Numéro 1 - Janvier 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2020

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL

2e Civ., 23 janvier 2020, n° 18-19.080, (P)

Rejet

Faute inexcusable de l'employeur – Procédure – Action des ayants droit – Reconnaissance de la faute inexcusable – Conditions – Exclusion – Déclaration de l'accident par les ayants-droits dans un délai de deux ans

Si elle ne peut être retenue que pour autant que l'accident survenu à la victime revêt le caractère d'un accident du travail, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, qui est indépendante de la prise en charge au titre de la législation professionnelle, n'implique pas que l'accident ait été préalablement déclaré à la caisse par la victime ou ses représentants dans le délai de deux ans prévu au second alinéa de l'article L. 441-2 du code de la sécurité sociale.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 7 décembre 2017), que chargée d'un chantier de réfection de bâtiments, la société Bati général, dont le gérant était M. Y..., avait sous-traité les travaux de couverture à M. J... ; que, le 27 novembre 2008, M... A... a été victime d'un accident mortel causé par sa chute de la toiture du bâtiment sur laquelle il effectuait ces travaux ; que, le 22 février 2012, Mme A..., mère de la victime, a saisi une juridiction de sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de dire que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable n'est pas prescrite et de le condamner, solidairement avec M. J..., à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de Moselle la somme qu'elle est tenue de verser à la mère de la victime, en indemnisation de son préjudice moral, alors, selon le moyen, que l'absence de déclaration auprès de la caisse de sécurité sociale d'un accident du travail dans le délai de deux ans suivant la date de l'accident prive la victime ou ses ayants droits des droits aux prestations et indemnités découlant de cet accident ; qu'à défaut d'accident susceptible d'être indemnisable au titre de la législation professionnelle, l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et en paiement des indemnités complémentaires découlant de cette action est irrecevable ; qu'en l'espèce, il est constant que Mme A..., ayant droit de M. A... victime d'un accident mortel, n'a effectué aucune déclaration d'accident du travail auprès de la caisse dans le délai légal de deux ans suivant l'accident de son fils ; qu'en déclarant néanmoins l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et en paiement du préjudice moral subi par l'ayant droit recevable au motif inopérant que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable a été suspendue en raison de la citation directe devant le tribunal correctionnel intervenue dans le délai légal de deux ans suivant la date de l'accident, cependant que faute de déclaration de cet accident auprès de caisse dans le délai légal de deux ans, l'action en reconnaissance de la faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail était privée de tout fondement juridique, la cour d'appel a violé les articles L. 441-2, L. 431-2 et L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu, d'une part, qu'il résulte de l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale qu'en cas d'accident susceptible d'entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la prescription biennale opposable aux demandes d'indemnisation complémentaire de la victime ou de ses ayants droit commence à courir à compter de la date de l'accident et se trouve interrompue par l'exercice de l'action pénale engagée pour les mêmes faits ou de l'action en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, d'autre part, que si elle ne peut être retenue que pour autant que l'accident survenu à la victime revêt le caractère d'un accident du travail, la reconnaissance de la faute inexcusable, qui est indépendante de la prise en charge au titre de la législation professionnelle, n'implique pas que l'accident ait été préalablement déclaré à la caisse par la victime ou ses représentants dans le délai de deux ans prévu au second alinéa de l'article L. 441-2 du même code.

Et attendu qu'ayant constaté que Mme A... avait saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, le 22 février 2012, d'une demande tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur moins de deux ans après le jugement correctionnel du 16 décembre 2010 ayant définitivement condamné MM. Y... et J..., la cour d'appel en a exactement déduit que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur n'était pas prescrite ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que M. Y... fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que la cassation à intervenir du chef du dispositif de l'arrêt attaqué ayant jugé l'action en reconnaissance de la faute inexcusable intentée par Mme A... non-prescrite, entraînera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs du dispositif de l'arrêt attaqué ayant reconnu la faute inexcusable de M. Y... et l'ayant condamné à rembourser solidairement à la caisse les sommes avancées à raison du préjudice moral subi par l'ayant droit de la victime ;

2°/ que l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ne s'attache qu'à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge répressif sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action publique, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé ; qu'en l'espèce, par jugement du 16 novembre 2011, le tribunal correctionnel de Metz a indiqué que M. Y... est réputé employeur de M. A..., sans autre motivation que cette affirmation et sans pour autant reconnaître quelque lien de subordination entre ces derniers, uniquement pour débouter Mme A... de son action civile tendant à la réparation du préjudice subi par la victime d'un accident du travail, de sorte que ce jugement ne pouvait s'imposer au juge de la sécurité sociale chargé de vérifier, dans le cadre d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable, la qualité d'employeur de l'auteur prétendu de la faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil, dans sa version applicable au litige, et le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil.

Mais attendu que les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité absolue, à l'égard de tous, en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé ;

Et attendu qu'ayant relevé que le jugement du tribunal correctionnel de Metz du 16 décembre 2010 devenu définitif avait condamné pénalement tant M. J... que M. Y..., pour le délit de travail dissimulé, pour avoir, étant employeurs de la victime, omis intentionnellement de procéder à la déclaration préalable à l'embauche et que tous deux ont, en outre, été déclarés coupables du délit de prêt illégal de main d'oeuvre concernant notamment M... A..., la cour d'appel a exactement déduit que l'autorité de la chose jugée au pénal ne permettait pas à M. Y... de remettre en cause sa qualité d'employeur retenue par la juridiction pénale, de sorte que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur dirigée à l'encontre de celui-ci était recevable ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Dit n'y avoir lieu à la mise hors de cause de la société Mutuelles du Mans assurances.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Palle - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Foussard et Froger ; SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article L. 431-2 et L. 441-2 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 8 octobre 2009, pourvoi n° 08-17.141, Bull. 2009, II, n° 242 (cassation partielle).

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