Numéro 1 - Janvier 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2021

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL

2e Civ., 28 janvier 2021, n° 19-25.722, (P)

Cassation

Accident – Définition – Caractère professionnel – Applications diverses

Imputabilité – Preuve – Présomption d'imputation – Preuve contraire – Cause étrangère au travail – Nécessité

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 février 2019), M. W... (la victime), agent de la Régie autonome des transports parisiens (la RATP), a déclaré auprès de la Caisse de coordination aux assurances sociales de la RATP (la CCAS) avoir été victime d'un accident du travail, le 20 mai 2015, après une altercation avec un responsable de l'entreprise.

La CCAS ayant refusé de prendre en charge l'accident au titre de la législation professionnelle, la victime a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. La victime fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors :

« 1°/ que la présomption d'imputabilité au travail d'un accident ne peut être renversée que par la preuve d'une cause totalement étrangère au travail ; qu'en estimant que le seul fait pour le salarié d'avoir été à l'origine de l'incident ayant occasionné l'accident était de nature à renverser la présomption d'imputabilité au travail et à faire obstacle à sa prise en charge au titre de la législation professionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 411-1 du code de la sécurité sociale et 75 et 77 du règlement intérieur de la CCAS ;

2°/ que la présomption d'imputabilité au travail d'un accident ne peut être renversée que par la preuve d'une cause totalement étrangère au travail ; qu'en estimant que la seule existence d'antécédents dépressifs du salarié était de nature à renverser la présomption d'imputabilité au travail de l'accident et à faire obstacle à sa prise en charge au titre de la législation professionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 411-1 du code de la sécurité sociale et 75 et 77 du règlement intérieur de la CCAS. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 75 et 77 du règlement intérieur de la Caisse de coordination aux assurances sociales de la Régie autonome des transports publics (RATP), seuls applicables au litige :

3. Selon le premier de ces textes, est considéré comme un accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu, par le fait ou à l'occasion du travail.

Selon le second, l'accident survenu à un agent, aux temps et lieu du travail, est présumé imputable au service, sauf à la caisse à rapporter la preuve contraire.

4. Pour l'application du second de ces textes, la preuve contraire s'entend de la preuve d'une cause totalement étrangère du travail.

5. Pour rejeter le recours de la victime, l'arrêt relève qu'une altercation, à l'occasion du travail, a eu lieu le 20 mai 2015 entre celle-ci et son supérieur hiérarchique, que le caractère houleux de la discussion est confirmé par les autres protagonistes dont l'intervention a été nécessaire pour la faire cesser, qu'ainsi la matérialité de l'événement soudain invoqué est démontrée de sorte que la présomption d'imputabilité de l'accident au travail s'applique. Il ajoute que les certificats médicaux établis le lendemain constatent, sans être plus descriptifs, un syndrome anxio-dépressif réactionnel, se contentant de reprendre les propos de la victime et qu'un collègue de celle-ci fait état de l'existence d'antécédents. Il retient qu'il résulte surtout des éléments produits que, quelles qu'aient été les difficultés de la victime, elle est exclusivement à l'origine du différend l'ayant opposé à son responsable.

6. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que l'accident litigieux, survenu au temps et au lieu du travail de la victime, avait une cause totalement étrangère au travail, la cour d'appel a privé de base légale sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Renault-Malignac - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Lesourd ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles 75 et 77 du règlement intérieur de la caisse de coordination aux assurances sociales (CCAS) de la Régie autonome des transports parisiens (RATP).

2e Civ., 7 janvier 2021, n° 19-24.045, (P)

Rejet

Cotisations – Taux – Fixation – Application loi nouvelle – Taux unique

L'article 1er, lll, de l'arrêté du 17 octobre 1995 relatif à la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles, dans sa rédaction modifiée par l'arrêté du 15 février 2017, applicable au litige, réserve aux seules entreprises soumises à la tarification collective et à la tarification mixte pour la détermination de leur taux brut de cotisation d'accidents du travail l'option en faveur de la tarification propre aux salariés qui occupent à titre principal, dans les conditions qu'il précise, des fonctions support de nature administrative.

