Numéro 1 - Janvier 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2021

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL

Soc., 27 janvier 2021, n° 19-24.400, (P)

Rejet

Conventions et accords collectifs – Accords collectifs – Accords collectifs relatifs à la mise en place et au fonctionnent des institutions représentatives du personnel – Accords collectifs conclus avant le premier tour des élections des membres de la délégation du personnel du comité social et économique – Caducité – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Paris, 5 novembre 2019), la société BNP Paribas a conclu le 14 novembre 2003 un accord sur la mise en place d'un comité de groupe, prévoyant que les membres seraient désignés tous les trois ans par les organisations syndicales représentatives parmi les élus aux comités d'entreprise, d'établissement ou délégations uniques des entreprises entrant dans la composition du comité de groupe.

En mai 2019, l'employeur a invité les organisations syndicales représentatives à désigner les membres du comité de groupe au regard des résultats des dernières élections.

2. Par requête en date du 12 juillet 2019, la Fédération française des syndicats CFDT des banques et sociétés financières (la FBA CFDT) a saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation des désignations des membres du comité de groupe.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La FBA CFDT fait grief au jugement de la débouter de ses demandes, alors :

« 1°/ que l'article 4 de l'accord collectif du 14 novembre 2003 stipule que les représentants du personnel au comité de groupe en sont membres après avoir été ''désignés par chaque organisation syndicale représentative nationalement parmi les élus aux comités d'entreprise, d'établissement ou délégations uniques des entreprises entrant dans la composition du comité de groupe'' ; que cet accord, qui n'a pas été révisé en vue de la mise en place des nouveaux comités sociaux et économiques, ne prévoit pas la possibilité de désigner des membres parmi ces nouveaux comités ; qu'en jugeant le contraire, aux motifs inopérants que le nouvel article L. 2333-2 du code du travail, d'ordre public, a substitué les termes ''élus aux comités sociaux et économiques'', aux termes ''élus aux comités d'entreprise, d'établissement, ou de délégation unique du personnel'' et qu'il pénètre la sphère contractuelle et s'impose aux signataires de l'accord de 2003, le tribunal a violé l'article 4 de l'accord collectif du 14 novembre 2003 et l'article L. 2333-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, ensemble l'article 9 de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 portant diverses mesures transitoires ;

2°/ que la loi nouvelle, même d'ordre public, ne s'applique pas, sauf rétroactivité expressément stipulée par le législateur, aux conditions de l'acte juridique conclu antérieurement ; qu'en l'espèce, en jugeant que le nouvel article L. 2333-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, pénètre l'accord collectif du 14 novembre 2003 et s'impose aux parties dans le renouvellement du comité de groupe, quand l'article 9 de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 n'a nullement autorisé une telle application rétroactive de la loi nouvelle aux accords collectifs antérieurs relatifs au comité de groupe, le tribunal a violé l'article 9 de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, ensemble l'article 2 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. En vertu de l'article 9 V de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, pour l'application des dispositions du code du travail autres que celles citées au premier alinéa du présent VI, modifiées par les ordonnances prises en application de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017, jusqu'au 31 décembre 2019, il convient de lire selon les cas « comité social et économique » ou « comité d'entreprise » ou « comité d'entreprise, ou à défaut, des délégués du personnel » ou « comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ».

5. En vertu de l'article 9 VII de l'ordonnance précitée, les stipulations des accords d'entreprise, des accords de branche et des accords couvrant un champ territorial ou professionnel plus large prises en application des dispositions des titres Ier et II du livre III de la deuxième partie du code du travail relatives aux délégués du personnel et au comité d'entreprise, les dispositions du titre VIII du livre III de la même partie du code du travail sur le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les dispositions du titre IX du livre III de la même partie du code du travail sur le regroupement par accord des institutions représentatives du personnel, les dispositions du titre X du livre III de la même partie du code du travail sur les réunions communes des institutions représentatives du personnel ainsi que les dispositions du titre Ier du livre VI de la quatrième partie, relatives au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, cessent de produire effet à compter de la date du premier tour des élections des membres de la délégation du personnel du comité social et économique.

6. La chambre sociale a jugé que demeuraient applicables les accords collectifs relatifs à la mise en place et au fonctionnement des institutions représentatives du personnel qui n'entrent pas dans les prévisions de l'article 9 VII précité (Soc., 25 mars 2020, pourvoi n° 18-18.401). Lorsqu'une clause de ces accords se réfère aux termes « comité d'entreprise », « délégation unique du personnel », « délégué du personnel » ou « comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail », il y a lieu d'y substituer les termes de « comité social et économique » dès lors que cette substitution suffit à permettre la mise en oeuvre de cette clause.

7. En l'espèce, le tribunal d'instance a constaté que l'accord instituant le comité de groupe au sein de la société BNP Paribas prévoyait la désignation des membres du comité de groupe par les organisations syndicales représentatives au sein des élus des comités d'entreprise ou de la délégation unique du personnel, conformément aux dispositions de l'article L. 2333-2 du code du travail dans sa rédaction alors applicable. Relevant que l'article L. 2333-2 avait été modifié par l'article 4 de l'ordonnance du 23 septembre 2017 pour remplacer les mots « comité d'entreprise » et « délégation unique du personnel » par les mots « comité social et économique », il en a exactement déduit que l'accord collectif pouvait continuer à recevoir application en effectuant la même modification de vocabulaire.

8. Par ailleurs, le tribunal d'instance a décidé à bon droit que la disposition transitoire de l'article 9 V de l'ordonnance précitée permettait de se référer, jusqu'au 31 décembre 2019, soit à l'ancienne terminologie soit à la nouvelle selon qu'au sein du périmètre couvert par le comité de groupe les comités sociaux et économiques avaient ou non été déjà mis en place.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Lévis -

Textes visés :

Article 9, VII, de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales.

Rapprochement(s) :

Sur la détermination des accords collectifs n'entrant pas dans les prévisions de l'article 9, VII, de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, à rapprocher : Soc., 25 mars 2020, pourvoi n° 18-18.401, Bull. 2020, (rejet).

Soc., 20 janvier 2021, n° 19-10.962, (P)

Cassation partielle

Conventions et accords collectifs – Accords collectifs – Accords d'entreprise – Accord d'entreprise du 26 avril 2004 de la mutuelle générale de la police – Articles 4.6 et 4.2 – Promotion définitive dans le nouveau poste – Effets – Absence de réintégration dans l'emploi antérieurement occupé ou un emploi similaire à l'expiration de la période probatoire

Il résulte de la combinaison des articles 4.6 et 4.2 de l'accord d'entreprise du 26 avril 2004 de la mutuelle générale de la police et L. 2254-1 du code du travail qu'à l'expiration de la période probatoire, le salarié qui n'a pas été réintégré dans son ancien emploi ou un emploi similaire à celui antérieurement occupé est promu définitivement dans son nouveau poste.

