Numéro 1 - Janvier 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2022

CONCURRENCE

Com., 26 janvier 2022, n° 20-14.000, (B), FS

Rejet

Pratique anticoncurrentielle – Accords ou pratiques concertées – Preuve – Faisceau d'indices graves, précis et concordants – Appréciation souveraine par les juges du fond

La prohibition édictée par l'article L. 420-2-1 du code de commerce suppose que soit rapportée, notamment, la preuve d'un accord ou d'une pratique concertée, laquelle peut être établie par un faisceau d'indices graves, précis et concordants, dont la portée est appréciée souverainement par les juges du fond.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 février 2020), l'Autorité de la concurrence (l'Autorité) a, par décision n° 16-D-15 du 6 juillet 2016 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la distribution des produits de grande consommation en Outre-mer, infligé, sur le fondement de l'article L. 420-2-1 du code de commerce, une sanction pécuniaire à la société General Import, en tant qu'auteur, solidairement avec la société ADLP Holding (la société ADLP), en sa qualité de société mère. Cette décision procédait d'une transaction intervenue dans le dossier enregistré sous le numéro 15/0107F, acceptée par ces sociétés à la suite de la notification d'un grief relatif à la mise en oeuvre de droits exclusifs d'importation pour la distribution des produits de la société Henkel France sur le territoire de [Localité 7].

2. Le 7 février 2018, les sociétés General Import et ADLP se sont vu notifier par le rapporteur général de l'Autorité, dans le cadre d'une saisine ouverte sur la plainte de la société Sodiwal, sous le numéro 15/0032F, à laquelle avait été jointe, puis disjointe, une saisine enregistrée sous le numéro 15/0029F, un grief, leur reprochant d'avoir bénéficié, entre le 6 août 2013 et le 11 juillet 2015, en violation de l'article L. 420-2-1 du code de commerce, de droits exclusifs sur le territoire de [Localité 7] pour l'importation de différents produits.

Par décision n° 18-D-21 du 8 octobre 2018 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des produits de grande consommation sur les îles du territoire de [Localité 7], l'Autorité a retenu que le grief était établi et a infligé aux sociétés General Import et ADLP une sanction pécuniaire et a prononcé une injonction.

3. Saisie d'un recours formé par la société ADLP contre cette seconde décision, la cour d'appel de Paris a réformé le montant de la sanction pécuniaire.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche, et le troisième moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et cinquième branches

Enoncé du moyen

5. La société ADLP fait grief à l'arrêt de rejeter le moyen pris de la violation de son droit à un procès équitable, de rejeter les moyens de réformation de l'article 1er de la décision de l'Autorité n° 18-D-21 du 8 octobre 2018 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des produits de grande consommation sur les îles du territoire de [Localité 7], et de lui infliger, au titre de l'infraction visée à l'article 1er de la décision de l'Autorité de la concurrence, une sanction pécuniaire de 200 000 euros, cette réformation partielle profitant à la société General Import en raison de l'indivisibilité du litige, et de lui enjoindre, ainsi qu'à la société General Import, d'informer par un courrier, (...), chacun des fournisseurs concernés par les exclusivités prohibées, soit SunRice, Heinz, Campbell Arnott's, Chelsea et Anchor, ainsi que les bureaux d'achats Demexport, Geoffrey Hughes Export & Fresha Export et le centre de distribution en gros Rabot SAS, qu'elles ont fait l'objet d'une condamnation de la part de l'Autorité en raison de l'exclusivité de distribution, contraire aux règles de concurrence, dont General Import a bénéficié, et qu'aucun refus de fourniture de ces produits ne peut être opposé sur le fondement de l'existence d'une telle exclusivité, alors :

