Numéro 1 - Janvier 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2020

PROCEDURE CIVILE

2e Civ., 30 janvier 2020, n° 18-22.528, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Acte de procédure – Nullité – Vice de forme – Applications diverses – Déclaration d'appel – Chefs du jugement critiqués – Défaut – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 31 mai 2018), M. C... a relevé appel, par deux déclarations en date des 15 et 18 décembre 2017, du jugement d'un tribunal de commerce l'ayant notamment, déclaré responsable de l'insuffisance d'actif de la société Multimedia copy, placée en liquidation judiciaire, condamné à payer une certaine somme à Mme E..., en sa qualité de liquidatrice judiciaire de la société et ayant prononcé à son encontre une interdiction de diriger pour une durée de 15 ans.

Examen du moyen unique

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

3. M. C... fait grief à l'arrêt de dire que les deux déclarations d'appel qu'il a déposées ne dévoluent à la cour aucun chef critiqué du jugement attaqué en violation de l'article 562 du code de procédure civile et que la cour n'est par suite saisie d'aucune demande, de constater l'absence de régularisation par nouvelle déclaration d'appel dans le délai imparti à l'appelant pour conclure et, en conséquence, de confirmer purement et simplement le jugement entrepris en ce qu'il a dit qu'il a commis des fautes de gestion qui ont contribué à l'insuffisance d'actif, l'a déclaré responsable de l'insuffisance d'actif de la société Multimédia copy à concurrence de la somme de 60.000 euros sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de commerce et prononcé à son encontre une interdiction de gérer pour une durée de 15 ans, alors :

1° / que « les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910 du code de procédure civile, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond ; qu'en jugeant que la régularisation des conclusions d'appel de M. C... « ne peut résulter des conclusions au fond prises dans le délai requis précisant les chefs critiqués du jugement (et) qu'il s'ensuit que la SELURL A... E..., ès qualités, est bien fondée à soutenir que les déclarations d'appel déposées par M. C... sont dépourvues d'effet dévolutif et à faire valoir que le jugement attaqué, irrévocable, doit être confirmé », la cour d'appel a violé les articles 562, 910-4, alinéa 1, et 954, alinéa 1, du code de procédure civile ; »

2°/ qu' « en jugeant que « les déclarations d'appel déposées par M. C... sont dépourvues d'effet dévolutif » tout en constatant que M. C... avait entendu former un appel « total » et que cet appel n'était pas nul, faute pour l'irrégularité alléguée de faire grief à l'intimée, la cour d'appel a violé l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

4. En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

5. En outre, seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.

6. Il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas.

7. Par ailleurs, l'obligation prévue par l'article 901 4° du code de procédure civile, de mentionner, dans la déclaration d'appel, les chefs de jugement critiqués, dépourvue d'ambiguïté, encadre les conditions d'exercice du droit d'appel dans le but légitime de garantir la bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique et l'efficacité de la procédure d'appel.

8. Enfin, la déclaration d'appel affectée de ce vice de forme peut être régularisée par une nouvelle déclaration d'appel, dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond conformément à l'article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile.

9. Il résulte de ce qui précède que ces règles ne portent pas atteinte, en elles-mêmes, à la substance du droit d'accès au juge d'appel.

10. Or, la cour d'appel a constaté que les déclarations d'appel se bornaient à mentionner en objet que l'appel était « total » et n'avaient pas été rectifiées par une nouvelle déclaration d'appel. Elle a donc retenu à bon droit, et sans méconnaître les dispositions de l'article 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que cette mention ne pouvait être regardée comme emportant la critique de l'intégralité des chefs du jugement ni être régularisée par des conclusions au fond prises dans le délai requis énonçant les chefs critiqués du jugement.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen relevé d'office

12. Conformément aux articles 620, alinéa 2, et 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties.

Vu l'article 562 du code de procédure civile :

13. Il résulte de ce texte que le juge qui décide qu'il n'est saisi d'aucune demande, excède ses pouvoirs en statuant au fond.