Faits et procédure

1.Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 novembre 2018), Mme R... a été engagée le 9 juillet 2008 par l'Unité mutualiste, aux droits de laquelle vient la Mutuelle générale de la police, puis a été promue cadre, le 1er juillet 2009, dans des fonctions de responsable du service de contrôle interne.

2. Suivant avenant du 1er juin 2010, elle a été nommée responsable du contrôle interne et de la gestion des risques. Cet avenant précisait que, conformément à l'accord collectif d'avril 2004, une période probatoire de six mois, allant du 1er juin au 31 décembre 2010, était fixée d'un commun accord et qu'il deviendrait définitif à l'issue de cette période probatoire.

3. Par avenant du 7 février 2011 à effet du 1er janvier 2011, les parties ont convenu d'un renouvellement de la période probatoire jusqu'au 30 juin 2011.

4. Le 5 mai 2011, l'employeur a mis fin à la période probatoire et la salariée a été réintégrée dans ses fonctions antérieures.

5. La salariée a été licenciée le 22 novembre 2012.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

6. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de rappels de salaire, outre les congés payés afférents, d'indemnité en contrepartie de la clause de non-concurrence, d'indemnité contractuelle de sortie, de rappel de primes 2011 et 2012 et de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement, alors :

« 2°/ que l'article 4.6 de l'accord d'entreprise du 26 avril 2004 de la Mutuelle générale de la police prévoit que « les candidats retenus sur une fonction relevant d'une catégorie d'emploi différente de celle initialement occupée se voient appliquer une période probatoire dont la durée est définie à l'article 4.2 ; l'affectation à un poste de responsabilité supérieure est assortie d'une période probatoire ; sa durée ne peut excéder celle de la période d'essai du nouveau poste occupé » ; que l'article 4.2 prévoit que la période d'essai pour les cadres est de six mois, renouvelable une fois pour une durée qui ne peut excéder celle de la période initiale si la possibilité du renouvellement a été prévue dans le contrat de travail initial ; que la cour d'appel a constaté que les dispositions conventionnelles ont été méconnues en ce que l'avenant du 1er juin 2010 a fixé une période probatoire de sept mois et que le renouvellement n'est pas prévu par ledit avenant, en sorte que le renouvellement intervenu après l'expiration du délai initial est irrégulier et l'avenant du 1er juin 2010 est devenu définitif au 30 novembre 2010 ; qu'en écartant néanmoins l'application de l'avenant du 1er juin 2010 quant aux salaires et avantages contractuels qu'il stipule, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 devenu l'article 1103 du code civil et les articles 4.6 et 4.2 de l'accord d'entreprise du 26 avril 2004 ensemble l'article L. 2254-1 du code du travail ;

3°/ qu'en retenant, pour écarter tout effet juridique à l'avenant du 1er juin 2010 devenu définitif au 30 novembre 2010 s'agissant des salaires et avantages contractuels qu'il stipule, des motifs inopérants tenant à la légèreté de l'inobservation des délais et formes conventionnels, à l'absence de stipulation par l'accord de sanctions encourues, à l'absence d'allégation par la salariée de grief tiré de cette inobservation et de comportement abusif de l'employeur, à l'accord de la salariée pour le renouvellement avec une réserve inopérante, ainsi qu'au retour aux fonctions antérieures, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 devenu l'article 1103 du code civil et les articles 4.6 et 4.2 de l'accord d'entreprise du 26 avril 2004 ensemble l'article L. 2254-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 4.6 et 4.2 de l'accord d'entreprise du 26 avril 2004 de la Mutuelle générale de la police et L 2254-1 du code du travail :

7. Il résulte de l'article 4.6 dudit accord que l'affectation à un poste de responsabilité supérieure est assortie d'une période probatoire dont la durée ne peut excéder celle de la période d'essai du nouveau poste occupé et que durant ou à l'issue de la période probatoire, le salarié qui ne donnerait pas satisfaction sera réintégré dans le même emploi ou à un emploi similaire à celui antérieurement occupé.

8. L'article 4.2 fixe la durée de cette période à six mois pour les cadres, renouvelable une fois pour une durée qui ne peut excéder celle de la période initiale si la possibilité du renouvellement a été prévue dans le contrat de travail initial.

9. Aux termes de l'article L. 2254-1 du code du travail, lorsqu'un employeur est lié par les clauses d'une convention ou d'un accord, ces clauses s'appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables.

10. Il résulte de ces dispositions qu'à l'expiration de la période probatoire, le salarié qui n'a pas été réintégré dans son ancien emploi ou un emploi similaire à celui antérieurement occupé est promu définitivement dans son nouveau poste.

11. Pour rejeter les demandes de la salariée, l'arrêt, après avoir relevé que l'avenant instituait une période probatoire de sept mois et que son renouvellement était intervenu sans que l'avenant le prévoie et alors que le délai initial de six mois était expiré, retient que cette méconnaissance des dispositions conventionnelles ne peut toutefois conduire au maintien de la salariée dans les fonctions qui étaient les siennes durant la période probatoire, que l'inobservation incontestable mais légère des délais et formes conventionnels dans l'avenant, ne porte pas à grave conséquence, puisque l'accord d'entreprise ne stipulait pas précisément les sanctions encourues, que la salariée n'articule aucun grief tiré de cette inobservation et que le renouvellement rétroactif à compter du 1er janvier 2011 est intervenu avec son accord.

12. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le délai de la période probatoire avait expiré le 30 novembre 2010, et qu'à cette date la salariée était maintenue dans ses nouvelles fonctions, ce dont il résultait que l'avenant la nommant dans ces fonctions était devenu définitif, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme R... de ses demandes de rappels de salaire, majorés des congés payés afférents, d'indemnité en contrepartie de la clause de non-concurrence, d'indemnité contractuelle de sortie, de rappel de primes 2011 et 2012 et de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt rendu le 27 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Van Ruymbeke - Avocat général : Mme Roques - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Articles 4.6 et 4.2 de l'accord d'entreprise du 26 avril 2004 de la mutuelle générale de la police ; article L. 2254-1 du code du travail.

Soc., 20 janvier 2021, n° 19-16.283, (P)

Cassation partielle

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale de la restauration ferroviaire du 4 septembre 1984 – Articles 8.1 et 8.2 – Classification et salaires – Minima sociaux conventionnels – Respect – Assiette de comparaison – Exclusion – Prime d'ancienneté

Il résulte de l'application combinée des articles 8.1 et 8.2 de la convention collective nationale de la restauration ferroviaire du 4 septembre 1984 que seul le salaire mensuel brut réel est pris en compte pour déterminer si les minima sociaux ont été respectés et que la prime d'ancienneté, qui s'ajoute au salaire brut mensuel de référence, n'entre pas dans l'assiette de comparaison.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 mars 2019), Mme U... a été engagée le 1er avril 1989 en tant que chef de bord dans la restauration ferroviaire. Dans le courant de l'année 2008, elle a été promue formateur interne, statut cadre.

