Numéro 1 - Janvier 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2022

ASSURANCE DE PERSONNES

2e Civ., 20 janvier 2022, n° 20-16.953, (B), FRH

Cassation partielle

Accidents corporels – Prestation – Nature – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 19 mai 2020), [F] [K], alors qu'elle pilotait son scooter, a été victime d'un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par M. [J], assuré auprès de la société GMF (l'assureur).

2. [F] [K] est décédée des suites de cet accident.

3. M. [J] a été condamné pénalement pour homicide involontaire avec la circonstance qu'il conduisait en état alcoolique.

4. Les ayants droit de la victime, MM. [S] et [H] [Z], Mme [T] [Z], Mmes [M] et [G] [K] et M. [P] [K] (les consorts [K] et [Z]) ont assigné l'assureur devant un tribunal de grande instance aux fins d'indemnisation de leurs préjudices, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône et d'Humanis Prévoyance, institution de prévoyance régie par le code de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches et sur le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. L'assureur fait grief à l'arrêt de dire que le droit à indemnisation est entier et de le condamner à payer les sommes suivantes : à M. [S] [Z] : 192 275,52 euros, à M. [H] [Z], représenté par son père : 3 438,93 euros [en réalité 34 438,93 euros], à Mme [T] [Z] : 30 474,22 euros, à Mme [M] [K] : 10 300 euros, à M. [P] [K] : 12 826,80 euros et à Mme [G] [K] : 10 000 euros alors « que lorsque plusieurs véhicules terrestres à moteur sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice ; que la faute de la victime conductrice de nature à exclure ou limiter l'indemnisation de son préjudice doit être appréciée sans prendre en considération le comportement de l'autre conducteur impliqué ; qu'en retenant, pour dire que le droit à indemnisation était entier, que la circonstance que [F] [K] ne se tenait pas complètement à droite dans le virage, conformément aux prescriptions de l'article R. 412-9 du code de la route, ne constituait pas une faute de nature à limiter son droit à indemnisation dès lors que la voiture de M. [J] empiétait largement sur la voie opposée, qu'il n'avait rencontré aucun obstacle, que le point d'impact se situait sur la voie empruntée par la victime, à un mètre de l'axe médian et que Mme [K] qui, si elle ne tenait pas complètement sa droite, ne s'en trouvait pas moins très largement dans sa voie large de 3,30 mètres, l'écart par rapport au bord droit de sa voie s'expliquant par le fait qu'elle venait de tourner, pour en déduire que « le droit à indemnisation de la victime et dès lors de ses ayants droits est par conséquent intégral, les fautes de M. [J] (conduite en état alcoolique, vitesse excessive, déportement sur la voie de gauche en l'absence d'obstacle sur sa voie) étant à l'origine exclusive de l'accident », la cour d'appel, qui a pris en compte le comportement de M. [J] pour apprécier la faute de la victime ayant contribué à son préjudice, a méconnu les articles 4 et 6 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985. »

Réponse de la Cour

7. Pour dire que le droit à indemnisation des victimes par ricochet est entier, après avoir relevé que l'assureur reproche à la victime de ne pas avoir circulé le plus à droite possible, l'arrêt relève, par motifs propres, qu'il résulte de deux témoignages et du rapport d'un expert que le point d'impact se situe sur la voie empruntée par la victime, à un mètre de l'axe médian. Il énonce, par motifs adoptés, que si la victime ne tenait pas complètement sa droite, elle ne s'en trouvait pas moins très largement dans sa voie.

8. L'arrêt ajoute que l'écart par rapport au bord droit de la chaussée, qui s'explique par le fait que la victime venait de tourner, ne peut pas être considéré comme une faute.