« 1°/ que les exigences du droit au procès équitable et à la loyauté de la procédure imposent à l'Autorité d'informer de manière claire et complète, au cours de l'instruction, l'entreprise poursuivie sur la nature et l'étendue des poursuites dirigées contre elle ; qu'en l'espèce, la société ADLP faisait valoir que la notification des griefs qui lui avait été adressée le 12 février 2016, ainsi que la décision 16-D-15 de l'Autorité ne faisait aucune référence à la disjonction des procédures n° 15/0032F (ouverte sur plainte de la société Sodiwal) et 15/0029F (relative aux pratiques autres que celles mises en oeuvre par les sociétés Bolton Solitaire, Danone, Johnson & Johnson Santé et Beauté France ainsi que Pernod-Ricard) ni à la poursuite parallèle possible des poursuites dans le cadre de ces deux affaires ; que pour rejeter ce moyen d'annulation de la décision n° 18-D-21 de l'Autorité l'ayant condamnée dans la procédure n° 15/0032F solidairement avec sa filiale la société General Import au paiement d'une sanction pécuniaire de 250 000 euros, au titre de poursuites relatives à d'autres produits, la cour d'appel a retenu que dans la décision contestée, l'Autorité s'était exclusivement fondée sur des éléments postérieurs à la décision n° 16-D-15, et que la transaction signée dans le cadre de la procédure n° 15/0107F portait uniquement sur des pratiques relatives à la distribution des produits de la société Henkel France dans les collectivités d'Outre-mer, les pièces versées aux débats ne permettant pas d'établir que l'objet de la transaction avait un champ plus large que celui correspondant aux produits de cette société ; que la cour d'appel a également relevé que la décision n° 16-D-15 de l'Autorité mentionnait « les décisions de disjonction qui ont été prises, que le champ de la transaction était circonscrit aux produits Henkel, tandis que l'Autorité poursuivait l'instruction des procédures enregistrées sous les n° 10/0005F et 14/0078F, relatives à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la distribution des produits de grande consommation dans l'ensemble des collectivités d'Outre-mer » ; qu'enfin, la cour d'appel a retenu que l'Autorité n'avait pas l'obligation d'informer l'entreprise poursuivie de toutes les enquêtes en cours portant sur d'autres faits, fussent-ils de même nature que ceux objet de la notification des griefs, et qu'au surplus, au jour de la signature du procès-verbal de transaction du 15 avril 2016, l'Autorité n'avait pas commencé l'instruction des faits objet des poursuites ayant donné lieu à l'arrêt attaqué ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la circonstance que ni la notification des griefs notifiée le 12 février 2016, ni la décision n° 16-D-15 de l'Autorité, relatives à la procédure n° 15/0107F, ne faisaient référence à la disjonction des procédures n° 15/0032F et 15/0029F, ni n'indiquaient que des poursuites pouvaient encore être engagées au titre de ces deux affaires, n'était pas de nature à induire la société ADLP en erreur sur l'étendue d'une transaction dont elle avait pu légitimement croire qu'elle emportait, à titre de concessions réciproques, abandon de toutes les autres procédures ouvertes pour les mêmes faits, et si l'Autorité n'avait pas manqué a minima à son obligation de loyauté en s'abstenant de l'informer de la portée de cet accord, mais aussi en instruisant les poursuites dans l'affaire n° 15/0032F sur la base de documents ayant possiblement été recueillis dans le cadre de la procédure n° 15/0107F, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-2-1 et R. 463-3 du code de commerce, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que la décision de l'Autorité n° 16-D-15 du 6 juillet 2016, relative à des pratiques mise en oeuvre dans le secteur de la distribution des produits de grande consommation en Outre-Mer, se borne à rappeler dans ses visas la décision de la rapporteure générale adjointe du 31 mars 2015 procédant à une disjonction de l'instruction du volet des saisines 10/0005F et 14/0078F concernant les pratiques autres que celles mises en oeuvre par les sociétés Bolton Solitaire SA, Danone SA, Johnson & Johnson Santé et Beauté France et Pernod-Ricard et à l'ouverture d'un dossier distinct pour cette affaire sous le numéro 15/0029F, et la décision de la rapporteure générale du 23 novembre 2015, par laquelle il a été procédé à la disjonction de l'instruction du dossier 15/0029F pour la partie relative aux pratiques concernant la société Henkel France et a procédé à l'ouverture d'un nouveau dossier enregistré sous le n° 15/0107F ; qu'en énonçant qu' « il ressort du rappel de la procédure exposé dans la décision n° 16-D-15, qui mentionne les décisions de disjonction qui ont été prises, que le champ de la transaction était circonscrit aux produits Henkel, tandis que l'Autorité poursuivait l'instruction des procédures enregistrées sous les n° 10/0005F et 14/0078F, relatives à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la distribution des produits de grande consommation dans l'ensemble des collectivités d'Outre-mer », alors que la décision n° 16-D-15, au contraire, ne mentionne pas la disjonction des dossiers 15/0032F et 15/0029F et de la poursuite parallèle de l'instruction de ces deux affaires, la cour d'appel a dénaturé la décision n° 16-D-15 de l'Autorité, en violation de l'article 4 du code de procédure civile, ensemble le principe selon lequel les juges ne doivent pas dénaturer les documents de la cause ;