Le 1er mars 2009, le contrat de travail a été transféré à la société Cremonini restauration puis le 3 novembre 2013, à la société Newrest wagon-lits.

2. La relation de travail était soumise à la convention collective nationale de la restauration ferroviaire du 4 septembre 1984.

3. La salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes de rappels de salaires et de dommages-intérêts dirigées contre la société Cremonini restauration.

Le syndicat CFDT restauration ferroviaire (le syndicat) est intervenu à l'instance et a sollicité des dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses quatrième à septième branches et le troisième moyen du pourvoi principal : Publication sans intérêt

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser une certaine somme au titre d'un rappel de salaire se rapportant aux minima conventionnels outre congés payés afférents, de remettre des bulletins de salaires conformes à la décision et de dire que les intérêts seront capitalisés dans les conditions prescrites par l'article 1343-2 du code civil, alors :

« 1°/ qu'en l'absence de dispositions conventionnelles contraires, toutes les sommes versées en contrepartie du travail entrent dans le calcul de la rémunération à comparer avec le salaire minimum garanti ; que lorsque les partenaires sociaux ont exprimé l'intention d'intégrer dans la rémunération à prendre en compte pour l'application des dispositions conventionnelles, notamment sur les minima, tous les éléments de prime, gratification ou avantage en nature, le juge ne saurait s'affranchir des termes de la convention ou de l'accord collectif, mais doit au contraire intégrer au salaire à comparer avec le minimum conventionnel tous les éléments inclus par les dispositions conventionnelles ; que l'article 8.1 de la Convention collective nationale de la restauration ferroviaire du 4 septembre 1984 dispose que « Le montant des salaires, qui s'entend pour cent soixante neuf heures par mois, est déterminé par l'application au nombre de « points », indiqué en regard des désignations de postes figurant dans les tableaux des annexés I et II, de la valeur du « point » déterminée lors des négociations salariales annuelles, menées dans chaque entreprise. (...) Le montant ainsi obtenu représente le salaire de base brut mensuel de référence, auquel s'ajoute, pour obtenir le salaire mensuel brut réel, les primes, indemnités, allocations, participations aux résultats, remboursements de frais, avantages en nature, etc., prévus par les systèmes de rémunération propres à chaque entreprise et éventuellement mis au point lors des négociations salariales annuelles. C'est ce salaire mensuel brut réel qu'il convient de prendre en considération pour toute comparaison des rémunérations accordées au personnel de diverses catégories. Ces dispositions sont applicables à tout agent quels que soient son sexe et sa nationalité » ; qu'il s'en évince que les partenaires sociaux ont sans équivoque entendu intégrer à la rémunération à comparer au minimum conventionnel garanti tous les éléments de prime ou gratification s'ajoutant au salaire de base pour constituer le salaire réel, en considérant que ces éléments étaient versés en contrepartie du travail ; que cela vaut, en particulier, pour la prime d'ancienneté prévue à l'article 8.2 de la convention collective ; qu'en décidant pourtant d'exclure cette prime d'ancienneté de la rémunération à comparer avec le minimum conventionnel, la cour d'appel a violé l'article 8 de la convention collective nationale de la restauration ferroviaire du 4 septembre 1984 applicable au litige ;Publication sans intérêt

Réponse de la Cour

6. Selon l'article 8.1 de la convention collective nationale de la restauration ferroviaire du 4 septembre 1984 concernant les dispositions générales, le montant des salaires, qui s'entend pour cent soixante neuf heures par mois, est déterminé par l'application au nombre de « points », indiqué en regard des désignations de postes figurant dans les tableaux annexés de la valeur du point négocié.

Le montant ainsi obtenu représente le salaire de base brut mensuel de référence, auquel s'ajoutent, pour obtenir le salaire mensuel brut réel, les primes, indemnités, allocations, participations aux résultats, remboursements de frais, avantages en nature, etc., prévus par les systèmes de rémunération propres à chaque entreprise et éventuellement mis au point lors des négociations salariales annuelles. C'est ce salaire mensuel brut réel qu'il convient de prendre en considération pour toute comparaison des rémunérations accordées au personnel de diverses catégories.

7. En application de l'article 8.2 du même texte, s'ajoute au salaire de base brut mensuel de référence, une prime d'ancienneté dont le taux progresse en fonction de l'ancienneté du salarié et dont le montant est calculé à partir du salaire de base brut mensuel de référence.

8. Il en résulte d'une part, que seul le salaire mensuel brut réel est pris en compte pour déterminer si les minima sociaux ont été respectés, d'autre part, que la prime d'ancienneté, qui s'ajoute au salaire de base brut mensuel de référence, n'entre pas dans l'assiette de comparaison.

9. La cour d'appel, qui a retenu qu'aux termes des dispositions précitées de la convention collective de branche, la prime d'ancienneté s'ajoutait au salaire de base brut mensuel de référence, en a déduit à bon droit, abstraction faite des motifs relatifs à l'accord « nouvelle restauration ferroviaire » conclu au sein de l'unité économique et sociale le 21 décembre 2000 qui n'a pas d'effet sur la définition du salaire brut mensuel réel prévu par la convention collective de branche, que la prime d'ancienneté n'entrait pas dans la détermination du salaire brut mensuel réel.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa huitième branche : Publication sans intérêt

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal : Publication sans intérêt

Et sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

21. Le syndicat fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts, alors « que la méconnaissance d'un accord collectif cause nécessairement un préjudice à l'intérêt collectif de la profession ; qu'en déboutant le syndicat de sa demande tendant à voir réparer le préjudice résultant de l'inapplication des accords collectifs au sein de la société Cremonini restauration, au motif qu'il ne justifie pas du préjudice que ce différend aurait causé aux intérêts de la profession, la cour d'appel a violé l'article L. 2132-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2132-3 alinéa 2 du code du travail :

22. Selon ce texte, les syndicats peuvent exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

23. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts, l'arrêt retient que le syndicat est fondé à intervenir pour solliciter l'application des accords collectifs au sein de la société mais qu'il ne justifie pas du préjudice que ce différend au sujet de l'application des accords collectifs au sein de l'entreprise aurait porté aux intérêts de la profession.

24. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté une violation des dispositions de l'accord de branche et qu'une telle violation cause un préjudice à l'intérêt collectif de la profession, la cour d'appel, à qui il appartenait d'évaluer ce préjudice, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société Cremonini restauration à verser à Mme U... la somme de 1 102 euros outre congés payés afférents au titre d'un rappel de rémunération variable, l'arrêt rendu le 12 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Ala - Avocat général : M. Desplan - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles 8.1 et 8.2 de la convention collective nationale de la restauration ferroviaire du 4 septembre 1984 ; article L. 2132-3, alinéa 2, du code du travail.

