Numéro 1 - Janvier 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2021

CAUTIONNEMENT

2e Civ., 14 janvier 2021, n° 19-18.844, (P)

Cassation

Conditions de validité – Acte de cautionnement – Proportionnalité de l'engagement (article L. 341-4 du code de la consommation) – Appréciation – Eléments à considérer – Juge de l'exécution – Saisie conservatoire

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 14 mars 2019), un juge de l'exécution a ordonné une saisie conservatoire sur les comptes bancaires de Mme Q... à la requête de la société Crédit Lyonnais.

2. Mme Q... a assigné la banque devant un juge de l'exécution aux fins de mainlevée de la saisie conservatoire en contestant la validité de son engagement de caution.

3. Par jugement du 8 janvier 2018, dont appel a été interjeté, Mme Q... a été déboutée de toutes ses demandes.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Mme Q... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à voir ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée par le Crédit Lyonnais à son encontre le 3 octobre 2017, en vertu d'une ordonnance du juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Angoulême du 25 septembre 2017, entre les mains de la Caisse d'épargne, alors « qu'une mesure conservatoire ne peut être ordonnée par le juge de l'exécution que si, notamment, la créance de l'auteur de la demande est apparemment fondée en son principe ; qu'il appartient au juge de l'exécution, qui autorise la mesure conservatoire, de se prononcer sur les contestations relatives à sa mise en oeuvre, même si elles portent sur le fond du droit, dès lors que l'appréciation de l'apparence de la créance litigieuse, fondée en son principe, en dépend ; qu'en affirmant néanmoins, pour décider que la créance alléguée par le Crédit Lyonnais paraissait fondée en son principe, qu'il était acquis que Mme Q... avait souscrit au profit du Crédit Lyonnais un engagement de caution et qu'il ne relevait pas de la compétence du juge de l'exécution d'apprécier le caractère disproportionné d'un tel engagement, une telle question ne pouvant être tranchée que par le juge du fond, bien que le créancier professionnel ne puisse se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, de sorte que le juge de l'exécution devait se prononcer sur le caractère disproportionné de l'engagement souscrit par Mme Q... au profit du Crédit Lyonnais, qui était de nature à exclure l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe, la cour d'appel a violé les articles L.341-4 ancien du code de la consommation, L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire et L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire et L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution :

5. Il résulte du premier de ces textes que le juge de l'exécution connaît des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, et que, dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en oeuvre.

6. Il résulte du second de ces textes que toute personne justifiant d'une créance paraissant fondée dans son principe et de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement peut solliciter l'autorisation du juge de l'exécution de pratiquer une saisie conservatoire.

7. Pour débouter Mme Q... de sa demande tendant à voir ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire, l'arrêt retient qu'il n'est pas de la compétence du juge de l'exécution, saisi d'une demande de saisie conservatoire sur le fondement de l'article L.511-1 du code des procédures civiles d'exécution, d'apprécier le caractère disproportionné de l'engagement de caution invoqué par la débitrice, cette question ne pouvant être tranchée que par le juge du fond.

8. En statuant ainsi, alors qu'il incombait au juge de l'exécution, qui, en matière de saisie conservatoire, doit rechercher si la créance, dont le recouvrement est poursuivi, paraît fondée en son principe, d'examiner la contestation relative au caractère disproportionné d'un engagement de caution, qui était de nature à remettre en question l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe, la cour d'appel qui, statuant avec les pouvoirs du juge de l'exécution, a méconnu l'étendue de ces derniers, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Richard ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire ; article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution.

Rapprochement(s) :

Sur l'office du juge de l'exécution saisi d'une demande de saisie conservatoire, à rapprocher : 2e Civ., 16 mai 2002, pourvoi n° 00-11.589, Bull. 2002, II, n° 99 (cassation sans renvoi) ; 2e Civ., 6 octobre 2005, pourvoi n° 04-12.063, Bull. 2005, II, n° 240 (cassation) ; 2e Civ., 12 avril 2018, pourvoi n° 16-28.530, Bull. 2018, II, n° 86 (rejet).

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