Numéro 1 - Janvier 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2020

APPEL CIVIL

2e Civ., 30 janvier 2020, n° 18-22.528, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Acte d'appel – Mentions nécessaires – Chefs du jugement critiqués – Défaut – Portée

Une cour d'appel, qui constate que les déclarations d'appel tendant à la réformation d'un jugement se bornent à mentionner en objet que l'appel est « total » et n'ont pas été rectifiées par une nouvelle déclaration d'appel, retient à bon droit, et sans méconnaître les dispositions de l'article 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que cette mention ne peut être regardée comme emportant la critique de l'intégralité des chefs de jugement ni être régularisée par des conclusions au fond prises dans le délai requis énonçant les chefs critiqués du jugement.

Acte d'appel – Nullité – Vice de forme – Régularisation – Exclusion – Cas – Conclusions au fond énonçant les chefs du jugement critiqués

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 31 mai 2018), M. C... a relevé appel, par deux déclarations en date des 15 et 18 décembre 2017, du jugement d'un tribunal de commerce l'ayant notamment, déclaré responsable de l'insuffisance d'actif de la société Multimedia copy, placée en liquidation judiciaire, condamné à payer une certaine somme à Mme E..., en sa qualité de liquidatrice judiciaire de la société et ayant prononcé à son encontre une interdiction de diriger pour une durée de 15 ans.

Examen du moyen unique

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

3. M. C... fait grief à l'arrêt de dire que les deux déclarations d'appel qu'il a déposées ne dévoluent à la cour aucun chef critiqué du jugement attaqué en violation de l'article 562 du code de procédure civile et que la cour n'est par suite saisie d'aucune demande, de constater l'absence de régularisation par nouvelle déclaration d'appel dans le délai imparti à l'appelant pour conclure et, en conséquence, de confirmer purement et simplement le jugement entrepris en ce qu'il a dit qu'il a commis des fautes de gestion qui ont contribué à l'insuffisance d'actif, l'a déclaré responsable de l'insuffisance d'actif de la société Multimédia copy à concurrence de la somme de 60.000 euros sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de commerce et prononcé à son encontre une interdiction de gérer pour une durée de 15 ans, alors :

1° / que « les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910 du code de procédure civile, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond ; qu'en jugeant que la régularisation des conclusions d'appel de M. C... « ne peut résulter des conclusions au fond prises dans le délai requis précisant les chefs critiqués du jugement (et) qu'il s'ensuit que la SELURL A... E..., ès qualités, est bien fondée à soutenir que les déclarations d'appel déposées par M. C... sont dépourvues d'effet dévolutif et à faire valoir que le jugement attaqué, irrévocable, doit être confirmé », la cour d'appel a violé les articles 562, 910-4, alinéa 1, et 954, alinéa 1, du code de procédure civile ; »

2°/ qu' « en jugeant que « les déclarations d'appel déposées par M. C... sont dépourvues d'effet dévolutif » tout en constatant que M. C... avait entendu former un appel « total » et que cet appel n'était pas nul, faute pour l'irrégularité alléguée de faire grief à l'intimée, la cour d'appel a violé l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

4. En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

5. En outre, seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.

6. Il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas.

7. Par ailleurs, l'obligation prévue par l'article 901 4° du code de procédure civile, de mentionner, dans la déclaration d'appel, les chefs de jugement critiqués, dépourvue d'ambiguïté, encadre les conditions d'exercice du droit d'appel dans le but légitime de garantir la bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique et l'efficacité de la procédure d'appel.

8. Enfin, la déclaration d'appel affectée de ce vice de forme peut être régularisée par une nouvelle déclaration d'appel, dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond conformément à l'article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile.

9. Il résulte de ce qui précède que ces règles ne portent pas atteinte, en elles-mêmes, à la substance du droit d'accès au juge d'appel.

