Numéro 1 - Janvier 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2021

REPRESENTATION DES SALARIES

Soc., 27 janvier 2021, n° 19-24.400, (P)

Rejet

Comité social et économique – Mise en place – Effets – Accord collectif conclu avant le premier tour des élections des membres de la délégation du personnel du comité social et économique – Accord collectif relatif à la mise en place et au fonctionnent des institutions représentatives du personnel – Caducité – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Détermination – Portée

En vertu de l'article 9, VII, de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, les stipulations des accords d'entreprise, des accords de branche et des accords couvrant un champ territorial ou professionnel plus large prises en application des dispositions des titres Ier et II du livre III de la deuxième partie du code du travail relatives aux délégués du personnel et au comité d'entreprise, les dispositions du titre VIII du livre III de la même partie du code du travail sur le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les dispositions du titre IX du livre III de la même partie du code du travail sur le regroupement par accord des institutions représentatives du personnel, les dispositions du titre X du livre III de la même partie du code du travail sur les réunions communes des institutions représentatives du personnel ainsi que les dispositions du titre Ier du livre VI de la quatrième partie, relatives au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, cessent de produire effet à compter de la date du premier tour des élections des membres de la délégation du personnel du comité social et économique.

Restent en conséquence applicables les accords collectifs relatifs à la mise en place et au fonctionnement des institutions représentatives du personnel qui n'entrent pas dans les prévisions de l'article 9, VII, précité. Lorsqu'une clause de ces accords se réfère aux termes « comité d'entreprise », « délégation unique du personnel », « délégué du personnel » ou « comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail », il y a lieu d'y substituer les termes de « comité social et économique » dès lors que cette substitution suffit à permettre la mise en oeuvre de cette clause.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Paris, 5 novembre 2019), la société BNP Paribas a conclu le 14 novembre 2003 un accord sur la mise en place d'un comité de groupe, prévoyant que les membres seraient désignés tous les trois ans par les organisations syndicales représentatives parmi les élus aux comités d'entreprise, d'établissement ou délégations uniques des entreprises entrant dans la composition du comité de groupe.

En mai 2019, l'employeur a invité les organisations syndicales représentatives à désigner les membres du comité de groupe au regard des résultats des dernières élections.

2. Par requête en date du 12 juillet 2019, la Fédération française des syndicats CFDT des banques et sociétés financières (la FBA CFDT) a saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation des désignations des membres du comité de groupe.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La FBA CFDT fait grief au jugement de la débouter de ses demandes, alors :

« 1°/ que l'article 4 de l'accord collectif du 14 novembre 2003 stipule que les représentants du personnel au comité de groupe en sont membres après avoir été ''désignés par chaque organisation syndicale représentative nationalement parmi les élus aux comités d'entreprise, d'établissement ou délégations uniques des entreprises entrant dans la composition du comité de groupe'' ; que cet accord, qui n'a pas été révisé en vue de la mise en place des nouveaux comités sociaux et économiques, ne prévoit pas la possibilité de désigner des membres parmi ces nouveaux comités ; qu'en jugeant le contraire, aux motifs inopérants que le nouvel article L. 2333-2 du code du travail, d'ordre public, a substitué les termes ''élus aux comités sociaux et économiques'', aux termes ''élus aux comités d'entreprise, d'établissement, ou de délégation unique du personnel'' et qu'il pénètre la sphère contractuelle et s'impose aux signataires de l'accord de 2003, le tribunal a violé l'article 4 de l'accord collectif du 14 novembre 2003 et l'article L. 2333-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, ensemble l'article 9 de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 portant diverses mesures transitoires ;

2°/ que la loi nouvelle, même d'ordre public, ne s'applique pas, sauf rétroactivité expressément stipulée par le législateur, aux conditions de l'acte juridique conclu antérieurement ; qu'en l'espèce, en jugeant que le nouvel article L. 2333-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, pénètre l'accord collectif du 14 novembre 2003 et s'impose aux parties dans le renouvellement du comité de groupe, quand l'article 9 de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 n'a nullement autorisé une telle application rétroactive de la loi nouvelle aux accords collectifs antérieurs relatifs au comité de groupe, le tribunal a violé l'article 9 de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, ensemble l'article 2 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. En vertu de l'article 9 V de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, pour l'application des dispositions du code du travail autres que celles citées au premier alinéa du présent VI, modifiées par les ordonnances prises en application de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017, jusqu'au 31 décembre 2019, il convient de lire selon les cas « comité social et économique » ou « comité d'entreprise » ou « comité d'entreprise, ou à défaut, des délégués du personnel » ou « comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ».

