Numéro 1 - Janvier 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2021

PROCEDURE CIVILE

2e Civ., 14 janvier 2021, n° 19-17.758, (P)

Cassation totale partiellement sans renvoi

Fin de non-recevoir – Fin de non-recevoir d'ordre public – Obligation pour le juge de la soulever d'office – Autorité de la chose jugée – Ordonnance du juge de la mise en état

Le juge est tenu de relever d'office la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à une décision précédemment rendue dans la même instance. Il en découle que le tribunal de grande instance, saisi d'une exception de procédure déjà tranchée par le juge de la mise en état, est tenu de relever d'office la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance de ce juge par l'article 775 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019.

Dès lors que la cour d'appel connaît, par l'effet dévolutif de l'appel, de l'affaire soumise à la juridiction du premier degré, elle est elle-même tenue de relever d'office cette fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée, après l'avoir soumise à la contradiction.

Par conséquent, encourt la censure l'arrêt d'une cour d'appel qui, à l'occasion de l'appel du jugement d'un tribunal de grande instance statuant sur le fond, déclare ce tribunal incompétent alors que le juge de la mise en état avait, dans l'instance ayant donné lieu à ce jugement, précédemment déclaré ce tribunal compétent.

Fin de non-recevoir – Fin de non-recevoir soulevée d'office – Caractère d'ordre public – Autorité de la chose jugée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 mars 2019) et les productions, se prévalant du défaut de remboursement d'un prêt qu'elle avait consenti à M. M..., la Société marseillaise de crédit (la banque) a prononcé la déchéance du terme, puis a fait assigner celui-ci devant le tribunal de grande instance de Marseille. M. M... ayant soulevé l'incompétence de ce tribunal au profit de la juridiction monégasque, le juge de la mise en état, par une ordonnance du 18 avril 2016, a déclaré ce tribunal compétent pour statuer sur la demande en paiement de la banque.

2. M. M... a relevé appel du jugement de ce tribunal, rendu le 28 novembre 2016, le condamnant à verser à la banque diverses sommes au titre du prêt, puis a soulevé à nouveau cette exception d'incompétence.

Application de l'article 688 du code de procédure civile

3. Le mémoire ampliatif a été transmis en vue de sa notification à M. M..., résidant à Monaco, le 22 octobre 2019. Il résulte des productions de la banque que les autorités monégasques attestant que M. M... n'habitait plus à l'adresse indiquée, ce mémoire n'a pu lui être remis et un procès-verbal de recherches infructueuses a été dressé, le 21 novembre 2019, conformément à l'article 687-1 du code de procédure civile.

4. Un délai de six mois s'étant écoulé depuis la transmission du mémoire ampliatif, il y a lieu de statuer sur le pourvoi.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

5. La banque fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement déféré en toute ses dispositions et, statuant à nouveau, de déclarer le tribunal de grande instance de Marseille territorialement incompétent au profit de la juridiction monégasque, alors :

« 1°/ que lorsque le juge de la mise en état a statué sur une exception de procédure par une ordonnance dont il n'a pas été fait appel, la cour d'appel qui est saisie du recours formé contre la décision au fond ultérieurement rendue par la formation de jugement est sans pouvoir pour statuer de nouveau sur cette exception de procédure ; qu'en l'espèce, le juge de la mise en état a, par une ordonnance du 18 avril 2016 qui n'a fait l'objet d'aucun appel, déclaré le tribunal de grande instance de Marseille compétent pour statuer sur la demande en paiement présentée par la banque ; que saisie, par la suite, de l'appel formé par M. M... à l'encontre du jugement rendu au fond le 28 novembre 2016 par la formation de jugement, la cour d'appel a nonobstant déclaré le tribunal de grande instance de Marseille territorialement incompétent au profit de la juridiction monégasque ; qu'en statuant ainsi sur une exception de procédure préalablement rejetée par une ordonnance du juge de la mise en état contre laquelle aucune voie de recours n'avait été exercée, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les articles 771, 772 et 775 du code de procédure civile ;

2°/ que le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche ; que les ordonnances du juge de la mise en état n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée à l'exception de celles statuant sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l'instance ; que saisie de l'appel formé par M. M... exclusivement à l'encontre du jugement rendu, au fond, par la formation de jugement du tribunal de grande instance de Marseille le 28 novembre 2016, la cour d'appel a déclaré ce tribunal territorialement incompétent, au profit de la juridiction monégasque ; qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que le juge de la mise en état avait déjà statué sur l'exception d'incompétence par une ordonnance du 18 avril 2016, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à cette précédente décision, en violation des articles 480 et 775 du code de procédure civile, ensemble l'article 1355 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1355 du code civil et les articles 125, alinéa 1er, 561 et 775, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, du code de procédure civile :

6. Le juge est tenu de relever d'office la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à une décision précédemment rendue dans la même instance. Il en découle que le tribunal de grande instance, saisi d'une exception de procédure déjà tranchée par le juge de la mise en état, est tenu de relever d'office la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance de ce juge.