Soc., 20 janvier 2021, n° 19-21.755, (P)

Cassation partielle

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997 – Avenant n° 2 du 5 février 2007 « relatif à l'aménagement du temps de travail » – Article 5.2 – Heures supplémentaires – Heures supplémentaires des salariés rémunérés au pourcentage service – Paiement – Exclusion

Il résulte de l'article 5.2 de l'avenant n° 2 du 5 février 2007 « relatif à l'aménagement du temps de travail » à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997 que le salarié, rémunéré par un pourcentage sur le service calculé sur le chiffre d'affaires, ne peut prétendre qu'à la majoration applicable aux heures supplémentaires effectuées et non au paiement de ces heures qui sont réputées être payées par les pourboires.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 juillet 2019), M. I... a été engagé à compter du 6 novembre 2002, par la société Café du Trocadéro en qualité de chef de rang, échelon 1, niveau II, de la convention collective des hôtels, cafés, restaurants, moyennant une rémunération au pourcentage sur le service.

2. Il a été placé en arrêt maladie à compter du 29 septembre 2014, le caractère professionnel de la pathologie ayant été reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie le 24 mars 2015.

3. Après avoir été licencié le 21 février 2015 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, il a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette rupture et obtenir la condamnation de son employeur à lui verser, outre un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées, diverses sommes à titre d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le cinquième moyen : Publication sans intérêt

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche qui est préalable : Publication sans intérêt

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

12. L'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'il était constant aux débats que le salarié était rémunéré exclusivement au « pourcentage service » ; que ce mode de rémunération inclut par nature, ainsi que le rappelle l'article 5.2 de l'avenant n° 2 du 5 février 2007 « relatif à l'aménagement du temps de travail » à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997, le paiement des heures supplémentaires effectuées sauf à y ajouter le paiement des seules majorations applicables auxdites heures, et sous réserve de l'application des minima conventionnels appliqués aux heures de travail effectuées ; qu'en jugeant que le salarié pouvait prétendre, en raison des heures supplémentaires effectuées, non pas seulement à la majoration du « pourcentage service » à due proportion mais au paiement intégral d'un rappel d'heures supplémentaires, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 3121-10 et suivants du code du travail dans leur rédaction applicable à la cause, ensemble les articles L. 3244-1 et L. 3244-2 du même code et l'article 5.2 de l'avenant n° 2 du 5 février 2007 « relatif à l'aménagement du temps de travail » à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 3244-1 et L. 3244-2 du code du travail et l'article 5.2 de l'avenant n° 2 du 5 février 2007 « relatif à l'aménagement du temps de travail » à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997 :

13. Aux termes du premier de ces textes, dans tous les établissements commerciaux où existe la pratique du pourboire, toutes les perceptions faites pour le service par l'employeur sous forme de pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients ou autrement, ainsi que toutes sommes remises volontairement par les clients pour le service entre les mains de l'employeur, ou centralisées par lui, sont intégralement versées au personnel en contact avec la clientèle.

14. Selon le deuxième, ces sommes ne doivent pas être confondues avec le salaire fixe, ni lui être substituées, sauf dans le cas où un salaire minimum a été garanti par l'employeur.

15. Il résulte enfin du troisième de ces textes que, pour les salariés rémunérés au service en application des articles L. 3244-1 et L. 3244-2 du code du travail, la rémunération tirée du pourcentage service calculé sur le chiffre d'affaires est réputée rémunérer l'intégralité des heures de travail et que l'entreprise doit, toutefois, ajouter au pourcentage service le paiement des majorations prévues à l'article 4 de l'avenant du 5 février 2007 au titre des heures supplémentaires exécutées, la rémunération du salarié payé au pourcentage service ainsi composée devant être au moins égale au salaire minimal de référence dû en application de la grille de salaire et en raison de la durée de travail effectuée, augmenté des majorations afférentes aux heures supplémentaires.

16. Pour condamner la société à payer une somme à titre de rappel d'heures supplémentaires incluant le paiement des heures de travail et des majorations applicables, l'arrêt retient qu'il ne se déduit pas des dispositions de l'article L. 3244-1 du code du travail invoquées par l'employeur que les pourboires versés au salarié se substituent aux heures supplémentaires effectuées par le salarié régies par l'avenant de la convention collective n° 2 du 5 février 2007 relatif à l'aménagement du temps de travail.

17. En statuant ainsi, alors que le salarié rémunéré par un pourcentage sur le service ne peut prétendre qu'à la majoration applicable aux heures supplémentaires effectuées, et non au paiement de ces heures qui sont réputées être payées par les pourboires, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le deuxième moyen : Publication sans intérêt

Et sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche : Publication sans intérêt

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe le salaire mensuel de M. I... à 7 649,50 euros et condamne la société Café du Trocadéro à lui payer les sommes de 77 452,64 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires et 7 745,26 euros au titre des congés payés afférents, 43 134,68 euros au titre de la dissimulation d'emploi,15 299 euros en deniers ou quittance à titre d'indemnité de préavis, 1 529,90 euros en deniers ou quittance au titre des congés payés afférents et 43 131,68 euros en deniers ou quittance à titre d'indemnité de licenciement, l'arrêt rendu le 2 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Mariette - Avocat général : M. Desplan - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article 5.2 de l'avenant n° 2 du 5 février 2007 « relatif à l'aménagement du temps de travail » à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997.

Soc., 13 janvier 2021, n° 19-13.977, (P)

Cassation partielle

Conventions et accords collectifs – Dispositions générales – Action en justice – Action en nullité – Décision d'annulation par le juge – Modulation dans le temps des effets de la décision d'annulation – Possibilité – Conditions – Détermination – Cas – Portée

Il résulte de l'article L. 2262-15 du code du travail, issu de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017, que, en cas d'annulation par le juge de tout ou partie d'un accord ou d'une convention collective, celui ci peut décider, s'il lui apparaît que l'effet rétroactif de cette annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, que l'annulation ne produira ses effets que pour l'avenir ou de moduler les effets de sa décision dans le temps, sous réserve des actions contentieuses déjà engagées à la date de sa décision sur le même fondement.

En l'absence de dispositions transitoires spécifiques, l'article L. 2262-15 est d'application immédiate, quelle que soit la date à laquelle l'accord collectif a été conclu.

Une cour d'appel, qui a retenu que l'annulation d'une clause d'une convention collective nationale conduisait à la remise en cause des sommes perçues par les salariés depuis une dizaine d'années, supposant un travail considérable, compliqué par l'ancienneté des situations établies avec une collecte de données de grande ampleur pour un résultat incertain en vue d'une reconstitution des droits de chacun, et qui a également relevé que le maintien de la clause pour le passé n'était pas de nature à priver les salariés de contrepartie, a caractérisé l'existence d'un intérêt général l'autorisant à reporter les effets de l'annulation de la clause et à fixer la prise d'effet de sa décision à une date tenant compte de la nécessité de laisser un délai pour la renégociation de la clause de rémunération.

