Numéro 1 - Janvier 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2020

VENTE

3e Civ., 30 janvier 2020, n° 19-10.176, (P)

Rejet

Garantie – Vices cachés – Action indemnitaire – Caractère autonome – Effet – Réparation – Etendue

Il résulte de l'article 1645 du code civil que le vendeur qui connaissait les vices de la chose est tenu de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur, qui peut exercer l'action en indemnisation indépendamment de l'action rédhibitoire ou estimatoire.

Lorsque l'immeuble vendu est atteint de vices cachés nécessitant sa démolition, l'acquéreur qui a choisi de le conserver sans demander la restitution de tout ou partie du prix de vente est ainsi fondé à obtenir du vendeur de mauvaise foi des dommages-intérêts équivalant au coût de sa démolition et de sa reconstruction.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 27 septembre 2018), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 14 décembre 2017, pourvoi n° 16-24.170), M. G... a vendu à M. et Mme Q..., par l'intermédiaire de la société I... immobilier, une maison d'habitation moyennant le prix de 98 000 euros, l'acte de vente ayant été dressé par M. D..., notaire, membre de la SCP D...-U...-Z....

2. A la suite de l'apparition de désordres et après expertise, M. et Mme Q... ont assigné M. G... en garantie des vices cachés, ainsi que M. D... et la SCP notariale sur le fondement de la responsabilité délictuelle, lesquels ont appelé en garantie la société I... immobilier sur ce même fondement.

3. Par arrêt du 21 juillet 2016, la cour d'appel de Bourges a condamné M. G... à restituer aux acquéreurs une partie du prix de vente et à leur payer le coût des travaux de démolition et de reconstruction de l'immeuble, outre divers frais et préjudices annexes.

4. Elle a également fixé à 10 % chacun la part de cette condamnation que le notaire et l'agent immobilier devraient supporter au titre de leur responsabilité délictuelle.

5. Cette décision a été cassée par arrêt de la troisième chambre civile du 14 décembre 2017, uniquement sur le montant des condamnations prononcées contre le vendeur, le notaire et l'agent immobilier.

Examen des moyens

Sur le moyen unique du pourvoi principal, le moyen unique du pourvoi incident du notaire et le moyen unique du pourvoi incident de l'agent immobilier, réunis

Enoncé du moyen

6. M. G..., la SCP D... U... Z..., M. D... et la société I... immobilier font grief à l'arrêt de condamner le vendeur à payer aux acquéreurs le coût des travaux de démolition et de reconstruction de l'immeuble et de rappeler quele notaire et l'agent immobilier doivent supporter la condamnation à hauteur de 10 %, alors :

« 1°/ que les dommages-intérêts versés en application de l'article 1645 du code civil ne peuvent réparer que des préjudices distincts de la réparation des vices cachés et, en cas d'action estimatoire, ne peuvent au plus représenter que le coût résiduel non compensé par la restitution partielle du prix ; que dès lors, en faisant droit à la demande des époux Q... en paiement de la démolition-reconstruction de l'immeuble acquis de M. G..., qu'ils entendaient conserver en dépit des vices cachés dont il était affecté, peu important à cet égard qu'ils aient fait le choix de ne pas demander la restitution d'une partie du prix de vente, ou encore qu'ils aient, le cas échéant, exercé leur action indemnitaire de manière autonome, la cour d'appel a violé l'article 1645 du code civil ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice ;

2°/ que les dommages-intérêts dus, en application de l'article 1645 du code civil, ne sauraient avoir pour objet de compenser la moindre valeur du bien vendu due à la présence de vices cachés qui ne peut donner lieu qu'à une réduction de prix ; qu'en condamnant M. O... G..., sous la garantie partielle des exposants, à verser aux époux Q... notamment la somme de 129 931 euros TTC correspondant au coût de la démolition et de la reconstruction totale du bâtiment affecté de vices cachés bien que, les époux Q... ayant choisi de conserver le bien et ne pas solliciter la restitution d'une quelconque partie du prix de vente, les dommages-intérêts n'aient pu avoir pour objet le rééquilibrage du contrat, la cour d'appel a violé l'article 1645 du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice ;

