Numéro 1 - Janvier 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2020

SECURITE SOCIALE, ALLOCATIONS DIVERSES

2e Civ., 23 janvier 2020, n° 19-10.087, (P)

Cassation

Allocation aux personnes âgées – Allocation de solidarité aux personnes âgées – Conditions – Titre de séjour régulier – Accord d'association entre la Tunisie et l'Union européenne – Compatibilité (non)

Il se déduit de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJCE, 5 avril 1995, Krid, aff. C-103/94 ; CJCE (Ord.) 13 juin 2006, Echouikh, aff. C-336/05 ; CJCE (Ord.), 17 avril 2007, El Youssfi, aff. C-276/06) qu'une prestation du type de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, qui a pour objet de garantir un minimum de moyens d'existence aux personnes âgées dont les ressources sont inférieures à un certain plafond, relève du domaine de la sécurité sociale au sens de l'article 65, paragraphe 1, deuxième alinéa, de l'accord d'association publié par le décret n° 98-559 du 19 juin 1998, même si la prestation en cause possède également les caractéristiques d'une mesure d'assistance sociale.

Viole l'article 65 de cet accord signé le 17 juillet 1995 la cour d'appel qui, pour rejeter le recours d'un assuré de nationalité tunisienne auquel avait été refusé le bénéfice de l'allocation de solidarité aux personnes âgées au motif qu'il ne justifiait pas détenir un titre de séjour en France depuis au moins cinq ans, retient que l'allocation spécifique de solidarité aux personnes âgées, qui relève de la solidarité nationale, n'entre pas dans les prévisions de ce texte.

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 65 de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République tunisienne, d'autre part, signé le 17 juillet 1995, publié par le décret n° 98-559 du 19 juin 1998 ;

Attendu qu'il se déduit de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJCE, 5 avril 1995, Krid, aff. C-103/94 ; CJCE (Ord.), 13 juin 2006, Echouikh, aff. C-336/05 ; CJCE (Ord.), 17 avril 2007, Q..., aff. C-276/06) qu'une prestation du type de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, qui a pour objet de garantir un minimum de moyens d'existence aux personnes âgées dont les ressources sont inférieures à un certain plafond, relève du domaine de la sécurité sociale au sens de l'article 65, paragraphe 1, deuxième alinéa, de l'accord d'association susvisé, même si la prestation en cause possède également les caractéristiques d'une mesure d'assistance sociale ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Rhône-Alpes lui ayant refusé le bénéfice de l'allocation de solidarité aux personnes âgées au motif qu'il ne justifiait pas détenir un titre de séjour en France depuis au moins cinq ans, M. J..., de nationalité tunisienne, a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que pour rejeter celui-ci, l'arrêt retient que la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne avancée par M. J... s'applique au versement de prestations en contrepartie de cotisations ; qu'elle n'est pas transposable à l'allocation de solidarité aux personnes âgées qui relève de la solidarité nationale et dont l'octroi peut être soumis à des conditions particulières objectives, justifiées, proportionnées et raisonnables dès lors qu'elles visent un but légitime à atteindre afin d'assurer au titre de la solidarité nationale le versement d'une allocation spécifique et ne constituent pas une différence de traitement anormale ; qu'ainsi l'allocation de solidarité aux personnes âgées par sa nature d'allocation spécifique de solidarité n'entre pas dans les prévisions de l'article 65 de l'accord invoqué ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Vieillard - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Delvolvé et Trichet ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Article 65 de l'accord d'association entre la Tunisie et l'Union européenne du 17 juillet 1995 ; article L. 816-1, 1° du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

Sur la définition du terme sécurité sociale au sens de l'article 65 de l'accord d'association entre la Tunisie et l'Union européenne du 17 juillet 1995, cf. CJCE, 5 avril 1995, Krid, aff. C-103/94, CJCE (Ord.) 13 juin 2006, Echouikh, aff. C-336/05, CJCE (Ord.), 17 avril 2007, El Youssfi, aff. C-276/06.

2e Civ., 23 janvier 2020, n° 19-11.559, (P)

Rejet

Allocation spécifique de cessation anticipée d'activité – Attribution – Bénéficiaires – Ouvriers dockers professionnels et personnels portuaires de manutention – Exercice d'une activité rémunérée pour une entreprise sous-traitante – Absence d'influence

Selon l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, dans sa rédaction applicable au litige, le bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante est ouvert aux ouvriers dockers professionnels et personnels portuaires assurant la manutention, sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle et qu'ils aient travaillé au cours d'une période déterminée, dans un port au cours d'une période pendant laquelle était manipulé de l'amiante, la liste de ces ports, et, pour chaque port, de la période considérée, étant fixée par arrêté conjoint des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale, des transports et du budget.

Ayant constaté qu'un salarié d'entreprises sous-traitantes avait travaillé en qualité de manutentionnaire, au cours de la période considérée, dans un port figurant sur la liste fixée par arrêté et avait été exposé habituellement à l'amiante, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il était fondé à bénéficier de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante au titre de la période litigieuse.