Conventions et accords collectifs – Dispositions générales – Action en justice – Action en nullité – Décision d'annulation par le juge – Modulation dans le temps des effets de la décision d'annulation – Possibilité – Modalités – Office du juge – Détermination – Cas – Portée

Conventions et accords collectifs – Dispositions générales – Action en justice – Action en nullité – Décision d'annulation par le juge – Modulation dans le temps des effets de la décision d'annulation – Possibilité – Limites – Action contentieuse déjà engagée sur le même fondement à la date de la décision d'annulation – Cas – Portée

Aux termes de l'article L. 2262-15 du code du travail, en cas d'annulation par le juge de tout ou partie d'un accord ou d'une convention collective, celui ci peut décider, s'il lui apparaît que l'effet rétroactif de cette annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, que l'annulation ne produira ses effets que pour l'avenir ou de moduler les effets de sa décision dans le temps, sous réserve des actions contentieuses déjà engagées à la date de sa décision sur le même fondement. Il en résulte qu'une cour d'appel ne peut rejeter les demandes de dommages et intérêts au titre de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession formées par des organisations syndicales, à l'origine de l'action ayant conduit à l'annulation de la clause d'un accord collectif, au motif que les effets de l'annulation ont été reportés, dès lors que les actions contentieuses étaient déjà engagées à la date de sa décision d'annulation de la clause.

Désistement

1. Il est donné acte au Syndicat national de l'édition phonographique (le SNEP) et à l'Union des producteurs phonographiques français indépendants (l'UPFI) du désistement de leur pourvoi incident.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 24 janvier 2019), statuant sur renvoi après cassation (1re Civ., 15 mars 2017, pourvois n° 15-17.450, 14-29.408, 14-29.179, 14-29.973 et 15-10.891, Bull. 2017, I, n° 65), la convention collective nationale de l'édition phonographique (la convention) a été signée le 30 juin 2008 entre, d'une part, des organisations syndicales d'employeurs, le SNEP et l'UPFI, d'autre part, treize organisations syndicales de salariés. Elle comprend une annexe n° 3 qui « règle tout ou partie des conditions d'emploi, de rémunération et de garanties sociales des artistes-interprètes » salariés, dont le titre III contient des dispositions « applicables aux artistes musiciens, artistes des choeurs et artistes choristes ».

La convention a été étendue à l'ensemble du secteur par arrêté du 20 mars 2009 du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.

3. Le Syndicat national des musiciens force ouvrière (le SNM-FO), qui y a adhéré tout en émettant des réserves sur l'annexe n° 3, puis la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes (la SPEDIDAM) ont assigné le SNEP et l'UPFI, ainsi que les autres signataires, en annulation des articles III.21 et suivants de son annexe n° 3.

Le Syndicat national des enseignants et artistes (le SNE-UNSA), le Syndicat des artistes-interprètes et enseignants de la musique et de Paris Ile-de-France (le SAMUP) et la Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma (la FESAC) sont intervenus volontairement à la procédure et les instances ont été jointes.

4. Saisi parallèlement par la SPEDIDAM d'un recours pour excès de pouvoir à l'encontre de l'arrêté du 20 mars 2009, le Conseil d'Etat a sursis à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la validité de la convention collective au regard des moyens tirés, d'une part, de la méconnaissance par l'annexe n° 3 des dispositions de l'article L. 2221-1 du code du travail et des articles L. 212-3 et L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, d'autre part, de la méconnaissance des missions assignées par le législateur aux sociétés de gestion collective des droits des artistes-interprètes, ainsi que des droits qui leur sont reconnus.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens du pourvoi principal de la SPEDIDAM et du pourvoi incident du SAMUP, rédigés en des termes identiques, ci-après annexés

La première chambre civile de la Cour de cassation a délibéré sur ces moyens, sur l'avis de M. Sudre, avocat général, et après débats à l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Canas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre.

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal de la SPEDIDAM à l'exception du chef de la demande de dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession, ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen du pourvoi principal de la SPEDIDAM et du pourvoi incident du SAMUP, rédigés en des termes identiques, ci-après annexés

Enoncé du moyen

7. Les syndicats font grief à l'arrêt de dire que l'annulation de l'article III.24.1 de l'avenant 3 de la convention collective de l'édition phonographique du 30 juin 2008 ne produirait effet qu'à compter du 1er octobre 2019, alors :

« 1°/ qu'en reportant au 1er octobre 2019 les effets de l'annulation de l'article III.24.1 de l'annexe III de la convention collective de l'édition phonographique du 30 juin 2008, la cour d'appel a violé le principe selon lequel ce qui est nul est réputé n'avoir jamais existé ;

2°/ que l'article 4 de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 a créé trois nouveaux articles relatifs à l'action en nullité des conventions et accords collectifs dont l'article L. 2262-14 du code du travail qui réduit à deux mois le délai d'action et l'article L. 2262-15 du même code qui permet au juge de moduler dans le temps les effets de la nullité qu'il prononce ; que l'article 15 de la même ordonnance a institué des dispositions transitoires pour les conventions ou accords conclus antérieurement à la publication de l'ordonnance prévoyant que si une action avait été introduite avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance, l'action devait se poursuivre et être jugée conformément à la loi ancienne, y compris en appel et en cassation ; qu'en considérant, pour faire une application immédiate des dispositions de l'article L. 2262-15 du code du travail à l'action en nullité introduite en 2009, que la disposition transitoire énoncée par l'article 15 de l'ordonnance concernait uniquement l'article L. 2262-14 relatif au délai pour engager une action en nullité d'un accord collectif et ne comportait aucune disposition relative à l'application dans le temps de l'article L. 2262-15, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 15 de l'ordonnance précitée ;

3°/ qu'en tout état de cause, le juge ne peut reporter les effets de l'annulation qu'il prononce à une date postérieure à sa décision que si le maintien temporaire des dispositions de l'accord collectif est d'intérêt général ; qu'en statuant par des motifs impropres à caractériser l'intérêt général s'attachant au maintien des effets de l'article III. 24.1 de l'annexe 3 de la convention collective de l'édition phonographique du 30 juin 2008 au-delà de sa décision prononçant l'annulation, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 2262-15 du code du travail ;

4°/ qu'en tout état de cause en reportant au 1er octobre 2019 les effets de l'annulation de l'article III.24.1 de l'annexe III de la convention collective de l'édition phonographique du 30 juin 2008 sans avoir motivé le choix aléatoire d'une telle date et sans prévoir les conséquences de l'absence d'accord entre les syndicats signataires de la convention collective sur une nouvelle rédaction de la clause annulée, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale de l'article L. 2262.15 du code du travail. »

Réponse de la Cour

8. Il résulte de l'article L. 2262-15 du code du travail, issu de l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017, que, en cas d'annulation par le juge de tout ou partie d'un accord ou d'une convention collective, celui-ci peut décider, s'il lui apparaît que l'effet rétroactif de cette annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, que l'annulation ne produira ses effets que pour l'avenir ou de moduler les effets de sa décision dans le temps, sous réserve des actions contentieuses déjà engagées à la date de sa décision sur le même fondement.

