'assurance souscrite.

Examen des moyens

Sur les troisième et quatrième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes de dommages-intérêts formées à l'encontre de la banque et de le condamner à payer diverses sommes avec intérêts et capitalisation, alors :

« 1°/ que la prescription de l'action en responsabilité du banquier pour manquement au devoir de mise en garde court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en considérant que le dommage se manifestait envers l'emprunteur dès l'octroi du crédit, de sorte que le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité pour manquement au devoir de mise en garde devait être fixé à la date de souscription du contrat de prêt, quand l'existence d'un devoir de mise en garde pesant sur le banquier suppose, par hypothèse, que l'emprunteur n'est pas apte à prendre seul conscience des risques consécutifs à ce crédit au jour où l'opération est conclue, risques dont il ne peut se convaincre qu'au moment où ils se réalisent, la cour d'appel a violé l'ancien article 1147 du code civil, ensemble l'article 2224 du code civil ;

2°/ que la prescription de l'action en responsabilité du banquier court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en l'espèce, l'emprunteur faisait valoir que le dommage s'était révélé à lui lors du premier incident de paiement non régularisé constaté au mois de décembre 2013 ; qu'en se bornant à énoncer, pour déclarer irrecevables les demandes d'indemnisation de l'emprunteur à l'encontre de la banque, que le point de départ de la prescription quinquennale était la date de souscription du contrat de prêt et que la demande formée le 2 septembre 2016 était dès lors atteinte par la prescription, sans rechercher si le dommage ne s'était pas révélé lors des difficultés de l'emprunteur à rembourser les échéances du prêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil, ensemble de l'ancien article 1147 du code civil ;

3°/ que le motif que la cour d'appel a tiré de la qualité d'emprunteur prétendument averti de M. [Z], qui a trait à l'appréciation du bien-fondé de l'action en responsabilité et non à sa recevabilité, ne saurait donner une base légale à l'arrêt d'irrecevabilité qui a été prononcé, au regard de l'article 2224 du code civil, ensemble de l'article 122 du code de procédure civile ;

4°/ qu'a seul la qualité d'emprunteur averti, celui qui dispose des compétences nécessaires pour apprécier le risque de l'endettement né de l'octroi du prêt, compte tenu de ses qualités subjectives et de la complexité de l'opération ; qu'en se bornant à relever que l'emprunteur était à l'époque de la conclusion du prêt, en janvier 2008, depuis quelques mois associé majoritaire de la Sarl AB Immobilier dont l'objet était la transaction immobilière, l'achat et la revente de biens et qu'il était par ailleurs gérant d'une SCI dont l'objet était la location de terrains et autres biens immobiliers inscrite au RCS depuis janvier 2000, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir que l'emprunteur avait des connaissances en matière financière et une expérience des mécanismes d'endettement et était ainsi averti, a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1147 du code civil, ensemble de l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Le prêteur n'est tenu d'un devoir de mise en garde qu'à l'égard d'un emprunteur non averti.

6. Après avoir relevé qu'à la date de la conclusion du prêt, l'emprunteur était associé majoritaire d'une société créée par lui en 2001 et ayant pour objet la transaction immobilière et était gérant d'une société civile immobilière ayant pour objet la location de terrains et autres biens immobiliers inscrite au registre du commerce depuis janvier 2000 et que l'exercice de ces fonctions lui avait permis d'acquérir une expérience professionnelle et une connaissance certaine du monde des affaires, la cour d'appel en a souverainement déduit que l'emprunteur était averti.

7. Dès lors, c'est à bon droit et sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante qu'elle a écarté le point de départ de la prescription invoqué par l'emprunteur et a ainsi légalement justifié sa décision.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

8. L'emprunteur fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; que le dommage résultant d'un manquement du souscripteur d'une assurance de groupe à son devoir de conseil envers l'assuré sur l'adéquation de la garantie souscrite à ses besoins ne se manifeste qu'au moment où l'emprunteur prend conscience de l'inadéquation de la garantie qu'il a souscrite ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action indemnitaire de l'emprunteur exercée à l'encontre de la banque, la cour d'appel a considéré que le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité pour manquement à l'obligation d'information et de conseil se situait à la date de souscription du contrat de prêt ; qu'en se prononçant ainsi, quand le point de départ du délai de prescription ne pouvait être fixé avant la prise de conscience par l'emprunteur de l'inadéquation de la garantie souscrite à ses besoins personnels, seul événement de nature à révéler le dommage résultant du manquement du souscripteur de l'assurance de groupe à son devoir d'information et de conseil, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil ;