Il entraîne pour les entreprises soumises à la tarification individuelle qui avaient opté, selon les dispositions antérieurement applicables, pour la tarification spécifique des personnels des sièges et bureaux, un regroupement de catégories de risques au sens de l'article D. 242-6-15, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2013-1293 du 27 décembre 2013, applicable à la tarification litigieuse.

Dès lors, c'est à bon droit qu'une cour d'appel, ayant constaté qu'une entreprise, qui avait bénéficié antérieurement d'un taux bureau, s'était vue appliquer à compter du 1 er janvier 2018 un taux unique, celui-ci devait être calculé dans les conditions prévues par l'article D. 242-6-15 du code de la sécurité sociale.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 6 septembre 2019), un établissement de la société Maugin (la société), laquelle était soumise au mode individuel de tarification des risques d'accidents du travail et des maladies professionnelles, disposait à ce titre de deux secteurs d'établissement, classés sous les numéros de risques 25,2 HK et 25,2 HK B, ce dernier concernant le personnel des sièges sociaux et des bureaux, donnant lieu à l'application d'un « taux bureau ». A la suite de la suppression de ce taux par l'arrêté du 15 février 2017, la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail des Pays de la Loire (la caisse) a notifié à la société un seul taux de cotisation, à effet du 1er janvier 2018.

La société a formé un recours gracieux pour contester les modalités de calcul du taux unique retenu et un autre, à titre conservatoire, au titre de l'année 2019.

2. La société a saisi de recours la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

4. La caisse fait grief à l'arrêt d'infirmer sa décision de rejet relative à la contestation des taux 2018 et 2019, de lui ordonner de modifier les modalités de calcul du taux accidents du travail maladies professionnelles relatives à l'établissement de la société et de lui adresser un nouveau taux à compter du 1er janvier 2018 et du 1er janvier 2019 selon les règles d'écrêtement, alors :

« 1°/ que les règles d'écrêtement prévues par le dernier alinéa de l'article D.242-6-15 du code de la sécurité sociale, déterminées à partir d'un taux net unique fictif proratisé en fonction des masses salariales des établissements existants l'année précédente, n'ont été applicables à la situation spécifique des entreprises qui perdent le bénéfice du « taux bureau » qu'à compter du 23 décembre 2018, date à laquelle est entrée en vigueur l'arrêté du 21 décembre 2018 instituant cette possibilité ; qu'en l'espèce, il était constant que la suppression de la section d'établissement 02 soumise au taux bureau de l'établissement de Saint-Brévin-les-Pins était effective dès le 1er janvier 2018 de sorte que le calcul du nouveau taux unique qui résultait de cette suppression ne pouvait se faire selon les règles posées par l'article D. 2421-6-15 du code de la sécurité sociale ; qu'en jugeant cependant que le calcul du taux de cotisation de l'année 2018 devait se faire en tenant compte d'un taux fictif N+1 proratisé en fonction des masses salariales des établissements existants l'année précédente quand, à la date à laquelle était intervenue la suppression de la section d'établissement bénéficiant du taux bureau, aucun texte ne prévoyait l'application de ces règles d'écrêtement pour les entreprises ayant perdu le bénéfice du taux bureau, la cour d'appel a violé les articles 1 de l'arrêté du 21 décembre 2018 et D. 242-6-15 du code de la sécurité sociale ;

