Numéro 1 - Janvier 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2020

REPRESENTATION DES SALARIES

Soc., 22 janvier 2020, n° 19-12.011, (P)

Rejet

Comité social et économique – Mise en place – Mise en place au niveau de l'entreprise – Détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts – Modalités – Accord collectif – Défaut – Décision de l'employeur – Critères – Autonomie de gestion du responsable de l'établissement – Définition – Détermination – Portée

Aux termes de l'article L. 2313-4 du code du travail, lorsqu'ils résultent d'une décision unilatérale de l'employeur, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques sont fixés compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel ; caractérise au sens de ce texte un établissement distinct l'établissement qui présente, notamment en raison de l'étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service.

A cet égard, la centralisation de fonctions support ou l'existence de procédures de gestion définies au niveau du siège ne sont pas de nature à exclure en elles mêmes l'autonomie de gestion des responsables d'établissement.

Lorsqu'ils sont saisis à la suite d'un recours contre la décision unilatérale de l'employeur, le DIRECCTE et le tribunal d'instance se fondent, pour apprécier l'existence d'établissements distincts au regard du critère d'autonomie de gestion ainsi défini, sur les documents relatifs à l'organisation interne de l'entreprise que fournit l'employeur, et sur les documents remis par les organisations syndicales à l'appui de leur contestation de la décision unilatérale prise par ce dernier.

Comité social et économique – Mise en place – Mise en place au niveau de l'entreprise – Détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts – Modalités – Accord collectif – Défaut – Décision de l'employeur – Critères – Autonomie de gestion du responsable de l'établissement – Détermination – Centralisation de fonctions support ou existence de procédures de gestion définies au niveau du siège – Portée

Comité social et économique – Mise en place – Mise en place au niveau de l'entreprise – Détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts – Modalités – Accord collectif – Défaut – Décision de l'employeur – Contestation – Autonomie de gestion du responsable de l'établissement – Preuve – Charge – Détermination – Portée

Sur le moyen unique

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Villejuif, 30 janvier 2019), que dans le cadre de l'organisation des élections pour la mise en place d'un comité social et économique, la Société d'avitaillement et de stockage de carburants aviation (la société) a invité les organisations syndicales à une négociation préélectorale ; qu'ayant constaté l'échec de ces négociations, l'employeur a, par décision unilatérale, décidé de la mise en place d'un comité social et économique unique ; que cette décision a été contestée devant le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), lequel a, par décision du 8 octobre 2018, reconnu l'existence de six établissements distincts ; que la société a contesté la décision du DIRECCTE devant le tribunal d'instance ;

Attendu que la société fait grief au jugement de la débouter de sa demande visant à mettre en place un conseil social et économique unique en son sein, d'adopter la décision n° 18-023 du DIRECCTE d'Ile-de-France et de reconnaître le caractère d'établissement distinct aux sites de Mulhouse, Lyon, Marseille, Nice, Toulouse et Orly alors, selon le moyen :

1°/ qu'il appartient à celui qui se prévaut du caractère distinct d'un établissement d'en apporter la preuve ; qu'en retenant que la société ne démontrait pas, par la production d'un courriel du directeur des opérations en date du 19 avril 2017, relatif à la réunion annuelle du comité exécutif, l'absence d'autonomie des chefs de station en matière budgétaire, quand il revenait au syndicat CGT de justifier que le représentant de l'employeur sur chaque site opérationnel disposait d'un pouvoir de décision en matière d'élaboration de budgets, le tribunal d'instance, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315, devenu l'article 1353 du code civil ;

2°/ que, selon l'article L. 2313-4 du code du travail, en l'absence d'accord conclu dans les conditions mentionnées aux articles L. 2313-2 et L. 2313-3 du même code, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques sont fixés compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel ; qu'il en résulte que caractérise au sens de ce texte un établissement distinct l'établissement qui présente, notamment en raison de l'étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service ; que le seul fait que soient établis des budgets spécifiques à plusieurs sites de l'entreprise en raison de la taille de ces établissements et que le chef de station dispose d'un pouvoir de proposition en matière d'élaboration de ces budgets ne permet pas de caractériser l'existence de l'autonomie de décision dont doit disposer le responsable d'établissement dans la conduite de l'activité économique de celui-ci ; qu'en jugeant du contraire, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2313-1 et L. 2313-4 du code du travail ;