10. Or, la cour d'appel a constaté que les déclarations d'appel se bornaient à mentionner en objet que l'appel était « total » et n'avaient pas été rectifiées par une nouvelle déclaration d'appel. Elle a donc retenu à bon droit, et sans méconnaître les dispositions de l'article 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que cette mention ne pouvait être regardée comme emportant la critique de l'intégralité des chefs du jugement ni être régularisée par des conclusions au fond prises dans le délai requis énonçant les chefs critiqués du jugement.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen relevé d'office

12. Conformément aux articles 620, alinéa 2, et 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties.

Vu l'article 562 du code de procédure civile :

13. Il résulte de ce texte que le juge qui décide qu'il n'est saisi d'aucune demande, excède ses pouvoirs en statuant au fond.

14. Après avoir dit que les deux déclarations d'appel déposées par M. C... ne défèrent à la cour aucun chef critiqué du jugement attaqué et que la cour n'est par suite saisie d'aucune demande, la cour d'appel a confirmé le jugement.

15. En statuant ainsi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

16. En application de l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties qu'il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il confirme en conséquence purement et simplement le jugement attaqué, l'arrêt rendu le 13 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Lemoine - Avocat général : M. Gaillardot - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Articles 562, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, 901 4° et 910-4 du code de procédure civile ; article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

Avis de la Cour de cassation, 20 décembre 2017, n° 17-70.034, n° 17-70.035 et 17-70.036, Bull. 2017, Avis, n° 12.

2e Civ., 9 janvier 2020, n° 18-24.606, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Appel incident – Appel incident formé par l'intimé – Appel incident formé à l'encontre d'un co-intimé non constitué – Notification – Modalités – Détermination

Lorsqu'une partie, intimée par l'acte d'appel, a reçu signification de la déclaration d'appel mais n'a pas encore constitué avocat, il appartient au co-intimé qui forme un appel incident, non pas de l'assigner à comparaître devant la cour d'appel, mais de lui signifier ses conclusions d'appel incident dans les délais requis.

Sur le moyen unique :

Vu les articles 909 et 911 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. V... a interjeté appel le 15 février 2017 d'un jugement qui l'a condamné à garantir M. M... des condamnations prononcées à son encontre au profit de M. O... ; que M. V... a notifié ses conclusions d'appelant à M. M..., intimé constitué, le 12 mai 2017, et a signifié la déclaration d'appel, ainsi que ses conclusions, à M. O..., intimé alors non constitué, le 9 juin 2017 ; que M. M... a signifié ses conclusions d'appel incident à M. O..., toujours non constitué, le 5 juillet 2017, puis les a notifiées le 3 août suivant à son conseil, constitué le 18 juillet 2017 ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable l'appel incident de M. M... en tant que dirigé contre M. O..., l'arrêt retient qu'il résulte de l'application combinée des articles 68, 551 et 909 du code de procédure civile que l'intimé, appelant incident, doit faire délivrer une assignation au co-intimé défaillant dans les deux mois suivant la notification des conclusions de l'appelant à peine d'irrecevabilité et que l'article 911 du même code, qui précise que les conclusions sont notifiées aux avocats des parties adverses dans le délai de leur remise au greffe et signifiées aux parties qui n'ont pas constitué avocat à cette date sous peine des sanctions prévues aux articles 908 à 910, n'est pas applicable faute de référence expresse aux articles précités, de sorte que, M. O... n'ayant pas constitué avocat à la date de notification des conclusions de M. V..., le 12 mai 2017, il appartenait à M. M... qui entendait l'intimer de lui faire délivrer une assignation avant le 12 juillet 2017 et que, M. O... ayant constitué le 18 juillet 2017, M. M... ne pouvait se prévaloir de la notification des conclusions d'incident à son conseil le 3 août suivant, le délai de deux mois prévu par l'article 909 étant expiré ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la seule obligation pesant sur M. M... était de signifier ses conclusions d'appel incident à M. O..., régulièrement intimé par l'appelant, dans les délais prescrits par les articles 909 et 911 du code de procédure civile, soit avant le 12 août 2017, sauf à ce que M. O... constitue avocat avant la signification, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'appel incident de M. M... à l'encontre de M. O..., l'arrêt rendu le 1er juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare recevable l'appel incident de M. M... à l'encontre de M. O...

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Leduc et Vigand ; SCP Ohl et Vexliard -

Textes visés :

Articles 909 et 911 du code de procédure civile.