3°/ que l'arrêté du 15 février 2017 n'a pas prévu le regroupement de catégories de risques existantes dans de la nomenclature des risques mais supprimé la catégorie de risque à laquelle se trouvait rattaché le personnel des sièges sociaux et des bureaux ; qu'en affirmant, pour juger que suite à la suppression de sa section d'établissement classée sous le numéro de risque 25.2 HK B bénéficiant du « taux bureau » qui avait résulté de l'application de l'arrêté du 15 février 2017, la société Maugin devait, dès 2018, appliquer les règles mentionnées au dernier alinéa de l'article D. 242-6-15 du code de la sécurité sociale, que les mesures d'écrêtement prévues par ces dispositions s'appliquaient à toutes situations de regroupement de risques, la cour d'appel a violé les articles 1 des arrêtés du 15 février 2014 et du 21 décembre 2018 et D. 242-6-15 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article D. 242-6-15, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2013-1293 du 27 décembre 2013, applicable à la tarification litigieuse, dans le cas où l'entreprise opte pour l'application d'un taux unique ou en cas de regroupement de catégories de risque, ces variations s'apprécient la première année par rapport à un taux net unique correspondant à la moyenne des taux nets notifiés de ses établissements appartenant à la même catégorie de risque de l'année précédente pondérée par la masse salariale de la dernière année connue des mêmes établissements.

6.Selon l'article 1er, III, de l'arrêté du 17 octobre 1995 relatif à la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles, dans sa rédaction modifiée par l'arrêté du 15 février 2017, applicable au litige, les salariés des entreprises mentionnées aux 1° et 3° des articles D. 242-6-2 et D. 242-30 constituent, sur demande de l'entreprise, un établissement distinct soumis à une tarification propre lorsqu'ils occupent à titre principal des fonctions support de nature administrative dans des locaux non exposés aux autres risques relevant de la même entreprise.

7. Ce dernier texte réserve aux seules entreprises soumises à la tarification collective et à la tarification mixte pour la détermination de leur taux brut de cotisation d'accidents du travail l'option en faveur de la tarification propre aux salariés qui occupent à titre principal, dans les conditions qu'il précise, des fonctions support de nature administrative. Il entraîne pour les entreprises soumises à la tarification individuelle qui avaient opté, selon les dispositions antérieurement applicables, pour la tarification spécifique des personnels des sièges et bureaux, un regroupement de catégories de risques au sens du premier texte.

8. Après avoir constaté que la caisse a informé la société de la suppression du taux bureau et de l'instauration d'un taux unique à compter du 1er février 2018 et que la société a contesté ce taux en février 2018, et à titre conservatoire, pour l'année 2019, l'arrêt retient, en substance, que le taux bureau ayant été supprimé et ayant fusionné avec le taux de l'activité principale, un seul taux devenait applicable pour tous les salariés, qui doit se calculer selon les règles d'écrêtement spécifiques prévues par l'article D. 242-6-15 du code de la sécurité sociale, soit par rapport à un taux fictif reconstitué des deux taux des années N-1 de l'établissement (taux de l'activité principale et le taux bureau), et non par rapport au seul de l'activité principale de l'année N-1.

9. L'arrêt en déduit que la caisse a fixé le taux applicable aux années 2018 et 2019 en prenant en compte comme référence le taux applicable en 2017 au seul personnel relevant du risque dit de production.

10. Par ces constatations et appréciations, c'est à bon droit et sans encourir le grief du moyen que la cour d'appel a accueilli le recours de la société.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Gauthier - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article D. 242-6-15 du code de la sécurité sociale ; arrêté du 15 février 2017 portant modification de l'arrêté du 17 octobre 1995 modifié relatif à la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles.

2e Civ., 28 janvier 2021, n° 19-22.958, (P)

Cassation

Maladies professionnelles – Dispositions générales – Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles – Saisine par la caisse primaire d'assurance maladie – Nécessité – Cas – Détermination – Portée

Il résulte de l'article L. 461-1, alinéas 3 et 5, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, que si une ou plusieurs des conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie, telle qu'elle est désignée dans un des tableaux de maladies professionnelles, peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle a été directement causée par le travail habituel de la victime. Dans un tel cas, la caisse est tenue de saisir un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Viole ce texte la cour d'appel qui statue sans que l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ait été recueilli, au motif de l'absence d'exposition au risque de la victime, alors qu'il ressortait de ses constatations que la victime était atteinte d'une maladie désignée au tableau n° 15 ter des maladies professionnelles sans remplir les conditions fixées par celui-ci.