3°/ que la société ADLP faisait valoir qu'un certain nombre de documents issu du dossier n° 15/0107F, ayant abouti à la transaction du 14 avril 2016, étaient issus des autres procédures instruites par l'Autorité de la concurrence, et en particulier de la procédure n° 15/0032F ouverte à la suite de la plainte de la société Sodiwal ; qu'elle versait aux débats une lettre de la rapporteure de l'Autorité du 22 septembre 2015, constituant les cotes 393 à 396 du dossier n° 15/0107F, mentionnant en objet les saisines n°s 15/0029F et 15/0032F, portant sur une demande de renseignements adressée au conseil de la société Henkel France ; que ce document était la preuve même qu'en septembre 2015, l'instruction de l'affaire portant le n° 15/0032F avait déjà été ouverte ; qu'en jugeant qu'au 15 avril 2016, date de la signature du procès-verbal de transaction dans l'affaire n° 15/0107F, l'Autorité n'avait « pas commencé à instruire les faits dénoncés par la société Sodiwal et n'était donc, en tout état de cause, pas en mesure d'informer, à supposer qu'elle en ait eu l'obligation, la société ADLP que d'autres poursuites allaient être engagées ou seraient susceptibles d'être engagées contre elle pour des faits similaires », la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, en violation de des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

5°/ que les juges du fond doivent examiner, fût-ce sommairement, les éléments de preuve invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en s'abstenant d'examiner la lettre de la rapporteure de l'Autorité du 22 septembre 2015, constituant les cotes 393 à 396 du dossier n° 15/0107F, mentionnant en objet les saisines n° 15/0029F et 15/0032F, dont la société ACDP déduisait, d'une part, l'imbrication des procédures en cause révélée par leur attribution à un même rapporteur ayant procédé à une demande de renseignement susceptible d'intéresser indifféremment toutes les procédures, d'autre part, la preuve que des éléments intéressants la procédure s'étant soldée par une transaction avaient pu tout aussi bien avoir été versés à la procédure n° 15/0032F, en violation de la règle non bis in idem, et enfin, et en tout état de cause, l'absence d'information claire dont elle avait été privée sur l'étendue des poursuites dirigées contre elle, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; qu'il en est d'autant plus ainsi que la signature de la transaction impliquait de l'entreprise signataire qu'elle ne conteste « ni la réalité de l'ensemble des pratiques en cause, ni la qualification juridique qu'en donnent les services d'instruction au regard des dispositions pertinentes du code de commerce et du TFUE, ni leur imputabilité », de sorte qu'eu égard à sa portée, les sociétés ADPL Holding et Général Import n'auraient jamais accepté de signer une telle transaction si elles avaient été informées que les poursuites perduraient dans un autre volet de l'affaire précédemment disjoint, et portant sur des pratiques similaires. »

Réponse de la Cour

6. A supposer qu'il soit considéré que les services d'instruction aient manqué à l'obligation de loyauté en ne faisant pas connaître à la société ADLP, au moment de la négociation de la transaction sur le grief notifié qui portait sur les seules pratiques relatives aux conditions de distribution des produits de la société Henckel France pour le territoire de [Localité 7] et mettait en cause, pour cette distribution, les sociétés General Import et ADLP, que des pratiques, de nature à recevoir la même qualification juridique pour des faits distincts portant sur la distribution de produits d'autres fournisseurs, susceptibles de lui être imputés, étaient en cours d'instruction, un tel manquement n'aurait pu vicier que la transaction elle-même et n'a pu avoir pour effet de vicier la seconde procédure, dès lors que l'entreprise ne soutient pas que les faits poursuivis entraient dans le périmètre de la transaction et que l'Autorité n'a tiré de la transaction intervenue aucun avantage particulier pour la seconde procédure.

7. Le moyen est donc inopérant.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

8. La société ADLP fait grief à l'arrêt de rejeter les moyens de réformation de l'article 1er de la décision de l'Autorité n° 18-D-21 du 8 octobre 2018 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des produits de grande consommation sur les îles du territoire de [Localité 7], de lui infliger, au titre de l'infraction visée à l'article 1er de la décision de l'Autorité de la concurrence, une sanction pécuniaire de 200 000 euros, cette réformation partielle profitant à la société General Import en raison de l'indivisibilité du litige, et de prononcer une injonction dans les termes précités, alors :