9. En l'absence de dispositions transitoires spécifiques, l'article L. 2262-15 est d'application immédiate, quelle que soit la date à laquelle l'accord collectif a été conclu.

10. En l'espèce, la cour d'appel, a retenu que l'annulation de l'article III.24.1 de l'annexe 3 de la convention collective nationale de l'édition phonographique du 30 juin 2008 relatif à l'objet du cachet perçu par les artistes interprètes conduisait à la remise en cause des sommes perçues par les salariés depuis une dizaine d'années, supposant un travail considérable, compliqué par l'ancienneté des situations établies avec une collecte de données de grande ampleur pour un résultat incertain en vue d'une reconstitution des droits de chacun. Elle a également relevé que le maintien de la clause pour le passé n'était pas de nature à priver les salariés de contrepartie puisque le salaire minimum déterminé par les articles III.2 à III.4 a été négocié par les partenaires sociaux pour couvrir les deux objets de cette rémunération et que les parties n'apportent pas d'éléments permettant de dégager un manque à gagner par rapport à ce que les artistes auraient eu des chances de percevoir au titre de l'exploitation selon le mode A en cas de recours à deux rémunérations distinctes pour la prestation et pour l'exploitation des droits en cause. Elle a ainsi caractérisé l'existence d'un intérêt général l'autorisant à reporter les effets de l'annulation de la clause.

11. Constatant la nécessité de laisser un délai pour la renégociation de la clause de rémunération, la cour d'appel a pu, sans encourir les griefs de la quatrième branche du moyen, fixer à la date du 1er octobre 2019 la prise d'effet de sa décision d'annulation.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen relevé d'office en ce qu'il concerne les chefs visés par le quatrième moyen du pourvoi incident du SAMUP et le chef de rejet de la demande de dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession visé par le quatrième moyen du pourvoi principal de la SPEDIDAM

13. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article L. 2262-15 du code du travail et l'article 6, §,1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

14. Aux termes du premier des textes susvisés, en cas d'annulation par le juge de tout ou partie d'un accord ou d'une convention collective, celui-ci peut décider, s'il lui apparaît que l'effet rétroactif de cette annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, que l'annulation ne produira ses effets que pour l'avenir ou de moduler les effets de sa décision dans le temps, sous réserve des actions contentieuses déjà engagées à la date de sa décision sur le même fondement.

15. Pour rejeter les demandes de la SPEDIDAM et du SAMUP de dommages-intérêts au titre de l'atteinte à l'intérêt collectif, la cour d'appel a retenu que ces demandes ne peuvent qu'être écartées dès lors que les effets de l'annulation de l'article III.24.1 de l'annexe III de la convention collective ont été reportés dans l'avenir, de sorte que l'article III.24.1 doit être considéré comme régulier pour le passé.

16. En statuant ainsi, alors qu'elle était saisie d'une action en nullité de l'article III.24.1 précité qui avait été engagée par la SPEDIDAM en mars et avril 2009 et que le SAMUP était intervenu volontairement à l'instance en 2009, ce dont il résultait que ces actions contentieuses déjà engagées à la date de sa décision décidant de déclarer nul l'article III.24.1 et de reporter au 1er octobre 2019 les effets de cette annulation n'étaient pas soumises au report des effets de la nullité partielle de l'annexe III de la convention collective, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la SPEDIDAM et le SAMUP de leurs demandes de dommages-intérêts au titre de l'atteinte à l'intérêt collectif et le SAMUP de sa demande de publication de la décision, l'arrêt rendu le 24 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article L. 2262-15 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions de la modulation dans le temps des effets d'une décision d'annulation de tout ou partie d'un acte, cf. : CE, 11 mai 2004, n° 255886, publié au Recueil Lebon. Sur le principe que toute décision judiciaire modulant ses effets dans le temps doit réserver la situation des justiciables ayant déjà engagé une action contentieuse à la date de l'annulation, cf. : CJCE, arrêt du 26 avril 1994, Roquette Frères, C-228/92.

Soc., 13 janvier 2021, n° 19-20.736, (P)

Rejet

Conventions et accords collectifs – Dispositions générales – Application – Application dans le temps – Rétroactivité – Accord instituant un avantage – Egalité de traitement – Atteinte au principe – Justification – Eléments objectifs justifiant la différence de traitement – Défaut – Applications diverses – Rupture du contrat de travail d'un salarié antérieure à la date de signature de l'accord collectif – Portée

Dès lors qu'il résulte, d'une part, de l'article L. 2261-1 du code du travail qu'une convention ou un accord collectif peut prévoir l'octroi d'avantages salariaux pour une période antérieure à son entrée en vigueur et, d'autre part, de l'article 2 du code civil qu'une convention ou un accord collectif, même dérogatoire, ne peut priver un salarié des droits qu'il tient du principe d'égalité de traitement pour une période antérieure à l'entrée en vigueur de l'accord, la seule circonstance que le contrat de travail d'un salarié ait été rompu avant la date de signature de l'accord collectif ne saurait justifier que ce salarié ne bénéficie pas des avantages salariaux institués par celui-ci, de façon rétroactive, pour la période antérieure à la cessation du contrat de travail.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 avril 2019), M. J..., engagé le 2 juillet 2012 en qualité de conducteur-receveur par la société Veolia transport, aux droits de laquelle vient la société Transdev Ile-de-France, a été licencié pour faute le 28 janvier 2015.

2. Il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal du salarié

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur les moyens réunis du pourvoi incident de l'employeur

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié des sommes aux titres de la prime de samedi et de rappel de salaire, pour la période de janvier à mars 2015, alors :

« 1°/ que l'accord collectif nouveau n'est applicable qu'aux contrats de travail en cours au moment de sa date d'entrée en vigueur, de sorte que le salarié licencié ne peut revendiquer le bénéfice des dispositions d'un accord collectif conclu après son licenciement ; qu'en l'espèce, si le protocole d'accord pour les NAO 2015 du 8 octobre 2015 prévoyait la création d'une nouvelle prime de samedi pour les conducteurs-receveurs, rétroactivement au 1er janvier 2015, cet accord n'était applicable qu'aux salariés présents dans l'entreprise à sa date d'entrée en vigueur ; qu'en jugeant que M. J..., qui avait été licencié le 28 janvier 2015, avait droit, au titre de l'accord conclu plusieurs mois après son licenciement, au paiement de la somme de 16 euros au titre de prime de samedi, pour la période de janvier à mars 2015, avec intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, aux motifs inopérants qu'il ressortait « du protocole pour les NAO 2015 que ces augmentations du salaire de base et de la prime de samedi présentent un caractère rétroactif au 1er janvier 2015 » la cour d'appel a violé les articles L. 2261-1 et L. 2231-3 du code du travail, L. 2232-16, L. 2242-1 et L. 2242-5 du code du travail, dans leurs rédactions alors applicables, ainsi que le protocole d'accord pour les NAO 2015 du 8 octobre 2015 ;