7. Dès lors que la cour d'appel connaît, par l'effet dévolutif de l'appel, de l'affaire soumise à la juridiction du premier degré, elle est elle-même tenue de relever d'office cette fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée, après l'avoir soumise à la contradiction.

8. L'arrêt attaqué déclare le tribunal de grande instance incompétent pour connaître des demandes de la banque au profit de la juridiction monégasque.

9. En statuant ainsi, alors, d'une part, qu'il ressort des productions que le juge de la mise en état avait, dans l'instance ayant donné lieu au jugement frappé d'appel, précédemment déclaré ce tribunal compétent pour connaître de cette demande et, d'autre part, qu'elle n'était pas saisie d'un appel contre l'ordonnance du juge de la mise en état, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

12. Il résulte de ce qui est dit au paragraphe 9 que l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence soulevée par M. M... doit être relevée d'office comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée de l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Marseille du 18 avril 2016.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi du chef de l'arrêt déclarant le tribunal de grande instance de Marseille territorialement incompétent au profit de la juridiction monégasque ;

DÉCLARE IRRECEVABLE l'exception d'incompétence soulevée par M. M... ;

REMET, pour le surplus, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SARL Cabinet Briard -

Textes visés :

Article 775 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-1333.

Rapprochement(s) :

Sur l'autorité de la chose jugée d'une ordonnance du juge de la mise en état, à rapprocher : 2e Civ., 23 juin 2016, pourvoi n° 15-13.483, Bull. 2016, II, n° 171 (cassation partielle sans renvoi) ; 2e Civ., 9 janvier 2020, pourvoi n° 18-21.997, Bull. 2020, (cassation). Sur le caractère d'ordre public de la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée dans une même instance, à rapprocher : 3e Civ., 6 décembre 1977, pourvoi n° 76-12.870, Bull. 1977, III, n° 425 (rejet) ; 2e Civ., 22 mars 1982, pourvoi n° 81-10.607, Bull. 1982, II, n° 48 (cassation) ; 2e Civ., 24 septembre 2015, pourvoi n° 14-20.132, Bull. 2015, II, n° 212 (rejet).

2e Civ., 14 janvier 2021, n° 19-20.721, (P)

Cassation sans renvoi

Instance – Péremption – Délai – Interruption – Radiation du rôle en application de l'article 526 du code de procédure civile – Conditions – Acte d'exécution significative de la décision

Aux termes de l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans. Lorsqu'en application de l'article 526 du même code, l'appel fait l'objet d'une radiation du rôle faute pour l'appelant de justifier avoir exécuté la décision frappée d'appel, tout acte d'exécution significative de cette décision manifeste la volonté non équivoque de l'exécuter et constitue par conséquent une diligence interrompant le délai de péremption de l'instance d'appel.

Tel est le cas lorsque l'appelant a réglé la seule condamnation pécuniaire mise à sa charge, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, qui ne laissait inexécutée que sa condamnation aux dépens.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 février 2019), M. et Mme C... ont relevé appel du jugement d'un tribunal de grande instance les ayant déboutés des demandes qu'ils formaient contre Mme N... et les ayant condamnés à payer à cette dernière la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

2. Après que M. et Mme C... ont conclu, le 16 décembre 2013, puis Mme N..., le 17 février 2014, le conseiller de la mise en état a prononcé la radiation de l'affaire en application de l'article 526 du code de procédure civile.

3. Le 15 décembre 2015, M. et Mme C... ont sollicité la remise au rôle de l'affaire, exposant avoir réglé la condamnation prononcée par le premier juge à leur encontre sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'affaire a été réinscrite, puis M. et Mme C... ont à nouveau conclu au fond le 15 décembre 2017.

4. Le conseiller de la mise en état a dit l'instance d'appel périmée par une ordonnance du 29 mai 2018, que les appelants ont déféré à la cour d'appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. et Mme C... font grief à l'arrêt de dire l'instance d'appel périmée, alors « que, lorsqu'une affaire a été radiée en raison de l'inexécution de la décision de première instance, une exécution significative des condamnations mise à la charge de l'appelant, manifestant sans équivoque une volonté d'exécution, constitue une diligence interruptive de péremption ; qu'en considérant que les époux C... n'avaient accompli aucune diligence de nature à faire progresser l'affaire entre le 17 février 2014 et le 17 février 2016, après avoir pourtant relevé qu'ils avaient, en décembre 2015, demandé que l'affaire soit réinscrite en justifiant du règlement d'une somme de 3 500 euros et qu'une fois ce règlement effectué, seule restait due une somme de 83,95 euros au titre des dépens, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 386 et 526 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. Mme N... conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que ce moyen, en tant qu'il prétend, pour la première fois devant la Cour de cassation, que le paiement par M. et Mme C... de la somme de 3 500 euros en exécution des causes du jugement de première instance constituait une diligence interruptive du délai de préemption de l'instance d'appel, est irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit.

