Numéro 1 - Janvier 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2021

VENTE

1re Civ., 6 janvier 2021, n° 19-18.588, (P)

Cassation partielle

Garantie – Vices cachés – Appel en garantie – Appel en garantie du vendeur intermédiaire à l'encontre du fabricant – Moyen invoqué par le fabricant pour limiter sa garantie – Office du juge – Etendue – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 2 mai 2019), M. et Mme M... (les maîtres de l'ouvrage) ont fait édifier une maison d'habitation avec un bardage en bois mis en oeuvre par la société Menuiserie B... (l'entrepreneur), qui l'avait acquis de la société Docks des matériaux de l'ouest (la société DMO), laquelle s'était approvisionnée auprès de la société Pointbois, elle-même acquéreur du bardage auprès de la société Terminal bois nord 19 (le fabricant).

2. Ayant constaté divers désordres, les maîtres de l'ouvrage ont assigné l'entrepreneur et son assureur en responsabilité et indemnisation.

Par jugement du 4 avril 2012, rectifié le 16 mai 2012, ceux-ci ont été condamnés, in solidum à payer aux maîtres de l'ouvrage la somme de 33 321,12 euros toutes taxes comprises (TTC), avec indexation, en réparation des désordres affectant le bardage.

3. Le maître d'oeuvre et son assureur ont assigné en garantie la société DMO, qui a appelé en garantie la société Pointbois devenue la société [...], laquelle a appelé en garantie le fabricant.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le fabricant fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à rétractation de la disposition de l'arrêt du 22 février 2018 qui l'a condamné à garantir la société Pointbois de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre par le jugement rendu le 19 mars 2014 du tribunal de grande instance de Lorient et par l'arrêt frappé d'opposition et de le condamner ainsi à garantir la société Pointbois des condamnations mises à sa charge à hauteur de la somme de 33 321,12 euros TTC, alors « que l'appel en garantie ne crée de lien de droit qu'entre le bénéficiaire de la garantie et son propre garant, et n'en crée aucun entre ceux-ci et le demandeur à l'instance principale ; que faute d'action directe du demandeur originel contre l'appelé en garantie, celui-ci ne peut être condamné que dans ses relations avec le garanti, l'instance originelle et l'instance en garantie demeurant distinctes ; qu'en l'espèce, pour condamner le fabricant du bardage litigieux, à garantir la société Pointbois de l'intégralité des condamnations mises à sa charge, laquelle était elle-même condamnée à garantir intégralement la société DMO des condamnations mises à sa propre charge, et était ainsi redevable de la somme de 33 321,12 euros correspondant au coût du remplacement du bardage affecté d'un vice caché, la cour d'appel a relevé que si le fabricant admet le principe de sa garantie mais en conteste l'étendue, dès lors qu'il ne peut être tenu que des conséquences directes du vice des matériaux, il résulte des dispositions de l'article 1641 du code civil qu'en cas de ventes successives, le vendeur intermédiaire condamné à garantir les conséquences du produit affecté d'un vice caché, conserve la faculté d'exercer cette action à l'encontre du fabricant à hauteur de la totalité des condamnations mises à sa charge sur ce même fondement ; qu'en statuant ainsi, quand l'instance originelle entre le maître de l'ouvrage et la société Menuiserie B... était distincte de celle existant entre la société Menuiserie B... et la société DMO, elle-même distincte de l'instance entre la société DMO et la société Pointbois, elle-même distincte de l'instance entre la société Pointbois et le fabricant, de sorte que nonobstant le droit, pour le vendeur intermédiaire, d'exercer un appel en garantie à l'encontre du fabricant à hauteur de la totalité des condamnations mises à sa charge, le fabricant était recevable à opposer à la société Pointbois, qui l'a appelé en garantie, le moyen tiré de ce qu'il n'avait pas à supporter le coût de la dépose et de la repose du bardage défectueux, qui ne s'imposait que pour permettre la reprise de défauts d'étanchéité imputables à un tiers, la cour d'appel a violé les articles 334 et 335 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. La société Pointbois conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que celui-ci est nouveau et mélangé de fait et de droit.

6. Cependant le moyen est de pur droit.

7. Il est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 1641 et 1645 du code civil, 334 et 335 du code de procédure civile :

8. Il résulte de ces textes que, si le vendeur intermédiaire condamné à garantir les conséquences du produit affecté d'un vice caché, peut exercer un appel en garantie à l'encontre du fabricant à hauteur de la totalité des condamnations mises à sa charge, ce dernier peut invoquer des moyens propres à limiter sa garantie dont il incombe aux juges du fond d'examiner le bien-fondé.

9. Pour dire n'y avoir lieu à rétractation de la disposition de l'arrêt du 22 février 2018 en ce qu'il a condamné le fabricant à garantir la société Pointbois de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre, l'arrêt se borne à énoncer qu'en cas de ventes successives, le vendeur intermédiaire condamné à garantir les conséquences du produit affecté d'un vice caché, conserve la faculté d'exercer cette action à l'encontre du fabricant à hauteur de la totalité des condamnations mises à sa charge sur ce même fondement.

