Numéro 1 - Janvier 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2019

SUCCESSION

1re Civ., 16 janvier 2019, n° 18-11.916, (P)

Rejet

Acceptation – Acceptation à concurrence de l'actif net – Publication BODACC – Effets – Effets à l'égard des créanciers de la succession – Déclaration des créances – Domaine d'application – Créances dont le montant n'est pas encore définitivement fixé – Déclaration à titre provisionnel

Selon les articles 788 et 792 du code civil, lorsque la succession a été acceptée par l'héritier à concurrence de l'actif net, les créanciers de la succession doivent déclarer leurs créances en notifiant leur titre au domicile élu de la succession, dans un délai de quinze mois à compter de la publication nationale dont fait l'objet la déclaration d'acceptation de la succession.

Cette obligation s'impose également pour les créances dont le montant n'est pas encore définitivement fixé, qui sont alors déclarées à titre provisionnel sur la base d'une évaluation.

Une notification adressée à un autre domicile que le domicile élu n'est pas valable.

Acceptation – Acceptation à concurrence de l'actif net – Publication BODACC – Effets – Effets à l'égard des créanciers de la succession – Déclaration des créances – Délai – Point de départ – Détermination

Acceptation – Acceptation à concurrence de l'actif net – Créanciers de la succession – Déclaration des créances – Forme – Notification du titre – Autre domicile que le domicile élu de la succession – Validité (non)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 1er décembre 2017), rendu sur renvoi après cassation (Com., 5 mai 2015, pourvoi n° 14-50.035), que M. Z... a été mis en redressement puis liquidation judiciaires, Christophe X... étant désigné, d'abord, représentant des créanciers, puis liquidateur ; que M. B..., agissant en qualité de mandataire ad hoc de M. Z..., a assigné celui-ci en responsabilité civile ; que Christophe X... est décédé en cours de procédure, en laissant pour lui succéder ses deux fils, MM. G... et F... X..., dont la déclaration d'acceptation de la succession à concurrence de l'actif net a été déposée au greffe du tribunal de grande instance le 22 mai 2014, publiée au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc) le 23 mai, et régulièrement suivie de l'inventaire ; que la liquidation judiciaire de M. Z... ayant été clôturée pour insuffisance d'actif, la société Hirou a été désignée pour poursuivre l'instance ;

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et quatrième branches :

Attendu que M. Z... et la société Hirou font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'action en responsabilité engagée par M. Z... à l'encontre de MM. G... et F... X..., pris en leur qualité d'héritiers de la succession de Christophe X..., alors, selon le moyen :

1°/ qu'il résulte de l'article 792 du code civil qu'en cas d'acceptation d'une succession à concurrence de l'actif net, les créanciers successoraux sont tenus de déclarer leurs créances en notifiant leur titre au domicile élu de la succession ; qu'il en résulte que l'obligation de déclaration ne s'impose qu'aux créanciers disposant d'un titre et d'une créance certaine en son principe ; qu'en déclarant irrecevable l'action en paiement engagée par M. Z... au motif que celui-ci n'avait pas déclaré sa créance au passif de la succession de Christophe X... dans les conditions prévues par l'article 792 du code civil, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que M. Z... ne disposait d'aucun titre ni d'aucune créance certaine en son principe puisque l'instance qu'il avait engagée à l'encontre de Christophe X..., puis de ses héritiers, était en cours, la cour d'appel a violé l'article 792 du code civil ;

2°/ que si, aux termes de l'article 792 du code civil, les créanciers d'un défunt dont la succession a été acceptée à concurrence de l'actif net doivent, sous peine d'extinction de leur(s) créance(s), déclarer ces dernières au passif de la succession et notifier leur titre dans un délai de quinze mois suivant la publication de la déclaration d'acceptation de la succession, il résulte de cette même disposition que cette déclaration n'est soumise à aucune condition de forme ou de contenu ; que l'absence de notification de cette déclaration à domicile élu ne prive pas la déclaration effectuée d'efficacité ; qu'en jugeant toutefois que l'assignation en paiement adressée par M. Z... aux héritiers acceptant était sans effet et ne pouvait valoir déclaration de créance au sens de l'article 792 du code civil au motif qu'elle n'avait pas été faite à domicile élu, la cour d'appel a violé l'article 792 du code civil ;

