Numéro 1 - Janvier 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2020

ACTE DE COMMERCE

Com., 29 janvier 2020, n° 18-26.357, (P)

Rejet

Définition – Entreprise de location de meubles – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Licence de brevet conclu par un GIE

Si la licence de brevet est un contrat de louage dont l'objet est une invention, la conclusion de ce type de contrat par un GIE titulaire d'un brevet qu'il a lui-même déposé ne constitue pas une entreprise de location de meubles au sens de l'article L. 110-1 4° du code de commerce.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 13 septembre 2018), le GIE Centre européen de recherche en biologie et en médecine (le GIE) a, par contrat du 30 mai 2008, confié à la société Genoway un mandat exclusif de commercialisation de lignées de souris génétiquement modifiées selon une technologie qu'il avait fait breveter, moyennant une rémunération sous forme de commissions, la société Genoway s'engageant à verser au GIE une avance sur les redevances payées par les tiers acquéreurs.

2. La société Genoway n'ayant pas reversé au GIE certaines redevances qu'elle avait perçues, le GIE l'a assignée en paiement devant le tribunal de grande instance de Lyon.

3. La société Genoway a soulevé l'incompétence matérielle de ce tribunal au profit du tribunal de commerce de Lyon ;

Examen du moyen

Énoncé du moyen

4. La société Genoway fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état ayant rejeté son exception d'incompétence alors :

« 1°/ que l'article L. 721-3 du code de commerce, qui fixe la compétence des juridictions commerciales, prévoit que les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux engagements entre commerçants ; que la détermination du caractère civil ou commercial d'un groupement d'intérêt économique dépend exclusivement de son objet, tel que fixé par les statuts et que relève de la compétence du tribunal de commerce le groupement d'intérêt économique dont les statuts l'autorisent à effectuer toutes opérations commerciales se rattachant directement ou indirectement à la réalisation de son objet ; qu'au cas d'espèce, les statuts du groupement d'intérêt économique CERBM l'autorisaient à effectuer des opérations commerciales se rattachant directement ou indirectement à la réalisation de son objet, de sorte qu'en rejetant l'exception d'incompétence au profit du tribunal de commerce de Lyon soulevée par la société Genoway, au motif que le groupement d'intérêt économique CERBM n'aurait pas la qualité de commerçant, ses statuts l'autorisant pourtant à effectuer des opérations commerciales, peu important qu'il les ait ou non réalisées, la cour d'appel a violé les articles L. 251-4 et L. 721-3 du code de commerce ;

2°/ que l'article 2 des statuts du GIE indique clairement que le GIE « pourra effectuer, directement ou indirectement, toutes opérations quelconques permettant la réalisation de son objet » et l'article 19 précise que le directoire « peut, à cet effet, effectuer tous actes et passer tous contrats de toute nature et de toute forme engageant le groupement », ce dont il résulte que le GIE est autorisé à effectuer des opérations commerciales ; qu'en rejetant l'exception d'incompétence au profit du tribunal de commerce de Lyon soulevée par la société Genoway, au motif que les statuts ne l'autoriseraient pas à effectuer des opérations commerciales, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des statuts, en méconnaissance de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

3°/ que l'article L. 721-3 du code de commerce, qui fixe la compétence des juridictions commerciales, prévoit que les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux actes de commerce entre toutes personnes ; que l'article L. 110-1 du code de commerce répute acte de commerce toute entreprise de location de meubles ; qu'en écartant le moyen de la société Genoway, qui soutenait que le GIE exerçait une entreprise de location de biens meubles, les contrats de licence de brevets étant des contrats de location de meubles incorporels, motif pris que les contrats en cause ne s'analysaient pas, au regard de l'article L. 110-1 du code du commerce, en des actes de commerce par nature, ces actes ne faisant pas partie en effet de ceux qui sont énumérés par cet article, sans expliquer, ne serait-ce que sommairement, en quoi ils ne méritaient pas la qualification de contrat de location de biens meubles visé à l'article L. 110-1 4°, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 110-1 4° et L. 721-3 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

5. Si la licence de brevet est un contrat de louage dont l'objet est une invention, la conclusion de ce type de contrat par un GIE titulaire d'un brevet qu'il a lui-même déposé ne constitue pas une entreprise de location de meubles au sens de l'article L. 110-1 4° du code de commerce.

