Numéro 1 - Janvier 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2021

CONVENTIONS INTERNATIONALES

Soc., 13 janvier 2021, n° 19-17.157, (P)

Rejet

Accords et conventions divers – Convention de Rome du 19 juin 1980 – Loi applicable aux obligations contractuelles – Article 3, § 1 – Loi choisie par les parties – Nature – Nature conventionnelle – Exclusion – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 mars 2019) rendu après cassation (Soc., 8 mars 2016, pourvoi n° 15-24.722), M. M..., ressortissant égyptien, a été engagé, le 15 décembre 1976, pour exercer, à Paris, un emploi de chargé de comptabilité, par la Ligue des États arabes (la Ligue). Ce contrat de travail a fait l'objet d'un écrit, en date du 1er janvier 2001, se référant au statut du personnel de la Ligue et au règlement intérieur applicable aux employés locaux des missions à l'étranger.

2. A été conclu, le 26 novembre 1997, l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Ligue relatif à l'établissement à Paris, d'un bureau de la Ligue des États arabes et à ses privilèges et immunités sur le territoire français.

Selon l'article 1er de cet accord, la Ligue jouit de la capacité juridique cependant que celle-ci reconnaît la compétence des juridictions française.

En vertu de l'article 4, § 1, dudit accord, la Ligue jouit, pour ce qui concerne l'activité officielle de son bureau sur le territoire français, de l'immunité de juridiction et d'exécution sauf dans les cas d'une action civile fondée sur une obligation résultant d'un contrat, y compris d'un contrat de travail conclu avec un membre du personnel.

3. Contestant sa mise à la retraite intervenue le 3 juillet 2010, à l'âge de 65 ans, l'employé, auquel est opposé le statut du personnel de la Ligue, a saisi la juridiction prud'homale aux fins de paiement de diverses sommes au titre tant de l'exécution du contrat de travail que de sa rupture.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La Ligue fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à l'employé une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :

« 1°/ que le règlement applicable aux employés locaux des missions à l'étranger élaboré par la Ligue des États arabes, organisation internationale reconnue en France par l'accord du 26 novembre 1997 (publié par le décret n° 2000-937 du 18 septembre 2000), a valeur de loi et peut être choisi au titre de l'application de l'article 3.1 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles pour régir le contrat de travail conclu entre son bureau établi à Paris et l'un de ses salariés ; qu'en décidant néanmoins que la loi choisie par les parties s'entend nécessairement d'une loi émanant d'un système juridique d'origine étatique de sorte que le règlement applicable aux employés locaux des missions de la Ligue des États arabes auquel se réfère le contrat ne saurait être assimilé à une loi au sens de la convention applicable, pour en déduire que la référence à ce règlement équivaut à une absence de choix et en tirer la conséquence que le contrat de M. M... était régi par la loi du pays où il accomplissait habituellement son travail, la cour d'appel a violé l'article 3.1 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 ;

2°/ que les dispositions des articles L. 1237-5 du code du travail et L. 351-8 1° du code de la sécurité sociale ne s'appliquent qu'aux seuls assurés sociaux relevant du régime général de la sécurité sociale du droit français ; qu'en faisant application de ces dispositions quand il était expressément soutenu que M. M... n'a jamais relevé du régime d'assurance vieillesse du droit français et n'avait pas la qualité d'assuré social, la cour d'appel a privé de base légale sa décision au regard des texte susvisés. »

Réponse de la Cour

5. D'abord, aux termes de l'article 3, § 1, de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome, le 19 juin 1980, le contrat est régi par la loi choisie par les parties.

6. Le rapport des professeurs Lagarde et Giuliano concernant la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles (JOCE n° 282 du 31 octobre 1980) ne fait pas, s'agissant de cette stipulation, mention du choix par les parties d'une convention internationale.

7. La proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) prévoyait, à son article 3, § 2, qui n'est pas repris par le règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), la possibilité de choisir comme loi applicable, en lieu et place de la loi étatique visée à l'article 3, § 1, des principes et règles de droit matériel des contrats, reconnus au niveau international ou communautaire.

8. Selon l'exposé des motifs de cette proposition, ce projet d'article 3, § 2, répondait à la volonté de la Commission européenne de renforcer encore l'autonomie de la volonté, principe clé de la Convention de Rome, en autorisant les parties à choisir, comme droit applicable, un droit non étatique.