3°/ que la déclaration de créance de l'article 792 du code civil n'est soumise à aucune condition de forme ou de contenu ; qu'il importe simplement que le créancier ait manifesté de façon claire et non équivoque son intention de se faire payer ; qu'en jugeant que par sa nature même l'assignation délivrée par M. Z... aux héritiers acceptants ne pouvait valoir déclaration de créance, quand la déclaration visée par l'article 792 du code civil n'est soumise à aucune condition de forme et qu'elle pouvait prendre la forme d'une assignation à condition de matérialiser l'intention claire du créancier d'être payé de sa créance, ce qu'il appartenait à la cour d'appel de rechercher, la cour a violé l'article 792 du code civil ;

Mais attendu que, selon les articles 788 et 792 du code civil, lorsque la succession a été acceptée par un héritier à concurrence de l'actif net, les créanciers de la succession doivent déclarer leurs créances en notifiant leur titre au domicile élu de la succession ; que les créances dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées à titre provisionnel sur la base d'une évaluation ; que, faute de déclaration dans un délai de quinze mois à compter de la publicité nationale dont fait l'objet la déclaration d'acceptation de succession, les créances non assorties de sûreté sur les biens de la succession sont éteintes à l'égard celle-ci ;

Et attendu qu'ayant relevé que l'avis publié au Bodacc portait mention du domicile élu de la succession de Christophe X... dans un cabinet d'avocats et que M. Z... s'était borné, le 10 août 2015, à délivrer une assignation en paiement à MM. X..., et retenu, à bon droit, qu'il importait peu que la créance invoquée n'ait pas encore été consacrée par un titre dès lors que la déclaration à titre provisionnel est admise et que la déclaration de créance ayant pour but de déterminer de manière précise l'actif et le passif de la succession, les créanciers ne pouvaient s'y soustraire en rapportant la preuve de ce que les héritiers étaient informés de leur créance, la cour d'appel en a exactement déduit que l'assignation, délivrée en méconnaissance de la procédure spécifique instituée, ne pouvait valoir déclaration de créance, au sens de l'article 792 du code civil, qu'en conséquence toute créance que M. Z... aurait été susceptible de revendiquer à l'encontre de la succession était éteinte et que, faute de pouvoir réclamer des dommages-intérêts à la succession, son action en responsabilité devait être déclarée irrecevable ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les troisième, cinquième et sixième branches du moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Auroy - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Articles 788 et 792 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur la conformité de l'article 792, alinéa 2, du code civil à la Constitution, cf. : Cons. const., 5 octobre 2016, décision n° 2016-574/575/576/577/578 QPC. Sur la nécessité de déclarer les créances en notifiant le titre au domicile élu de la succession, à rapprocher : 1re Civ., 8 mars 2017, pourvoi n° 16-14.360, Bull. 2017, I, n° 59 (cassation).

1re Civ., 30 janvier 2019, n° 18-13.526, (P)

Cassation partielle

Conjoint successible – Droit à pension – Conditions – Etat de besoin du conjoint – Constatation suffisante

Il résulte de l'article 767 du code civil que la succession de l'époux prédécédé doit une pension au conjoint successible qui est dans le besoin, celle-ci devant être prélevée sur la succession.

En conséquence, viole ce texte par ajout d'une condition à la loi, la cour d'appel qui ayant constaté l'état de besoin du conjoint, rejette sa demande tendant à l'attribution d'une telle pension, en retenant que la succession se trouvant être détentrice uniquement de droits sur un bien non mobilisable, il s'en évince que les ressources de la succession ne permettent pas de régler la pension sollicitée.