14. Après avoir dit que les deux déclarations d'appel déposées par M. C... ne défèrent à la cour aucun chef critiqué du jugement attaqué et que la cour n'est par suite saisie d'aucune demande, la cour d'appel a confirmé le jugement.

15. En statuant ainsi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

16. En application de l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties qu'il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il confirme en conséquence purement et simplement le jugement attaqué, l'arrêt rendu le 13 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Lemoine - Avocat général : M. Gaillardot - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Articles 562, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, 901 4° et 910-4 du code de procédure civile ; article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

Avis de la Cour de cassation, 20 décembre 2017, n° 17-70.034, n° 17-70.035 et 17-70.036, Bull. 2017, Avis, n° 12.

Com., 8 janvier 2020, n° 18-22.606, n° 18-22.607, n° 18-22.608, (P)

Cassation

Instance – Péremption – Conditions – Exclusion – Cas

Vu leur connexité, joint les pourvois n° 18-22.606, 18-22.607 et 18-22.608 ;

Sur les moyens uniques des pourvois, rédigés en termes identiques, réunis :

Vu l'article L. 622-24 du code de commerce et l'article 386 du code de procédure civile ;

Attendu que la péremption d'instance a pour objet de sanctionner le défaut de diligence des parties ; que les créanciers du débiteur en redressement judiciaire n'ont aucune diligence à accomplir une fois effectuées leurs déclarations de créances, les opérations de vérification des créances incombant au mandataire judiciaire et la direction de la procédure de contestation de créance leur échappant ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société Biscuiterie Jeannette a été mise en redressement judiciaire le 21 janvier 2009, procédure qui a été convertie en liquidation judiciaire ; que la société Lixxbail, liée à la société débitrice par trois contrats de crédit-bail portant sur divers matériels, a revendiqué ces matériels et a déclaré trois créances au titre des trois contrats ; que le juge-commissaire a ordonné la restitution des matériels, objets des trois contrats, par ordonnances distinctes du 28 juillet 2009 contre lesquelles un recours a été formé par la société débitrice ; que cette dernière a contesté les créances déclarées par le crédit-bailleur, en invoquant pour chacune d'entre elles l'existence de l'instance en cours sur la revendication des matériels ; que par trois ordonnances du 10 novembre 2010, le juge-commissaire a constaté l'existence d'une instance en cours et dit que la partie la plus diligente devra le saisir pour voir fixer la créance ; qu'un arrêt du 17 novembre 2011 a confirmé la restitution des matériels au profit du crédit-bailleur ; que le 20 novembre 2014, ce dernier a demandé au juge-commissaire la fixation de ses créances, déduction faite, pour chacune d'entre elles, du prix de revente du matériel ; que la société débitrice lui a opposé la péremption de l'instance ;

Attendu que pour dire l'instance périmée, l'arrêt retient qu'il appartenait à la partie la plus diligente de saisir à nouveau le juge-commissaire dans les deux ans de l'arrêt rendu le 17 novembre 2011 mettant fin à l'instance en restitution, et ce afin d'éviter la péremption, que le créancier, qui est la partie qui a naturellement intérêt à la fixation de sa créance, devait solliciter la réinscription de l'instance en fixation au plus tard le 17 novembre 2013 et que, sa demande datant du 20 novembre 2014, l'instance est atteinte par la péremption ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts (n° RG : 16/00047, 16/00048 et 16/00049) rendus le 17 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts, et pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Brahic-Lambrey - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot -

Textes visés :

Article L. 622-24 du code de commerce ; article 386 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sous l'empire de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, à rapprocher : Com., 7 juillet 2009, pourvoi n° 07-14.455, Bull. 2009, IV, n° 98 (rejet).

2e Civ., 30 janvier 2020, n° 18-25.012, (P)

Cassation

Instance – Péremption – Suspension – Durée – Détermination – Portée

Il résulte des articles 2 et 386 du code de procédure civile que dans la procédure écrite avec représentation obligatoire le cours du délai de péremption de l'instance est suspendu, en l'absence de possibilité pour les parties d'accomplir des diligences de nature à accélérer le déroulement de l'instance, à compter de la date de la fixation de l'affaire pour être plaidée. Lorsque l'affaire fait ultérieurement l'objet d'une radiation, un nouveau délai de deux ans commence à courir.