Maladies professionnelles – Dispositions générales – Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles – Avis – Demande – Condition

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 juillet 2019), Mme O... a déclaré le 13 avril 2010 la maladie, dont son époux, H... O... (la victime), ingénieur de production employé par la société Sun Chemical, est décédé le 16 février 2010.

2. La caisse primaire d'assurance maladie de Paris (la caisse) ayant refusé de prendre en charge la maladie au titre de la législation professionnelle, l'intéressée a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Recevabilité du pourvoi contestée par la défense

3. La caisse soutient que le pourvoi serait irrecevable en raison de sa tardiveté.

4. Cependant, la requérante justifie, par la production d'une attestation du greffe de la cour d'appel de Paris, que l'arrêt attaqué lui a été notifié le 23 juillet 2019.

5. Le pourvoi, enregistré le 20 septembre 2019, est donc recevable.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Mme O... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de saisine d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, et par conséquent, de sa demande de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée, alors « que dans le cas où ne sont pas remplies les conditions d'exposition au risque prévues par un tableau de maladies professionnelles mentionnant l'affection déclarée par le salarié, le juge saisi du différend ne peut se prononcer sur l'origine de la maladie déclarée sans l'avis préalable du CRRMP ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a tenu pour non établies les conditions d'exposition au risque prévues par le tableau n° 15 ter visant l'affection déclarée, de sorte qu'en écartant son origine professionnelle tout en retenant qu'il n'y avait pas lieu d'enjoindre à la caisse de recueillir l'avis préalable d'un CRRMP, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article L. 461-1, alinéas 3 et 5, du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 461-1, alinéas 3 et 5, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, et le tableau n° 15 ter des maladies professionnelles dans sa rédaction issue du décret n° 95-1196 du 6 novembre 1995, applicables au litige :

7. Il résulte du premier de ces textes que si une ou plusieurs des conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie, telle qu'elle est désignée dans un des tableaux de maladies professionnelles, peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle a été directement causée par le travail habituel de la victime. Dans un tel cas, la caisse est tenue de saisir un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

8. Pour dire n'y avoir lieu de saisir un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, l'arrêt retient que pour bénéficier de la législation professionnelle en application de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, il faut que soit établie une exposition aux produits chimiques limitativement énumérés par le tableau n° 15 ter, A ou B, et que les témoignages produits par l'appelante sont insuffisants à apporter cette preuve. Il en déduit qu'il ne peut donc pas être considéré que les conditions du tableau précité seraient remplies, et que le caractère professionnel de la maladie n'est pas établi. Il ajoute qu'à titre subsidiaire, l'intéressée considère que la cour doit enjoindre à la caisse de transmettre le dossier à un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, que cependant l'alinéa 3 de l'article L. 461-1 permet qu'une maladie puisse être reconnue d'origine professionnelle si une ou plusieurs conditions figurant au tableau ne sont pas remplies, et qu'en l'absence d'exposition au risque avérée, il ne peut pas être fait application de ce texte.

9. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que la victime était atteinte d'une maladie désignée au tableau n° 15 ter des maladies professionnelles sans remplir les conditions fixées par celui-ci, de sorte qu'elle ne pouvait statuer sans que l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ait été recueilli, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Vigneras - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article L. 461-1, alinéas 3 et 5, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ; tableau n° 15 ter des maladies professionnelles dans sa rédaction issue du décret n° 95-1196 du 6 novembre 1995.