5. En vertu de l'article 9 VII de l'ordonnance précitée, les stipulations des accords d'entreprise, des accords de branche et des accords couvrant un champ territorial ou professionnel plus large prises en application des dispositions des titres Ier et II du livre III de la deuxième partie du code du travail relatives aux délégués du personnel et au comité d'entreprise, les dispositions du titre VIII du livre III de la même partie du code du travail sur le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les dispositions du titre IX du livre III de la même partie du code du travail sur le regroupement par accord des institutions représentatives du personnel, les dispositions du titre X du livre III de la même partie du code du travail sur les réunions communes des institutions représentatives du personnel ainsi que les dispositions du titre Ier du livre VI de la quatrième partie, relatives au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, cessent de produire effet à compter de la date du premier tour des élections des membres de la délégation du personnel du comité social et économique.

6. La chambre sociale a jugé que demeuraient applicables les accords collectifs relatifs à la mise en place et au fonctionnement des institutions représentatives du personnel qui n'entrent pas dans les prévisions de l'article 9 VII précité (Soc., 25 mars 2020, pourvoi n° 18-18.401). Lorsqu'une clause de ces accords se réfère aux termes « comité d'entreprise », « délégation unique du personnel », « délégué du personnel » ou « comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail », il y a lieu d'y substituer les termes de « comité social et économique » dès lors que cette substitution suffit à permettre la mise en oeuvre de cette clause.

7. En l'espèce, le tribunal d'instance a constaté que l'accord instituant le comité de groupe au sein de la société BNP Paribas prévoyait la désignation des membres du comité de groupe par les organisations syndicales représentatives au sein des élus des comités d'entreprise ou de la délégation unique du personnel, conformément aux dispositions de l'article L. 2333-2 du code du travail dans sa rédaction alors applicable. Relevant que l'article L. 2333-2 avait été modifié par l'article 4 de l'ordonnance du 23 septembre 2017 pour remplacer les mots « comité d'entreprise » et « délégation unique du personnel » par les mots « comité social et économique », il en a exactement déduit que l'accord collectif pouvait continuer à recevoir application en effectuant la même modification de vocabulaire.

8. Par ailleurs, le tribunal d'instance a décidé à bon droit que la disposition transitoire de l'article 9 V de l'ordonnance précitée permettait de se référer, jusqu'au 31 décembre 2019, soit à l'ancienne terminologie soit à la nouvelle selon qu'au sein du périmètre couvert par le comité de groupe les comités sociaux et économiques avaient ou non été déjà mis en place.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Lévis -

Textes visés :

Article 9, VII, de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales.

Rapprochement(s) :

Sur la détermination des accords collectifs n'entrant pas dans les prévisions de l'article 9, VII, de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, à rapprocher : Soc., 25 mars 2020, pourvoi n° 18-18.401, Bull. 2020, (rejet).

Soc., 27 janvier 2021, n° 19-22.038, (P)

Cassation partielle

Délégué syndical – Fonctions – Temps passé pour leur exercice – Temps de trajet – Temps assimilé à du temps de travail effectif – Rémunération – Conditions – Détermination – Portée

Selon l'article L. 2143-17, alinéa 1, du code du travail, l'article L. 2315-3, alinéa 1, du même code, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 et l'article L. 2325-7, alinéa 1, du même code, alors applicable, les heures de délégation des délégués syndicaux, des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise sont de plein droit considérées comme temps de travail et payées à l'échéance normale.

Il en résulte que ceux-ci ne devant subir aucune perte de rémunération en raison de l'exercice de leur mandat, le temps de trajet, pris en dehors de l'horaire normal de travail et effectué en exécution des fonctions représentatives, doit être rémunéré comme du temps de travail effectif pour la part excédant le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail et doit être pris en compte pour déterminer l'existence, le cas échéant, d'heures supplémentaires donnant lieu à majorations.

