Numéro 1 - Janvier 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2021

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES

3e Civ., 14 janvier 2021, n° 19-24.881, (P)

Rejet

Consentement – Dol – Sanctions – Action en nullité de la vente – Rejet – Action en responsabilité délictuelle – Cumul

Le rejet de la demande principale en nullité d'une vente pour dol dirigée contre le vendeur ne fait pas obstacle à une demande subsidiaire en responsabilité quasi-délictuelle formée contre le professionnel chargé de la commercialisation du programme d'investissement immobilier défiscalisé et en indemnisation du préjudice en résultant pour les acquéreurs demeurés propriétaires du bien.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société IFB France du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Prédica prévoyance dialogue du Crédit agricole, la société Oceanis Outremer, venant aux droits de la société Le Jardin colonial, la société Crédit agricole mutuel de Franche-Comté, la société CNP assurances, la société CNP invalidité, accident, maladie - CNP IAM.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 27 septembre 2019), en juin 2005, M. et Mme Y..., après avoir été démarchés par la société IFB France, chargée de la commercialisation d'immeubles en l'état futur d'achèvement

réalisés à la Réunion par la société civile de construction vente Le Jardin colonial (la société Le Jardin colonial), ont acquis, au prix de 101 500 euros, un appartement à titre d'investissement immobilier locatif bénéficiant d'un avantage fiscal.

3. Le bien, financé à l'aide d'un prêt, a été livré en 2007, loué à plusieurs reprises et évalué en 2013 entre 55 000 et 65 000 euros.

4. M. et Mme Y... ont assigné le vendeur, le démarcheur, la banque et les assureurs à titre principal en nullité de la vente pour dol. Subsidiairement, ils ont sollicité la réparation d'un préjudice patrimonial et moral en raison des fautes commises par la société IFB France dans l'exécution de son obligation d'information et de conseil.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La société IFB France fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. et Mme Y... des dommages-intérêts d'un montant de 17 000 euros au titre de la perte de chance, alors :

« 1°/ que le manquement à une obligation d'information et de conseil cause seulement un préjudice consistant en la perte d'une chance d'éviter le dommage tel qu'il s'est réalisé, soit de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses ; qu'il s'ensuit qu'en l'état du rejet de leur action en nullité de la vente immobilière pour dol, M. et Mme Y... ne pouvaient obtenir réparation du préjudice constitué par la perte d'une chance d'effectuer un investissement immobilier locatif plus rentable par l'acquisition d'un bien en métropole qui aurait conservé une valeur stable sans bénéfice d'un avantage fiscal ; qu'en affirmant que le manquement de la société IFB à son devoir d'information et de conseil leur ouvrait droit à obtenir réparation de leur perte de chance d'avoir réalisé un investissement immobilier locatif plus rentable, en dépit du maintien du contrat de vente du bien immobilier, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce ;

2°/ que l'indemnisation de la perte d'une chance est subordonnée à la constatation de la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ; qu'en évaluant le préjudice de M. et Mme Y... à la somme de 17 000 €, après avoir rappelé que l'existence d'un avantage fiscal venait diminuer l'impact de la dépréciation et qu'un bien acquis en métropole aurait conservé sa valeur sans le bénéfice d'un tel avantage, au lieu de déterminer in concreto, dans l'hypothèse d'une exécution satisfaisante de l'obligation d'information, sous quelle probabilité M. et Mme Y... auraient ou non acquis le bien, ou, dans l'affirmative, s'ils l'auraient acquis à des conditions différentes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce ;

3°/ que la détermination d'un préjudice suppose la prise en compte des avantages que le demandeur à l'action a pu retirer de la situation dommageable ; qu'en évaluant le préjudice de M. et Mme Y... à la somme de 17 000 €, après avoir rappelé que l'existence d'un avantage fiscal venait diminuer l'impact de la dépréciation et qu'un bien acquis en métropole aurait conservé sa valeur sans le bénéfice d'un tel avantage, sans rechercher si M. et Mme Y..., en conservant dans leur patrimoine la propriété d'un immeuble susceptible de s'apprécier, n'en avaient pas retiré un avantage de nature à venir en compensation avec l'allocation d'une indemnité compensant la perte d'une chance de réaliser un investissement plus rentable, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce, ensemble le principe de la réparation intégrale du dommage sans perte ni profit. »

Réponse de la Cour

7. D'une part, le rejet de la demande principale en nullité de la vente pour dol dirigée contre le vendeur ne fait pas obstacle à une demande subsidiaire en responsabilité quasi-délictuelle contre le professionnel chargé de la commercialisation du programme d'investissement immobilier défiscalisé et à l'indemnisation du préjudice en résultant pour les acquéreurs demeurés propriétaires du bien.