7. Cependant, le moyen n'est pas nouveau, M. et Mme C... faisant valoir, dans leur requête en déféré, que la lettre sollicitant la réinscription de l'affaire au rôle, en raison du règlement de la somme de 3 500 euros, afin qu'il soit statué sur leurs demandes, constituait bien une diligence de nature à faire progresser l'affaire au sens des dispositions de l'article 386 du code de procédure civile.

8. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 386 et 526 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :

9. Aux termes du premier de ces textes, l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

10. Lorsqu'en application du second de ces textes, l'appel fait l'objet d'une radiation du rôle faute pour l'appelant de justifier avoir exécuté la décision frappée d'appel, tout acte d'exécution significative de cette décision manifeste la volonté non équivoque de l'exécuter et constitue, par conséquent, une diligence interrompant le délai de péremption de l'instance d'appel.

11. Pour confirmer l'ordonnance ayant dit l'instance périmée, l'arrêt retient que, dans le cadre de l'article 526 du code de procédure civile, la seule demande de remise au rôle ne peut faire progresser l'affaire, elle doit être justifiée par l'exécution de la décision de première instance, et que si M. et Mme C... ont réglé en décembre 2015 la condamnation aux frais irrépétibles et sollicité en conséquence le rétablissement de l'affaire, ils n'ont pas réglé les dépens afférents au jugement, ce qu'il leur appartenait de faire d'eux-mêmes dès la signification du jugement, qui en mentionnait le coût.

12. En statuant ainsi, en conditionnant l'interruption du délai de péremption à une exécution intégrale du jugement attaqué, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

15. En réglant la somme de 3 500 euros, correspondant à la seule condamnation pécuniaire mise à leur charge, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, qui ne laissait inexécutée que leur condamnation aux dépens, M. et Mme C... ont procédé à une exécution significative des condamnations prononcées à leur encontre par le jugement frappé d'appel.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

INFIRME l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 29 mai 2018 ayant dit l'instance périmée et, statuant à nouveau, dit que le délai de péremption de l'instance d'appel n'était pas expiré à la date de cette ordonnance ;

DIT que l'affaire se poursuivra devant la cour d'appel de Paris.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : Me Haas ; SCP Yves et Blaise Capron -

Textes visés :

Articles 386 et 526 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 19 novembre 2020, pourvoi n° 19-25.100, Bull. 2020, II, (cassation), et les ordonnances citées.

2e Civ., 14 janvier 2021, n° 18-22.984, (P)

Cassation partielle

Intervention – Intervention volontaire – Intervention principale – Définition – Portée

Aux termes de l'article 329 du code de procédure civile, l'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme. Elle n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention.

Viole ces dispositions une cour d'appel qui, sur l'intervention volontaire du Conseil national des barreaux dans une instance engagée par d'autres parties, objet d'un désistement, la déclare irrecevable au motif qu'elle n'est accessoire, alors que, s'agissant d'une personne morale investie de la défense des intérêts collectifs de la profession d'avocat, le Conseil national des barreaux, en formant une demande de dommages-intérêts, avait émis une prétention à son profit.

Désistement partiel

1. Il est donné acte au Conseil national des barreaux du désistement partiel de son pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre le Syndicat des conseils opérationnels en optimisation, la société Professionnal cost management group limited et la société Inventage Sp. Z O.O.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 juillet 2018), la société Groupe Randstad France (la société Randstad) a conclu, le 17 avril 2009, un contrat avec la société Eiffel conseil (la société Eiffel) ayant pour objet de permettre à la société Randstad de réaliser des économies sur les charges liées à la rémunération du travail.

3. Le 5 février 2010, la société Eiffel a assigné la société Randstad devant un tribunal de commerce en paiement d'une somme au titre de ses honoraires d'intervention et en condamnation de celle-ci à lui verser des dommages-intérêts.

La société Randstad a invoqué, reconventionnellement, la nullité de la convention pour exercice illégal, par la société Eiffel, d'une consultation juridique en violation des articles 54 et 60 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.