2°/ que subsidiairement la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action indemnitaire exercée par l'emprunteur à l'encontre de la banque, la cour d'appel a considéré que le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité pour manquement à l'obligation d'information et de conseil se situait à la date de souscription du contrat de prêt dès lors que l'emprunteur avait déjà contracté au moins deux prêts qu'il avait remboursés en totalité et qu'il ne pouvait, après avoir signé l'offre de prêt, l'acte de cautionnement et la garantie CAMCA qui ne prévoyait pas l'assurance perte d'emploi mais seulement l'incapacité et le décès, et après avoir pris connaissance des conditions du contrat d'assurance, se méprendre sur ce à quoi il s'engageait ; qu'en se prononçant ainsi, par des motifs impropres à caractériser en quoi l'emprunteur avait pu, dès la conclusion du contrat de prêt, se rendre compte du caractère inadapté de la garantie proposée à ses propres besoins, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

9. Il résulte de l'article 2224 du code civil que, lorsqu'un emprunteur a adhéré à un contrat d'assurance de groupe souscrit par le prêteur à l'effet de garantir l'exécution de tout ou partie de ses engagements, le délai de prescription de son action en responsabilité au titre d'un manquement du prêteur au devoir d'information et de conseil sur les risques couverts court à compter du jour où il a connaissance du défaut de garantie du risque qui s'est réalisé.

10. La cour d'appel, devant laquelle l'emprunteur soutenait qu'à compter de son licenciement prononcé en mai 2010, les échéances du prêt n'avaient pu être prises en charge par l'assureur, a constaté qu'il avait invoqué pour la première fois, le 2 septembre 2016, un manquement de la banque à son devoir de conseil.

11. Il s'en déduit que la demande en dommages-intérêts, qui a été introduite au-delà du délai de prescription quinquennale, était prescrite.

12. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions des articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Champ - Avocat général : Mme Mallet-Bricout - Avocat(s) : SARL Cabinet Munier-Apaire ; SCP Capron -

Textes visés :

Article 2224 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 9 juillet 2009, pourvoi n° 08-10.820, Bull. 2009, I, n° 172 (rejet) ; 2e Civ., 18 mai 2017, pourvoi n° 16-17.754, Bull. 2017, II, n° 102 (cassation partielle).

1re Civ., 5 janvier 2022, n° 20-16.031, (B), FS

Cassation partielle

Prescription quinquennale – Article L. 110-4 du code de commerce – Délai – Point de départ – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 19 février 2020), suivant offre acceptée le 5 septembre 2007, la caisse de Crédit mutuel [Localité 3] [Localité 4] (la banque) a consenti à M. et Mme [T] [W] [F] (les emprunteurs) un prêt immobilier.

Le 27 juin 2007, M. [T] [W] [F] a adhéré au contrat d'assurance de groupe proposé par la banque sans souscrire la garantie perte d'emploi. Il a été licencié le 26 mars 2009. A la suite d'impayés, la banque a prononcé la déchéance du terme.

2. Soutenant que divers frais n'avaient pas été pris en compte dans le calcul du taux effectif global et que la banque avait manqué à ses devoirs d'information et de mise en garde quant aux risques couverts par l'assurance, les emprunteurs ont, le 21 novembre 2013, assigné la banque en déchéance de son droit aux intérêts, annulation de la stipulation de l'intérêt conventionnel, responsabilité et indemnisation.

La banque a opposé une fin de non-recevoir tirée de la prescription.

Examen des moyens

Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite leur demande en dommages-intérêts pour manquement de la banque à ses devoirs d'information et de conseil, alors « que le dommage résultant d'un manquement au devoir de conseil dû à l'assuré sur l'adéquation de la garantie souscrite à ses besoins se réalise au moment du refus de garantie opposé par l'assureur ; qu'en fixant le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité pour manquement au devoir d'information et de conseil relatif aux risques couverts par l'assurance emprunteur à une date antérieure à la réalisation du risque non couvert, à savoir le licenciement de M. [T], et donc antérieure à la réalisation du préjudice, la cour d'appel a violé les articles L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à l'espèce, et 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 110-4 du code de commerce et 2224 du code civil :

5. Il résulte de ces textes que, lorsqu'un emprunteur a adhéré à un contrat d'assurance de groupe souscrit par le prêteur à l'effet de garantir l'exécution de tout ou partie de ses engagements, le délai de prescription de son action en responsabilité au titre d'un manquement du prêteur au devoir d'information et de conseil sur les risques couverts court à compter du jour où il a connaissance du défaut de garantie du risque qui s'est réalisé.