Délégués du personnel – Mandat – Exercice – Temps de trajet – Temps assimilé à du temps de travail effectif – Rémunération – Conditions – Détermination – Portée

Comité d'entreprise – Représentant syndical – Mandat – Exercice – Temps de trajet – Temps assimilé à du temps de travail effectif – Rémunération – Conditions – Détermination – Portée

Règles communes – Fonctions – Temps passé pour leur exercice – Temps de trajet – Rémunération – Condition

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à Mme S... V..., en qualité d'épouse survivante, et à M. W... J... et Mme U... J..., en qualité d'héritiers, de leur reprise de l'instance ouverte par Y... J..., décédé le 27 juillet 2020.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 15 mai 2019), Y... J... a été engagé le 1er mars 1982 par la société ECE, aux droits de laquelle vient la société Zodiac Aero Electric (la société), qui appartient à la branche Zodiac Aerosystems du groupe Zodiac Aerospace, par contrat de travail à durée déterminée en qualité de monteur câbleur niveau II échelon 1 coefficient 170, les relations entre les parties se poursuivant à durée indéterminée sur la période du 1er août 1982 au 3 octobre 1997.

Le 5 janvier 1998, il a signé un nouveau contrat de travail à durée indéterminée en qualité de monteur câbleur coefficient 170.

Le salarié, qui perçoit une rémunération mensuelle brute de base de 2 040,28 euros, à laquelle s'ajoute une prime d'ancienneté d'un montant de 306,04 euros, exerce plusieurs mandats de représentant du personnel.

Au titre de ses mandats, il bénéficie d'un crédit de délégation mensuel de 55 heures.

Par lettre du 9 avril 2015, il a contesté que les temps de trajet inhérents à l'exercice de ses fonctions de représentant syndical du personnel ne soient pas intégralement payés et décomptés comme temps de travail effectif pour lui permettre de bénéficier du régime des heures supplémentaires et des primes sur heures supplémentaires.

En réponse, la société s'est prévalue, le 26 mai 2015, des dispositions de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2015 selon laquelle le temps de déplacement n'est pas du temps de travail effectif aux termes de l'article L. 3121-4 du code du travail.

3. Le 15 février 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale, sollicitant la condamnation de la société à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaire sur trajets (heures supplémentaires), congés payés sur rappel de salaire, primes sur heures supplémentaires, congés payés sur primes sur les heures supplémentaires et dommages-intérêts pour perte de bénéfice de défiscalisation.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire qu'il ne pouvait pas prétendre à la comptabilisation au titre des heures supplémentaires de ses temps de déplacement professionnel liés à l'exercice de ses mandats de représentation qui dépassaient le temps normal de trajet entre son domicile et son lieu habituel de travail et de rejeter ses demandes en leur entier, alors « qu'il résulte des articles L. 2143-17, L. 2315-3 et L. 2325-7 du code du travail, dans leur version applicable au litige, que le représentant du personnel ne devant subir aucune perte de rémunération en raison de l'exercice de son mandat, le temps de trajet, pris en dehors de l'horaire normal de travail et effectué pour l'exercice des mandats représentatifs, doit être rémunéré comme du temps de travail effectif pour la part excédant le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail ; que pourtant, pour débouter le salarié de ses demandes, la cour d'appel a retenu que s'agissant des trajets effectués en dehors du temps de travail par le salarié pour l'exécution de ses fonctions représentatives, s'il est admis que le temps de trajet effectué en dehors du temps de travail et qui dépasse en durée le temps normal de déplacement entre le domicile du salarié et le lieu de travail, ces conditions étant cumulatives, doit être rémunéré comme du temps de travail effectif, cela ne signifie pas que le temps de trajet constitue du temps de travail effectif puisque, comme pour n'importe quel autre salarié, le temps de déplacement du salarié pour l'exécution de son mandat et de l'exposant en particulier n'est pas un temps de travail effectif, en application de l'alinéa 1er de l'article L. 3121-4 du code du travail ; que si la contrepartie au dépassement du temps normal de trajet est nécessairement une rémunération ''comme du temps de travail'', l'alinéa 2 de l'article L. 3121-4 du code du travail dispose que d'autres contreparties sont possibles en laissant ainsi la faculté aux partenaires sociaux de fixer lesdites contreparties, ce dont il se déduit que les temps de déplacement des représentants du personnel rémunérés ''comme du temps de travail effectif'' mais qui ne constituent pas pour autant un temps de travail effectif, ne donnent pas lieu par l'effet de la loi au déclenchement du régime des heures supplémentaires, lesquelles sont accomplies à la demande de l'employeur dans le cadre de l'activité personnelle du salarié, pendant laquelle il est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles au sens de l'article L. 3121-1 du code du travail ; que la mission issue de l'exercice d'un mandat de représentation est étrangère à l'exécution des tâches résultant du contrat de travail du salarié qui en est titulaire ; que celui-ci a le choix de ses déplacements et des modes de transport utilisés et il ne se trouve pas alors à la disposition de son employeur qui, dans le cadre du lien de subordination inhérent au contrat de travail qui persiste, n'a aucun pouvoir de lui imposer ses déplacements et leurs modalités dans l'exercice de son mandat de représentation ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles L. 2143-17, L. 2315-3 et L. 2325-7 du code du travail dans leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2143-17, alinéa 1er, du code du travail, l'article L. 2315-3, alinéa 1er, du même code, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 et l'article L. 2325-7, alinéa 1er, du même code, alors applicable :