2e Civ., 30 janvier 2020, n° 18-23.917, (P)

Cassation

Délai – Point de départ – Notification – Partie domiciliée à l'étranger – Remise à parquet de la décision à notifier – Effets

En application de l'article 684 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-892 du 6 mai 2017, la date à laquelle est effectuée la remise à parquet de la décision à notifier ne constitue pas le point de départ du délai pour interjeter appel de la décision.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 juin 2018), estimant que le porte-carte rigide « Alluma Wallet », importé et vendu par la société Best of TV, par le biais de divers acteurs de la grande distribution tels que Cora et Carrefour, était une copie d'un porte-carte rigide « Fan Shaped » créé par la société taïwanaise Pro-Symnova Industry Co. Ltd (la société Pro-Symnova) et distribué par la société Ögon Designs, ces deux dernières sociétés ont fait assigner la société Best of TV devant le tribunal de grande instance de Nanterre en contrefaçon de droit d'auteur et concurrence déloyale.

2. Par jugement du 14 avril 2016, le tribunal de grande instance a notamment déclaré irrecevable la société Pro-Symnova à agir en contrefaçon de droits d'auteur, débouté les deux sociétés de leur demande en concurrence déloyale et parasitaire, prononcé l'annulation de la marque tridimensionnelle déposée par la société Ögon Designs et l'a condamnée à payer à la société Best of TV une somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice.

3. En vue de la notification de ce jugement à la société Pro-Symnova, par acte du 21 septembre 2016, cette décision a été remise à parquet.

4. La société Pro-Symnova a interjeté appel de ce jugement le 20 juin 2017, et la société Ögon Designs a formé un appel provoqué par conclusions du 27 décembre 2017.

5. Par ordonnance du 22 février 2018, le conseiller de la mise en état a déclaré les deux sociétés irrecevables en leurs appels, principal et provoqué, ordonnance que la société Pro-Symnova a déféré à la cour d'appel de Versailles.

Examen du moyen

Sur le moyen unique du pourvoi principal et du pourvoi incident, qui est identique, pris en ses deuxième et troisième branches :

Énoncé du moyen

6. Les sociétés Pro-Symnova et Ögon Designs font grief à l'arrêt de rejeter le déféré formé contre l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état du 22 février 2018 qui les a déclarées irrecevables en leurs appels principal et provoqué, alors « que la date à laquelle est effectuée la remise à parquet de la décision à signifier, selon la procédure prévue à l'article 684, alinéa 1er, du code de procédure civile, ne constitue pas le point de départ du délai pour interjeter appel de cette décision, à l'égard du destinataire de l'acte ayant sa résidence habituelle à l'étranger ; qu'en retenant que le délai d'appel ouvert à la société Pro-Symnova Industry Co. Ltd a couru à compter de la « signification du jugement faite au parquet » (en réalité de la remise faite au parquet), par acte du 21 septembre 2016, en sorte que l'appel régularisé le 20 juin 2017 par cette société serait tardif et que l'appel provoqué de la société Ögon Designs serait, lui aussi, irrecevable, la cour d'appel a violé les articles 528, 643, 647-1 et 684 du code de procédure civile.»

Réponse de la Cour

Vu l'article 684 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n°2017-892 du 6 mai 2017 :

7. En application de ce texte, la date à laquelle est effectuée la remise à parquet de la décision à notifier ne constitue pas le point de départ du délai pour interjeter appel de cette décision.

8. Pour déclarer les appels irrecevables, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'à l'encontre des personnes domiciliées à l'étranger, le délai d'appel court du jour de la signification régulièrement faite au parquet et non de la date de remise à l'intéressé d'une copie de l'acte par les autorités étrangères, et que la société Best of TV justifiant d'une notification du jugement entrepris à parquet, par acte du 21 septembre 2016, pour une personne ayant sa résidence habituelle à l'étranger, comme l'exige l'article 684, alinéa 1er du code de procédure civile, celle-ci a valablement fait courir le délai d'appel de trois mois ouvert à la société Pro-Symnova, laquelle ne l'a interjeté que tardivement, le 20 juin 2017.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 juin 2018 par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dumas - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 684 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-892 du 6 mai 2017.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 2 juin 2016, pourvoi n° 14-11.576, Bull. 2016, II, n° 147 (cassation).