4. Le Conseil national des barreaux (le CNB) est intervenu à l'instance et a sollicité la nullité de la convention pour les mêmes motifs ainsi que, notamment, l'allocation de la somme d'un euro en réparation de son préjudice moral sur le fondement de l'article 1382 devenu l'article 1240 du code civil.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le CNB reproche à l'arrêt de le déclarer irrecevable en son action, alors :

« 1°/ que le sort de l'intervention n'est pas lié à celui de l'action principale lorsque l'intervenant principal se prévaut d'un droit propre, distinct de celui invoqué par le demandeur principal ; que la cour d'appel a elle-même constaté que le CNB la « prie de condamner la société Eiffel conseil à [lui] verser la somme d'un euro symbolique en réparation de son préjudice moral sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil » ; que, pour déclarer irrecevable l'action du CNB, la cour d'appel a énoncé que son intervention ne peut être qualifiée que d'accessoire à la demande en nullité de la convention litigieuse formée par la société Randstad et qu'en raison de l'extinction de la demande originelle du fait du désistement de la société Randstad de sa demande de nullité, la demande accessoire a disparu ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que le CNB élevait une prétention indemnitaire à son profit, et qu'ainsi son intervention était principale, de sorte que son sort n'était pas lié à celui de l'action principale, la cour d'appel a violé l'article 329 du code de procédure civile ;

2°/ que le sort de l'intervention n'est pas lié à celui de l'action principale lorsque l'intervenant principal se prévaut d'un droit propre, distinct de celui invoqué par le demandeur principal ; que, dans ses écritures d'appel, le CNB a fait valoir qu'il élevait une prétention propre et que l'effet relatif des contrats n'interdit pas aux tiers d'invoquer la situation de fait créée par les conventions auxquelles ils n'ont pas été parties, dès lors que cette situation de fait leur cause un préjudice de nature à fonder une action en responsabilité ; qu'il en déduisait qu'il était tiers intéressé par la situation de fait créée par la convention passée entre les sociétés Eiffel conseil et Randstad, étant rappelé que, suivant l'article 21-1 de la loi 1971-1130 du 31 décembre 1971 modifiée, il est un « établissement d'utilité publique doté de la personnalité morale » et est « chargé de représenter la profession d'avocat notamment auprès des pouvoirs publics ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur ces éléments de nature à établir que le CNB élevait une prétention qui lui était propre et qu'ainsi son intervention volontaire principale était recevable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 329 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. La société Eiffel conteste la recevabilité du moyen, en soutenant qu'il est nouveau et mélangé de fait et de droit.

7. Cependant, le CNB ayant énoncé dans ses conclusions d'appel que son intervention était recevable, nonobstant le désistement de la société Randstad et qu'il élevait une prétention propre, le moyen, qui était dans le débat, n'est pas nouveau.

8. Il est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 329 du code de procédure civile :

9. Aux termes de ce texte, l'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme. Elle n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention.

10. Pour déclarer le CNB irrecevable en son action, l'arrêt retient que l'intervention de celui-ci ne peut qu'être accessoire à la demande en nullité de la convention formée par la société Randstad et que le désistement, qui a emporté extinction de la demande originelle au soutien de laquelle est intervenu le CNB, a fait disparaître la demande accessoire de ce dernier.

11. En statuant ainsi, alors que le CNB, personne morale investie de la défense des intérêts collectifs de la profession d'avocat, avait formé une demande de dommages-intérêts de sorte qu'il émettait une prétention à son profit, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

12. La société Eiffel demande, à titre subsidiaire, qu'en cas de cassation celle-ci soit limitée à l'irrecevabilité de la demande de dommages-intérêts formée par le CNB, l'intervention demeurant irrecevable en ce qui concerne la demande de nullité de la convention.

13. Cependant, l'intervention principale du CNB le rendant demandeur à une instance distincte de celle engagée par la société Randstad, la décision doit être cassée en ce qu'elle a déclaré le CNB irrecevable en toutes ses demandes.

14. Elle doit également l'être, par application de l'article 624 du code de procédure civile, en ce qu'elle a condamné le CNB, solidairement aux dépens et à payer à la société Eiffel la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré le Conseil national des barreaux irrecevable en son action et l'a condamné aux dépens et à payer à la société Eiffel la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 18 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Durin-Karsenty - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : Me Le Prado ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 80 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 21 février 1990, pourvoi n° 88-13.188, Bull. 1990, III, n° 61 (cassation), et l'arrêt cité ; 1re Civ., 5 octobre 1999, pourvoi n° 97-17.559, Bull. 1999, I, n° 260 (cassation), et les arrêts cités ; Com., 29 octobre 2002, pourvoi n° 97-22.542, Bull. 2002, IV, n° 154 (cassation partielle), et les arrêts cités ; 2e Civ., 27 mai 2004, pourvoi n° 02-15.700, Bull. 2004, II, n° 239 (rejet), et les arrêts cités ; 2e Civ., 17 novembre 2005, pourvoi n° 04-13.008, Bull. 2005, II, n° 294 (cassation sans renvoi), et l'arrêt cité ; 3e Civ., 1 juillet 2009, pourvoi n° 07-21.954, Bull. 2009, III, n° 166 (cassation partielle), et l'arrêt cité ; 1re Civ., 17 février 2016, pourvoi n° 14-26.342, Bull. 2016, I, n° 36 (rejet), et les arrêts cités.