« 1°/ que seuls sont prohibés par l'article L. 420-2-1 du code de commerce les accords ou pratiques concertés ayant pour objet ou pour effet d'accorder des droits exclusifs d'importation à une entreprise ou un groupe d'entreprises ; que la caractérisation d'un tel accord ou d'une telle pratique implique de démontrer l'existence d'un concours de volonté portant sur un comportement déterminé connu et accepté par les parties ; qu'un accord de volonté implique une réciprocité d'engagements et un caractère obligatoire ; qu'en l'espèce, pour dire qu'était établie la mise en oeuvre de droits exclusifs d'importation au profit de la société General Import, la cour d'appel s'est fondée sur le courriel adressé à la société Sodiwal par la société General Import le 16 mai 2014, aux termes duquel cette dernière indiquait qu'elle ne pouvait satisfaire sa commande de produits qu'à hauteur de 50 %, et lui expliquait son mode de fonctionnement avec ses clients distributeurs « affiliés » sur le territoire de [Localité 7], en lui précisant que ces derniers ne s'approvisionnaient qu'auprès d'elle, et son activité de grossiste, en indiquant notamment que « compte tenu du nombre de clients affiliés et de la couverture assurée sur les deux îles, un certain nombre de fournisseurs après quelques visites sur notre territoire, nous ont confié l'exclusivité de la distribution de leur gamme et certains depuis plus de dix ans. Pour celles-ci, nous fournissons tous les clients du territoire qui le souhaitent (...) selon notre barème de remise. Nous avons communiqué à nos fournisseurs concernés nos structures de prix (...). Nous avons demandé à ces fournisseurs de ne pas communiquer nos barèmes de gros (confidentiels)" ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à caractériser l'existence, non d'une simple exclusivité de fait dont aurait disposé la société General Import pour la distribution de certains produits sur le territoire de [Localité 7], mais d'un accord de volonté des fournisseurs de la société General Import et de cette dernière pour la mise en oeuvre de droits de distribution exclusifs, la cour d'appel a méconnu l'article L. 420-2-1 du code de commerce, ensemble l'article 1134 (devenu 1103) du code civil ;

2°/ qu'aux termes du courriel adressé à la société Sodiwal par la société General Import le 16 mai 2014, cette dernière indiquait que « compte tenu du nombre de clients affiliés et de la couverture assurée sur les deux îles, un certain nombre de fournisseurs après quelques visites sur notre territoire, nous ont confié l'exclusivité de la distribution de leur gamme et certains depuis plus de dix ans. Pour celles-ci, nous fournissons tous les clients du territoire qui le souhaitent (...) selon notre barème de remise. Nous avons communiqué à nos fournisseurs concernés nos structures de prix (...). Nous avons demandé à ces fournisseurs de ne pas communiquer nos barèmes de gros (confidentiels)" ; qu'en retenant que dans ce courriel, la société General Import « admet bénéficier de droits exclusifs d'importation en contrepartie desquels elle accepte de fournir tous les clients qui le souhaitent, et pas seulement ses clients affiliés, les fournisseurs concernés s'engageant à ne pas communiquer ses barèmes de gros » quand la société General Import se bornait dans ce courriel à indiquer qu' « un certain nombre de fournisseurs » lui avaient confié l'exclusivité de la distribution de leur gamme, et faisait ainsi référence à une simple exclusivité de fait décidée unilatéralement par certains fournisseurs, la cour d'appel a dénaturé ce document, en méconnaissance de l'article 1134 (devenu 1192) du code civil, et du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;

3°/ que seuls sont prohibés par l'article L. 420-2-1 du code de commerce les accords ou pratiques concertés ayant pour objet ou pour effet d'accorder des droits exclusifs d'importation à une entreprise ou un groupe d'entreprises ; que la caractérisation d'un tel accord ou d'une telle pratique implique de démontrer l'existence d'un concours de volonté portant sur un comportement déterminé connu et accepté par les parties ; qu'un accord de volonté implique une réciprocité d'engagements et un caractère obligatoire ; que pour dire que les sociétés General Import et ADLP avaient enfreint les dispositions de l'article L. 420-2-1 du code de commerce, la cour d'appel a retenu, s'agissant des produits SunRice, que dans un courriel du 6 août 2013, ce producteur australien, répondant à une demande du bureau d'achat Demexport, lui a indiqué qu' « actuellement, SunRice, a un contrat de distribution exclusif et traite via un représentant australien pour nos marques à Wallis, Bertrand Export, qui expédie à General Import à Wallis » et l'a invité à prendre attache directement avec la société General Import ou avec le bureau d'achat Bertrand Export, dont il précise les coordonnées ; qu'elle ajoute que le caractère contraignant pour le producteur SunRice de l'exclusivité dont bénéficiait la société General Import était confirmée par un courriel du bureau d'achat Bertrand Export du 31 juillet 2015, qui oppose un refus de vente à Super U (ex-Citydia) en invoquant la relation établie avec la société General Import ainsi que l'excellent travail de distribution réalisé par cette dernière et en expliquant qu'il ne souhaitait pas changer ses pratiques, tout en invitant son interlocuteur à prendre attache avec la société General Import pour les produits SunRice, Pacific Corned Beef et Golden Circle ; qu'en se fondant ainsi sur un courriel émanant du seul producteur des produits en cause, et faisant état exclusivement de sa propre pratique, ce qui ne permettait pas de caractériser l'existence d'un accord de volonté entre ce fournisseur et la société General Import pour la mise en oeuvre de droits de distribution exclusifs, la cour d'appel a méconnu l'article L. 420-2-1 du code de commerce ;