5. Selon ces textes, les heures de délégation des délégués syndicaux, des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise sont de plein droit considérées comme temps de travail et payées à l'échéance normale. Il en résulte que ceux-ci ne devant subir aucune perte de rémunération en raison de l'exercice de leur mandat, le temps de trajet, pris en dehors de l'horaire normal de travail et effectué en exécution des fonctions représentatives, doit être rémunéré comme du temps de travail effectif pour la part excédant le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail et doit être pris en compte pour déterminer l'existence, le cas échéant, d'heures supplémentaires donnant lieu à majorations.

6. Pour dire que le salarié ne peut pas prétendre à la comptabilisation au titre des heures supplémentaires de ses temps de déplacement professionnel liés à l'exercice de ses mandats de représentation qui dépassent le temps normal de trajet entre son domicile et son lieu habituel de travail et rejeter ses demandes en leur entier, l'arrêt retient que, s'agissant des trajets effectués en dehors du temps de travail par le salarié en exécution de ses fonctions représentatives, s'il est admis que le temps de trajet effectué à cette occasion en dehors du temps de travail et qui dépasse en durée le temps normal de déplacement entre le domicile du salarié et le lieu de travail, ces conditions étant cumulatives, doit être rémunéré comme du temps de travail effectif, cela ne signifie pas que le temps de trajet constitue du temps de travail effectif puisque, comme pour n'importe quel autre salarié, le temps de déplacement du salarié pour l'exécution de son mandat et de l'intéressé en particulier n'est pas un temps de travail effectif, en application de l'alinéa 1er de l'article L. 3121-4 du code du travail, que si la contrepartie au dépassement du temps normal de trajet est nécessairement une rémunération ''comme du temps de travail'', l'alinéa 2 de l'article L. 3121-4 du code du travail dispose que d'autres contreparties sont possibles en laissant ainsi la faculté aux partenaires sociaux de fixer lesdites contreparties, ce dont il se déduit que les temps de déplacement des représentants du personnel rémunérés ''comme du temps de travail effectif'' mais qui ne constituent pas pour autant un temps de travail effectif, ne donnent pas lieu par l'effet de la loi au déclenchement du régime des heures supplémentaires, lesquelles sont accomplies à la demande de l'employeur dans le cadre de l'activité personnelle du salarié, pendant laquelle il est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles au sens de l'article L. 3121-1 du code du travail, que la mission issue de l'exercice d'un mandat de représentation est étrangère à l'exécution des tâches résultant du contrat de travail du salarié qui en est titulaire, que celui-ci a le libre choix de ses déplacements et des modes de transport utilisés et il ne se trouve pas alors à la disposition de son employeur qui, dans le cadre du lien de subordination inhérent au contrat de travail qui persiste, n'a aucun pouvoir de lui imposer ses déplacements et leurs modalités dans l'exercice de son mandat de représentation, qu'il ressort des explications et des justifications versées aux débats par la société que le salarié a été rémunéré la journée entière, quelle que soit la durée de la réunion à laquelle il a participé dans l'exécution de ses mandats, tandis que ses temps de déplacement afférents ont été rémunérés, lorsqu'ils dépassaient ses horaires habituels de travail, comme du temps de travail effectif et sur la base de ses propres déclarations, ce dont il résulte qu'il a été rempli de ses droits et qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement et de rejeter les demandes du salarié, en l'absence de comptabilisation qu'il réclamait de ses temps de déplacement professionnels liés à l'exercice de ses mandats de représentation, qui dépassent le temps normal de trajet entre son domicile et son lieu habituel de travail, au titre des heures supplémentaires.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que M. J... ne peut pas prétendre à la comptabilisation au titre des heures supplémentaires de ses temps de déplacement professionnel liés à l'exercice de ses mandats de représentation qui dépassent le temps normal de trajet entre son domicile et son lieu habituel de travail et rejette les demandes de M. J... en leur entier, l'arrêt rendu le 15 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Rinuy - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 2143-17, alinéa 1, du code du travail ; article L. 2315-3, alinéa 1, du même code, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ; article L. 2325-7, alinéa 1, du même code, alors applicable.