1re Civ., 20 janvier 2021, n° 19-20.680, (P)

Rejet

Notification – Notification en la forme ordinaire – Articles 665 à 670-3 du code procédure civile – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Mise en demeure

La mise en demeure que le créancier doit adresser au débiteur en application de l'article 1146 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, n'étant pas de nature contentieuse, les dispositions des articles 665 à 670-3 du code de procédure civile ne sont pas applicables et le défaut de réception effective par le débiteur de la mise en demeure, adressée par lettre recommandée, n'affecte pas sa validité.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 17 mai 2019), suivant acte sous seing privé du 24 décembre 2008, la société Crédit maritime Bretagne Normandie, aux droits de laquelle se trouve la société Banque populaire grand Ouest (la banque), a consenti à M. et Mme D... (les emprunteurs) un prêt d'un montant de 114 000 euros remboursable en sept échéances annuelles.

2. A la suite d'impayés, la banque a, par lettre recommandée du 24 mars 2014 mis en demeure les emprunteurs de payer la somme de 123 481,26 euros et, par acte du 16 mai 2014, assignés ceux-ci en paiement de cette somme.

Les emprunteurs ont formé différentes demandes qui ont été écartées.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le sixième moyen

Enoncé du moyen

4. Les emprunteurs font grief à l'arrêt d'accueillir la demande de la banque, alors « que la mise en demeure, faite par voie de lettre recommandée avec demande d'avis de réception, est réputée faite à personne lorsque l'avis de réception est signé par son destinataire ; que la date de réception d'une notification par lettre recommandée avec avis de réception est celle qui est apposée par le service de la poste lors de la remise de la lettre à son destinataire ; qu'en affirmant néanmoins, pour condamner les emprunteurs à payer à la banque la somme de 123 481,26 euros, outre les intérêts contractuels, que celle-ci avait valablement adressé des lettres de mises en demeure, respectivement aux deux emprunteurs, exigeant le paiement d'une telle somme, après avoir pourtant constaté que les lettres en cause, adressées en la forme recommandée avec demande d'avis de réception, étaient revenues à l'expéditeur avec la mention « non réclamé », ce dont il résultait qu'elles ne pouvaient être considérées comme parvenues à leur destinataire, la cour d'appel a violé les articles 669 et 670 du code de procédure civile, ensemble les articles 1146 et 1153 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

5. La mise en demeure que le créancier doit adresser au débiteur en application de l'article 1146 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, n'étant pas de nature contentieuse, les dispositions des articles 665 à 670-3 du code de procédure civile ne sont pas applicables et le défaut de réception effective par le débiteur de la mise en demeure, adressée par lettre recommandée, n'affecte pas sa validité.

6. Ayant constaté que la banque avait adressé aux emprunteurs une mise en demeure de régler la somme restant due, par une lettre recommandée qu'ils s'étaient abstenus de réclamer aux services postaux, la cour d'appel n'a pu qu'en déduire que l'action de la banque avait été régulièrement mise en oeuvre.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Serrier - Avocat(s) : SCP Richard ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article 1146 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; articles 665 à 670-3 du code procédure civile.

Rapprochement(s) :

En matière de sécurité sociale, à rapprocher : Ass. plén., 7 avril 2006, pourvoi n° 04-30.353, Bull. 2006, Ass. plén., n° 4 (rejet), et les arrêts cités.

2e Civ., 14 janvier 2021, n° 20-15.673, (P)

Rejet

Ordonnance sur requête – Ordonnance faisant droit à la requête – Copie – Délivrance à la personne à laquelle est opposée l'ordonnance

Il résulte de l'article 495, alinéa 3, du code de procédure civile qu'une copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée, à l'exclusion des pièces invoquées à l'appui de cette requête.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 janvier 2020), suspectant un détournement de sa clientèle par ses anciens collaborateurs, MM. F... et A..., et la société GM Associés qu'ils ont constituée, la société SCA Avocat associé (la société SCA) a saisi un juge des requêtes afin de voir désigner un huissier de justice pour exécuter diverses mesures d'instruction sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.

La requête de la société SCA ayant été accueillie, MM. F..., A... et la société GM Associés l'ont assignée devant un juge des référés aux fins de rétractation.

La société SCA a interjeté appel de l'ordonnance ayant rétracté l'ordonnance sur requête.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche et sur le second moyen ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui sont irrecevables.