4°/ que dans le courriel adressé le 6 août 2013 au bureau d'achat Dexmexport, la société SunRice indique qu' « actuellement, SunRice, a un contrat de distribution exclusif et traite via un représentant australien pour nos marques à Wallis, Bertrand Export, qui expédie à General Import à Wallis » ; qu'il résulte des termes clairs et précis de ce courriel que le contrat de distribution exclusive visé liait la société SunRice au bureau d'achat Demexport, non à la société General Import ; qu'en retenant qu'il résultait de ce courriel que la société General Import bénéficiait d'une exclusivité de distribution des produits SunRice, la cour d'appel a dénaturé ce courriel, en violation de l'article 1134 (devenu 1192) du code civil, ensemble le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;

5°/ que seuls sont prohibés par l'article L. 420-2-1 du code de commerce les accords ou pratiques concertés ayant pour objet ou pour effet d'accorder des droits exclusifs d'importation à une entreprise ou un groupe d'entreprises ; que la caractérisation d'un tel accord ou d'une telle pratique implique de démontrer l'existence d'un concours de volonté portant sur un comportement déterminé connu et accepté par les parties ; qu'un accord de volonté implique une réciprocité d'engagements et un caractère obligatoire ; qu'en se fondant, pour dire établi le grief de violation par la société General Import de l'article L. 420-2-1 du code de commerce, sur un courriel du 12 septembre 2013 émanant du bureau d'achat Rabot, indiquant au bureau d'achat Demexport, qui souhaitait s'approvisionner en produits de la marque Chelsea, « avoir déjà un agent qui représente la marque en exclusivité sur [Localité 7], la compagnie General Import », la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir l'existence d'un accord de volonté entre le fournisseur des produits en cause et la société General Import, a violé l'article L. 420-2-1 du code de commerce, ensemble l'article 1134 (devenu 1103) du code civil ;

6°/ que seuls sont prohibés par l'article L. 420-2-1 du code de commerce les accords ou pratiques concertés ayant pour objet ou pour effet d'accorder des droits exclusifs d'importation à une entreprise ou un groupe d'entreprises ; que la caractérisation d'un tel accord ou d'une telle pratique implique de démontrer l'existence d'un concours de volonté portant sur un comportement déterminé connu et accepté par les parties ; qu'un accord de volonté implique une réciprocité d'engagements et un caractère obligatoire ; qu'en se fondant, pour dire établi le grief de violation par la société General Import de l'article L. 420-2-1 du code de commerce, sur un courriel du 8 octobre 2013 dans lequel le producteur Campbell Arnott's indiquait ne pouvoir vendre ses produits au bureau d'achat Demexport, en invoquant un accord avec la société General Import ; qu'en statuant de sorte, en se fondant sur un courriel émanant du seul producteur des produits en cause, et faisant exclusivement état de sa propre pratique, et sans vérifier si General Import avait expressément accepté cette relation d'exclusivité, ni les conditions en résultant, ce qui était impropre à caractériser l'existence d'un accord de volonté entre ce fournisseur et la société General Import pour la mise en oeuvre de droits de distribution exclusifs, la cour d'appel a encore méconnu l'article L. 420-2-1 du code de commerce, ensemble l'article 1134 (devenu 1103) du code civil ;

7°/ qu'en se fondant, pour dire établi le grief de violation par la société General Import de l'article L. 420-2-1 du code de commerce, sur un courriel du 13 juin 2014 du bureau d'achat Geoffrey Hugues Export, expliquant qu'il ne pouvait pas livrer au détaillant les produits SunRice, Heinz et Campbell Arnott's qu'il représente, en invoquant l'existence de restrictions à [Localité 7] à des accords d'approvisionnement conclus avec la société General Import, la cour d'appel a également statué par un motif impropre à caractériser l'existence d'un accord de volontés entre ce bureau d'achat et la société General Import, la cour d'appel a encore statué par un motif impropre à établir l'existence d'un accord de volonté entre le fournisseur des produits en cause et la société General Import, et violé l'article L. 420-2-1 du code de commerce, ensemble l'article 1134 (devenu 1103) du code civil ;

8°/ de même, qu'en se fondant, pour dire établi le grief de violation par la société General Import de l'article L. 420-2-1 du code de commerce, sur un courriel du bureau d'achat Rabot du 12 juin 2015, opposant un refus de vente à une société en invoquant un accord de distribution avec la société General Import, la cour d'appel, qui s'est encore une fois fondée sur un écrit émanant du seul producteur des produits en cause, et faisant exclusivement état de sa propre pratique, ce qui était impropre à établir l'existence d'un accord de volonté entre le fournisseur des produits en cause et la société General Import, a violé l'article L. 420-2-1 du code de commerce, ensemble l'article 1134 (devenu 1103) du code civil. »

Réponse de la Cour

9. L'arrêt énonce d'abord que l'article L. 420-2-1 du code du commerce vise un accord ou une pratique concertée, de sorte qu'échappe à la prohibition une simple exclusivité de fait pour l'obtention de laquelle son bénéficiaire n'a réalisé aucun acte positif, que la démonstration de l'accord de volontés, nécessaire à la qualification d'accord ou de pratiques concertées, peut résulter de preuves documentaires directes, ou, à défaut, de preuves comportementales indirectes et que, dans cette derrière hypothèse, la démonstration du concours de volontés repose sur un faisceau d'indices graves, précis et concordants, dont le caractère probant est apprécié globalement, chacun de ses éléments n'ayant pas à répondre au critère de preuve précise, grave et concordante de l'accord d'exclusivité, dès lors que le faisceau répond à cette exigence.