Sur le moyen unique :

Vu l'article 767 du code civil ;

Attendu, selon ce texte, que la succession de l'époux prédécédé doit une pension au conjoint successible qui est dans le besoin et que cette pension alimentaire est prélevée sur la succession ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Karim X... Y... est décédé le [...], en l'état d'un testament olographe instituant ses deux frères, MM. Z... et Samir X... Y..., légataires universels et exhérédant Mme C... X... Y..., son épouse, de ses droits légaux dans la succession ; que celle-ci, se prévalant d'un état de besoin, les a assignés le 12 mai 2015 en fixation d'une pension alimentaire à la charge de la succession, sur le fondement de l'article 767 du code civil ;

Attendu que, pour rejeter sa demande, après avoir constaté l'état de besoin de l'épouse, l'arrêt relève que la déclaration de succession laisse apparaître un actif net de 17 611,50 euros, composé principalement des droits indivis de MM. Z... et Samir X... Y... sur un immeuble dont l'un d'eux jouit actuellement pour y loger sa famille, que la succession se trouve ainsi détentrice de droits sur un bien non mobilisable et qu'il s'évince de ces éléments que les ressources de la succession ne permettent pas à celle-ci de régler la pension sollicitée ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté une condition à la loi, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande principale de Mme C... X... Y..., l'arrêt rendu le 11 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Reynis - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article 767 du code civil.

1re Civ., 30 janvier 2019, n° 18-10.002, (P)

Cassation

Conjoint successible – Droits légaux de succession – Droit viager au logement – Bénéfice – Exclusion – Cas – Bien dont l'époux décédé était dessaisi par l'effet de la procédure de liquidation judiciaire le concernant à la date de son décès

Il résulte de l'article L. 622-9 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, que la décision ordonnant la reprise d'une procédure de liquidation judiciaire, après une période de suspension prononcée sur le fondement de l'article 100 de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997, déclaré inconstitutionnel par décision du 27 janvier 2012 du Conseil constitutionnel, produit ses effets rétroactivement pour tous les actifs qui faisaient partie du patrimoine du débiteur initialement soumis à la procédure de liquidation judiciaire et qui n'avaient pas été réalisés à la date de la suspension.

En conséquence, le conjoint survivant ne peut bénéficier du droit viager d'habitation et d'usage prévu à l'article 764 du code civil portant sur un bien dont l'époux décédé était dessaisi par l'effet de la procédure de liquidation judiciaire le concernant à la date de son décès.

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'André A..., agriculteur, a été placé en liquidation judiciaire le 16 décembre 1993 ; que celui-ci ayant obtenu, en sa qualité de rapatrié d'Algérie, le bénéfice des dispositions de l'article 100 de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997, le juge-commissaire a, le 17 février 2001, ordonné la suspension des effets et du déroulement de cette procédure jusqu'à décision définitive de l'autorité administrative compétente ; qu'André A... est décédé le [...], laissant pour lui succéder son épouse, Mme Z..., et son fils ; qu'à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 27 janvier 2012 déclarant inconstitutionnel le texte susvisé, un jugement a ordonné la reprise de la procédure et le juge-commissaire a autorisé la vente d'un domaine rural dépendant de l'actif de la liquidation judiciaire ; que la Safer d'Auvergne a acquis ce bien par jugement d'adjudication du 17 avril 2014 et l'a revendu le 18 juin 2015 à M. et Mme X... ; que ceux-ci ont assigné Mme Z..., qui occupe la maison principale du domaine, en expulsion ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article L. 622-9 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, applicable en la cause, et l'article 764 du code civil ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée, les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine étant exercés, pendant toute la durée de la liquidation judiciaire, par le liquidateur ; que, selon le second, sauf volonté contraire du défunt exprimée dans les conditions de l'article 971 du code civil, le conjoint successible qui occupait effectivement, à l'époque du décès, à titre d'habitation principale, un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, a sur ce logement, jusqu'à son décès, un droit d'habitation et un droit d'usage sur le mobilier, compris dans la succession, le garnissant ;