9. En l'état de ces énonciations procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait, d'où il résulte que le conducteur victime n'a commis aucune faute ayant contribué à la réalisation de son dommage, et abstraction faite du motif erroné mais surabondant relatif au comportement fautif de l'autre conducteur, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

10. L'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer les sommes suivantes : à M. [S] [Z] : 192 275,52 euros, à M. [H] [Z], représenté par son père : 3 438,93 euros [en réalité 34 438,93 euros], à Mme [T] [Z] : 30 474,22 euros alors « que selon l'article L. 931-11 du code de la sécurité sociale, pour le paiement des prestations à caractère indemnitaire, les institutions de prévoyance sont subrogées jusqu'à concurrence desdites prestations dans les droits et actions du participant, du bénéficiaire ou de leurs ayants droit contre le tiers responsable ; qu'ont un caractère indemnitaire le capital-décès et de la rente Education lorsque ces prestations versées en cas de décès par l'organisme de prévoyance grâce aux cotisations prises en charge par l'employeur sont déterminées au prorata de la rémunération de l'assuré décédé ; qu'en l'espèce, ainsi que le faisait valoir la GMF dans ses conclusions d'appel, il résultait de la notice d'information du contrat collective de prévoyance à adhésion obligatoire d'Humanis prévoyance, versée aux débats, que le capital-décès et la rente Education versée aux ayants-droits de [F] [K] étaient calculées en pourcentage du salaire de référence ; qu'en retenant qu'il n'était pas démontré que ces prestations auraient un caractère indemnitaire, aux motifs inopérants que le fait que la rente éducation versée aux enfants de la victime était d'un montant identique nonobstant leur différence d'âge, la cour d'appel a violé l'article L. 931-11 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

11. Les consorts [K] et [Z] contestent la recevabilité du moyen. Il soutiennent qu'il est nouveau dès lors que l'assureur se serait exclusivement prévalu, devant la cour d'appel, du moyen tiré du caractère réputé indemnitaire, par détermination de la loi, des prestations servies aux ayants droit, sur le fondement de l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985.

12. Cependant, dans ses conclusions d'appel, l'assureur avait, d'une part, soutenu que l'institution de prévoyance en cause devait être assimilée à un organisme gérant un régime de sécurité sociale obligatoire, sur le fondement de l'article 29,1°, de la loi du 5 juillet 1985, d'autre part, argumenté sur le caractère indemnitaire des prestations versées aux ayants droit, dès lors qu'elles avaient été « calculées en pourcentage du salaire » de la victime décédée.

13. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L.931-11 du code de la sécurité sociale :

14. Aux termes de ce texte, pour le paiement des prestations à caractère indemnitaire, les institutions de prévoyance sont subrogées jusqu'à concurrence de ces prestations dans les droits et actions du participant, du bénéficiaire ou de leurs ayants droit contre les tiers responsables.

15. Pour rejeter la demande d'imputation du capital-décès et des rentes éducation sur le préjudice économique des ayants droit, l'arrêt énonce, par motifs adoptés, qu'il n'est pas démontré que ces prestations auraient un caractère indemnitaire, et ajoute que le fait que la rente éducation versée aux enfants de la victime soit d'un montant identique, nonobstant leur différence d'âge, « plaide », au contraire, pour un caractère forfaitaire.

16. En se déterminant ainsi, en considération du seul montant des rentes éducation, alors que l'assureur soutenait, dans ses conclusions d'appel, que l'ensemble des prestations versées revêtaient un caractère indemnitaire, dès lors qu'elles avaient été fixées en fonction des revenus de la défunte, et qu'elles n'étaient, de ce fait, pas indépendantes, dans leurs modalités de calcul et d'attribution, de celles de la réparation du préjudice selon le droit commun, la cour d'appel, qui n'a pas recherché quel était le mode de détermination des prestations en cause, n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Garantie mutuelle des fonctionnaires à payer les sommes suivantes : 192 275,52 euros à M. [S] [Z], 34 438,93 euros à M. [H] [Z], représenté par son père et 30 474, 22 euros à Mme [T] [Z], l'arrêt rendu le 19 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Ittah - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie ; Me Le Prado -

Textes visés :

Article L. 931-11 du code de la sécurité sociale.

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