2e Civ., 9 janvier 2020, n° 18-24.513, (P)

Rejet

Procédure à jour fixe – Assignation – Dépôt d'une copie au greffe – Remise par voie électronique – Obligations – Portée

Dans la procédure avec représentation obligatoire par avocat en appel, le dépôt au greffe d'une copie établie sur support matériel de l'assignation à jour fixe délivrée aux intimés, en l'absence de cause étrangère ayant empêché le recours à la voie électronique, ne satisfait pas à l'obligation imposée aux parties par l'article 930-1 du code de procédure civile, de remettre leurs actes par cette voie, dans les conditions techniques fixées par un arrêté du garde des sceaux. Cette obligation est dénuée d'ambiguïté pour un avocat, professionnel averti, et sa sanction par une irrecevabilité de l'acte qui n'a pas été transmis au greffe par la voie électronique, est proportionnée au but légitime que poursuit cette disposition, qui est d'assurer la célérité et l'efficacité de la procédure d'appel, de sorte qu'elle ne procède, par elle-même, d'aucun formalisme excessif. C'est par conséquent à bon droit qu'une cour d'appel retient qu'est irrecevable la remise au greffe sur support papier de la copie d'une assignation à jour fixe et en déduit la caducité de la déclaration d'appel, conformément à l'article 922 du code de procédure civile, selon lequel cette remise doit être faite avant la date fixée pour l'audience faute de quoi la déclaration sera caduque.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 septembre 2018), que sur des poursuites de saisie immobilière engagées par la société SRGM contre la SCI Mondorivoli, le juge de l'exécution d'un tribunal de grande instance, statuant sur l'orientation de la procédure, a retenu pour un certain montant la créance de la société Münchener Hypothekenbank eG (la société), créancier inscrit ; que cette dernière a relevé appel de ce jugement d'orientation, puis a été autorisée à assigner à jour fixe les parties défenderesses ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de déclarer caduc son appel, alors, selon le moyen :

1°/ que les excès de formalisme en matière de procédure portent atteinte au droit d'accès à un tribunal ; qu'en jugeant caduque la déclaration d'appel, pourtant régulière, faute de transmission de la copie de l'assignation à jour fixe par voie électronique, quand copie de cette assignation avait été effectivement déposée au greffe de la cour d'appel avant le jour de l'audience, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 922 et 930-1 du code de procédure civile ;

2°/ que lorsque le juge a le pouvoir de soulever d'office une sanction procédurale, il lui incombe de se prononcer, même d'office, sur la proportionnalité de cette sanction ; qu'en s'abstenant de tout examen du caractère disproportionné de la caducité de l'appel consécutive à l'absence de transmission de la copie de l'assignation par voie électronique, quand copie de cette assignation a été déposée avant le jour de l'audience au greffe de la cour d'appel qui en a eu ainsi effectivement connaissance dans les temps requis, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 922 et 930-1 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que le moyen invoquant pour la première fois une violation de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la Cour de cassation ne saurait apprécier le caractère proportionné de la sanction prononcée par la cour d'appel qu'au regard des textes applicables au litige et des éléments que cette dernière a constatés ;

Attendu, d'autre part, que dans la procédure avec représentation obligatoire par avocat en appel, le dépôt au greffe d'une copie établie sur support matériel de l'assignation à jour fixe délivrée aux intimés, en l'absence de cause étrangère ayant empêché le recours à la voie électronique, ne satisfait pas à l'obligation, imposée aux parties par l'article 930-1 du code de procédure civile, de remettre leurs actes par cette voie dans les conditions techniques fixées par un arrêté du garde des sceaux ; que cette obligation est dénuée d'ambiguïté pour un avocat, professionnel averti, et que sa sanction, par une irrecevabilité de l'acte qui n'a pas été transmis au greffe par la voie électronique, est proportionnée au but légitime que poursuit cette disposition, qui est d'assurer la célérité et l'efficacité de la procédure d'appel, de sorte qu'elle ne procède, par elle-même, d'aucun formalisme excessif ;

