Numéro 1 - Janvier 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2021

TRIBUNAL D'INSTANCE

Soc., 13 janvier 2021, n° 19-23.533, (P)

Rejet

Compétence – Compétence matérielle – Elections professionnelles – Conditions d'organisation et de déroulement – Recours au vote électronique – Contestation – Nature – Appréciation – Portée

Il résulte du premier alinéa de l'article L. 2314-32 du code du travail que les contestations relatives à l'électorat, à la composition des listes de candidats en application de l'article L. 2314-30, à la régularité des opérations électorales et à la désignation des représentants syndicaux sont de la compétence du juge judiciaire, et de l'article R. 2314-23 que les contestations prévues à l'article L. 2314-32 sont jugées en dernier ressort.

Le recours au vote électronique, qu'il soit prévu par accord collectif ou par décision unilatérale de l'employeur, constitue une modalité d'organisation des élections et relève en conséquence du contentieux de la régularité des opérations électorales.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée (tribunal d'instance de Nice, 7 octobre 2019), prise en la forme des référés, la société Rapide Côte d'Azur a, courant 2018, engagé le processus de mise en place d'un comité social et économique au sein de l'entreprise. Dans ce cadre, l'employeur a décidé, par déclaration unilatérale en date du 22 août 2018, la possibilité d'un recours au vote électronique.

2. Le syndicat départemental CGT des transports 06 (le syndicat) a contesté cette décision unilatérale devant le tribunal d'instance.

Recevabilité du pourvoi contestée par la défense

3. La société soulève l'irrecevabilité du pourvoi, au motif que la contestation formée devant le tribunal d'instance, a fortiori saisi en la forme des référés, ne correspond à aucune des contestations énumérées aux articles R. 221-23 du code de l'organisation judiciaire et R. 2314-23 du code du travail, et que la décision rendue l'est par conséquent en premier ressort.

4. Il résulte du premier alinéa de l'article L. 2314-32 du code du travail que les contestations relatives à l'électorat, à la composition des listes de candidats en application de l'article L. 2314-30, à la régularité des opérations électorales et à la désignation des représentants syndicaux sont de la compétence du juge judiciaire, et de l'article R. 2314-32 que les contestations prévues à l'article L. 2314-32 sont jugées en dernier ressort.

5.Le recours au vote électronique, qu'il soit prévu par accord collectif ou par décision unilatérale de l'employeur, constitue une modalité d'organisation des élections, et relève en conséquence du contentieux de la régularité des opérations électorales.

6. Il en résulte que ce contentieux relève du tribunal judiciaire statuant en dernier ressort et que le pourvoi est recevable.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses sixième à neuvième branches, ci-après annexé

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses cinq premières branches

Enoncé du moyen

8. Le syndicat fait grief à l'ordonnance de le débouter de sa demande en annulation de la déclaration unilatérale de l'employeur sur le vote électronique adoptée le 22 août 2018, alors :

« 1°/ que la négociation collective et l'exécution du contrat de travail sont régies par le principe de loyauté ; que le préalable de négociation imposée par l'article L. 2314-26 du code du travail pour la mise en place du vote électronique suppose qu'en l'absence de délégué syndical, l'employeur recherche un accord avec des élus, mandatés ou non, ou directement avec des salariés mandatés, en application des articles L. 2232-24, L. 2232-25 et L. 2232-26 du code du travail ; qu'en retenant, pour refuser d'annuler la décision unilatérale de l'employeur, que la possibilité préalable pour l'employeur de provoquer des négociations avec l'organisation syndicale CGT s'avérait matériellement impossible en l'absence de délégué syndical, le tribunal a violé le principe de loyauté régissant les relations de travail ;

2°/ qu'en l'absence de délégué syndical, un accord d'entreprise peut être conclu entre l'employeur et des élus, mandatés ou non, ou directement avec des salariés mandatés en application des articles L. 2232-24, L. 2232-25 et L. 2232-26 du code du travail ; qu'en retenant qu'un accord d'entreprise ne pouvait être négocié que par une délégation d'une organisation représentative dans l'entreprise et que la bonne volonté de l'employeur quant à la recherche d'un accord devait s'analyser en fonction de la réalité au sein de l'entreprise lors de l'adoption de la DUE, quand il résulte des articles L. 2232-24 et suivants du code du travail qu'un accord d'entreprise peut être négocié par d'autres interlocuteurs qu'une délégation d'une organisation syndicale dans l'entreprise incarnée par un délégué syndical, le tribunal a violé les articles L. 2232-24, L. 2232-25, L. 2232-26, L. 2314-26 et R. 2314-5 du code du travail ;

3°/ que pour débouter le syndicat demandeur, le tribunal a retenu qu'aucun membre titulaire de la délégation du personnel du comité social et économique n'avait été expressément mandaté par la CGT pour négocier un accord relatif à la mise en place du vote électronique ; qu'en statuant ainsi, quand la mise en place du comité social et économique au mois de mars 2019 était postérieure à la DUE litigieuse sur le vote électronique, le tribunal a statué par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 2232-24 du code du travail ;

4°/ qu'en retenant qu'il résulte de l'article L. 2232-24 du code du travail que la négociation avec un membre titulaire de la délégation du personnel du comité social et économique mandaté par une organisation syndicale représentative ne peut porter, en tout état de cause, que sur des accords collectifs relatifs à des mesures dont la mise en oeuvre est subordonnée par la loi à un accord collectif, le tribunal a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, et a violé l'article L. 2232-24 du code du travail ;

5°/ que les dispositions du code du travail sont d'ordre public, et que par principe, elles présentent un caractère impératif ; que leur violation prive d'effet tout acte contraire négocié ou imposé unilatéralement par l'employeur ; qu'en retenant, pour débouter le syndicat demandeur, qu'il ne s'imposait pas à l'employeur, à peine de nullité, d'entamer des négociations préalablement à l'adoption d'une DUE sur le vote électronique, le tribunal a violé les articles L. 2314-26 et R. 2314-5 du code du travail. »

Réponse de la Cour

9. Il résulte des articles L. 2314-26 et R. 2314-5 du code du travail que la possibilité de recourir au vote électronique pour les élections professionnelles peut être ouverte par un accord d'entreprise ou par un accord de groupe, et, à défaut d'accord, par une décision unilatérale de l'employeur.

10. Il ressort de ces dispositions que ce n'est que lorsque, à l'issue d'une tentative loyale de négociation, un accord collectif n'a pu être conclu que l'employeur peut prévoir par décision unilatérale la possibilité et les modalités d'un vote électronique.

11. Dès lors que le législateur a expressément prévu qu'à défaut d'accord collectif, le recours au vote électronique pouvait résulter d'une décision unilatérale de l'employeur, cette décision unilatérale peut, en l'absence de délégués syndicaux dans l'entreprise ou dans le groupe, être prise par l'employeur sans qu'il soit tenu de tenter préalablement une négociation selon les modalités dérogatoires prévues aux articles L. 2232-23 à L. 2232-26 du code du travail.

12. En l'espèce, le tribunal d'instance, qui a constaté qu'il n'y avait plus dans l'entreprise de délégué syndical depuis le mois de février 2018, en a exactement déduit, par ces seuls motifs, que la décision unilatérale prise par l'employeur le 22 août 2018 sur le recours au vote électronique était valide.

13. Le moyen, inopérant en ses troisième et quatrième branches, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles L. 2314-30, L. 2314-32, alinéa 1, et R. 2314-23 du code du travail ; articles L. 2232-23 à L. 2232-26, L. 2314-26, et R. 2314-5 du code du travail.

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