Encourt par conséquent la censure l'arrêt d'une cour d'appel qui, pour prononcer la péremption de l'instance, retient que le délai de péremption avait couru pendant une période s'écoulant entre un avis de fixation de l'affaire pour être plaidée et la radiation ultérieure de cette affaire.

Instance – Péremption – Suspension – Délai – Point de départ – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er mars 2018), à la suite de la condamnation de la société Osica, devenue la société CDC habitat, bailleur de M. L..., à réaliser divers travaux dans le logement de ce dernier, le juge de l'exécution d'un tribunal de grande instance a été saisi de diverses demandes et contestations relatives à ces travaux et au commandement délivré à cet effet par M. G..., huissier de justice, également attrait devant le juge de l'exécution par M. L....

2. M. L... a relevé appel, devant la cour d'appel de Versailles, du jugement le déboutant de ses demandes et lui ordonnant de laisser l'accès à son logement à son bailleur pour effectuer les travaux.

3. L'affaire ayant été renvoyée à la cour d'appel de Paris, en application de l'article 47 du code de procédure civile, le greffe de cette cour d'appel a invité les parties à poursuivre l'instance et à se constituer dans le délai d'un mois, à peine de radiation, laquelle a été prononcée le 4 décembre 2013, avant que l'affaire soit réinscrite au rôle le 11 décembre 2013, à la demande de la société Osica, formulée à l'occasion de sa constitution d'avocat.

L'affaire a fait l'objet, le 23 décembre 2013, d'un avis de fixation à l'audience du 6 novembre 2014, avant d'être, le 23 octobre 2014, à nouveau radiée. M. L... a constitué un avocat le 13 octobre 2016 et sollicité le rétablissement de l'affaire.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche, qui est recevable

Enoncé du moyen

4. M. L... fait grief à l'arrêt de constater l'extinction de l'instance d'appel par l'effet de la péremption et de rejeter toute autre demande alors « que l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans ; qu'à compter de la fixation de la date des débats, les parties n'ont plus à accomplir de diligences de nature à faire progresser l'instance ; qu'en retenant l'extinction de l'instance d'appel par l'effet de la péremption, au motif qu'entre le 11 décembre 2013 et le 13 octobre 2016, date à laquelle M. L... a sollicité le rétablissement de l'affaire, plus de deux années s'étaient écoulées sans l'intervention d'aucune diligence des parties, cependant qu'à compter du 23 décembre 2013, date de l'avis de fixation de l'audience au 6 novembre 2014, le délai de péremption avait été suspendu jusqu'à la radiation de l'affaire, le 23 octobre 2014, point de départ d'un nouveau délai de deux années qui n'était pas expiré le 13 octobre 2016, la cour d'appel a violé les articles 2 et 386 du code de procédure civile ».

Réponse de la Cour

Vu les articles 2 et 386 du code de procédure civile :

5. Pour constater l'extinction de l'instance d'appel par l'effet de la péremption, l'arrêt retient qu'à compter de l'avis de fixation de l'affaire du 23 décembre 2013 et jusqu'à la déclaration du 13 octobre 2016 de l'appelant sollicitant le rétablissement de l'affaire, n'est intervenue aucune diligence des parties, qu'en effet, l'avis de fixation pour l'audience du 6 novembre 2014 a été adressé avant la clôture de l'affaire qui devait intervenir le 23 octobre 2014, de sorte qu'entre l'envoi de cet avis et la date prévue pour la clôture, les parties n'étaient pas dispensées d'accomplir des diligences interruptives de la péremption, qu'à cette date prévue pour la clôture, l'affaire a été de nouveau radiée et que ce n'est que le 13 octobre 2016 que l'appelant a constitué avocat et a sollicité le rétablissement, alors que plus de deux ans s'étaient écoulés depuis le 11 décembre 2013.