3°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que pour déclarer avérée l'autonomie des chefs de station en matière de budget, le tribunal d'instance a relevé qu'il résulte de la fiche de poste du « chef de station » que ce dernier participe à « l'élaboration des budgets de fonctionnement et d'investissement de la station avec le siège », sans précision sur un quelconque pouvoir décisionnel du siège, et que le chef de station est en outre tenu d'assurer « la mise en oeuvre et le suivi comptable du budget » ; qu'en se déterminant ainsi sur ce seul document dont se prévalait le syndicat CGT sans examiner la « délégation de pouvoir du chef de station » produite par la société, document signé par tous les responsables d'établissement, duquel il ressortait, d'une part, que les propositions de budget de fonctionnement et d'investissement devaient être approuvées par la direction, d'autre part, que, dans la mise en oeuvre du budget, le chef de station ne pouvait engager de dépenses au-delà de 3 000 euros sans la contresignature du directeur des opérations et qu'il devait également faire contresigner toutes les commandes d'investissement, le tribunal d'instance a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que la société faisait valoir dans ses écritures devant le tribunal le montant limité du pouvoir d'engagement des chefs de station en matière de dépenses et leur absence de pouvoir en matière de commandes d'investissement de quelque nature que ce soit ainsi que l'absence de personnel administratif dans les stations et le fait que la comptabilité de la société était externalisée ; qu'en s'abstenant de répondre à ces chefs des conclusions de l'employeur dont se déduisait l'absence d'effectivité des pouvoirs évoqués dans la fiche de poste de chef de station visée par le jugement et le caractère extrêmement réduit des pouvoirs réellement confiés aux intéressés, en matière d'exécution du service, le tribunal d'instance a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que seule la faculté pour un chef d'établissement de disposer d'un pouvoir de recrutement, de promotion, de sanction et d'un pouvoir de décision en matière de rupture du contrat de travail à l'égard des salariés exerçant leur activité au sein de l'établissement caractérise une autonomie en matière de gestion du personnel susceptible de justifier l'implantation d'un comité social et économique d'établissement ; qu'en déduisant la qualité d'établissement distinct des six stations aviation de la société d'éléments inopérants tels que le fait que le chef de station était chargé d'organiser et de coordonner l'activité du personnel, de diriger l'équipe de collaborateurs en contrôlant l'emploi du temps des salariés, que, par ailleurs, il était auparavant appelé à présider les réunions des délégués du personnel et qu'il était garant du respect du règlement intérieur unique de l'entreprise, ou encore de l'exercice par les chefs de station du pouvoir de délivrer des avertissements cependant qu'il constatait dans le même temps que l'existence de compétences centralisées au niveau du siège en matière de gestion du personnel n'était pas contestée, le tribunal d'instance a violé l'article L. 2313-4 du code du travail ;

6°/ qu'en affirmant l'existence d'une autonomie des différents sites de l'entreprise sans rechercher, comme il y était invité, si ce n'était pas au niveau de la direction du siège, et non à celui de chaque site opérationnel, qu'étaient engagés et promus les salariés et que se décidaient les sanctions disciplinaires autres que mineures ainsi que les mesures concernant la rupture de leur contrat de travail, soient tous les actes engageant l'entreprise en matière de gestion du personnel, le tribunal d'instance a privé sa décision de base au regard de l'article L. 2313-4 du code du travail ;

7°/ qu'à supposer adoptée par le tribunal d'instance la motivation du DIRECCTE ayant trait à l'existence au sein de chaque site aéroportuaire d'une communauté de travail ayant des intérêts propres de nature à générer des réclamations communes et spécifiques, le tribunal d'instance, qui a reconnu l'existence de six établissements distincts au sein de la société en se fondant sur des énonciations inopérantes, a violé les articles L. 2313-1 et L. 2313-4 du code du travail ;

Mais attendu d'abord que, lorsqu'ils résultent d'une décision unilatérale de l'employeur, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques sont fixés compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel ; que caractérise au sens de ce texte un établissement distinct l'établissement qui présente, notamment en raison de l'étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service ;

Attendu ensuite que, lorsqu'ils sont saisis d'un recours dirigé contre la décision unilatérale de l'employeur, le DIRECCTE et le tribunal d'instance se fondent, pour apprécier l'existence d'établissements distincts au regard du critère d'autonomie de gestion ainsi défini, sur les documents relatifs à l'organisation interne de l'entreprise que fournit l'employeur, et sur les documents remis par les organisations syndicales à l'appui de leur contestation de la décision unilatérale prise par ce dernier ;