3°/ qu'en toute hypothèse les juges doivent s'attacher à l'objet réel de la demande et ne peuvent, sous couvert d'indemnisation, allouer aux acquéreurs d'un bien immobilier la restitution du prix de vente ; qu'en condamnant les exposants à garantir M. O... G... de sa condamnation à payer la somme de 129 931 euros TTC correspondant au coût de la démolition et de la reconstruction du bâtiment, quand cette somme, tendait au rééquilibrage du contrat puisqu'elle visait à remédier à l'existence des vices cachés qui ne pouvait justifier qu'une action en réduction du prix de sorte que cette somme ne pouvait être mise à la charge du notaire, la cour d'appel a méconnu l'article 1645 du code civil, ensemble l'article 1382 du code civil ;

4°/ que les juges du fond sont tenus de réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte ni perte, ni profit pour la victime ; que, dans ses conclusions d'appel, la société I... Immobilier faisait valoir, qu'en application du principe de la réparation intégrale du préjudice, les époux Q... ne pouvaient solliciter l'allocation de dommages-intérêts incluant le coût intégral de travaux de démolition et de reconstruction de leur maison qui, certes étaient destinés à mettre fin aux vices cachés constatés, mais qui auraient dans le même temps pour effet de leur permettre, par une rénovation complète de l'existant, de faire l'acquisition d'un bien entièrement neuf pour le prix d'un bien ancien, dégradé et vétuste qu'ils avaient initialement décidé d'acquérir ; qu'il ressortait, en effet, de l'acte authentique de vente du 20 juillet 2007 que les époux Q... ont acquis auprès de M. G..., pour un prix de 98 000 euros, une maison d'habitation décrite dans l'acte de vente comme étant ancienne et affectée d'un nombre important de défauts connus des acquéreurs ; qu'en allouant néanmoins aux époux Q... la somme de 129.931 euros TTC, au titre des travaux de démolition et de reconstruction à neuf de leur maison, la cour d'appel a violé l'article 1645 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;

5°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que, dans ses conclusions d'appel, la société I... Immobilier faisait valoir, qu'en application du principe de la réparation intégrale du préjudice, les époux Q... ne pouvaient solliciter l'allocation de dommages-intérêts incluant le coût intégral de travaux de démolition et de reconstruction de leur maison qui, certes étaient destinés à mettre fin aux vices cachés constatés, mais qui auraient dans le même temps pour effet de leur permettre, par une rénovation complète de l'existant, de faire l'acquisition d'un bien entièrement neuf pour le prix d'un bien ancien, dégradé et vétuste qu'ils avaient initialement décidé d'acquérir ; qu'en omettant de répondre à ce moyen pourtant déterminant des conclusions de la société I... Immobilier, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte de l'article 1645 du code civil que le vendeur qui connaissait les vices de la chose est tenu de tous les dommages-intérêts envers l'acheteur, qui peut exercer l'action en indemnisation indépendamment de l'action rédhibitoire ou estimatoire (Com., 19 juin 2012, pourvoi n° 11-13.176, Bull. 2012, IV, n° 132 ; 1re Civ., 26 septembre 2012, pourvoi n° 11-22.399, Bull. 2012, I, n° 192 ; 3e Civ., 24 juin 2015, pourvoi n° 14-15.205, Bull. 2015, III, n° 66).

8. Ainsi, lorsque l'immeuble vendu est atteint de vices cachés nécessitant sa démolition, l'acquéreur qui a choisi de le conserver sans restitution de tout ou partie du prix de vente est fondé à obtenir du vendeur de mauvaise foi des dommages-intérêts équivalant au coût de sa démolition et de sa reconstruction.

9. La cour d'appel a relevé que M. et Mme Q..., qui avaient choisi de conserver l'immeuble, ne demandaient que des dommages-intérêts en indemnisation de leur préjudice sur le fondement du texte précité.