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

3. MM. F..., A... et la société GM Associés font grief à l'arrêt d'infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du 24 mai 2019 et, partant, de dire n'y avoir lieu à la rétractation de l'ordonnance rendue sur requête le 14 mars 2019, alors « que conformément à l'article 495 du code de procédure civile, la remise d'une copie de la requête et de l'ordonnance, qui vise à rétablir le principe de la contradiction, doit permettre à la partie à laquelle elle est faite de prendre connaissance de l'étendue des mesures d'instruction ordonnées afin de pouvoir évaluer l'opportunité d'un éventuel recours ; qu'en l'espèce, en se bornant à relever que la communication d'une copie des pièces nos 28, 29 et 33 produites à l'appui de la requête présentée par la société SCA n'était exigée par aucun texte, pour en déduire que le fait qu'elles n'aient pas été transmises à MM. F... et A... à l'occasion de la remise de la copie de l'ordonnance et de la requête n'emportait aucune atteinte au principe de la contradiction, quand ces mêmes pièces contenaient, seules, la liste de mots-clés permettant de définir l'étendue exacte des investigations prévues par l'ordonnance, laquelle y renvoie d'ailleurs expressément, la cour d'appel a violé l'article précité. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte de l'article 495, alinéa 3, du code de procédure civile qu'une copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée, à l'exclusion des pièces invoquées à l'appui de cette requête.

5. Ayant relevé qu'une copie de l'ordonnance et de la requête avait été laissée à MM. F... et A... par l'huissier de justice préalablement aux opérations, c'est à bon droit que la cour d'appel, devant laquelle il n'était pas soutenu que les mesures d'instruction telles que mentionnées dans l'ordonnance n'étaient pas légalement admissibles au sens de l'article 145 du code de procédure civile, a retenu que l'absence de communication des pièces numérotées 28, 29 et 33 n'entachait pas la régularité de l'ordonnance.

6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Lemoine - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article 495 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e civ., 12 avril 2018, pourvoi n° 17-15.527, Bull. 2018, II, n° 82 (rejet).

3e Civ., 21 janvier 2021, n° 19-20.801, (P)

Cassation partielle

Ordonnance sur requête – Rétractation – Juge de la rétractation – Pouvoirs – Mesure exigeant la non-contradiction – Circonstances justificatives – Exposé dans la requête et dans l'ordonnance – Recherche nécessaire

Il résulte de l'article 493 du code de procédure civile qu'il incombe au juge saisi d'une demande en rétractation d'une ordonnance sur requête de rechercher, même d'office, si la requête et l'ordonnance rendue sur son fondement exposent les circonstances justifiant que la mesure sollicitée ne soit pas prise contradictoirement.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence,13 juin 2019), une ordonnance du 23 novembre 2012, rendue sur requête de plusieurs porteurs de parts de la société Domaine de la Bergerie (la société), membres de l'association syndicale libre Domaine de la Bergerie (l'association syndicale), a désigné M. F... en qualité d'administrateur provisoire de la société et de l'association syndicale pour une durée de six mois.

2. Une ordonnance du 13 février 2013, rendue à la requête de l'administrateur provisoire, a désigné un expert-comptable chargé de l'assister et une ordonnance du 26 avril 2014, prise dans les mêmes formes, a procédé au remplacement de cet expert-comptable.

3. Après avoir obtenu le 16 avril 2013, une ordonnance prorogeant sa mission pour une durée de six mois à compter du 23 mai 2013, M. F... a, par requête enregistrée le 27 novembre 2013, sollicité une prorogation pour une durée d'une année à compter du 22 novembre 2013.

4. Trois ordonnances des 29 novembre 2013, 16 mai 2014 et 28 novembre 2014 ont prorogé la mission de M. F... pour une durée de six mois.

5. La société Cytia Cartier, précédente gestionnaire de la société et de l'association syndicale, les a assignées en rétractation des ordonnances ainsi rendues.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

6. La société Cytia Cartier fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de rétractation des ordonnances et de compléter l'ordonnance du 29 novembre 2013 pour dire que la mission de M. F... avait été prorogée pour une durée de six mois à compter du 23 novembre 2013, alors « que la mission de l'administrateur provisoire prend nécessairement fin à la date prévue par l'ordonnance le désignant ; qu'en retenant que le dépôt par l'administrateur provisoire, le 27 novembre 2013, de la requête tendant à la prorogation de sa mission qui s'était achevée le 23 novembre 2013 ne rendait pas pour autant irrégulière l'ordonnance rendue sur cette requête dès lors que le juge des référés avait vérifié que les conditions et motifs la légitimant étaient réunis, quand la requête aux fins de prorogation de la mission de l'administrateur provisoire présentée après l'expiration de celle-ci est nulle en raison du défaut de pouvoir du mandataire, la cour d'appel a violé l'article 117 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 117 du code de procédure civile :

7. Selon ce texte, constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte le défaut de capacité d'ester en justice.

8. Il en résulte que, la mission de l'administrateur provisoire prenant nécessairement fin à la date prévue par l'ordonnance le désignant, celui-ci n'a pas qualité pour solliciter la prorogation de sa mission à une date où sa mission est expirée.

