Numéro 1 - Janvier 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2022

DIVORCE, SEPARATION DE CORPS

1re Civ., 26 janvier 2022, n° 20-21.542, (B), FS

Cassation partielle

Elément d'extranéité – Convention de choix de la loi applicable au divorce – Loi du for – Validité – Condition – Juge saisi de la demande en divorce

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 septembre 2020), M. [E], de nationalités russe et mexicaine, et Mme [M], de nationalité russe, se sont mariés à [Localité 3] (Russie) le 19 avril 1996, sans contrat de mariage préalable.

Les époux ont fixé leur première résidence habituelle commune en Russie.

Par acte authentique du 22 février 2016, ils ont adopté le régime français de la séparation de biens à l'égard de leurs biens situés en France et ont fait choix de la loi française en cas de divorce.

2. Le 11 septembre 2017, Mme [M] a déposé une requête en divorce.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

4. M. [E] fait grief à l'arrêt de dire la loi française applicable au divorce, alors :

« 1°/ qu'aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 1259/2010 du Conseil du 20 décembre 2010, le choix de la « loi du for » ne peut s'entendre que de la volonté des époux de soumettre le divorce à la loi de l'Etat du juge compétent pour connaître du divorce, au jour de ce choix, de manière à lier la compétence du juge et la loi applicable au fond ; qu'en l'espèce, aux termes de l'accord du 22 février 2016, les époux avaient choisi, non pas la « loi du for » ainsi entendue, mais la loi française, sachant que le choix de la loi française pouvait entraîner une dissociation entre l'Etat auquel appartient le juge compétent et l'Etat dont relève la loi applicable au divorce ; qu'en refusant d'écarter l'accord comme illicite, les juges du fond ont violé l'article 5 du règlement (UE) n° 1259/2010 du Conseil du 20 décembre 2010 ;

2°/ que le consentement des époux devant être éclairé quant aux règles de fond susceptibles de s'appliquer au divorce, l'article 5 du règlement (UE) n° 1259/2010 du Conseil du 10 décembre 2010 suppose qu'en cas de choix de la « loi du for » les époux soient assurés, au moment où ils s'engagent, du contenu de la loi applicable au divorce ; que rien de tel n'a été constaté en l'espèce ; qu'en se fondant sur l'accord du 22 février 2016, les juges du fond ont violé l'article 5 du règlement (UE) n° 1259/2010 du Conseil du 10 décembre 2010 ;

3°/ que le choix de la loi française pouvait d'autant moins s'entendre comme le choix de la « loi du for », que toutes sortes de circonstances pouvaient affecter la compétence du juge apte à connaître du divorce et qu'en toute hypothèse, en application de l'article 3 du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, le for pouvait désigner le juge russe ou le juge français, dans la mesure où M. [E] avait toujours été domicilié en Russie ; qu'à cet égard également, il était exclu que le juge puisse considérer qu'il avait été fait choix de la loi du for et l'article 5 du règlement (UE) n° 1259/2010 du Conseil du 20 décembre 2010 a été de nouveau violé. »

Réponse de la Cour

5. L'article 5 du règlement (UE) n° 1259/2010 du Conseil du 20 décembre 2010 mettant en oeuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps, dit Rome III, dispose :

« 1.Les époux peuvent convenir de désigner la loi applicable au divorce et à la séparation de corps, pour autant qu'il s'agisse de l'une des lois suivantes :

a) la loi de l'Etat de la résidence habituelle des époux au moment de la conclusion de la convention ; ou

b) la loi de l'Etat de la dernière résidence habituelle des époux, pour autant que l'un d'eux y réside encore au moment de la conclusion de la convention ; ou

c) la loi de l'Etat de la nationalité de l'un des époux au moment de la conclusion de la convention ; ou

d) la loi du for. »

6. Il en résulte que, lorsque des époux, dont la situation présente un élément d'extranéité, désignent, dans une convention de choix de la loi applicable au divorce, la loi d'un Etat déterminé, qui n'est pas l'une de celles qu'énumèrent les points a) à c), ce choix est valide, au titre du point d), lorsqu'elle est celle du juge qui a été ultérieurement saisi de la demande en divorce.

7. La cour d'appel a relevé que les époux de nationalité russe, dont l'un résidait habituellement en France, ont conclu le 22 février 2016 devant notaire un acte par lequel ils sont convenus, s'ils devaient partir à l'étranger, de désigner la loi française comme loi applicable en cas de séparation de corps ou de divorce.

8. Elle en a déduit à bon droit que la loi française choisie par les époux était applicable en tant que loi de la juridiction saisie de la demande en divorce.

9. Le moyen, qui est nouveau et mélangé de fait comme tel irrecevable en sa deuxième branche, n'est donc pas fondé pour le surplus.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

10. M. [E] fait grief à l'arrêt de dire que la loi française est applicable à la détermination et à la liquidation du régime matrimonial, alors « que tout jugement doit être motivé ; que tant la contradiction de motifs que la contradiction entre les motifs et le dispositif, équivalent à un défaut de motif ; qu'au cas d'espèce, l'arrêt dans son dispositif, décide que la loi française est applicable et seule applicable à l'ensemble des biens des époux, sans distinction quand il ressort des motifs de l'arrêt que les biens situés en Russie sont soumis à la loi russe, cependant que les biens meubles et immeubles situés en France sont soumis à la loi française ; que dès lors, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs de sa décision et entre les motifs et le dispositif, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

11. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé et la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs.

12. Pour dire, dans son dispositif, que la loi française est applicable à la détermination et à la liquidation du régime matrimonial, l'arrêt retient qu'il résulte de la convention conclue entre les époux le 22 février 2016, que la loi russe est applicable pour tous les biens et droits immobiliers situés en Russie et la loi française sur la séparation des biens pour tous les biens meubles et immeubles, droits immobiliers et revenus situés en France.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du troisième moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la loi française applicable à la détermination et à la liquidation du régime matrimonial, l'arrêt rendu le 24 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Guihal - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article 5 du règlement (UE) n° 1259/2010 du Conseil du 20 décembre 2010.

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