Attendu que, pour dire que Mme Z... a, jusqu'à son décès, un droit d'habitation sur le logement et un droit d'usage sur le mobilier compris dans la succession d'André A..., l'arrêt retient que les décisions judiciaires irrévocables rendues au profit de ce dernier sur le fondement de la loi du 30 décembre 1997, aboutissant à ne pas le dessaisir de la gestion de ses biens, ne peuvent pas être remises en cause, par application du principe de non-rétroactivité, en ce qu'elles ont permis à Mme Z... de bénéficier de ces droits, à titre de conjoint survivant ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la décision du 5 juillet 2012 ordonnant la reprise de la procédure de liquidation judiciaire, après la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 100 de la loi du 30 décembre 1997 par décision du 27 janvier 2012 du Conseil constitutionnel, avait produit ses effets rétroactivement pour tous les actifs qui faisaient partie du patrimoine du débiteur initialement soumis à la procédure de liquidation judiciaire et qui n'avaient pas été réalisés à la date de la suspension, dont le logement occupé par Mme Z..., de sorte qu'André A... en était dessaisi à la date de son décès, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Reygner - Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia ; Me Rémy-Corlay -

Textes visés :

Article L. 622-9 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ; article 764 du code civil.

1re Civ., 30 janvier 2019, n° 18-10.164, (P)

Rejet

Enfant adultérin – Droits successoraux – Loi du 3 décembre 2001 – Application dans le temps – Application aux situations en cours – Successions ouvertes n'ayant pas donné lieu à partage – Partage – Cas – Succession liquidée comportant un unique héritier

Lorsqu'il n'existe qu'un unique héritier, la succession liquidée vaut partage. Il en résulte que les dispositions de la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001, dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, relatives aux nouveaux droits successoraux des enfants naturels, qui, selon l'article 25 de cette loi, ne sont applicables aux successions ouvertes à la date de publication de cette loi que si celles-ci n'ont pas donné lieu, avant le 4 décembre 2001, à partage, ne sont également pas applicables aux successions liquidées avant cette date lorsqu'elles ne comportent qu'un seul héritier.

L'exclusion d'un enfant adultérin du bénéfice de la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001, qui, tout en abolissant l'infériorité successorale de ces enfants, poursuit le but légitime de garantir le principe de sécurité juridique et les droits acquis de longue date par les héritiers, ne porte pas une atteinte excessive aux droits garantis par les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du Protocole n° 1, lorsqu'un héritier a pris possession des biens dépendant de la succession litigieuse plus de trente ans au moins avant l'entrée en vigueur de cette loi et alors qu'à cette date, l'enfant adultérin ne pouvait se prévaloir de la qualité d'héritier.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 novembre 2017), et les productions, qu'D... A..., peintre et sculpteur, est décédé le [...], en laissant pour lui succéder son épouse, Valentine E..., et en l'état d'un testament authentique du 20 mai 1964 et d'un testament olographe du 13 septembre 1967 confirmant la donation de la pleine propriété de l'universalité des biens composant sa succession qu'il avait consentie à celle-ci par acte notarié du 16 avril 1941 ; que Valentine E... est décédée le [...], en l'état d'un testament olographe du 18 août 1979 et de deux codicilles des 17 juillet et 12 août 1980, instituant la ville de Paris légataire universelle ; qu'un jugement du 1er mars 1983 a déclaré que M. Nicolas X..., né le [...], était le fils d'D... A... ; qu'[...], M. X... a assigné la ville de Paris pour faire juger qu'en sa qualité de légataire universelle, elle avait l'obligation de promouvoir la mémoire et le nom d'D... A... et qu'elle avait porté atteinte au nom de l'artiste en consacrant le musée portant son nom à l'oeuvre de tiers ; qu'au cours de l'instance d'appel, M. X... a demandé de constater que son existence avait volontairement été dissimulée lors des opérations liées à la succession d'D... A..., plus généralement l'existence d'une fraude successorale ayant corrompu tous les actes de la succession d'D... A..., de juger que Valentine E... n'avait pas été envoyée en possession, qu'elle n'avait pas eu la saisine lui permettant d'instituer la ville de Paris légataire universelle, que celle-ci n'avait pas valablement été instituée légataire universelle dans des conditions de conformité lui permettant de revendiquer cette qualité et qu'il est titulaire du droit de divulgation de l'oeuvre d'D... A... et des droits patrimoniaux dans la succession de son père ; qu'un arrêt du 21 septembre 2011 a déclaré irrecevables les demandes présentées par M. X... au titre des droits patrimoniaux dans la succession d'D... A..., dit que la ville de Paris est seule titulaire du droit moral de l'artiste, tel que prévu à l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle, décidé que M. X... était seul titulaire du droit de divulgation de l'oeuvre de l'auteur, prévu à l'article L. 121-2 de ce même code, et rejeté les autres demandes ; que, le 19 janvier 2015, M. X... a assigné la ville de Paris ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes tendant à voir constater que son existence a été volontairement dissimulée lors des opérations liées à la succession d'D... A..., qu'une fraude successorale a corrompu tous les actes de la succession, que Valentine E... n'a pas été envoyée en possession, qu'elle n'a pas eu la saisine lui permettant d'instituer la ville de Paris légataire universelle et à voir juger que celle-ci n'a pas été valablement instituée légataire universelle dans des conditions de conformité qui lui permettraient de revendiquer cette qualité, encore moins d'exclure totalement le seul fils d'D... A... alors, selon le moyen :