Et attendu, enfin, qu'ayant exactement retenu qu'il résulte des dispositions des articles 922 et 930-1 du code de procédure civile que, dans le cadre d'une procédure à jour fixe, la cour d'appel est saisie par la remise d'une copie de l'assignation au greffe avant la date de l'audience à peine de caducité de la déclaration d'appel, cette remise devant être effectuée par voie électronique, puis constaté que l'appelante n'avait pas déposé par voie électronique au greffe une copie de l'assignation à jour fixe qu'elle avait délivrée, c'est à bon droit que la cour d'appel a déduit de l'irrecevabilité de la remise de la copie de l'assignation, la caducité de la déclaration d'appel ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 922 et 930-1 du code de procédure civile ; article 922 et 930-1 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 9 avril 2013, pourvoi n°11-27.071, Bull. 2013, I, n° 66 (cassation). 2e Civ., 27 septembre 2018, pourvoi n° 17-20.930, Bull. 2018, II (rejet).

2e Civ., 9 janvier 2020, n° 18-24.107, (P)

Rejet

Procédure avec représentation obligatoire – Conclusions – Conclusions de l'appelant – Délai – Point de départ – Date de l'expédition de la déclaration d'appel par lettre recommandée avec avis de réception adressée au greffe

Le délai de trois mois dont dispose, en application de l'article 908 du code de procédure civile, l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe court, lorsque la déclaration d'appel est établie sur support papier et qu'elle est adressée au greffe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, du jour de l'expédition de cette lettre.

Procédure avec représentation obligatoire – Conclusions – Conclusions de l'appelant – Délai – Point de départ – Détermination

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 25 octobre 2018), que la société VPN Voyage Paris Normandie (la société VPN) a relevé appel, par l'intermédiaire de l'avocat qui la représentait, du jugement d'un conseil de prud'hommes l'ayant condamnée à payer diverses sommes à Mme J..., par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée le 2 février 2018 au greffe de la cour d'appel de Rouen et réceptionnée le 5 février 2018 ; que la société VPN ayant conclu le 4 mai 2018, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d'appel ; que la société VPN a déféré l'ordonnance à la cour d'appel ;

Attendu que la société VPN fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance ayant prononcé la caducité de la déclaration d'appel, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en affirmant que l'appelante prétendait que la déclaration d'appel datait du jour de son enregistrement quand celle-ci faisait valoir que c'était la date de réception par le greffe de la déclaration d'appel qui constituait le point de départ du délai prévu par l'article 908 du code de procédure, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'appelante et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que le point de départ du délai imparti à l'appelant pour conclure court à compter de la remise au greffe de la déclaration d'appel et qu'en cas de déclaration faite par lettre recommandée avec accusé de réception, cette remise est constituée par la réception de la lettre par le greffe ; d'où il suit qu'en retenant que la déclaration d'appel date du jour de son envoi, la cour d'appel a violé l'article 908 du code de procédure civile ;

3°/ que le point de départ du délai imparti à l'appelant pour conclure court à compter de la remise au greffe de la déclaration d'appel et qu'en cas de déclaration faite par lettre recommandée avec accusé de réception, cette remise est constituée par la réception de la lettre par le greffe ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le greffe de la cour d'appel de Rouen n'avait pas reçu la lettre recommandée avec accusé de réception le 5 février 2015, de sorte que les conclusions régularisées le 4 mai 2018 l'avaient été dans le délai de trois mois imparti à peine de caducité de l'appel, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 908 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel ne s'est pas fondée sur les écritures prétendument dénaturées de la société VPN pour statuer comme elle l'a fait ;

Et attendu, ensuite, que c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que le délai de trois mois dont dispose l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe court, lorsque la déclaration d'appel est établie sur support papier et qu'elle est adressée au greffe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, du jour de l'expédition de cette lettre ;

D'où il suit que le moyen, qui est inopérant en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Articles 908 et 930-1 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur le point de départ du délai de l'appelant pour conclure lorsque la déclaration d'appel est formée par voie électronique, à rapprocher : 2e Civ., 6 décembre 2018, pourvoi n° 17-27.206, Bull. 2018, II (rejet) et l'arrêt cité.

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