Numéro 1 - Janvier 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2022

EXPROPRIATION

3e Civ., 19 janvier 2022, n° 20-19.351, (B), FS

Rejet

Rétrocession – Renonciation – Loi d'ordre public – Renonciation antérieure à la naissance du droit – Validité (non)

L'exproprié ne peut renoncer au droit de rétrocession, qui relève de l'ordre public de protection, avant que les conditions de sa mise en oeuvre ne soient réunies, soit cinq ans après l'ordonnance d'expropriation si les biens n'ont pas reçu la destination prévue par la déclaration d'utilité publique ou ont cessé de recevoir cette destination, soit, avant l'expiration de ce délai, si le projet réalisé est incompatible avec celui déclaré d'utilité publique.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 19 mai 2020), par ordonnance du 9 septembre 2004, le juge de l'expropriation du département de la Réunion a exproprié, au profit de la Société dionysienne d'aménagement et de construction (la SODIAC), une parcelle appartenant à M. [D].

2. Le terrain n'ayant pas reçu la destination prévue par l'acte déclaratif d'utilité publique, M. [D] a assigné la commune de [Localité 7], puis la SODIAC et la société Icade promotion, devant le tribunal de grande instance et, alléguant que la rétrocession de son bien était devenue impossible, a demandé l'indemnisation de ses préjudices.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La SODIAC fait grief à l'arrêt de dire que M. [D] est fondé à réclamer la rétrocession de la parcelle expropriée, alors :

« 1°/ que la renonciation à un droit né et acquis est valable ; que le droit de rétrocession des biens exproprié naît de l'expropriation elle-même, et que l'exproprié peut donc y renoncer dès que le transfert de propriété a été prononcé ; qu'en jugeant que M. [D] n'avait pu renoncer, le 28 juin 2007, à son droit de rétrocession d'un bien qui avait été exproprié par une ordonnance du 9 septembre 2004, la cour d'appel a violé l'article L. 12-6, devenu L. 421-1, du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

2°/ que le juge doit respecter et faire respecter le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office, sans inviter les parties à s'en expliquer, le moyen tiré de ce que le droit à rétrocession n'était pas né au moment où l'exproprié y avait renoncé, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. D'une part, selon l'article L. 421-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, si les immeubles expropriés n'ont pas reçu, dans le délai de cinq ans à compter de l'ordonnance d'expropriation, la destination prévue ou ont cessé de recevoir cette destination, les anciens propriétaires ou leurs ayants droit à titre universel peuvent en demander la rétrocession pendant un délai de trente ans à compter de l'ordonnance d'expropriation, à moins que ne soit requise une nouvelle déclaration d'utilité publique.

5. L'exproprié peut renoncer au droit de rétrocession, qui relève de l'ordre public de protection, une fois celui-ci acquis.

6. Ce droit ne peut être acquis tant que les conditions de sa mise en oeuvre ne sont pas réunies, soit cinq ans après l'ordonnance d'expropriation si les biens n'ont pas reçu la destination prévue par la déclaration d'utilité publique ou ont cessé de recevoir cette destination, soit, avant même l'expiration de ce délai, si le projet réalisé est incompatible avec celui déclaré d'utilité publique.

7. Il s'ensuit que la cour d'appel a retenu, à bon droit, que M. [D] n'avait pu valablement renoncer à son droit de rétrocession dans une convention conclue le 28 juin 2007 avec l'expropriant, dès lors que son droit n'était pas encore né à cette date.

8. D'autre part, M. [D] ayant fait valoir, dans ses conclusions, qu'il n'avait pu valablement renoncer, dans la convention du 28 juin 2007, à son droit de rétrocession qui était d'ordre public, la cour d'appel, qui était tenue de trancher le litige conformément aux règles de droit applicables, s'est bornée, sans introduire un nouveau moyen dans le débat, à examiner si les conditions d'une telle renonciation étaient réunies.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Djikpa - Avocat général : M. Burgaud - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Gadiou et Chevallier ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Article L. 421-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 27 octobre 1975, pourvoi n° 74-11.656, Bull. 1975, III, n° 310 (cassation) ; 2e Civ., 25 mars 1991, pourvoi n° 89-21.181, Bull. 1991, II, n° 102 (rejet) ; 3e Civ., 19 février 1992, pourvoi n° 90-12.652, Bull. 1992, III, n° 48 (rejet) ; 3e Civ., 27 septembre 2006, pourvoi n° 05-13.598, Bull. 2006, III, n° 190 (rejet) ; 3e Civ., 30 mars 2017, pourvoi n° 16-13.914, Bull. 2017, III, n° 45 (cassation).

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