10. Après avoir énoncé à bon droit que le vendeur de mauvaise foi peut être condamné à des dommages-intérêts correspondant à l'intégralité du préjudice subi et que l'acquéreur est en droit de demander la réparation de tout préjudice imputable au vice, la cour d'appel a retenu que la qualité de vendeur de mauvaise foi de M. G... était établie, que, les évaluations de l'expert judiciaire étant reprises, la nouvelle habitation aura la même superficie que l'ancienne et que le préjudice subi par M. et Mme Q... ne pouvait être réparé, sans enrichissement sans cause, que par la démolition et la reconstruction du bâtiment, seules de nature à mettre fin aux vices constatés, y compris d'implantation.

11. Elle a pu en déduire, répondant aux conclusions de la société I... immobilier prétendument délaissées et statuant sur l'objet de la demande, sans opérer un rééquilibrage du contrat, que la demande en indemnisation des acquéreurs, incluant le coût des travaux de démolition et de reconstruction d'un montant de 129 931 euros, devait être accueillie et constituait le montant d'indemnisation sur laquelle devait s'exercer la garantie du notaire et de l'agent immobilier.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Farrenq-Nési - Avocat général : Mme Vassallo (premier avocat général) - Avocat(s) : Me Le Prado ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Article 1645 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur le caractère autonome de l'action indemnitaire par rapport à l'exercice de l'action rédhibitoire ou estimatoire, à rapprocher : 1re Civ., 26 septembre 2012, pourvoi n° 11-22.399, Bull. 2012, I, n° 192 (cassation), et l'arrêt cité.

Com., 8 janvier 2020, n° 18-17.895, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Résolution – Effets – Restitution du prix – Prix – Détermination

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par les sociétés Pellenc et Baehrel Agri que sur le pourvoi incident relevé par Mme Q... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par l'intermédiaire de la société Baehrel Agri, distributrice, la société Pellenc a vendu à Mme Q... une machine à vendanger pour un prix de 124 982 euros TTC ; qu'alléguant des dysfonctionnements de l'engin, Mme Q... a assigné en résolution de la vente et indemnisation les sociétés Baehrel Agri et Pellenc et celle-ci a appelé en garantie la société Poclain Hydraulics Industrie, fournisseur des moteurs hydrauliques de l'engin ;

Sur les trois moyens du pourvoi principal :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi incident :

Vu l'article 1184, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, du code civil ;

Attendu que pour condamner solidairement, par confirmation du jugement, les sociétés Pellenc et Baehrel Agri à ne payer à Mme Q... que la somme de 104 500 euros HT au titre de la restitution du prix, l'arrêt retient que, si celle-ci indique avoir été l'objet d'un redressement fiscal sur le montant perçu au titre de la résolution de la vente ordonnée par le premier juge avec exécution provisoire et si elle produit une proposition de rectification émanant de l'administration fiscale, elle n'allègue néanmoins ni ne démontre l'avoir utilement contestée et n'apporte pas la preuve, pourtant simple à produire en la forme d'une attestation de paiement ou d'un extrait bancaire, qu'elle a effectué ce paiement ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la résolution d'un contrat synallagmatique emporte la remise des parties dans l'état où elles se trouvaient antérieurement, principe dont elle aurait dû déduire que la restitution du prix devait aussi porter sur le montant antérieurement récupéré de la TVA, mais dont l'administration fiscale avait réclamé justement le remboursement du fait de la résolution de la vente, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, dont l'application est proposée par Mme Q... ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement entrepris, il condamne les sociétés Pellenc et Baehrel Agri à payer à Mme Q... la somme de 104 500 euros HT au titre de la restitution du prix et rejette le surplus de sa demande à ce titre, l'arrêt rendu le 7 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne solidairement les sociétés Pellenc et Baehrel Agri à payer à Mme Q... la somme de 124 982 euros TTC au titre de la restitution du prix.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Fontaine - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Article 1184, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, du code civil.

Rapprochement(s) :

Com., 26 juin 1990, pourvoi n° 88-17.892, Bull. 1990, IV, n° 190 (cassation partielle).

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