Attendu enfin que la centralisation de fonctions support ou l'existence de procédures de gestion définies au niveau du siège ne sont pas de nature à exclure en elles-mêmes l'autonomie de gestion des responsables d'établissement ;

Et attendu que le tribunal d'instance a, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve fournis par les parties, constaté qu'il existe au sein de la société six stations avions disposant d'une implantation géographique distincte, et que s'agissant, d'une part, de l'autonomie budgétaire, chacune de ces stations dispose d'un budget spécifique décidé par le siège sur proposition du chef de station, lequel, au regard de sa fiche de poste, participe à « l'élaboration des budgets de fonctionnement et d'investissement de la station avec le siège », d'autre part, de l'autonomie en matière de gestion du personnel, que le chef de station dispose d'une compétence de « management du personnel social », est garant du respect du réglement intérieur, mène des entretiens individuels de carrière et des entretiens préalables à une éventuelle sanction, peut prononcer des avertissements, et qu'il présidait jusqu'à présent le CHSCT et animait les réunions des délégués du personnel ; qu'il a pu en déduire que, même si certaines compétences en matière budgétaire et de gestion du personnel étaient centralisées au niveau du siège, les six stations avions constituaient chacune un établissement distinct au sens de la mise en place d'un CSE ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article L. 2313-4 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la notion d'« autonomie de gestion », nécessaire à la caractérisation d'un établissement distinct, dans le même sens que : Soc., 19 décembre 2018, pourvoi n° 18-23.655, Bull. 2018, V, (2) (rejet), et l'arrêt cité.

Soc., 22 janvier 2020, n° 19-13.269, (P)

Rejet

Comité social et économique – Représentant syndical au comité social et économique – Désignation – Représentant syndical déja membre élu du comité social et économique – Cumul des deux fonctions – Possibilité (non) – Fondement – Impossibilité d'exercer des fonctions délibératives et des fonctions consultatives au sein d'une mêrme instance – Portée

Un salarié ne peut siéger simultanément dans le même comité social et économique en qualité à la fois de membre élu, titulaire ou suppléant, et de représentant syndical auprès de celui-ci, dès lors qu'il ne peut, au sein d'une même instance et dans le même temps, exercer les fonctions délibératives qui sont les siennes en sa qualité d'élu et les fonctions consultatives liées à son mandat de représentant syndical lorsqu'il est désigné par une organisation syndicale sans qu'un accord collectif puisse y déroger.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Saint-Nazaire, 26 février 2019), que M. C... a été désigné le 19 novembre 2018 par le syndicat CGT plate-forme Total de Donges (le syndicat) en qualité de représentant syndical au comité social et économique de l'établissement de Donges de la société Total raffinage France ; que celle-ci a saisi le 4 décembre 2018 le tribunal d'instance pour contester cette désignation en invoquant l'incompatibilité avec le mandat d'élu suppléant détenu par le salarié au sein du même comité social et économique ;

Attendu que le syndicat et le salarié font grief au jugement de dire que M. C... devra opter pour l'un de ses deux mandats dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision et qu'à défaut son mandat de représentant syndical au sein du comité social et économique de l'établissement de Donges sera caduc, alors selon le moyen :

1°/ qu'en application de l'article L. 2314-2 du code du travail, chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement peut désigner un représentant syndical au comité social et économique, choisi parmi les membres du personnel de l'entreprise et devant remplir les conditions d'éligibilité fixées à l'article L. 2314-19 du code du travail ; qu'en l'absence de disposition légale y faisant obstacle, le syndicat peut désigner en qualité de représentant syndical au comité un salarié élu audit comité ; qu'en jugeant le contraire, le tribunal a violé les articles L. 2314-2 et L. 2314-19 du code du travail ;

2°/ que la liberté syndicale implique la liberté des organisations syndicales de choisir leurs représentants, seule la loi pouvant en restreindre l'exercice ; qu'en disant que le mandat de membre élu suppléant du comité social et économique ne peut se cumuler avec le mandat de représentant syndical audit comité, le tribunal a violé l'alinéa 6 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, les articles 3 et 8 de la Convention n° 87 de l'OIT, 5 de la Convention n° 135 de l'OIT ainsi que les articles 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 5 et 6 de la Charte sociale européenne, et 28 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

