Numéro 1 - Janvier 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2022

ASSURANCE DOMMAGES

2e Civ., 20 janvier 2022, n° 20-10.529, (B), FS

Cassation

Garantie – Exclusion – Faute intentionnelle ou dolosive – Incendie provoqué – Applications diverses

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 17 septembre 2019), M. [B] et son épouse, Mme [E], étaient propriétaires d'une maison à usage d'habitation assurée auprès de la société Gan assurances (l'assureur), selon un contrat multirisque habitation.

2. Tentant de mettre fin à ses jours en s'immolant par le feu, Mme [E] a incendié des couvertures et répandu de l'essence sur le sol, à l'intérieur de ce domicile.

3. L'assureur a décliné sa garantie pour les dommages occasionnés à l'habitation, compte tenu de l'origine volontaire de l'incendie.

4. M. [B] et Mme [E] ont assigné l'assureur devant un tribunal de grande instance afin d'obtenir, notamment, le paiement d'une provision en application du contrat d'assurance.

L'assureur a invoqué une clause d'exclusion de garantie stipulée au contrat, relative au caractère intentionnel du dommage, et l'exclusion légale de garantie prévue à l'article L. 113-1 du code des assurances.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

6. Mme [E] fait grief à l'arrêt de dire que la clause d'exclusion de garantie figurant à l'article 18 des conditions générales du contrat Multirisque habitation Gan habitat confort, police n° 991407814, est valable, de dire qu'elle a commis une faute intentionnelle de nature à exclure la garantie de l'assureur, de la débouter ainsi que M. [B], de leurs demandes de reprise des opérations amiables d'évaluation des dommages et de paiement d'une provision et de les condamner à verser à l'assureur une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que les exclusions conventionnelles de garantie doivent être formelles et limitées, ce qui implique qu'elles ne soient sujettes à aucune interprétation ; qu'en l'espèce, en retenant que la clause, stipulée à l'article 18 des conditions générales de la police d'assurance souscrite par les époux [B] auprès de la compagnie Gan assurances, selon laquelle ne sont pas garantis « les dommages intentionnellement causés ou provoqués par toute personne assurée ou avec sa complicité » était formelle et limitée et que ses termes étaient clairs et précis, quand bien même elle avait dû l'interpréter en précisant que les dommages étaient exclus de la garantie qu'ils aient été voulu ou qu'ils soient une conséquence involontaire de l'incendie déclenché par l'auteur, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1, alinéa 1er, du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-1, alinéa 1er, du code des assurances :

7. Aux termes de ce texte, les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

Au sens de ce texte, une telle clause d'exclusion ne peut être tenue pour formelle et limitée dès lors qu'elle doit être interprétée.

8. L'arrêt constate que les conditions générales de la police souscrite auprès de l'assureur stipulent, en leur article 18, que sont exclus de la garantie « les dommages intentionnellement causés ou provoqués par toute personne assurée ou avec sa complicité » et retient qu'il s'en induit que les dommages résultant d'un incendie intentionnellement déclenché par l'assuré, comme c'est en l'espèce le cas de Mme [E], sont, dans les termes clairs et précis d'une clause formelle et limitée, exclus de la garantie de l'assureur, qu'ils aient été voulus, et donc causés par leur auteur, ou qu'ils soient une conséquence involontaire de l'incendie déclenché par l'auteur, qui les a ainsi provoqués.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a procédé à l'interprétation d'une clause d'exclusion ambigüe, ce dont il résulte qu'elle n'était ni formelle ni limitée, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Ittah - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Lévis -

Textes visés :

Article L. 113-1, alinéa 1, du code des assurances.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 22 mai 2001, pourvoi n° 99-10.849, Bull. 2001, I, n° 140 (cassation) ; 2e Civ., 26 novembre 2020, pourvoi n° 19-16.435, Bull., (cassation partielle).

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