2°/ que l'article 8 du protocole d'accord pour les NAO 2015 du 8 octobre 2015 intitulé « Création d'une prime de samedi pour les conducteurs receveurs » stipulait : » Rétroactivement au 1er janvier 2015, il est créé une prime de service du Samedi d'un montant de 2 euros. Cette prime est attribuée au conducteur effectuant un service un samedi ouvré " ; qu'il résultait des termes clairs et précis de cet accord que la nouvelle prime du samedi n'était accordée qu'aux conducteurs effectuant un service un samedi ouvré à la date d'entrée en vigueur de cet accord ; qu'en jugeant qu'aucune mention de l'accord n'excluait de son application les salariés ayant quitté l'entreprise avant sa conclusion, la cour d'appel a violé l'article 8 du protocole d'accord pour les NAO 2015 du 8 octobre 2015 ;

3°/ que l'accord collectif nouveau n'est applicable qu'aux contrats de travail en cours au moment de sa date d'entrée en vigueur, de sorte que le salarié licencié pour cause réelle et sérieuse ne peut revendiquer le bénéfice des dispositions d'un accord collectif conclu après son licenciement ; qu'en l'espèce, si le protocole d'accord pour les NAO 2015 du 8 octobre 2015 prévoyait une augmentation des salaires de base rétroactivement au 1er janvier 2015, cet accord n'était applicable qu'aux salariés présents dans l'entreprise à sa date d'entrée en vigueur ; qu'en jugeant que M. J..., qui avait été licencié le 28 janvier 2015, avait droit au paiement de la somme de 44,02 euros à titre de rappel de salaire, pour la période de janvier à mars 2015, avec intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, aux motifs inopérants qu'il ressortait « du protocole pour les NAO 2015 que ces augmentations du salaire de base et de la prime de samedi présentent un caractère rétroactif au 1er janvier 2015 » la cour d'appel a violé les articles L. 2261-1 et L. 2231-3 du code du travail, L. 2232-16, L. 2242-1 et L. 2242-5 du code du travail, dans leurs rédactions alors applicables, ainsi que le protocole d'accord pour les NAO 2015 du 8 octobre 2015 ;

4°/ que l'article 1er du protocole d'accord pour les NAO 2015 du 8 octobre 2015 intitulé « Augmentation des salaires de l'ensemble du personnel ouvrier conducteurs-receveurs et service technique)" stipulait : « Augmentation, rétroactive au 1er janvier 2015, de 0,6 % du salaire de base » ; qu'il résultait des termes clairs et précis de cet accord que les augmentations du salaire de base n'étaient accordées qu'aux conducteurs présents dans l'entreprise à la date d'entrée en vigueur de cet accord ; qu'en jugeant qu'aucune mention de l'accord n'excluait de son application les salariés ayant quitté l'entreprise avant sa conclusion, la cour d'appel a violé l'article 1er du protocole d'accord pour les NAO 2015 du 8 octobre 2015. »

Réponse de la Cour

5. D'une part, aux termes de l'article L. 2261-1 du code du travail, les conventions et accords sont applicables, sauf stipulations contraires, à partir du jour qui suit leur dépôt auprès du service compétent. Il en résulte qu'un accord collectif peut prévoir l'octroi d'avantages salariaux pour une période antérieure à son entrée en vigueur.

6. D'autre part, il résulte de l'article 2 du code civil qu'une convention ou un accord collectif, même dérogatoire, ne peut priver un salarié des droits qu'il tient du principe d'égalité de traitement pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de l'accord.

7. Dès lors, la seule circonstance que le contrat de travail d'un salarié ait été rompu avant la date de signature de l'accord collectif ne saurait justifier que ce salarié ne bénéficie pas, à la différence des salariés placés dans une situation identique ou similaire et dont le contrat de travail n'était pas rompu à la date de signature de l'accord, des avantages salariaux institués par celui-ci, de façon rétroactive, pour la période antérieure à la cessation du contrat de travail.

8. La cour d'appel qui a constaté que l'octroi d'une prime du samedi et l'augmentation des salaires de base prévues par l'accord collectif du 8 octobre 2015 présentaient un caractère rétroactif au 1er janvier 2015, en a exactement déduit que la circonstance que le salarié ne faisait plus partie du personnel à la date de signature de l'accord n'était pas de nature à le priver du bénéfice des mesures prévues aux articles 1er et 8 du protocole d'accord pour les négociations annuelles obligatoires (NAO) 2015 du 8 octobre 2015 pour la période antérieure à la cessation du contrat de travail.

9. Il s'ensuit que le moyen, inopérant en ses deuxième et quatrième branches, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Marguerite - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Article L. 2261-1 du code du travail ; article 2 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur l'application dans le temps d'une convention ou d'un accord collectif, à rapprocher : Soc., 28 novembre 2018, pourvoi n° 17-20.007, Bull. 2018, (rejet), et l'arrêt cité.

Soc., 13 janvier 2021, n° 19-12.522, n° 19-12.527, (P)

Cassation partielle

Conventions et accords collectifs – Dispositions générales – Domaine d'application – Etendue – Détermination – Pouvoirs des parties signataires – Portée

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° D 19-12.522 et J 19-12.527 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Versailles, 8 novembre 2018), MM. G... et X..., salariés de la société Pages jaunes, devenue la société Solocal, ont été licenciés pour motif économique dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi contenu dans un accord collectif majoritaire signé le 20 novembre 2013 et validé par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France le 2 janvier 2014.

Par arrêt du 22 octobre 2014, statuant sur le recours d'un autre salarié, une cour administrative d'appel a annulé cette décision de validation, au motif que l'accord du 20 novembre 2013 ne revêtait pas le caractère majoritaire requis par les dispositions de l'article L. 1233-24-1 du code du travail et le Conseil d'Etat a, le 22 juillet 2015, rejeté les pourvois formés contre cet arrêt.

3. Les salariés avaient saisi la juridiction prud'homale pour contester la validité et le caractère réel et sérieux de leur licenciement et obtenir, en outre, le paiement de sommes à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement et de rappel de salaire sur congé de reclassement.

