Numéro 1 - Janvier 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2020

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX

2e Civ., 23 janvier 2020, n° 18-21.362, (P)

Cassation partielle

Contentieux général – Compétence matérielle – Etendue – Limites – Détermination – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que l'EURL RB Medical services (la société) a conclu le 30 octobre 2006 avec le [...] (l'établissement de santé) une convention de mise à disposition de matériel d'appareillage, par laquelle elle s'engageait à mettre gratuitement à la disposition permanente de l'établissement des matériels d'appareillage pour les patients ambulants et titulaires soit d'une carte Vitale, soit d'une attestation de sécurité sociale, qui désiraient être appareillés au sein du service d'urgence ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin (la caisse) a notifié à la société, le 9 mars 2009, un indu correspondant aux facturations établies en exécution de cette convention ; que cette dernière a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu les articles L. 142-1 du code de la sécurité sociale, et 76, alinéa 2, du code de procédure civile, le premier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, applicable au litige ;

Attendu que les différends relatifs aux sanctions prononcées en application de la convention nationale du 7 août 2002 organisant les rapports entre les trois caisses nationales de l'assurance maladie obligatoire et les prestataires délivrant des dispositifs médicaux, produits et prestations associées inscrits aux titres I et IV de la liste prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, qui se rattachent à l'exercice de prérogatives de puissance publique, et dont le contentieux échappe par nature au contentieux général de la sécurité sociale au sens du premier des textes susvisés, relèvent de la juridiction de l'ordre administratif ;

D'où il suit qu'en annulant la sanction conventionnelle du 24 juin 2009 notifiée à la société, la cour d'appel a excédé sa compétence ;

Et sur le moyen unique, pris en ses quatre premières branches :

Vu les articles D. 5232-6 du code de la santé publique et 11 de la convention nationale du 7 août 2002 organisant les rapports entre les trois caisses nationales de l'assurance maladie obligatoire et les prestataires délivrant des dispositifs médicaux, produits et prestations associées inscrits aux titres I et IV de la liste prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale ;

Attendu, selon les deux premiers de ces textes, que l'activité du prestataire de service et du distributeur de matériel s'exerce dans le respect du libre choix du patient ;

Attendu que pour accueillir le recours, l'arrêt retient que le libre choix du prestataire est respecté par la convention liant l'EURL RB médical services au centre hospitalier de Selestat qui prévoit en son annexe 2 que le matériel mis à disposition est proposé au patient et non imposé, le patient pouvant choisir de ne pas être appareillé, le terme « proposé » étant ensuite repris à plusieurs reprises ; que le chef de service du [...] atteste du libre choix du patient ; que les bons de convenance signés par le patient rappellent que c'est le patient qui choisit ; qu'il n'existe aucune clause d'exclusivité dans la convention signée entre l'EURL RB médical services et le centre hospitalier ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans constater que les patients décidant d'être appareillés sur place disposaient d'une liberté de choix de leur prestataire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile, et après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen unique, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule la notification du 8 juin 2009, la mise en demeure du 10 septembre 2009, la sanction conventionnelle du 24 juin 2009 et la décision de la commission de recours amiable du 29 juin 2010 et déboute la caisse de sa demande de répétition de l'indu, l'arrêt rendu le 14 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi sur la demande d'annulation de la sanction conventionnelle du 24 juin 2009 ;

Dit que les juridictions judiciaires sont incompétentes pour connaître de cette demande ;

Remet, pour le surplus, et dans la limite de la cassation prononcée, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Vigneras - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Articles L. 142-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, et 76, alinéa 2, du code de procédure civile ; articles D. 5332-6 du code de la santé publique et 11 de la convention nationale du 7 août 2002 organisant les rapports entre les trois caisses nationales de l'assurance maladie obligatoire et les prestataires délivrant des dispositifs médicaux, produits et prestations associées.

Rapprochement(s) :

Tribunal des conflits, 5 septembre 2016, pourvoi n° 16-04.063, Bull. 2016, T. Conflits, n° 21.

2e Civ., 23 janvier 2020, n° 19-10.584, (P)

Rejet

Contentieux spéciaux – Expertise technique – Rapport d'expertise – Informations complémentaires adressées par une partie à l'expert – Absence de communication à l'autre partie – Nullité – Conditions – Détermination – Portée

Les irrégularités affectant le déroulement des opérations d'expertise sont sanctionnées selon les dispositions de l'article 175 du code de procédure civile, qui renvoient aux règles régissant les nullités des actes de procédure.

Il en résulte que l'absence de communication à une partie de l'argumentaire adressé par une autre partie à l'expert médical technique qui en a tenu compte dans son rapport, constitue l'inobservation d'une formalité substantielle sanctionnée par une nullité pour vice de forme, qui ne peut être prononcée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 22 février 2018) et les productions, que M. W... (la victime), victime d'un accident du travail le 7 juin 2004, a adressé, le 17 mars 2009, à la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin (la caisse) un certificat médical pour une rechute que la caisse a pris en charge au titre de la législation professionnelle ; que la victime ayant contesté la décision de la caisse fixant, au 29 septembre 2009, la date de consolidation des lésions imputables à cette rechute, la procédure d'expertise médicale technique a été mise en oeuvre et l'expert désigné a conclu à une consolidation à la même date ; qu'après rejet de son recours amiable, la victime a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale et obtenu l'organisation d'une nouvelle expertise ;

Attendu que la victime fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à l'annulation du rapport d'expertise du second expert et de rejeter son recours, alors, selon le moyen, que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer le principe de la contradiction ; que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense ; qu'en validant l'expertise confiée au Dr V... U..., quand elle constate que la caisse a communiqué à celui-ci, à l'insu de M. W... qui en ignorait donc le contenu quand le Dr V... U... l'a examiné, un argumentaire dont la motivation « comprend de façon succincte des éléments qu'il [le service médical de la Cpam du Haut-Rhin] estime justifier la date de consolidation retenue », la cour, qui ne tire pas la conséquence légale de ses constatations, a violé les articles 15 et 16 du code de procédure civile, ensemble le principe du respect des droits de la défense et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que les irrégularités affectant le déroulement des opérations d'expertise sont sanctionnées selon les dispositions de l'article 175 du code de procédure civile, qui renvoient aux règles régissant les nullités des actes de procédure ; que l'absence de communication à une partie de l'argumentaire adressé par une autre partie à l'expert qui en a tenu compte dans son rapport, constitue l'inobservation d'une formalité substantielle sanctionnée par une nullité pour vice de forme, qui ne peut être prononcée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité ; que la victime n'ayant pas fait valoir que l'atteinte alléguée au principe de la contradiction lui avait causé un grief, l'arrêt, par ce motif de pur droit suggéré par la défense, substitué à celui critiqué, se trouve légalement justifié ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Renault-Malignac - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Capron ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Articles 15, 16 et 175 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur la sanction des irrégularités affectant le déroulement des opérations d'expertise, à rapprocher : 2e Civ., 26 septembre 2019, pourvoi n° 18-17.054, Bull. 2019, II (rejet) et l'arrêt cité.

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