6. Or le cours du délai de péremption de l'instance est suspendu, en l'absence de possibilité pour les parties d'accomplir des diligences de nature à accélérer le déroulement de l'instance, à compter de la date de la fixation de l'affaire pour être plaidée. Lorsque l'affaire fait ultérieurement l'objet d'une radiation, un nouveau délai de deux ans commence à courir.

7. Dès lors, ayant constaté qu'un avis de fixation de l'affaire pour être plaidée avait été adressé le 23 décembre 2013 et que l'affaire avait été radiée le 23 octobre 2014, la cour d'appel, en statuant comme elle l'a fait, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Krivine et Viaud ; Me Le Prado ; SCP Sevaux et Mathonnet -

Textes visés :

Articles 2 et 386 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 16 décembre 2016, pourvoi n° 15-26.083, Bull. 2016, II, n° 282 et les arrêts cités.

2e Civ., 30 janvier 2020, n° 18-23.917, (P)

Cassation

Notification – Notification des actes à l'étranger – Remise à parquet de la décision à notifier – Effet

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 juin 2018), estimant que le porte-carte rigide « Alluma Wallet », importé et vendu par la société Best of TV, par le biais de divers acteurs de la grande distribution tels que Cora et Carrefour, était une copie d'un porte-carte rigide « Fan Shaped » créé par la société taïwanaise Pro-Symnova Industry Co. Ltd (la société Pro-Symnova) et distribué par la société Ögon Designs, ces deux dernières sociétés ont fait assigner la société Best of TV devant le tribunal de grande instance de Nanterre en contrefaçon de droit d'auteur et concurrence déloyale.

2. Par jugement du 14 avril 2016, le tribunal de grande instance a notamment déclaré irrecevable la société Pro-Symnova à agir en contrefaçon de droits d'auteur, débouté les deux sociétés de leur demande en concurrence déloyale et parasitaire, prononcé l'annulation de la marque tridimensionnelle déposée par la société Ögon Designs et l'a condamnée à payer à la société Best of TV une somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice.

3. En vue de la notification de ce jugement à la société Pro-Symnova, par acte du 21 septembre 2016, cette décision a été remise à parquet.

4. La société Pro-Symnova a interjeté appel de ce jugement le 20 juin 2017, et la société Ögon Designs a formé un appel provoqué par conclusions du 27 décembre 2017.

5. Par ordonnance du 22 février 2018, le conseiller de la mise en état a déclaré les deux sociétés irrecevables en leurs appels, principal et provoqué, ordonnance que la société Pro-Symnova a déféré à la cour d'appel de Versailles.

Examen du moyen

Sur le moyen unique du pourvoi principal et du pourvoi incident, qui est identique, pris en ses deuxième et troisième branches :

Énoncé du moyen

6. Les sociétés Pro-Symnova et Ögon Designs font grief à l'arrêt de rejeter le déféré formé contre l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état du 22 février 2018 qui les a déclarées irrecevables en leurs appels principal et provoqué, alors « que la date à laquelle est effectuée la remise à parquet de la décision à signifier, selon la procédure prévue à l'article 684, alinéa 1er, du code de procédure civile, ne constitue pas le point de départ du délai pour interjeter appel de cette décision, à l'égard du destinataire de l'acte ayant sa résidence habituelle à l'étranger ; qu'en retenant que le délai d'appel ouvert à la société Pro-Symnova Industry Co. Ltd a couru à compter de la « signification du jugement faite au parquet » (en réalité de la remise faite au parquet), par acte du 21 septembre 2016, en sorte que l'appel régularisé le 20 juin 2017 par cette société serait tardif et que l'appel provoqué de la société Ögon Designs serait, lui aussi, irrecevable, la cour d'appel a violé les articles 528, 643, 647-1 et 684 du code de procédure civile.»