9. Pour rejeter la demande de rétractation de l'ordonnance du 29 novembre 2013 et dire que la mission de M. F... a été prorogée pour une durée de six mois à compter du 23 novembre 2013, l'arrêt retient qu'il n'est en rien interdit à l'administrateur provisoire de solliciter la poursuite de sa mission même expirée au moment du dépôt de la requête et que le fait que M. F... n'ait sollicité que par requête du 27 novembre 2013 la poursuite de sa mission ordonnée le 29 novembre 2013 pour une nouvelle durée de six mois, sans autre précision, mission encore prorogée plusieurs fois ensuite, ne rend pas pour autant l'ordonnance ainsi rendue irrégulière, dès lors qu'au moment de la prorogation, le juge des référés a vérifié que les conditions et motifs la légitimant étaient réunis.

10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté qu'au moment du dépôt de la requête, la mission de M. F... avait pris fin, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

11. La société Cytia Cartier fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en toute hypothèse, il appartient au juge saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête de rechercher, même d'office, si la requête et l'ordonnance rendue sur son fondement exposent les circonstances exigeant que la mesure réclamée ne soit pas prise contradictoirement ; qu'en considérant, pour rejeter la demande de rétractation de la société Citya Cartier, par motifs propres, que la désignation de l'expert-comptable n'avait pas lieu d'intervenir au contradictoire de la société Citya Cartier dès lors que sa responsabilité n'était pas recherchée et, par motifs adoptés, qu'il appartiendrait à la société Citya Cartier de discuter, devant la juridiction saisie de l'instance au fond, des éléments produits et de tirer tout élément utile du caractère non contradictoire à son égard des opérations de l'expert-comptable, la cour d'appel qui n'a pas relevé de circonstances exigeant que la mesure ne soit pas prise contradictoirement, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 493 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 493 du code de procédure civile :

12. Il résulte de ce texte qu'il incombe au juge saisi d'une demande en rétractation d'une ordonnance sur requête de rechercher, même d'office, si la requête et l'ordonnance rendue sur son fondement exposent les circonstances justifiant que la mesure sollicitée ne soit pas prise contradictoirement.

13. Pour rejeter la demande en rétractation des ordonnances des 13 février 2013 et 25 avril 2014, l'arrêt retient que la société Cytia Cartier est un tiers à la procédure initiale ayant donné lieu aux ordonnances des 12 juin et 23 novembre 2012, que, dès lors, le choix d'une ordonnance sur requête n'a pas préjudicié à ses intérêts, que, de même, la désignation de l'expert-comptable, puis son remplacement, a eu pour seul dessein de désigner un sapiteur expert-comptable afin d'établir une comptabilité, jusqu'alors manquante de la société et de l'association syndicale, qu'il ne s'est pas agi d'une expertise tendant à établir des manquements, leur imputabilité, voire à établir la responsabilité de tel ou tel intervenant, que la responsabilité de la société Citya Cartier n'a donc pas été recherchée par cette adjonction d'un sapiteur à l'administrateur provisoire, de sorte que la désignation de l'expert-comptable n'avait pas lieu d'intervenir de manière contradictoire à l'égard de la société Citya Cartier.

14. En se déterminant ainsi, sans relever des circonstances justifiant que la mesure sollicitée ne soit pas prise contradictoirement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de rétractation des ordonnances des 23 novembre 2012 et 16 avril 2013, l'arrêt rendu le 13 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Andrich - Avocat général : Mme Guilguet-Pauthe - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh -

Textes visés :

Article 117 du code de procédure civile ; article 493 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 14 janvier 2016, pourvoi n° 14-24.989, Bull. 2016, III, n° 9 (cassation partielle). 3e Civ., 22 septembre 2016, pourvoi n° 14-24.277, Bull. 2016, III, n° 118 (cassation), et l'arrêt cité.

Soc., 13 janvier 2021, n° 19-21.422, n° 19-21.423, n° 19-21.425, n° 19-21.426, (P)

Rejet

Procédure orale – Mise en état – Juge de la mise en état – Pouvoirs – Etendue – Détermination – Portée

Si, en application de l'article 446-2 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2010-1165 du 1er octobre 2010, le juge ne peut fixer les délais et conditions de la communication entre parties de leurs prétentions, moyens et pièces, qu'après avoir recueilli l'accord des parties comparantes, il peut toujours, pour mettre l'affaire en état d'être jugée, prescrire des diligences à la charge des parties, telles que le dépôt au greffe de la cour d'appel de leurs conclusions écrites et pièces.