1°/ que les motifs d'un jugement, seraient-ils le soutien nécessaire du dispositif, n'ont pas l'autorité de la chose jugée ; qu'en retenant, pour juger irrecevables les demandes de M. X... tendant à contester la qualité de légataires universelles de Valentine E... et de la ville de Paris, que les motifs de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 21 septembre 2011 avaient « nécessairement reconnu à Valentine E..., la qualité de légataire universelle d'D... A..., et à la ville de Paris, celle de légataire universelle de Valentine E... », et que cette décision avait acquis « l'autorité de la chose jugée, dès lors que la Cour de cassation a[vait], dans son arrêt du 15 mai 2013, rejeté les pourvois formés à l'encontre de l'arrêt du 21 septembre 2011 [après avoir énoncé que ce dernier arrêt avait] rappelé, à bon droit, que le légataire universel a vocation à recevoir l'universalité héréditaire, et en particulier, à devenir titulaire, même en présence d'héritiers réservataires, du droit moral de l'artiste, et constaté qu'D... A... avait institué Valentine E... légataire universelle, [de sorte que] la cour d'appel en a[vait] exactement déduit que cette dernière [étai]t titulaire du droit moral de l'auteur tel que prévu par l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle », quand le dispositif de l'arrêt du 21 septembre 2011 se borne à déclarer la ville de Paris seule titulaire du droit moral d'D... A..., tel que prévu à l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle et à déclarer en conséquence irrecevables les demandes de M. X... à ce titre, sans comporter de chef consacrant les qualités de légataires universelles de Valentine E... et de la ville de Paris, la cour d'appel a violé les articles 455, alinéa 2, et 480 du code de procédure civile ;