Réponse de la Cour

Vu l'article 684 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n°2017-892 du 6 mai 2017 :

7. En application de ce texte, la date à laquelle est effectuée la remise à parquet de la décision à notifier ne constitue pas le point de départ du délai pour interjeter appel de cette décision.

8. Pour déclarer les appels irrecevables, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'à l'encontre des personnes domiciliées à l'étranger, le délai d'appel court du jour de la signification régulièrement faite au parquet et non de la date de remise à l'intéressé d'une copie de l'acte par les autorités étrangères, et que la société Best of TV justifiant d'une notification du jugement entrepris à parquet, par acte du 21 septembre 2016, pour une personne ayant sa résidence habituelle à l'étranger, comme l'exige l'article 684, alinéa 1er du code de procédure civile, celle-ci a valablement fait courir le délai d'appel de trois mois ouvert à la société Pro-Symnova, laquelle ne l'a interjeté que tardivement, le 20 juin 2017.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 juin 2018 par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dumas - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 684 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-892 du 6 mai 2017.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 2 juin 2016, pourvoi n° 14-11.576, Bull. 2016, II, n° 147 (cassation).

2e Civ., 9 janvier 2020, n° 18-21.997, (P)

Cassation

Procédure de la mise en état – Juge de la mise en état – Ordonnance du juge de la mise en état – Ordonnance statuant sur une exception de procédure – Ordonnance revêtue de l'autorité de la chose jugée

Il résulte de l'article 775 du code de procédure civile que les ordonnances du juge de la mise en état statuant sur une exception de procédure ont autorité de chose jugée, qu'elles mettent ou non fin à l'instance.

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche, qui est recevable :

Vu l'article 775 du code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que les ordonnances du juge de la mise en état statuant sur une exception de procédure ont autorité de chose jugée, qu'elles mettent ou non fin à l'instance ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Brebières promotion (la société Brebières), assurée auprès de la société Mutuelle des architectes français (la MAF), a confié à divers entrepreneurs la réalisation de travaux de construction de lots vendus sous le régime de la vente en l'état futur d'achèvement ; que, se plaignant de divers désordres, le syndicat des copropriétaires de la résidence Salembien (le syndicat) a obtenu en référé la désignation d'un expert puis a fait assigner au fond la société Brebières et la MAF devant un tribunal de grande instance ; que, saisi d'un incident, le juge de la mise en état a, par une ordonnance du 27 janvier 2015, rejeté une exception de nullité de l'assignation ; que, par jugement du 9 septembre 2016, le tribunal a, notamment, déclaré irrecevable l'exception de nullité de l'assignation et condamné in solidum la société Brebières et la MAF à payer au syndicat la somme de 7 500 euros HT en principal et la société Brebières à payer au syndicat la somme de 7 739,43 euros ; que le syndicat a relevé appel du jugement ; que les copropriétaires sont intervenus volontairement à l'instance ;

Attendu que, pour prononcer l'annulation des assignations introductives d'instances délivrées à la société Brebières, le 20 février 2013, et à la MAF, le 13 mai 2013, ainsi que de tous les actes de procédure et décisions qui ont suivi, l'arrêt retient que, selon les dispositions des articles 775 et 776 du code de procédure civile, c'est seulement lorsque, en statuant sur une exception de procédure, l'ordonnance du magistrat de la mise en état met fin à l'instance que cette ordonnance est revêtue, au principal, de l'autorité de la chose jugée, de sorte que l'ordonnance du 27 janvier 2015 qui a rejeté l'exception de nullité de l'assignation tirée du défaut d'habilitation du syndic peut être remise en cause devant le juge du fond ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Maunand - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SCP Boulloche ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Article 775 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 23 juin 2016, pourvoi n° 15-13.483, Bull. 2016, II, n° 171 (cassation partielle sans renvoi) et l'arrêt cité.