Rapprochement(s) :

Sur le principe selon lequel le temps de trajet d'un représentant des salariés, pris en dehors de l'horaire normal de travail et effectué en exécution des fonctions représentatives, doit être rémunéré comme du temps de travail effectif pour la part excédant le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail, à rapprocher : Soc., 12 juin 2013, pourvoi n° 12-12.806, Bull. 2013, V, n° 155 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

Soc., 13 janvier 2021, n° 19-17.182, (P)

Cassation sans renvoi

Règles communes – Contrat de travail – Licenciement – Manquements de l'employeur – Discrimination syndicale – Demande en réparation – Action exercée par un syndicat – Recevabilité – Conditions – Atteinte à l' intérêt collectif de la profession – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 1er février 2019), M. J..., engagé par la société STP Manutention (la société) le 26 février 2010 en qualité de chauffeur super poids lourds - grutier, a été licencié pour faute grave le 22 juillet 2013.

2. Invoquant une discrimination syndicale, il a saisi le 3 février 2014 la juridiction prud'homale aux fins de contester son licenciement.

3. Le syndicat Union des travailleurs guyannais UTG (le syndicat) est intervenu à l'instance.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le salarié et le syndicat font grief à l'arrêt de débouter le salarié de ses demandes au titre de la nullité du licenciement, alors :

« 1°/ que toute mesure prise par l'employeur en considération de l'appartenance ou de l'activité syndicale d'un salarié est nulle ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la lettre de licenciement adresse le 22 juillet 2013 à M. J... indiquait : « Je tiens à préciser que vous avez mêlé l'UTG au sein de STP et que vous avez créé des conflits entre cette union et la société qui vous avait embauché » ; qu'il en résultait que l'appartenance et l'exercice d'une activité syndicale avaient été prises en considération dans la décision de licencier en sorte que le licenciement était nul ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel, n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

2°/ que lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la lettre de licenciement adresse le 22 juillet 2013 à M. J... indiquait : « Je tiens à préciser que vous avez mêlé l'UTG au sein de STP et que vous avez créé des conflits entre cette union et la société qui vous avait embauché » ; qu'il en résultait que l'appartenance et l'exercice d'une activité syndicale avaient été prises en considération dans la décision de licencier en sorte que le salarié présentait des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination ; qu'en jugeant le contraire la cour d'appel, n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

3°/ qu'interdiction est faite au juge de dénaturer les documents de la cause ; que le salarié produisait sa carte d'adhésion au syndicat Union des travailleurs guyanais (UTG) pour l'année 2013 ; qu'il résultait par ailleurs de la lettre de licenciement, dont les termes sont reproduits par le jugement confirmé, que M. J... avait « mêlé l'UTG au sein de STP » ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que le salarié n'établit pas qu'il est adhérent à ce syndicat ni qu'il a effectué des démarches auprès de ce syndicat dans le cadre de son activité professionnelle, la cour d'appel a dénaturé ces pièces, en violation du principe susrappelé. »