Allocation spécifique de cessation anticipée d'activité – Attribution – Conditions – Détermination – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 28 novembre 2019) que M. P..., salarié d'entreprises sous-traitantes, a demandé à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie (la caisse) le bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ([...]), au titre de la période au cours de laquelle il a travaillé en qualité de manutentionnaire sur le port de Rouen ; que sa demande ayant été rejetée, il a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt d'accueillir ce recours, alors, selon le moyen :

1° / qu'il résulte de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, dans sa rédaction applicable en l'espèce, que le bénéfice de l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante est subordonné à la condition expresse que l'activité invoquée ait été exercée en qualité de docker professionnel, ou de personnel portuaire de manutention, employé et rémunéré par un port figurant sur la liste fixée par arrêté interministériel ; qu'en l'espèce, l'arrêt a constaté que M. P... avait exercé une activité de manutentionnaire au sein du port de Rouen, figurant sur la liste fixée par arrêté du 7 juillet 2000, mais qu'il n'en était pas salarié ; qu'en jugeant qu'il remplissait néanmoins la condition prévue à l'article 41.1° de la loi susvisée pour bénéficier de l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante au prétexte que ce fait n'était plus contesté, la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article 12 du code de procédure civile, ensemble l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 dans sa rédaction applicable en l'espèce ;

2°/ qu'il résulte de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, dans sa rédaction applicable en l'espèce, que le bénéfice de l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante est subordonné à la condition expresse que l'activité invoquée ait été exercée en qualité de docker professionnel, ou de personnel portuaire de manutention, employé et rémunéré par un port figurant sur la liste fixée par arrêté interministériel ; qu'en l'espèce, l'arrêt a constaté que M. P... avait exercé une activité de manutentionnaire au sein du port de Rouen, figurant sur la liste fixée par arrêté du 7 juillet 2000, mais qu'il n'en était pas salarié ; qu'en jugeant qu'il remplissait néanmoins la condition prévue à l'article 41.1° de la loi susvisée pour bénéficier de l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante au prétexte erroné que ce serait ajouter à la loi et la modifier que de considérer que la notion de « personnels portuaires » serait en réalité celle de personnels des ports employés et rémunérés par un port, la cour d'appel a violé l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 dans sa rédaction applicable en l'espèce ;

3°/ que, subsidiairement, il résulte de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, dans sa rédaction applicable en l'espèce, que le bénéfice de l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante est subordonné à la condition expresse que le salarié ait exercé son activité professionnelle au sein d'un établissement figurant sur la liste fixée par arrêté interministériel et qu'il y ait été exposé habituellement au contact de l'amiante ; qu'en l'espèce, l'arrêt a constaté que M. P... avait exercé une activité professionnelle au sein du port de Rouen, qui figurait sur la liste fixée par arrêté du 7 juillet 2000, en réparant et en assurant la manutention et le nettoyage des containers ; qu'en se bornant à relever, pour dire qu'il pouvait bénéficier de l'[...], que des photographies et résultat d'analyse montraient que ces containers « pouvaient contenir de l'amiante ou des objet en contenant », motifs insuffisants à caractériser son exposition habituelle au contact de l'amiante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 dans sa rédaction applicable en l'espèce ;

4°/ que, subsidiairement, il résulte de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, dans sa rédaction applicable en l'espèce, que le bénéfice de l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante est subordonné à la condition expresse que le salarié ait exercé son activité professionnelle au sein d'un établissement figurant sur la liste fixée par arrêté interministériel et qu'il y ait été exposé habituellement au contact de l'amiante ; que le seul fait pour le salarié d'exercer une activité professionnelle au sein d'un établissement figurant sur la liste fixée par arrêté interministériel ne démontre pas de facto qu'il a été exposé habituellement au contact de l'amiante ; qu'en affirmant le contraire, par ses motifs adoptés, la cour d'appel a violé l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 dans sa rédaction applicable en l'espèce ;

Mais attendu que selon l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, dans sa rédaction applicable au litige, le bénéfice de l'[...] est ouvert aux ouvriers dockers professionnels et personnels portuaires assurant la manutention, sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle et qu'ils aient travaillé au cours d'une période déterminée, dans un port au cours d'une période pendant laquelle était manipulé de l'amiante, la liste de ces ports et, pour chaque port, de la période considérée étant fixée par arrêté conjoint des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale, des transports et du budget ;

Et attendu que l'arrêt retient que l'arrêté du 7 juillet 2000 a classé le port de Rouen, pour la période de 1960 à 1988, dans la liste des ports ouvrant droit à l'[...], que M. P... a travaillé au cours de la période considérée au sein de ce port, même s'il n'en était pas salarié, qu'il exerçait le métier de chaudronnier et était affecté à la réparation de containers, qu'il résulte des deux attestations produites qu'en dehors de la réparation proprement dite des containers, M. P... devait assurer leur manutention ainsi que celle des déchets s'y trouvant et leur nettoyage et que des photographies et résultats d'analyse versés aux débats montrent que ces containers pouvaient contenir de l'amiante ou des objets en contenant ;

Que de ces constatations dont elle a fait ressortir que le salarié avait travaillé en qualité de manutentionnaire, au cours de la période considérée, dans un port figurant sur la liste fixée par arrêté et avait été exposé habituellement à l'amiante, la cour d'appel a exactement déduit que M. P... était fondé à bénéficier de l'[...] au titre de la période litigieuse ;

D'où il suit que le moyen nouveau, mélangé de fait et de droit, et comme tel irrecevable en ses deux dernières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Taillandier-Thomas - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 10 mai 2012, pourvoi n° 10-27.254, Bull. 2012, II, n° 83 (cassation).

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