8. D'autre part, la cour d'appel a relevé que le bien acquis en 2006 au prix de 101 500 euros avait été estimé en 2013 entre 55 000 et 65 000 euros.

9. Procédant à une comparaison prenant en compte l'avantage fiscal attaché à un investissement Outre-mer avec un investissement locatif immobilier qui aurait été réalisé en métropole en conservant une valeur stable, la cour d'appel a pu en déduire, sans avoir à rechercher quelle aurait été la décision prise par les acquéreurs s'ils avaient été correctement informés, que M. et Mme Y... avaient subi une perte de chance d'avoir effectué un investissement plus rentable, qu'elle a souverainement évaluée à la somme de 17 000 euros.

10. Enfin, la cour d'appel n'était pas tenue d'effectuer une recherche sur l'évolution du patrimoine des acquéreurs qui n'était pas demandée.

11. La cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Maunand - Avocat(s) : SCP Boullez ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article 1382 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 25 juin 2008, pourvoi n° 07-18.108, Bull. 2008, I, n° 184 (2) (cassation partielle), et l'arrêt cité ; Com., 10 juillet 2012, pourvoi n° 11-21.954, Bull. 2012, IV, n° 149 (cassation).

1re Civ., 20 janvier 2021, n° 19-20.680, (P)

Rejet

Exécution – Mise en demeure – Validité – Défaut de réception effective par le débiteur – Absence d'influence

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 17 mai 2019), suivant acte sous seing privé du 24 décembre 2008, la société Crédit maritime Bretagne Normandie, aux droits de laquelle se trouve la société Banque populaire grand Ouest (la banque), a consenti à M. et Mme D... (les emprunteurs) un prêt d'un montant de 114 000 euros remboursable en sept échéances annuelles.

2. A la suite d'impayés, la banque a, par lettre recommandée du 24 mars 2014 mis en demeure les emprunteurs de payer la somme de 123 481,26 euros et, par acte du 16 mai 2014, assignés ceux-ci en paiement de cette somme.

Les emprunteurs ont formé différentes demandes qui ont été écartées.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le sixième moyen

Enoncé du moyen

4. Les emprunteurs font grief à l'arrêt d'accueillir la demande de la banque, alors « que la mise en demeure, faite par voie de lettre recommandée avec demande d'avis de réception, est réputée faite à personne lorsque l'avis de réception est signé par son destinataire ; que la date de réception d'une notification par lettre recommandée avec avis de réception est celle qui est apposée par le service de la poste lors de la remise de la lettre à son destinataire ; qu'en affirmant néanmoins, pour condamner les emprunteurs à payer à la banque la somme de 123 481,26 euros, outre les intérêts contractuels, que celle-ci avait valablement adressé des lettres de mises en demeure, respectivement aux deux emprunteurs, exigeant le paiement d'une telle somme, après avoir pourtant constaté que les lettres en cause, adressées en la forme recommandée avec demande d'avis de réception, étaient revenues à l'expéditeur avec la mention « non réclamé », ce dont il résultait qu'elles ne pouvaient être considérées comme parvenues à leur destinataire, la cour d'appel a violé les articles 669 et 670 du code de procédure civile, ensemble les articles 1146 et 1153 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

5. La mise en demeure que le créancier doit adresser au débiteur en application de l'article 1146 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, n'étant pas de nature contentieuse, les dispositions des articles 665 à 670-3 du code de procédure civile ne sont pas applicables et le défaut de réception effective par le débiteur de la mise en demeure, adressée par lettre recommandée, n'affecte pas sa validité.

6. Ayant constaté que la banque avait adressé aux emprunteurs une mise en demeure de régler la somme restant due, par une lettre recommandée qu'ils s'étaient abstenus de réclamer aux services postaux, la cour d'appel n'a pu qu'en déduire que l'action de la banque avait été régulièrement mise en oeuvre.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Serrier - Avocat(s) : SCP Richard ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article 1146 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; articles 665 à 670-3 du code procédure civile.

Rapprochement(s) :

En matière de sécurité sociale, à rapprocher : Ass. plén., 7 avril 2006, pourvoi n° 04-30.353, Bull. 2006, Ass. plén., n° 4 (rejet), et les arrêts cités.

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