2e Civ., 9 janvier 2020, n° 18-19.301, (P)

Cassation

Rôle – Radiation – Ordonnance prise sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile – Voies de recours – Déféré – Cas – Excès de pouvoir

Il découle de l'application de l'article 537 du code de procédure civile, qu'une mesure d'administration judiciaire n'est sujette à aucun recours ; fût-ce pour excès de pouvoir. Toutefois, bien que l'article 526 du même code qualifie de mesure d'administration judiciaire la décision de radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel, cette décision affecte l'exercice du droit d'appel, de sorte qu'elle peut faire l'objet d'un recours en cas d'excès de pouvoir.

Encourt dès lors la censure l'arrêt d'une cour d'appel qui déclare irrecevable le déféré d'une ordonnance ayant prononcé la radiation de l'appel, motif pris qu'une telle ordonnance constituant une mesure d'administration judiciaire ne pouvait faire l'objet d'aucun recours fût-ce pour excès de pouvoir, alors qu'il était allégué que la radiation de l'affaire procédait d'une méconnaissance par le conseiller de la mise en état d l'étendue de ses pouvoirs dès lors que le jugement attaqué n'était assorti de l'exécution provisoire qu'à l'égard de l'un des deux appelants.

Rôle – Radiation – Dispositions de l'article 526 du code de procédure civile – Pouvoirs des juges – Etendue – Détermination – Portée

Vu l'article 688 du code de procédure civile ;

Attendu que le mémoire ampliatif a été transmis aux autorités cypriotes le 22 janvier 2019 à fin de notification à la société Taurus capital management Ltd (la société Taurus), établie à Chypre ; que malgré les démarches que M. et Mme G... justifient avoir accomplies depuis lors auprès de ces autorités, aucun justificatif de remise de ce mémoire n'a pu être obtenu ;

Qu'un délai de six mois s'étant écoulé depuis la transmission du mémoire ampliatif, il y a lieu de statuer sur le pourvoi ;

Sur le moyen unique :

Vu les articles 526, 537 et 916 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu qu'il découle du second de ces textes qu'une mesure d'administration judiciaire n'est sujette à aucun recours, fût-ce pour excès de pouvoir ; que bien que le premier de ces textes qualifie de mesure d'administration judiciaire la décision de radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel, cette décision affecte l'exercice du droit d'appel, de sorte qu'elle peut faire l'objet d'un recours en cas d'excès de pouvoir ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que se prévalant du défaut de remboursement par M. et Mme G... de différents prêts qu'elle leur avait consenti, la société Taurus a saisi un tribunal de grande instance qui, par un jugement mixte du 16 décembre 2015, a dit que la loi polonaise était applicable au litige, ordonné une expertise graphologique concernant une signature attribuée à Mme G..., a sursis à statuer sur la demande de condamnation à l'encontre de cette dernière, a condamné M. G... à payer à la société Taurus une certaine somme et a ordonné l'exécution provisoire du jugement à hauteur de la moitié des condamnations prononcées ; que M. et Mme G... ayant relevé appel de ce jugement le 13 janvier 2016, la société Taurus a soulevé un incident de radiation de l'affaire, sur le fondement de l'article 526 susvisé, que le conseiller de la mise en état a accueilli ;

Attendu que pour déclarer irrecevable la requête en déféré contre cette ordonnance, l'arrêt retient que la mesure de radiation du rôle, prise en application de l'article 526 du code de procédure civile, est une mesure d'administration judiciaire, sans aucun caractère juridictionnel et sans aucune incidence sur le lien juridique d'instance qui subsiste et qu'en application de l'article 537 du même code, elle n'est sujette à aucun recours, fut-ce pour excès de pouvoir ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il était allégué que la radiation de l'affaire procédait d'une méconnaissance par le conseiller de la mise en état de l'étendue de ses pouvoirs, dès lors que le jugement attaqué n'était pas assorti de l'exécution provisoire à l'égard de Mme G..., la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Ortscheidt -

Textes visés :

Articles 526, 537 et 916 du code de procédure civile ; article 6, §1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 23 septembre 2010, pourvoi n° 09-14.864, Bull. 2010, II, n°160 (cassation), CEDH, 31 mars 2011, req. n° 34658/07, aff. Le Chatellier c. France.

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