10. Il retient ensuite que l'ensemble des courriels versés aux débats attestent bien de l'existence de droits exclusifs d'importation accordés à la société General Import, soit par des bureaux d'achat, soit directement par un producteur, et non d'exclusivités qui auraient été convenues uniquement entre des producteurs et des bureaux d'achat contrairement à ce que soutient la société ADLP. Il retient qu'ils attestent également, en raison des refus de vente qu'ils opposent, de la mise en oeuvre effective de cette exclusivité par ces opérateurs pour chacun des produits visés dans la décision attaquée. Il ajoute que le recoupement de ces courriels avec celui émanant de la société General Import du 16 mai 2014 atteste aussi de ce que les exclusivités ne lui ont pas été consenties de manière unilatérale par des bureaux d'achat et qu'elles ne sont pas, comme le soutient en vain la société ADLP, le résultat d'une situation de fait imposée par les spécificités du marché, mais, au contraire, d'accords, que les bureaux d'achats se considéraient juridiquement tenus de respecter, ainsi que d'une attitude positive de la société General Import, qui a laissé entendre à au moins l'un de ses partenaires la légalité de ces accords d'exclusivité.

L'arrêt en déduit que ces éléments, pris dans leur ensemble, établissent l'existence des pratiques concertées prohibées par l'article L. 420-2-1 du code de commerce, pour l'importation des produits SunRice, Heintz, Golden Circle, Campbell Arnott's, Chelsea et Anchor.

11. Le moyen, qui sous le couvert de griefs infondés de dénaturation et de violation de la loi, ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine de l'existence d'un faisceau d'indices graves, précis et concordants, ne peut être accueilli.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

12. La société ADLP fait encore le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que le montant de la sanction pécuniaire pouvant être prononcée par l'Autorité de la concurrence doit être proportionné à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées ; que l'importance du dommage à l'économie doit être prouvée par l'Autorité de la concurrence et ne peut être présumée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que si l'Autorité de la concurrence n'avait procédé à aucune évaluation précise des hausses des prix de gros, et partant, des prix au détail, au moyen d'analyse ou de relevé de prix « des produits concernés, il s'inférait néanmoins de l'infraction sanctionnée, relative à l'existence de pratiques instaurant des droits exclusifs d'importation, comme des éléments évoqués dans l'arrêt attaqué, tel le courriel du 16 mai 2014 par lequel la société General Import mentionnait les barèmes de gros transmis à ses fournisseurs en leur demandant de ne pas les communiquer pour préserver leur confidentialité, que les exclusivités d'importation dont avait bénéficié la société General Import, qui lui avaient conféré une situation de quasi-monopole, avait nécessairement entravé toute baisse du prix des produits concernés » ; qu'en statuant par ces motifs d'ordre général, sans examiner l'impact concret qu'avaient pu avoir les pratiques reprochées à la société General Import sur l'économie de [Localité 7] et en particulier sur les prix des produits concernés par ces pratiques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce ;

2°/ qu'en écartant comme inopérant le moyen tenant à l'exécution des accords de modération des prix ayant, selon la société ADLP empêché tout effet inflationniste des pratiques sanctionnées, quand le respect par la société General Import de ces accords « bouclier-qualité-prix » avait eu pour effet de protéger les consommateurs des produits visés par les poursuites de tout effet inflationniste des prix, et devait en conséquence être pris en considération pour apprécier l'importance du dommage causé à l'économie par les pratiques reprochées à la société General Import, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

13. Après avoir énoncé que la pratique d'octroi de droits exclusifs d'importation au profit d'un importateur-grossiste est objectivement de nature à entraver l'implantation ou le développement d'autres importateurs-grossistes, l'arrêt retient d'abord que, relevée sur l'ensemble du territoire des îles de [Localité 7], dans le cadre d'un marché étroit, comportant des barrières à l'entrée tenant au caractère très isolé des lieux, elle est préjudiciable à l'égard de consommateurs captifs, dont le pouvoir d'achat est beaucoup plus faible qu'en métropole. Il retient ensuite que si l'Autorité n'a procédé à aucune évaluation précise des hausses des prix de gros, et partant, des prix au détail, au moyen d'analyses ou de relevés de prix, il s'infère néanmoins de l'infraction retenue, relative à l'existence de pratiques instaurant des droits exclusifs d'importation, comme des éléments tel que le courriel du 16 mai 2014 par lequel la société General Import mentionne les barèmes de gros qu'elle transmet à chacun de ses fournisseurs en leur demandant de ne pas les communiquer pour préserver leur confidentialité, que les exclusivités d'importation dont cette société a bénéficié et qui lui ont conféré une position de quasi-monopole, ont nécessairement entravé toute baisse du prix des produits concernés.