10. En statuant ainsi, sans examiner le bien-fondé du moyen invoqué par le fabricant pour voir limiter sa garantie, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Mise hors de cause

11. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la société Docks des matériaux de l'ouest, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit n'y avoir lieu à rétractation de l'arrêt du 22 février 2018, qui a condamné la société Terminal bois nord 19 à garantir la société Pointbois de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre par le jugement rendu le 19 mars 2014 par le tribunal de grande instance de Lorient et par l'arrêt frappé d'opposition, l'arrêt rendu le 2 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Met hors de cause la société Docks des matériaux de l'ouest.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Serrier - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Cabinet Colin-Stoclet ; SCP Marlange et de La Burgade -

Textes visés :

Articles 334 et 335 du code de procédure civile ; articles 1641 et 1645 du code civil.

Rapprochement(s) :

Com., 8 février 2000, pourvoi n° 97-10.794, Bull. 2000, IV, n° 26 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

3e Civ., 14 janvier 2021, n° 20-11.224, (P)

Cassation partielle

Promesse de vente – Immeuble – Modalités – Condition suspensive – Obtention d'un prêt – Non-réalisation – Demande de prêt conforme à la convention des parties – Preuve – Montant inférieur du prêt au montant maximal prévu

Un prêt accordé à un montant inférieur au montant maximal prévu par une promesse de vente est conforme aux stipulations contractuelles.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 septembre 2019), par acte sous seing privé du 4 novembre 2016, M. F... a vendu à M. et Mme N... une maison d'habitation sous la condition suspensive d'obtention d'un prêt principal et d'un prêt relais, la réitération de la vente par acte authentique devant intervenir le 3 février 2017.

2. Le 7 février 2017, les acquéreurs n'ayant pas justifié de l'obtention de la totalité des prêts, le vendeur leur a notifié une renonciation à poursuivre l'exécution de la vente.

3. Le 23 février 2017, M. et Mme N..., ayant obtenu leurs prêts, ont assigné M. F... en perfection de la vente et en paiement de la clause pénale. Reconventionnellement, le vendeur a sollicité le constat de la caducité de la promesse de vente et le paiement du dépôt de garantie.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. M. et Mme N... font grief à l'arrêt de déclarer la promesse de vente caduque et de rejeter leur demande au titre de la clause pénale et des frais de procédure, alors « que le juge doit respecter la loi des parties ; que la promesse de vente stipulait que les acquéreurs déclaraient avoir l'intention de recourir, pour le paiement du prix, à un prêt d'un montant maximum de 725 000 euros, dont 260 000 euros de crédit relais ; que la cour d'appel a relevé qu'ils avaient justifié, dans le délai de la mise en demeure qui leur avait été adressée par le vendeur, avoir obtenu un prêt, matérialisé par une offre de la banque en date du 24 janvier 2017 de 539 900 euros ; qu'il avait ainsi été justifié, dans les délais, d'un prêt conforme aux stipulations contractuelles, puisqu'il était inférieur au montant maximal prévu, peu important que les acquéreurs aient antérieurement sollicité la banque pour un montant supérieur et que le prêt ne couvre pas le montant total de l'acquisition ; qu'en jugeant pourtant, pour juger la promesse de vente caduque, que les acquéreurs n'aient pas justifié de la réalisation de la condition dans les termes prévus par la promesse, la cour d'appel a violé l'article 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1103 du code civil :

5. Aux termes de ce texte, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

6. Pour déclarer caduque la promesse de vente et rejeter la demande de M. et Mme N... en paiement de la pénalité contractuelle, l'arrêt retient que les acquéreurs n'ont pas justifié de la réalisation de la condition suspensive dans les termes contractuels.

7. En statuant ainsi, alors qu'un prêt accordé à un montant inférieur au montant maximal prévu est conforme aux stipulations contractuelles, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. M. et Mme N... font grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande du vendeur tendant à la conservation du dépôt de garantie et dit que cette somme sera versée à M. et Mme N... et de les condamner à payer au vendeur une clause pénale de 38 500 euros et de dire que la somme séquestrée par le notaire sera versée à M. F..., alors « que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la promesse de vente stipulait que le dépôt de garantie ne resterait acquis au vendeur, par application de la clause pénale stipulée à l'acte, que si le défaut de réalisation d'une des conditions suspensives était dû à la responsabilité de l'acquéreur ; que le premier moyen a montré que les conditions suspensives avaient bien été réalisées, notamment celle tenant à l'information du vendeur, dans les délais contractuellement prévu, du prêt obtenu ; que par conséquent, la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen justifie la cassation du chef de dispositif attaqué par le présent moyen, par application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse au moyen

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

9. Selon ce texte, la censure qui s'attache à un arrêt de cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

10. La cassation sur le premier moyen entraîne par voie de conséquence la cassation des dispositions critiquées par le second moyen.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande d'expertise, l'arrêt rendu le 17 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet sur le surplus l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Greff-Bohnert - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Claire Leduc et Solange Vigand -

Textes visés :

Article 1103 du code civil.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 30 janvier 2008, pourvoi n° 06-21.117, Bull. 2008, III, n° 22 (cassation), et l'arrêt cité.

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