Numéro 1 - Janvier 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2022

LOIS ET REGLEMENTS

2e Civ., 6 janvier 2022, n° 19-24.501, (B) (R), FS

Cassation

Acte administratif – Acte réglementaire – Illégalité – caractère rétroactif

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 17 septembre 2019) et les productions, M. [L] (l'assuré) a sollicité la liquidation de sa pension de retraite complémentaire auprès de l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (l'IRCANTEC) le 11 octobre 2011, à effet du 1er janvier 2012.

2. L'IRCANTEC ayant fait application, pour déterminer le nombre de points de retraite attribués à l'assuré au titre des périodes de chômage indemnisé effectuées entre le 15 septembre 2005 et le 31 décembre 2011, des dispositions issues de l'article 8 de l'arrêté du 23 septembre 2008 modifiant l'arrêté du 30 décembre 1970 relatif aux modalités de fonctionnement du régime de retraite complémentaire des assurances sociales institué par le décret n° 70-1277 du 23 décembre 1970, l'assuré a saisi d'un recours un tribunal de grande instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. L'assuré fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de voir juger qu'il avait définitivement acquis des points de retraite complémentaire auprès de l'IRCANTEC au cours de la période de chômage du 15 septembre 2005 au 31 décembre 2011, que sa pension de retraite complémentaire devait être réévaluée en tenant compte de 15 936 points acquis au cours de ladite période de chômage, et de voir condamner l'IRCANTEC à lui verser un montant de pension de retraite complémentaire réévalué à compter du 1er avril 2015 en intégrant dans ses calculs les 15 936 points acquis au cours de la période de chômage, alors « que les points de retraite attribués, à titre onéreux ou gratuit, au titre de périodes de carrière ou de chômage écoulées sont définitivement acquis ; qu'ils ne peuvent être remis en cause au titre de ces périodes par l'intervention d'une nouvelle réglementation, eu égard aux principes de non-rétroactivité, de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime, de respect des biens et de non-discrimination ; qu'en retenant, pour dire que M. [L] n'avait pas acquis de points auprès de l'IRCANTEC au cours de sa période de chômage, et le débouter de sa demande de réévaluation de sa pension, que jusqu'au jour de la demande de retraite, les droits de l'assuré ne sont que potentiels, et que l'intéressé ne pouvait se prévaloir de droits acquis qu'après la liquidation de sa retraite, la cour d'appel a violé l'ensemble des principes susvisés. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1er et 2 du code civil, 11 ter de l'arrêté du 30 décembre 1970 relatif aux modalités de fonctionnement du régime de retraite complémentaire des assurances sociales institué par le décret n° 70-1277 du 23 décembre 1970, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 13 juillet 1977, et 8 de l'arrêté du 23 septembre 2008 modifiant l'arrêté du 30 décembre 1970 :

4. Selon le troisième de ces textes, les périodes de chômage d'une durée d'un mois au moins donnent lieu à attribution de points gratuits, dans les conditions qu'il précise.

Les points de retraite sont attribués pour chaque jour de chômage indemnisé.

5. Selon le quatrième, modifiant le troisième et applicable aux demandes de retraite reçues à compter du 1er janvier 2009 et pour les périodes de chômage postérieures au 1er août 1977 ou en cours à cette date, les périodes de chômage indemnisées en application des dispositions du titre II du livre IV de la cinquième partie du code du travail et donnant lieu à prélèvement de cotisations au titre de la retraite complémentaire ouvrent droit, pour chaque jour indemnisé, à l'attribution de points dans les conditions qu'il précise.

Les périodes de chômage indemnisées en application des mêmes dispositions du code du travail et ne donnant pas lieu à prélèvement de cotisations au titre de la retraite complémentaire ouvrent droit à l'attribution de points gratuits sous certaines conditions, la validation de la période de chômage ne pouvant excéder un an.

6. Il résulte de ces dispositions que les points de retraite sont acquis au fur et à mesure des périodes de chômage qui en constituent le fait générateur.

7. Dès lors, l'article 8 de l'arrêté du 23 septembre 2008 précité, en ce qu'il remet en cause l'acquisition, à titre gratuit, par les assurés ayant sollicité la liquidation de leur pension de retraite complémentaire postérieurement au 1er janvier 2009, de points de retraite au titre des périodes de chômage effectuées entre le 1er août 1977 et le 1er janvier 2009, présente un caractère rétroactif et comme tel méconnaît le principe de non-rétroactivité des actes réglementaires.

8. En revanche, la modification, à compter de l'entrée en vigueur de la réforme, des règles d'attribution des points de retraite au titre des périodes de chômage, ne présente pas de caractère rétroactif. Elle ne méconnaît pas davantage les principes de sécurité juridique et de confiance légitime, ni le principe de non-discrimination garanti par l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni le droit au respect des biens garanti par l'article 1er du Premier protocole additionnel à cette convention.

9. Pour débouter l'assuré de l'ensemble de ses demandes, l'arrêt énonce que les modalités de liquidation d'une pension de retraite, conditionnées par la nécessité de maintenir l'équilibre des différents régimes gérés par les caisses, s'apprécient au jour de la demande présentée par l'assuré d'après les textes en vigueur à cette date. Il ajoute que jusqu'à cette dernière, les droits de l'assuré en période de constitution ne sont que de simples droits potentiels.

10. En statuant ainsi, alors que l'assuré était fondé à se prévaloir, pour la liquidation de sa pension de retraite complémentaire, des points de retraite acquis au titre des périodes de chômage antérieures au 1er janvier 2009, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

11. L'assuré fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de condamnation de l'[3] à lui verser un montant de 39 586 euros, avec intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement, à titre de réparation du préjudice subi au regard de ses droits à retraite complémentaire depuis le 1er janvier 2012, évalué jusqu'au 1er juin 2018, alors « que par application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure qui s'attachera au chef de l'arrêt ayant débouté M. [L] de ses demandes tendant à voir juger qu'il avait définitivement acquis 15 936 points au cours de sa période de chômage courant du 15 septembre 2005 au 31 décembre 2011 entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt attaqué ayant débouté M. [L] de sa demande de paiement de 39 586 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, à titre de réparation du préjudice subi au regard de ses droits à retraite complémentaire depuis le 1er janvier 2012, évalué jusqu'au 1er juin 2018. »

Réponse de la Cour

12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt relatives à l'attribution de points de retraite complémentaire entraîne la cassation du chef de dispositif relatif à la demande de dommages-intérêts, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Vigneras - Avocat général : M. Gaillardot - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin -

Textes visés :

Article 11 ter de l'arrêté du 30 décembre 1970 institué par le décret n° 70-1277 du 23 décembre 1970, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 13 juillet 1977 ; article 8 de l'arrêté du 23 septembre 2008 modifiant l'arrêté du 30 décembre 1970.

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