Réponse de la Cour

6. Ayant, par motifs propres et adoptés, constaté, d'une part que la lettre de licenciement reprochait au salarié quatre griefs parmi lesquels l'activité syndicale ne figurait pas, et d'autre part que l'existence de l'abandon de poste de la part du salarié depuis le 22 avril 2013, reproché à celui-ci dans la lettre de licenciement, était démontrée, de sorte que cette faute rendait impossible la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel qui en a déduit l'absence d'éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison de l'activité syndicale, a légalement justifié sa décision.

7. Le moyen, inopérant en sa troisième branche en ce qu'il critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus.

Mais sur le quatrième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. Le syndicat fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son action, alors « que le licenciement prononcé en considération de l'appartenance à un syndicat ou de l'exercice d'une activité syndicale porte atteinte aux intérêts collectifs de la profession représentée par un syndicat qui est donc recevable à demander réparation du préjudice en résultant ; en jugeant que le syndicat UTG ne démontre pas en quoi, le litige opposant M. J... à la société STP Manutention présente un intérêt collectif et n'a donc ni intérêt ni qualité à agir, la cour d'appel a violé l'article L. 2132-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2132-3 du code du travail :

9. Selon ce texte, les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

10. Pour déclarer irrecevable l'intervention volontaire du syndicat, l'arrêt énonce que le syndicat n'a ni intérêt ni qualité à agir dans le cadre d'un litige sur le licenciement d'un salarié non protégé, un tel litige n'intéressant que la personne du salarié et non l'intérêt collectif de la profession.

11. En statuant ainsi, alors que la violation invoquée des dispositions relatives à l'interdiction de toute discrimination syndicale est de nature à porter un préjudice à l'intérêt collectif de la profession, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

14. Le syndicat, qui poursuit le paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant d'un licenciement dont il est soutenu qu'il a été prononcé de façon discriminatoire en considération de l'appartenance ou de l'activité syndicale du salarié, de sorte que la violation invoquée des dispositions relatives à l'interdiction de toute discrimination syndicale est de nature à porter un préjudice à l'intérêt collectif de la profession, est recevable en son action.

15. Cependant, le rejet du premier moyen, en ce que celui-ci critique le chef de la décision ayant, en l'absence de toute discrimination syndicale, débouté le salarié de ses demandes au titre de la nullité de son licenciement, prive de tout fondement la demande en dommages-intérêts présentée par le syndicat.

16. Le syndicat doit en conséquence être débouté de sa demande en dommages-intérêts.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable l'intervention volontaire du syndicat Union des travailleurs guyanais, l'arrêt rendu le 1er février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Cayenne ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare le syndicat Union des travailleurs guyanais recevable en son action ;

Déboute le syndicat Union des travailleurs guyanais de sa demande en paiement de dommages-intérêts en raison de l'atteinte aux intérêts collectifs de la profession.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Ott - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article L. 2132-3 du code du travail.

Soc., 13 janvier 2021, n° 19-17.489, (P)

Cassation

Règles communes – Statut protecteur – Période de protection – Bénéfice – Conseiller du salarié – Désignation – Imminence de la désignation – Connaissance par l'employeur – Connaissance antérieure – Moment – Détermination – Portée

Pour l'application des articles L. 2411-1, 16°, et L. 2411-21 du code du travail, c'est au moment de l'envoi de la convocation à l'entretien préalable au licenciement que l'employeur doit avoir connaissance de l'imminence de la désignation d'un salarié en qualité de conseiller du salarié.

Doit en conséquence être censurée la cour d'appel qui annule le licenciement d'une salariée pour absence d'autorisation administrative de licenciement, aux motifs que celle-ci a informé l'employeur de l'imminence de sa candidature aux fonctions de conseiller du salarié antérieurement à l'entretien préalable au licenciement du 12 novembre 2014, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée avait été convoquée à un entretien préalable au licenciement le 30 octobre 2014 et que l'employeur n'avait eu connaissance de l'imminence de la désignation de l'intéressée en qualité de conseiller du salarié que le 6 novembre 2014, soit postérieurement à l'engagement de la procédure de licenciement.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 5 avril 2019), Mme D... a été engagée le 7 novembre 2005 en qualité de télé gestionnaire par la société Credirec France, aux droits de laquelle est venue la société EOS Credirec, devenue la société EOS France.