Dès lors, une cour d'appel qui constate que des ordonnances du magistrat chargé d'instruire l'affaire prévoyaient que chaque partie devait adresser à la cour d'appel ses conclusions avec le bordereau récapitulatif des pièces versées et la lettre de rupture du contrat, et que les appelants n'avaient pas conclu pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, en déduit justement que la péremption d'instance est acquise.

Instance – Péremption – Délai – Point de départ – Diligences fixées par la juridiction – Définition – Portée

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° C 19-21.422, D 19-21.423, F 19-21.425 et H 19-21.426 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Bordeaux, 12 juin 2019), la société [...], liquidateur de la société First Metal mise en liquidation judiciaire par jugement du 30 août 2006, a procédé au licenciement économique de tous les salariés employés par cette société, par lettres des 15 septembre et 26 octobre 2006.

3. Des salariés ont saisi la juridiction prud'homale, puis interjeté appel des jugements.

4. Par ordonnances du 29 mai 2015 rendues au visa des articles 432 et 446-2 du code de procédure civile et notifiées par lettres du 4 juin 2015, le magistrat de la cour d'appel chargé d'instruire l'affaire a dit que les parties seront convoquées à l'audience collégiale du 4 janvier 2016, qu'elles devront s'échanger leurs conclusions et pièces en respectant un certain délai et que les parties devront adresser à la cour d'appel leurs conclusions avec le bordereau récapitulatif de pièces et la lettre de rupture du contrat.

5. Par arrêts du 13 janvier 2016, la cour d'appel a prononcé la radiation des affaires pour défaut de diligence.

6. Le 2 octobre 2017, le greffe de la cour d'appel a délivré des avis de réinscription au rôle sur les conclusions de la société [...] agissant en qualité de liquidateur de la société First Metal.

7. Par arrêts du 12 juin 2019, la cour d'appel a constaté la péremption de l'instance, son extinction et le dessaisissement de la cour.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. Les salariés font grief aux arrêts de constater la péremption de l'instance, son extinction et le dessaisissement de la cour, alors « qu'en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ; que la procédure prud'homale est orale ; qu'il résulte de l'article 446-2 du code de procédure civile que le magistrat chargé d'instruire l'affaire ne peut fixer les délais et les conditions de communication des prétentions, moyens et pièces qu'avec l'accord des parties lors de leur comparution ; qu'en l'espèce, en retenant que la notification de l'ordonnance du 29 mai 2015 prescrivant des diligences à la charge des parties constitue le point de départ du délai de péremption, et partant que la péremption d'instance est acquise à la date du dépôt des premières écritures des appelants le 19 novembre 2018, aux motifs que cette ordonnance a fixé un calendrier pour la communication des conclusions et pièces et qu'aucune des parties n'avait alors indiqué que le calendrier de procédure ainsi établi aurait été pris sans son accord, quand il appartenait au magistrat chargé d'instruire l'affaire de recueillir l'accord des parties lors d'une comparution, pour conférer à ce calendrier de procédure un caractère impératif, la cour d'appel a violé les articles 446-1, 446-2, 939 et 946 du code de procédure civile, R. 1453-3 et R. 1453-4 du code du travail dans leur version alors applicable, ensemble l'article R. 1452-8 du code du travail alors applicable et l'article 386 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. Selon les dispositions de l'article 446-2 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2010-1165 du 1er octobre 2010, alors applicable, lorsque les débats sont renvoyés à une audience ultérieure, le juge peut organiser les échanges entre les parties comparantes. Si les parties en sont d'accord, le juge peut ainsi fixer les délais et conditions de communication de leurs prétentions, moyens et pièces.

11. Selon les dispositions de l'article R. 1452-8 du code du travail, alors applicable, en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.

12. Si, en application du premier de ces textes, le juge ne peut fixer les délais et conditions de la communication entre parties de leurs prétentions, moyens et pièces, qu'après avoir recueilli l'accord des parties comparantes, il peut toujours, pour mettre l'affaire en état d'être jugée, prescrire des diligences à la charge des parties, telles que le dépôt au greffe de la cour d'appel de leurs conclusions écrites et pièces.

13. Dès lors, la cour d'appel qui a constaté que les ordonnances qui prévoyaient, sans leur impartir de délai, que chaque partie devait adresser à la cour d'appel ses conclusions avec le bordereau récapitulatif des pièces versées et la lettre de rupture du contrat, avaient été notifiées le 4 juin 2015, et que les appelants n'avaient conclu que le 19 novembre 2018, en a justement déduit que la péremption d'instance était acquise.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Leprieur - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 386 du code de procédure civile ; article 446-2 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2010-1165 du 1er octobre 2010 ; article R. 1452-8 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le principe selon lequel le dépôt de conclusions écrites constitue une diligence ordonnée par la juridiction, à rapprocher : Soc., 9 mars 2005, pourvoi n° 02-46.319, Bull. 2005, V, n° 82 (cassation sans renvoi), et l'arrêt cité.

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