9. Ainsi, il résulte de la lettre de l'article 3, § 1, de la Convention de Rome, de l'intention de ses rédacteurs et de la lecture qui en est faite par les institutions de l'Union qu'une convention internationale et, partant, le droit dérivé d'une convention, tel le statut ou le règlement du personnel d'une organisation internationale, ne constituent pas une loi au sens de cette disposition.

10. En l'absence de tout risque d'interprétations divergentes au sein de l'Union de la notion de loi au sens de l'article 3, § 1, de la Convention de Rome, il n'y a pas lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne.

11. Ensuite, l'application de l'article L. 1237-5 du code du travail n'est pas soumise à une condition d'affiliation du salarié à un régime d'assurance vieillesse de droit français.

12. D'où il suit que le moyen n'est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT n'y avoir lieu à renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l'Union européenne ;

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Le Masne de Chermont - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Article 3, § 1, de la Convention de Rome du 19 juin 1980, sur la loi applicable aux obligations contractuelles.

1re Civ., 13 janvier 2021, n° 19-18.447, (P)

Cassation partielle

Accords et conventions divers – Traité de cession des établissements français de l'Inde du 28 mai 1956 – Nationalité – Cas – Français né dans un établissement français de l'Inde antérieurement au traité de cession – Enfant né sur le territoire d'un établissement français cédé – Effets – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 février 2018), M. K..., né le [...] 1965 à Tirnouvijimalé, commune de Thirunallar, district de Karikal (Inde), de M. N..., né le [...] 1918 à Ambagarattour (Inde française), et de Mme P..., son épouse, née le [...] 1944 à Vadoucadouby (Inde anglaise), a, le 30 juillet 2012, introduit une action déclaratoire de nationalité devant le tribunal de grande instance de Paris.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. M. K... fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'est pas français, alors « qu'en vertu de l'article 18 du code civil, est français l'enfant dont la mère est française ; que selon les articles 4 et 5 du Traité de cession des établissements français d'Inde du 28 mai 1956, seuls les nationaux français nés sur le territoire de ces établissements ont été invités à opter pour la conservation de leur nationalité ; et que l'option du mari est sans effet sur le statut de l'épouse ; qu'ainsi l'épouse née hors du territoire d'un établissement français, ayant acquis la nationalité française par mariage a un statut autonome et a pu conserver la nationalité française ; qu'en affirmant néanmoins que M. K... ne pouvait tenir sa nationalité française de sa mère, née en Inde anglaise, devenue française par son mariage, l'arrêt attaqué a violé l'article 18 du code civil et les articles 4 et 5 du Traité de cession des Etablissements français de l'Inde du 28 mai 1956. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 4 et 5 du Traité de cession des établissements français de Pondichéry, Karikal, Mahé et Yanaon à l'Union indienne du 28 mai 1956, et l'article 18 du code civil :

3. Il résulte des dispositions combinées des deux premiers textes que, seuls les nationaux français nés sur le territoire de ces établissements et qui y étaient domiciliés le 16 août 1962, date d'entrée en vigueur du traité, ont été invités à opter pour la conservation de leur nationalité, dans les six mois suivant cette date, par une déclaration écrite déterminant la nationalité des enfants non mariés, âgés de moins de 18 ans.

4. Il s'en déduit que les enfants de ces nationaux français, nés sur le territoire de l'établissement cédé postérieurement à l'expiration du délai d'option offert à leur auteur, ont conservé un statut autonome de celui de leur représentant légal, qui les autorise à revendiquer la nationalité française sur le fondement du droit interne.

5. Aux termes du troisième, est français l'enfant dont au moins un des parents est français.

6. Pour dire que M. K... n'est pas français, l'arrêt relève que M. N..., ressortissant français né sur le territoire d'un Etablissement français et qui y était domicilié le 16 août 1962, date d'entrée en vigueur du Traité, n'ayant pas souscrit de déclaration d'option dans le délai de six mois à compter de cette date, a perdu la nationalité française. Il retient que son fils, M. K..., né sur le territoire de l'Union indienne, a suivi la condition de son père.

7. En statuant ainsi, alors que, né le [...] 1965, M. K... n'était pas saisi par le traité et pouvait revendiquer la nationalité française par filiation maternelle sur le fondement de l'article 18 du code civil, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de constatation de la caducité de la déclaration d'appel, l'arrêt rendu le 27 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Auroy - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles 4 et 5 du Traité de cession des établissements français de Pondichéry, Karikal, Mahé et Yanaon à l'Union indienne du 28 mai 1956.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 17 avril 2019, pourvoi n° 18-50.039, Bull. 2019, (rejet).

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