2e Civ., 28 janvier 2021, n° 19-25.459, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Procédure – Procédure préliminaire – Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie – Décision de la caisse – Opposabilité à l'employeur – Conséquences – Absence d'incidence sur le versement de l'indemnité spéciale de licenciement

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 octobre 2019), la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de- Marne (la caisse) ayant pris en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident dont l'un de ses salariés a déclaré avoir été victime le 18 novembre 2013, la société Prenium (l'employeur) a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer inopposable à l'employeur la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, alors « que la preuve de la survenance d'un accident au temps et sur le lieu du travail peut, en l'absence de témoin direct, résulter des déclarations du salarié corroborées par des documents médicaux et, en particulier, par un certificat médical établi dans un temps proche de l'accident confirmant l'existence de la lésion déclarée ; qu'en l'espèce, en sus des déclarations de la victime, un certificat médical établi le lendemain de l'accident a attesté de ce que le salarié souffrait d'un « stress au travail, de menaces, d'insomnie, d'anorexie » ; qu'en estimant que ce certificat médical ne valait que pour ses constatations purement médicales, et ne pouvait valoir présomption corroborant les déclarations de la victime de sorte que la caisse ne rapportait pas la preuve d'un accident du travail au temps et au lieu de travail ; que la cour d'appel s'est refusée à apprécier la valeur probante à titre de présomption de ce certificat médical pour établir la matérialité de l'accident du travail ; qu'ainsi la cour d'appel a violé les articles L. 411-1 du code de la sécurité sociale et 1382 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. Sous couvert de griefs non fondés de violation des articles 1382 du code civil et L. 411-1 du code de la sécurité sociale, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l'appréciation souveraine par les juges du fond des éléments de fait et de preuve soumis aux débats.

5. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le second moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

6. La caisse fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à l'employeur une certaine somme à titre de dommages-intérêts, alors « que les décisions prises par les organismes de sécurité sociale dans leur rapport avec les employeurs ne peuvent pas être invoquées par les salariés dans leur rapport avec leurs employeurs en raison de l'indépendance des législations de sécurité sociale et de droit du travail ; que la décision de prise en charge de l'accident de travail prise par la caisse au profit du salarié ne pouvait pas être invoquée par celui-ci pour demander une indemnité spéciale de licenciement à son employeur ; que seules les juridictions prud'homales qui n'étaient tenues par aucune autorité de la chose décidée par l'organisme de sécurité sociale, avaient compétence pour apprécier si l'accident était un accident du travail et s'il justifiait le paiement d'indemnité spéciale de licenciement ; que par hypothèse la décision de la caisse – à la supposer fautive – ne pouvait pas être causale de l'obligation faite à l'employeur de verser l'indemnité litigieuse ; qu'en retenant néanmoins que la faute de la caisse avait contraint l'employeur à verser l'indemnité spéciale de licenciement à son salarié de sorte qu'il pouvait en demander réparation à la caisse, la cour d'appel a violé les articles L. 1286-19 et suivants du code du travail et 1240 (ancien article 1382 du code civil). »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1240 du code civil et L. 1226-14 du code du travail :

7. Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quelle que soit la date à laquelle elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine l'accident ou la maladie, indépendamment de la prise en charge de l'événement au titre de la législation professionnelle.

8. Pour condamner la caisse au paiement de dommages-intérêts correspondant au montant de l'indemnité spéciale de licenciement versée par l'employeur, l'arrêt retient que la condamnation de celui-ci au versement de cette indemnité est la conséquence directe et certaine de la reconnaissance fautive par la caisse du caractère professionnel de l'accident du salarié.

9. En statuant ainsi, alors que l'inopposabilité à l'employeur de la prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle était sans incidence sur l'obligation de l'employeur au versement de l'indemnité spéciale de licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

11. Il y a lieu de rejeter la demande de dommages-intérêts formée par l'employeur.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne à payer à la société Prenium une somme de 20 473,67 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 11 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DEBOUTE la société Prenium de sa demande de dommages-intérêts.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Cassignard - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article 1240 du code civil ; article L. 1226-14 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Soc., 29 juin 2011, pourvoi n° 10-11.699, Bull. 2011, V, n° 169 (rejet), et les arrêts cités.

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