2°/ que l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; qu'en retenant, pour juger irrecevables les demandes de M. X... tendant à contester la qualité de légataires universelles de Valentine E... et de la ville de Paris, que les motifs de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 21 septembre 2011 avaient « nécessairement reconnu à Valentine E..., la qualité de légataire universelle d'D... A..., et à la ville de Paris, celle de légataire universelle de Valentine E... », et que cette décision avait acquis « l'autorité de la chose jugée, dès lors que la Cour de cassation a[vait], dans son arrêt du 15 mai 2013, rejeté les pourvois formés à l'encontre de l'arrêt du 21 septembre 2011 [après avoir énoncé que ce dernier arrêt avait] rappelé, à bon droit, que le légataire universel a vocation à recevoir l'universalité héréditaire, et en particulier, à devenir titulaire, même en présence d'héritiers réservataires, du droit moral de l'artiste, et constaté qu'D... A... avait institué Valentine E... légataire universelle, [de sorte que] la cour d'appel en a[vait] exactement déduit que cette dernière [étai]t titulaire du droit moral de l'auteur tel que prévu par l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle », tout en constatant que l'arrêt du 21 septembre 2011 avait déclaré irrecevables, comme nouvelles en cause d'appel, les demandes de M. X... tendant à la reconnaissance de ses droits patrimoniaux et que les motifs du même arrêt les jugeant mal fondées avaient été jugés surabondants par l'arrêt de la Cour de cassation du 15 mai 2013, ce dont il résultait que les qualités de légataires universelles de Valentine E... et de la ville de Paris n'avaient été appréciées par l'arrêt du 21 septembre 2011 que pour statuer sur la demande de M. X... ayant pour objet la reconnaissance d'un droit moral, de sorte qu'il était dépourvu d'autorité de chose jugée relativement aux demandes ayant pour objet la reconnaissance de droits patrimoniaux, la cour d'appel a violé l'article 1351, devenu 1355 du code civil, ensemble l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ que l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt ayant déclaré irrecevable une demande, comme formée pour la première fois en cause d'appel, n'interdit pas à son auteur d'introduire celle-ci dans une nouvelle instance devant les juges du premier degré ; qu'en retenant, pour juger irrecevables les demandes de M. X... tendant à contester la qualité de légataires universelles de Valentine E... et de la ville de Paris, que les motifs de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 21 septembre 2011 avaient « nécessairement reconnu à Valentine E..., la qualité de légataire universelle d'D... A..., et à la ville de Paris, celle de légataire universelle de Valentine E... », et que cette décision avait acquis « l'autorité de la chose jugée, dès lors que la Cour de cassation a[vait], dans son arrêt du 15 mai 2013, rejeté les pourvois formés à l'encontre de l'arrêt du 21 septembre 2011 [après avoir énoncé que ce dernier arrêt avait] rappelé, à bon droit, que le légataire universel a vocation à recevoir l'universalité héréditaire, et en particulier, à devenir titulaire, même en présence d'héritiers réservataires, du droit moral de l'artiste, et constaté qu'D... A... avait institué Valentine E... légataire universelle, [de sorte que] la cour d'appel en a[vait] exactement déduit que cette dernière [étai]t titulaire du droit moral de l'auteur tel que prévu par l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle », tout en constatant que l'arrêt du 21 septembre 2011 avait déclaré irrecevables, comme nouvelles en cause d'appel, les demandes de M. X... tendant à la reconnaissance de ses droits patrimoniaux, ce dont il résultait que cette décision ne faisait pas obstacle à ce que M. X... conteste les qualités de légataires universelles de Valentine E... et de la ville de Paris au soutient d'une demande tendant à la reconnaissance de ses droits patrimoniaux dans la succession de son père portée devant la juridiction du premier degré, la cour d'appel a violé les articles 1351, devenu 1355, du code civil et 480 du code de procédure civile, ensemble l'article 564 de ce code ;

Mais attendu qu'il n'est pas interdit au juge appelé à se prononcer sur les suites d'une décision de s'appuyer sur les motifs de celle-ci pour éclairer la portée de son dispositif ; que l'arrêt relève que l'arrêt du 21 septembre 2011 a dit que la ville de Paris était titulaire du droit moral et rejeté les demandes de M. X... après avoir constaté que la ville de Paris produisait la copie d'un acte authentique par lequel D... A... avait consenti à Valentine E... une donation, à son décès, de la propriété de l'universalité de ses biens composant sa succession, deux testaments confirmant cette donation, un testament du 18 août 1979 et ses deux codicilles par lesquels Valentine E... avait institué la ville de Paris légataire universelle, l'ordonnance d'envoi en possession de celle-ci, et retenu que l'absence d'envoi en possession de Valentine E... était inopérante ; qu'en l'état de ses constatations et appréciations, la cour d'appel a exactement décidé que les demandes de M. X... tendant à ce qu'il soit jugé que Valentine E... et la ville de Paris n'avaient pas valablement été instituées légataires universelles dans des conditions de conformité permettant à cette dernière de revendiquer cette qualité se heurtaient à l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt du 21 septembre 2011 ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable ses demandes tendant à voir juger qu'il a la qualité d'héritier d'D... A... en application de l'article 25, II, 2°, de la loi du 3 décembre 2001, qu'il est titulaire de l'ensemble des biens meubles et immeubles que lui confère sa qualité d'héritier, et des droits patrimoniaux sur l'oeuvre d'D... A... et à la désignation d'un notaire pour procéder aux opérations de liquidation et de partage de la succession alors, selon le moyen :