3°/ subsidiairement que l'article 4 de l'accord relatif au dialogue social et économique du 13 juillet 2018 applicable dans le groupe Total ne comporte aucune exclusion ni distinction ; qu'en statuant comme il l'a fait, sans rechercher, comme il y était invité, si cet accord collectif ne permet pas qu'un salarié élu au comité social et économique soit également désigné en qualité de représentant syndical audit comité, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2141-10, L. 2251-1, L. 2314-1 et L. 2314-2 du code du travail et 1103 du code civil, ensemble l'article 4 de l'accord relatif au dialogue social et économique du 13 juillet 2018 ;

4°/ que MM. C..., J... et le syndicat faisaient valoir que l'employeur n'avait pas contesté la désignation en qualité de représentants syndicaux de plusieurs autres salariés élus au comité social et économique ; qu'en s'abstenant de rechercher s'il existait une tolérance au bénéfice de certains syndicats seulement, le tribunal a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 2314-1 et L. 2314-2 du code du travail et du principe d'égalité ;

Mais attendu qu'un salarié ne peut siéger simultanément dans le même comité social et économique en qualité à la fois de membre élu, titulaire ou suppléant, et de représentant syndical auprès de celui-ci, dès lors qu'il ne peut, au sein d'une même instance et dans le même temps, exercer les fonctions délibératives qui sont les siennes en sa qualité d'élu et les fonctions consultatives liées à son mandat de représentant syndical lorsqu'il est désigné par une organisation syndicale sans qu'un accord collectif puisse y déroger ;

Et attendu qu'ayant constaté l'absence de disparité de traitement entre organisations syndicales par une recherche faite au sein de la même unité économique et sociale, le tribunal, peu important les dispositions de l'article 4 de l'accord collectif sans emport à cet égard, a statué à bon droit en enjoignant au salarié, élu membre suppléant au comité social et économique, d'opter entre cette fonction et celle de représentant syndical à ce même comité et en disant que, à défaut, son mandat de représentant syndical sera caduc ;

D'où il suit que le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit, partant irrecevable en sa seconde branche, inopérant en sa troisième branche et qui manque en fait en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Ott - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois -

Textes visés :

Articles L. 2314-1 et L. 2314-2 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la règle du non-cumul des mandats de membre élu du comité social et économique et de représentant syndical auprès de celui-ci, à rapprocher : Soc., 11 septembre 2019, pourvoi n° 18-23.764, Bull. 2019, V, (rejet), et les arrêts cités.

Soc., 22 janvier 2020, n° 18-21.206, (P)

Cassation partielle

Règles communes – Statut protecteur – Domaine d'application – Salarié membre d'une institution représentative d'origine conventionnelle – Bénéfice – Conditions – Institution de même nature que celles prévues par le code du travail – Exclusion – Cas – Commissions internes à une entreprise compétentes en matière de procédure disciplinaire – Portée

Les institutions représentatives du personnel créées par voie conventionnelle doivent, pour ouvrir à leurs membres le bénéfice de la procédure spéciale protectrice prévue en faveur des représentants du personnel et des syndicats, être de même nature que celles prévues par le code du travail.

Tel n'est pas le cas des commissions internes à une entreprise compétentes en matière de procédure disciplinaire, dont l'existence n'est pas prévue par le code du travail.

Institution représentative du personnel – Institution d'origine conventionnelle – Membres – Bénéfice du statut protecteur – Conditions – Institution de même nature que celles prévues par le code du travail – Exclusion – Cas – Commissions internes à une entreprise compétentes en matière de procédure disciplinaire – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 12 juin 2018), M. E..., engagé par la Société générale (la société) en 1998, a été licencié le 1er juillet 2015. Il a saisi la juridiction prud'homale en invoquant notamment la nullité de son licenciement pour violation de son statut protecteur et en demandant diverses indemnités.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le salarié bénéficie du statut protecteur et de prononcer en conséquence la nullité de son licenciement, alors :