6. Pour déclarer irrecevable l'action en responsabilité des emprunteurs, l'arrêt fixe le point de départ du délai de prescription le 27 juin 2007 et en déduit que la prescription de l'action était acquise le 19 juin 2013, à l'expiration du nouveau délai quinquennal courant à compter du 19 juin 2008.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de M. et Mme [T] [W] [F] en responsabilité de la caisse de Crédit mutuel [Localité 3] [Localité 4] pour manquement à ses devoirs d'information et de mise en garde, l'arrêt rendu le 19 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Serrier - Avocat général : Mme Mallet-Bricout - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; Me Le Prado -

Textes visés :

Article L 110-4 du code de commerce ; article 2224 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 9 juillet 2009, pourvoi n° 08-10.820, Bull. 2009, I, n° 172 (rejet) ; 2e Civ., 18 mai 2017, pourvoi n° 16-17.754, Bull. 2017, II, n° 102 (cassation partielle).

1re Civ., 5 janvier 2022, n° 20-18.893, (B), FS

Cassation partielle

Prescription quinquennale – Délai – Point de départ – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 juin 2019), suivant offre acceptée du 14 janvier 2013, la société Bred banque populaire (la banque) a consenti à M. et Mme [F] un prêt professionnel destiné au rachat d'une licence de taxi.

2. Des échéances étant demeurées impayées à compter du 25 octobre 2015 et M. [F] ayant été placé en redressement judiciaire le 11 avril 2016, la banque a, le 3 juin 2016, assigné Mme [F] en paiement.

En appel, celle-ci a sollicité, par conclusions du 8 février 2018, des dommages-intérêts au titre d'un manquement de la banque à son devoir de mise en garde.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Mme [F] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite sa demande de dommages-intérêts, alors « que le dommage résultant du manquement d'une banque à son obligation de mettre en garde un emprunteur non averti sur le risque d'endettement excessif né de l'octroi d'un prêt consiste en la perte d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, ce risque étant que l'emprunteur ne soit pas en mesure de faire face au paiement des sommes exigibles au titre du prêt ; qu'en conséquence, le délai de prescription de l'action en indemnisation d'un tel dommage commence à courir, non à la date de conclusion du contrat de prêt, mais à la date d'exigibilité des sommes au paiement desquelles l'emprunteur n'est pas en mesure de faire face ; qu'en retenant, au contraire, que le dommage résultant d'un manquement à l'obligation de mise en garde se manifesterait dès l'octroi du crédit, pour en déduire qu'en l'espèce, le délai de prescription de cinq ans aurait commencé à courir dès la date de souscription du contrat, le 14 janvier 2013, et qu'il aurait déjà été « acquis » lorsque l'exposante a formé sa demande de dommages-intérêts, pour la première fois, le 8 février 2018, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. La banque conteste la recevabilité du moyen tiré de la prescription, en raison de sa nouveauté.

5. Cependant, ce moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations de l'arrêt, est de pur droit.

6. Il est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 2224 du code civil :

7. Il résulte de ce texte que l'action en responsabilité de l'emprunteur non averti à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement, permettant à l'emprunteur d'appréhender l'existence et les conséquences éventuelles d'un tel manquement.

8. Pour déclarer prescrite la demande de dommages-intérêts, l'arrêt énonce que le délai de prescription court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance, que le dommage résultant d'un manquement au devoir de mise en garde se manifeste dès l'octroi du crédit, que le délai de prescription a commencé à courir dès la date de souscription du contrat, le 14 janvier 2013, et que la demande a été formulée pour la première fois le 8 février 2018.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable comme prescrite la demande en dommages-intérêts formée par Mme [F], l'arrêt rendu le 20 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Champ - Avocat général : Mme Mallet-Bricout - Avocat(s) : SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer ; SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Article 2224 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 9 juillet 2009, pourvoi n° 08-10.820, Bull. 2009, I, n° 172 (rejet) ; 2e Civ., 18 mai 2017, pourvoi n° 16-17.754, Bull. 2017, II, n° 102 (cassation partielle).

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