6. En conséquence, la cour d'appel, qui n'avait pas à s'expliquer autrement sur ce point, a retenu à bon droit et par des motifs exempts de dénaturation qu'il ne résultait ni de l'autorisation donnée au GIE par l'article 2 des statuts de réaliser « toutes opérations quelconques permettant la réalisation de son objet » ni de l'énumération des opérations donnée à titre d'exemples par ce même article qu'il s'agissait d'opérations commerciales et que, dès lors, l'objet du GIE aurait présenté un caractère commercial.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : M. Ponsot - Avocat général : M. Debacq - Avocat(s) : SCP Ortscheidt ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 110-1, 4°, du code de commerce.

Com., 29 janvier 2020, n° 19-12.584, (P)

Rejet

Définition – Société commerciale – Associé fondateur – Mandataire social – Contrats commerciaux signés au nom et pour le compte de la personne morale (non)

Des contrats commerciaux signés par l'associé fondateur d'une société en sa qualité de mandataire social au nom et pour le compte de la personne morale ne s'analysent pas à son égard en des actes de commerce.

 Les seuls actes de cession du contrôle d'une société et de souscription d'une garantie d'actif et de passif à l'occasion de ce transfert de contrôle ne suffisent pas, du fait de leur nombre limité, à démontrer que celui qui accomplit ces actes de commerce en a fait sa profession habituelle au sens de l'article L. 121-1 du code de commerce.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 novembre 2018), M. Y... et l'EURL Un Élément ont cédé la totalité des actions de la société par actions simplifiée Entities (la société Entities) à la société DP Logiciels.

2. Estimant avoir été trompée sur l'état de la société Entities, la société cessionnaire a assigné les cédants devant le tribunal de commerce de Paris en application d'une clause attributive de juridiction stipulée dans l'acte de cession.

3. M. Y... et l'EURL Un Élément ont soulevé l'incompétence de ce tribunal au profit du tribunal de commerce de Rennes, en contestant l'application de la clause attributive de juridiction, faute pour M. Y... d'avoir la qualité de commerçant.

Examen du moyen

Énoncé du moyen

4. La société DP Logiciels fait grief à l'arrêt de dire que le tribunal de commerce de Paris est incompétent au profit de celui de Rennes alors « qu'a la qualité de commerçant celui qui exerce des actes de commerce et en fait sa profession habituelle ; que doit être considéré comme commerçant l'associé fondateur d'une société commerciale, qui participe à l'exploitation de cette entreprise à titre professionnel, en cède le contrôle et souscrit, à l'occasion de la cession, une garantie d'actif et de passif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. Y... était l'un des trois fondateurs de la société Entities, qu'il en avait cédé le contrôle à la société DP Logiciels et avait contracté une garantie d'actif et de passif ; que la cour d'appel a encore constaté que M. Y... avait fondé la société commerciale Un Élément dont il était l'associé unique et le gérant ; que pour écarter la qualité de commerçant de M. Y..., la cour d'appel a considéré que les actes d'exploitation de la société Entities accomplis par celui-ci l'avaient été en qualité de mandataire social puis de mandataire ; qu'en statuant par un tel motif, dont il résultait au contraire que M. Y... avait participé à l'exploitation de la société Entities à titre professionnel, et qu'il accomplissait ainsi des actes de commerce à titre de profession habituelle, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 48 du code de procédure civile et L. 121-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a tout d'abord exactement retenu que les différents contrats commerciaux signés par M. Y... avec les clients des sociétés Entities et Un élément ne s'analysaient pas à son égard en des actes de commerce, dès lors qu'ils l'ont été en sa qualité de mandataire social pour le compte de ces entités et non pour son compte personnel.

6. Elle a ensuite constaté que les seuls actes de commerce accomplis par M. Y... étaient constitués par l'acte de cession ayant conféré le contrôle de la société cédée et la signature d'une garantie d'actif et de passif à l'occasion de ce transfert de contrôle, et en a, à bon droit, déduit que ces actes ne suffisaient pas, du fait de leur nombre limité, à démontrer que M. Y... en avait fait sa profession habituelle, de sorte qu'il n'était pas commerçant.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : M. Ponsot - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article L. 110-1 4° du code de commerce.

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