« 1°/ que les institutions représentatives créées par voie conventionnelle doivent, pour ouvrir à leurs membres le bénéfice de la procédure spéciale protectrice prévue en faveur des représentants du personnel et des syndicats, être de même nature que celles prévues par le code du travail ; que tel n'est pas le cas de la commission paritaire de recours interne créée par accord d'entreprise en application de la convention collective nationale de la banque, qui constitue une instance disciplinaire, non une commission paritaire professionnelle et interprofessionnelle telle que prévue par les articles L. 2234-1 et suivants du code du travail ; que, pour prononcer la nullité du licenciement de M. E..., qui avait été désigné en qualité de représentant syndical auprès de la commission paritaire de recours interne créée au sein de la Société générale, et condamner cette dernière au paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul, indemnité pour violation du statut protecteur et, par confirmation du jugement, réintégration du salarié, la cour d'appel a retenu que ladite commission constituait une commission paritaire professionnelle et interprofessionnelle, que « le législateur avait entendu conférer aux salariés membres des[dites] commissions (...) la protection prévue par l'article L. 2411-3 du code du travail pour les délégués syndicaux » et enfin que si les membres de la commission de recours interne, amenés à statuer sur des mesures disciplinaires, ne bénéficiaient pas d'une telle protection, l'exécution de leur mission en toute indépendance ne serait pas garantie ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 2411-1 dans sa rédaction applicable, L. 2411-3, L. 2234-1, L. 2234-2, et L. 2234-3 du code du travail ;

2°/ que la cour d'appel ne pouvait confirmer le jugement en ce qu'il avait ordonné la réintégration du salarié, et condamner l'employeur au paiement de dommages et intérêts pour licenciement nul ainsi qu'à une indemnité pour violation du statut protecteur ; qu'en y procédant néanmoins, elle a violé les articles L. 1235-3 et L. 2411-1, et L. 2411-3 du code du travail, dans leur rédaction applicable en la cause ;

3°/ qu'en ordonnant, par confirmation du jugement, la réintégration du salarié, quand elle avait constaté que ce dernier avait renoncé à cette demande, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2411-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, ensemble l'article L. 2234-3 du code du travail :

3. Les institutions représentatives du personnel créées par voie conventionnelle doivent, pour ouvrir à leurs membres le bénéfice de la procédure spéciale protectrice prévue en faveur des représentants du personnel et des syndicats, être de même nature que celles prévues par le code du travail ; tel n'est pas le cas des commissions internes à une entreprise compétentes en matière de procédure disciplinaire, dont l'existence n'est pas prévue par le Code du travail.

4. Pour reconnaître au salarié le bénéfice du statut protecteur, la cour d'appel relève qu'il est membre syndical de la commission paritaire de recours interne instaurée par la Société générale en application de la Convention nationale de la banque et que cette commission, qui est composée paritairement d'une délégation syndicale et d'une délégation patronale et a pour objet d'examiner les recours formés en interne par les salariés concernés par une procédure de rétrogradation ou de licenciement disciplinaire constitue une institution de même nature que les commissions paritaires professionnelles, créées par accord collectif, et qui ont, aux termes de l'article L. 2234-2 du code du travail, une compétence en matière de « réclamations individuelles et collectives » et pour lesquelles l'article L. 2234-3 du même code prévoit une protection pour les membres qui la composent.

5. En statuant ainsi, alors que les commissions paritaires professionnelles au plan local, départemental ou régional, qui ont principalement pour mission de concourir à la mise en place d'un dialogue social interentreprises, n'ont pas la même nature que des commissions instituées au sein d'une entreprise pour examiner les recours des salariés à l'encontre des décisions de l'employeur en matière de rétrogradation, licenciement ou mise à la retraite, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles précités.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen auquel la Société générale a déclaré renoncer, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement nul pour non-respect du statut protecteur, ordonne la réintégration du salarié et alloue au salarié des dommages-intérêts pour licenciement nul et violation du statut protecteur, l'arrêt rendu le 12 juin 2018 par la cour d'appel de Colmar ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; Me Le Prado -

Textes visés :

Article L. 2411-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige ; article L. 2234-3 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la procédure spéciale protectrice à l'égard des salariés membres d'organes conventionnels représentatifs du personnel, à rapprocher : Soc., 1er février 2017, pourvoi n° 15-24.310, Bull. 2017, V, n° 20 (cassation partielle), et l'arrêt cité. Sur l'extension du bénéfice du statut protecteur à des salariés membres d'organes conventionnels représentatifs du personnel, cf : CE, 29 décembre 1995, n° 122643, publié au Recueil Lebon ; CE, 4 mai 2016, n° 380954, mentionné dans les tables du Recueil Lebon.

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