L'arrêt retient encore que les deux seuls tickets d'achat produits ne peuvent suffire à démontrer l'existence d'un circuit court d'approvisionnement ayant permis aux détaillants de s'approvisionner directement auprès des fournisseurs pendant les périodes où les pratiques ont été retenues. Il retient enfin que doivent être écartés l'argument tenant au nombre limité de produits concernés par la pratique prohibée, seuls pris en compte, ainsi que celui pris de la sensibilité de la demande au regard des prix pratiqués, eu égard à la nature des produits concernés qui sont des produits de première nécessité.

14. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, dont elle a déduit que le dommage à l'économie était significatif, la cour d'appel, qui a examiné la matérialité de l'entrave à la baisse des prix causée, au cas particulier, par la pratique mise en oeuvre qui réduisait les effets du bouclier-qualité-prix issu d'accords de modération de prix et a, à juste titre, considéré qu'était inopérant le moyen tenant à l'exécution de ces accords, ayant, selon la société ADLP, empêché tout effet inflationniste des pratiques sanctionnées, a légalement justifié sa décision.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Champalaune - Avocat général : Mme Beaudonnet - Avocat(s) : Me Soltner ; SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre -

Textes visés :

Article L. 420-2-1 du code de commerce.

Com., 26 janvier 2022, n° 20-16.782, (B), FRH

Cassation partielle

Transparence et pratiques restrictives – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Etablissements de crédit et sociétés de financement

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 27 février 2020), la société Green Day, exerçant une activité de restauration et de sandwicherie, a conclu le 25 septembre 2017, pour les besoins de son activité, un contrat de location financière avec la société Locam, portant sur du matériel fourni par une société tierce, moyennant soixante loyers mensuels.

2. Après une mise en demeure du 16 juillet 2018 visant la clause résolutoire, la société Locam a assigné la société Green Day en paiement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société Locam fait grief à l'arrêt de dire que l'article 12 des conditions générales du contrat est réputé non écrit et, en conséquence, de dire que le contrat de location n'a pas été résilié et se poursuit jusqu'à son terme, de condamner la société Green Day à lui verser la seule somme de 4 284 euros TTC au titre des échéances échues impayées, majorée des intérêts au taux légal et de rejeter le surplus de ses demandes en paiement, alors « que si dans un contrat d'adhésion, toute clause qui créée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties est réputée non écrite, cette disposition générale, introduite dans le droit commun par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ne peut trouver à s'appliquer que dans les matières où la prohibition des clauses génératrices d'un tel déséquilibre n'est pas déjà assurée et régie par des textes spéciaux ; qu'elle est donc inapplicable, en l'état des dispositions de l'article L 442-1, I, 2°, du code de commerce, aux contrats conclus entre commerçants ; qu'en la jugeant néanmoins applicable au contrat de location financière conclu entre les sociétés commerciales Locam et Green day, la cour d'appel a violé l'article 1171 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article 1171 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

5. Il ressort des travaux parlementaires de la loi du 20 avril 2018 ratifiant ladite ordonnance, que l'intention du législateur était que l'article 1171 du code civil, qui régit le droit commun des contrats, sanctionne les clauses abusives dans les contrats ne relevant pas des dispositions spéciales des articles L. 442-6 du code de commerce et L. 212-1 du code de la consommation.

6. L'article 1171 du code civil, interprété à la lumière de ces travaux, s'applique donc aux contrats, même conclus entre producteurs, commerçants, industriels ou personnes immatriculées au répertoire des métiers, lorsqu'ils ne relèvent pas de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 24 avril 2019, applicable en la cause, tels que les contrats de location financière conclus par les établissements de crédit et sociétés de financement, lesquels, pour leurs opérations de banque et leurs opérations connexes définies à l'article L. 311-2 du code monétaire au financier, ne sont pas soumis aux textes du code de commerce relatifs aux pratiques restrictives de concurrence (Com. 15 janv. 2020, n° 18-10.512).