Au dernier état de la relation contractuelle, la salariée occupait les fonctions d'expert métier.

2. Convoquée le 30 octobre 2014 à un entretien préalable au licenciement fixé au 12 novembre 2014, elle a été licenciée pour cause réelle et sérieuse le 26 novembre 2014.

3. Invoquant le bénéfice du statut protecteur en raison de la connaissance par l'employeur de l'imminence de sa désignation en qualité de conseiller du salarié, la salariée a saisi la juridiction prud'homale le 3 mars 2015 de demandes en nullité de son licenciement et en paiement de diverses sommes.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement est nul et de le condamner au paiement de certaines sommes à titre d'indemnisation de la violation du statut du salarié protégé et d'indemnisation du licenciement illicite, alors « que ce n'est que si l'employeur a connaissance, au jour de l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable, marquant l'engagement de la procédure de licenciement, de la candidature ou de l'imminence de la désignation du salarié en qualité de conseiller du salarié que ce dernier peut bénéficier du statut protecteur lié à ce mandat extérieur à l'entreprise ; qu'en retenant que la protection prend effet avant la publication de la liste des conseillers du salarié si le salarié fait la preuve que son employeur a eu connaissance de l'imminence de sa désignation " avant de procéder à son licenciement " et qu'en l'espèce Mme D... avait informé l'employeur de l'imminence de sa candidature le 6 novembre 2014, soit antérieurement à l'entretien préalable au licenciement qui s'est tenu le 12 novembre 2014, la cour d'appel qui s'est placée à la date de l'entretien préalable et non à celle de l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable, soit le 30 octobre 2014, pour apprécier si l'employeur avait connaissance de la candidature ou de l'imminence de la désignation de la salariée en qualité de conseiller du salarié a violé les articles L. 2411-1-16° et L. 2411-21 du code travail. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. La salariée conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est contraire à la thèse soutenue par l'employeur devant les juges du fond.

7. Cependant la thèse soutenue par l'employeur, selon laquelle seule l'existence du mandat de conseiller du salarié et non l'imminence de la désignation du salarié en cette qualité confère le statut protecteur, n'est pas contraire au moyen soutenant à titre subsidiaire que dans l'hypothèse où, l'imminence de la désignation en qualité de conseiller du salarié est susceptible de conférer la protection reconnue aux salariés protégés, la connaissance de l'employeur de l'imminence de la désignation doit s'apprécier à la date de la convocation à l'entretien préalable.

8. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 2411-1, 16° et L. 2411-21 du code du travail :

9. Pour l'application des textes susvisés, c'est au moment de l'envoi de la convocation à l'entretien préalable au licenciement que l'employeur doit avoir connaissance de l'imminence de la désignation d'un salarié en qualité de conseiller du salarié.

10. Pour dire le licenciement nul en l'absence d'autorisation administrative de licenciement, l'arrêt retient qu'il est constant que la protection prend effet avant la publication de la liste des conseillers du salarié si le salarié fait la preuve que son employeur a eu connaissance de l'imminence de sa désignation avant de procéder à son licenciement et qu'en l'espèce la salariée a bien informé l'employeur de l'imminence de sa candidature aux fonctions de conseiller du salarié le 6 novembre 2014, soit antérieurement à l'entretien préalable au licenciement qui s'est tenu le 12 novembre 2014.

11. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la salariée avait été convoquée à un entretien préalable au licenciement le 30 octobre 2014 et qu'il résultait de ses constatations que l'employeur n'avait eu connaissance de l'imminence de la désignation de l'intéressée en qualité de conseiller du salarié que le 6 novembre 2014, soit postérieurement à l'engagement de la procédure de licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Sommé - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Articles L. 2411-1, 16°, et L. 2411-21 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la protection contre le licenciement d'un salarié protégé, à rapprocher : Soc., 1er mars 2005, pourvoi n° 03-40.048, Bull. 2005, V, n° 75 (rejet), et l'arrêt cité.

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