Examen des moyens

Sur les sixième et dixième moyens du pourvoi incident : Publication sans intérêt

Mais sur le moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief aux arrêts de juger que le licenciement des salariés est nul et de le condamner à leur verser une indemnité au visa de l'article L. 1235-11 du code du travail, alors « qu'il résulte de la combinaison des articles L. 1235-10, L. 1235-11 et L. 1235-16 du code du travail que l'annulation de la décision de validation ou d'homologation produit des conséquences différentes selon le motif de cette annulation ; qu'en vertu des articles L. 1235-10 et L. 1235-11 du code du travail, l'annulation de la décision de validation ou d'homologation donne au salarié licencié un droit à réintégration ou au paiement d'une indemnité minimale de 12 mois de salaire uniquement lorsque cette annulation est motivée par l'absence ou l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'en conséquence, lorsque l'annulation de la décision de validation est motivée par l'absence de caractère majoritaire de l'accord contenant le plan de sauvegarde de l'emploi, sans que le juge administratif ne mette en cause l'existence ou le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, elle donne au salarié le droit au paiement d'une indemnité minimale de six mois de salaire, en application de l'article L. 1235-16 du code du travail ; qu'en jugeant, en l'espèce, que l'annulation de la décision de validation en raison de l'absence de caractère majoritaire de l'accord ne constitue pas une irrégularité de forme, mais remet en cause l'existence même du plan, aux motifs tout aussi inopérants qu'erronés que la conclusion d'un accord majoritaire constitue une condition légale de formation du plan, qu'un accord minoritaire ne peut légalement organiser la rupture collective de contrats et que le plan ne peut être considéré comme un document unilatéral pour n'avoir pas été soumis au contrôle renforcé de l'administration, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-10, L. 1235-11 et L. 1235-16 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1235-10, L. 1235-11 et L. 1235-16 du code du travail, dans leur version issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 :

6. Selon les deux premiers de ces articles, est nul le licenciement intervenu en l'absence de toute décision relative à la validation de l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 du code du travail ou à l'homologation du document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4 ou alors qu'une décision négative a été rendue ainsi que le licenciement intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle en cas d'annulation d'une décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation en raison d'une absence ou d'une insuffisance de plan de sauvegarde de l'emploi.

Selon le troisième de ces textes, l'annulation de la décision de validation ou d'homologation pour un motif autre que l'absence ou l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi donne lieu, sous réserve de l'accord des parties, à la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. A défaut, le salarié a droit à une indemnité à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

7. Il en résulte que l'annulation par la juridiction administrative d'une décision ayant procédé à la validation de l'accord collectif déterminant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi au motif de l'erreur de droit commise par l'administration en validant un accord qui ne revêtait pas le caractère majoritaire requis par l'article L. 1233-24-1 du code du travail n'est pas de nature à entraîner la nullité de la procédure de licenciement collectif pour motif économique mais donne lieu à l'application des dispositions de l'article L. 1235-16 du même code.

8. Pour juger les licenciements nuls et octroyer aux salariés une indemnité au visa de l'article L. 1235-11 du code du travail, les arrêts retiennent que l'annulation de l'accord collectif en raison de son absence de caractère majoritaire équivaut à une absence d'accord et que dès lors le plan de sauvegarde de l'emploi qu'il instituait ne peut plus être juridiquement regardé comme existant au sens des dispositions de l'article L. 1233-24-1 du code du travail et ne peut plus recevoir application.

Les arrêts ajoutent qu'il ne peut pas être regardé comme un document unilatéral de l'employeur puisqu'il n'a pas été soumis au contrôle renforcé de l'administration. Ils en concluent que l'accord collectif ayant été annulé pour un motif relevant des dispositions de l'article L. 1235-10, alinéa 2, du code du travail, ce sont donc exclusivement les dispositions de l'article L. 1235-11 qu'il convient d'appliquer.

9. En statuant ainsi, alors que le juge administratif avait annulé la décision de validation pour un motif ne reposant pas sur l'absence de plan de sauvegarde de l'emploi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur les quatrième et huitième moyens du pourvoi incident

Enoncé du moyen

10. MM. G... et X... font grief aux arrêts de décider que la convention collective des voyageurs, représentants ou placiers (VRP) s'applique à la relation de travail, et de les débouter de leur demande à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement sur le fondement de la convention collective de la publicité, alors « qu'en vertu de l'article L. 7313-17 du code du travail, lorsque l'employeur est assujetti à une convention collective applicable à l'entreprise, le VRP peut prétendre en tout état de cause à une indemnité qui sera égale à celle à laquelle il aurait eu droit si, bénéficiant de la convention, il avait été licencié ; qu'en retenant, pour dire que le salarié ne peut revendiquer l'application de la convention collective de la publicité, d'une part que la convention collective des VRP s'impose aux rapports nés des contrats de travail conclus entre les employeurs et les représentants de commerce, sauf dispositions conventionnelles plus favorables expressément applicables aux représentants de commerce, d'autre part au visa de son article 2 que la convention de la publicité ne prévoit pas son applicabilité aux représentants ayant le statut de VRP alors que cette convention ne vise aucunement l'exclusion expresse des VRP, la cour d'appel a violé les articles L. 7313-17 et L. 2251-1 et du code du travail, les articles 2, 31, 50 et 69 de la convention collective nationale de travail des cadres, techniciens et employés de la publicité française du 22 avril 1955, ensemble le principe de faveur. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 7313-17 du code du travail et l'article 2 de la convention collective nationale de travail des cadres, techniciens et employés de la publicité française du 22 avril 1975 :

11. Il résulte de l'article L. 7313-17 du code du travail que, lorsque l'employeur est assujetti à une convention collective applicable à l'entreprise, le voyageur, représentant ou placier (VRP) peut, dans les cas de rupture du contrat de travail mentionnés aux articles L. 7313-13 et L. 7313-14, prétendre à une indemnité qui sera égale à celle à laquelle il aurait eu droit si, bénéficiant de la convention, il avait été licencié, dès lors que la convention collective applicable n'exclut pas les VRP de son champ d'application.

12. Pour débouter les salariés de leur demande de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement fondée sur la convention collective nationale de travail des cadres, techniciens et employés de la publicité française du 22 avril 1975, les arrêts retiennent que les stipulations de son article 2 ne prévoient pas son application aux VRP.

13. En statuant ainsi, alors que la convention collective nationale de travail des cadres, techniciens et employés de la publicité française du 22 avril 1975 n'exclut pas les VRP de son champ d'application, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

14. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif déboutant les salariés de leurs demandes tendant au bénéfice de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective nationale de la publicité et décidant que la convention collective des VRP s'applique à la relation contractuelle entraîne la cassation des chefs de dispositif fixant à une certaine somme le salaire de référence pour le calcul de cette indemnité qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi incident, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils disent que le licenciement des salariés est nul, décident que la convention collective des VRP s'applique à la relation de travail, fixent le salaire moyen mensuel, condamnent l'employeur à verser aux salariés une somme à titre d'indemnité au visa de l'article L. 1235-11 du code du travail et déboutent les salariés de leur demande de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, les arrêts rendus le 8 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Marguerite - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles L. 1235-10, L. 1235-11 et L. 1235-16 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 ; article L. 7313-17 du code du travail ; article 2 de la convention collective nationale de travail des cadres, techniciens et employés de la publicité française du 22 avril 1975.

Rapprochement(s) :

Sur l'attribution de l'indemnité de rupture conventionnelle au voyageur représentant placier, à rapprocher : Soc., 30 septembre 1997, pourvoi n° 94-43.733, Bull. 1997, V, n° 291 (2) (cassation partielle).

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