7. Le moyen, pris en sa première branche, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

8. La société Locam fait le même grief à l'arrêt, alors « que si, dans un contrat d'adhésion, toute clause qui créée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties est réputée non écrite, un tel déséquilibre ne saurait s'inférer de la seule absence de réciprocité d'une clause résolutoire de plein droit, dès lors que son unilatéralité s'explique par l'objet même du contrat et la nature des obligations dont sont respectivement tenues les parties ; qu'en matière de location financière, et eu égard au caractère purement financier de son intervention, le loueur exécute instantanément l'intégralité des obligations mises à sa charge, en réglant immédiatement au fournisseur le prix des biens commandés par le locataire et en les mettant à la disposition de ce dernier, si bien que seul le locataire reste ensuite tenu, jusqu'au terme du contrat, d'obligations susceptibles d'être sanctionnées par une clause résolutoire ; qu'en prétendant néanmoins, s'agissant de la clause résolutoire de plein droit pour défaut de paiement des loyers inscrite à l'article 12.a des conditions générales du contrat de location financière, déduire un déséquilibre significatif de son seul défaut de réciprocité, la cour d'appel a violé l'article 1171 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1171 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

9. Aux termes de ce texte, dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ; l'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.

10. Pour dire que l'article 12 des conditions générales du contrat est réputé non écrit, l'arrêt retient que la clause réserve à la seule société Locam la faculté de se prévaloir d'une résiliation de plein droit qu'aucune autre stipulation n'ouvre à la société Green Day.

11. En statuant ainsi, alors que le défaut de réciprocité de la clause résolutoire de plein droit pour inexécution du contrat prévue à l'article 12, a) des conditions générales se justifie par la nature des obligations auxquelles sont respectivement tenues les parties, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

12. La société Locam fait le même grief à l'arrêt, alors « que, dans le cas même où un déséquilibre significatif est caractérisé, seules sont réputées non écrites les clauses génératrices de ce déséquilibre et celles qui leur seraient, le cas échéant, indivisiblement liées, toutes les autres clauses demeurant intactes et pleinement efficaces ; que l'article 12 des conditions générales du contrat de location financière litigieux, tel qu'il est intégralement reproduit dans l'arrêt, se décompose en deux séries distinctes de clauses, l'article 12.a ne comprenant que de très classiques clauses résolutoires de plein droit destinées à sanctionner l'inexécution par le locataire de ses obligations, particulièrement celle de payer les loyers, cependant que sont réunies, sous l'article 12.b, diverses conditions résolutoires, dont l'application éventuelle est commandée, comme l'a relevé la cour d'appel, par des évènements extrinsèques à l'exécution même du contrat location en cause, comme ayant trait, notamment, à la vie sociale de la société locataire ou à l'exécution d'autres contrats ; que dès lors, à défaut de toute indivisibilité constatée entre ces deux séries de clauses, qui étaient distinctes tant par leur objet que par leur nature juridique, la cour d'appel ne pouvait retrancher de façon indifférenciée du contrat de location financière l'intégralité des stipulations figurant à l'article 12 de ses conditions générales, motifs pris d'un déséquilibre significatif qui s'inférerait des conditions résolutoires prévues à l'article 12.b, quand seule était ici mise en oeuvre la clause résolutoire de plein droit pour défaut de paiement des loyers prévue à l'article 12.a, ce en quoi elle a de nouveau violé l'article 1171 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1171 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

13. Pour dire que l'article 12 des conditions générales du contrat est réputé non écrit, l'arrêt retient encore que la clause permet à la société Locam, spécialement dans son paragraphe b), de résilier le contrat de plein droit pour des causes qui ne correspondent pas à des hypothèses de manquements contractuels de la société locataire, qu'elle autorise le bailleur à résilier de plein droit le contrat dans des hypothèses qui affectent la vie sociale de la société locataire cependant que celle-ci en tant que personne morale reste tenue de ses engagements financiers à l'égard de la société Locam et qu'elle permet également à celle-ci de résilier le contrat si le locataire a manqué à ses engagements envers d'autres sociétés du groupe Cofam, sans nécessité de vérifier que le locataire a manqué à ses obligations dans le contrat litigieux, quand ces possibilités ne sont pas laissées à la société Green Day.

14. En statuant ainsi, par des motifs pris du déséquilibre créé par la clause prévue à l'article 12, b) des conditions générales, pour réputer non écrite la clause résolutoire de plein droit pour inexécution du contrat par le locataire prévue à l'article 12, a), la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande en annulation de l'assignation introductive et du jugement, l'arrêt rendu le 27 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Darbois (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Bellino - Avocat(s) : SCP Leduc et Vigand -

Textes visés :

Article 1171 du code civil ; article L. 442-6, I, 2°, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 ; article L. 311-2 du code monétaire et financier.

Rapprochement(s) :

Sur l'exclusion de l'application des dispositions du code de commerce relatives aux pratiques restrictives de concurrence aux établissements de crédit et aux sociétés de financement : Com., 15 janvier 2020, pourvoi n° 18-10.512, Bull., (cassation partielle).

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