1°/ que la prescription ne peut commencer à courir avant même que l'action ne soit née ; que seule l'entrée en vigueur de la loi n° [...] du [...] a ouvert aux enfants adultérins la possibilité de revendiquer des droits dans la succession du parent auteur de l'adultère décédé avant l'entrée en vigueur de la loi du [...], dès lors que l'article 25 de la loi du 3 décembre 2001 prévoit l'application des dispositions relatives aux nouveaux droits successoraux des enfants dont le père ou la mère était, au temps de la conception, engagé dans les liens du mariage, aux successions ouvertes et non encore partagées avant la date de sa publication, tandis que l'article 14 de la loi du 3 janvier 1972, qui prévoit que les droits successoraux qu'elle institue ne peuvent être exercés dans les successions ouvertes avant son entrée en vigueur, interdisait une telle revendication ; qu'en considérant, pour dire prescrites les demandes formulées par M. X..., que l'article 25 de la loi du 3 décembre 2001 ne régit que les conditions de son application, en particulier pour les successions déjà ouvertes au jour de son entrée en vigueur, et ne comporte aucune disposition modificative ou exonératoire des règles de prescription, quand M. X... n'a bénéficié, en sa qualité d'enfant adultérin d'D... A... décédé le [...], d'aucune vocation successorale avant la reconnaissance de celle-ci par la loi du 3 décembre 2001, et était, avant sa publication, dans l'impossibilité de revendiquer un quelconque droit à l'encontre de l'indivision successorale, de sorte qu'aucun délai de prescription n'avait commencé à courir avant cette date, la cour d'appel a violé les articles 25 de la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2006-728 du 22 juin 2006 et 2257 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité absolue d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi ; qu'en jugeant prescrite l'action de M. X... tendant à la reconnaissance de ses droits patrimoniaux, motif pris qu'à la date de sa demande formée par voie de conclusions signifiées le 7 avril 2010, plus de trente ans s'étaient écoulés depuis sa majorité intervenue le 6 mars 1978, quand il résultait de ses propres constatations que M. X... n'avait vu sa filiation reconnue que par jugement du 1er mars 1983, qui seul lui avait conféré qualité et intérêt à agir, de sorte que ni l'ancien délai trentenaire de prescription ni le nouveau délai quinquennal courant à compter de l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 n'était écoulé au jour de l'exercice de son action, la cour d'appel a violé les articles 2257 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et 2224 du même code dans sa rédaction issue de cette même loi ;

3°/ qu'une inégalité successorale fondée sur la naissance hors mariage est incompatible avec les droits garantis par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en considérant que l'action de M. X... était prescrite pour ne pas avoir été exercée dans les trente ans de sa majorité intervenue le 6 mars 1978, quand la consécration de ses droits successoraux par la loi du 3 décembre 2001 ne lui avait conféré, pour agir afin de les faire reconnaître, qu'un délai de moins de sept ans, inférieur de plus de vingt-trois ans à celui dont aurait bénéficié un enfant légitime ou naturel simple, la cour d'appel a violé les articles 1er du Protocole n° 1, 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu, d'une part, que, selon l'article 25, II, 2°, de la loi du 3 décembre 2001, dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, les dispositions de ce texte relatives aux nouveaux droits successoraux des enfants naturels ne sont applicables aux successions ouvertes à la date de publication de cette loi que si celles-ci n'ont pas donné lieu à partage avant le 4 décembre 2001 ; que, lorsqu'il n'existe qu'un unique héritier, la succession liquidée vaut partage ; qu'il en résulte que la succession d'D... A... ayant été liquidée avant le 4 décembre 2001 dès lors que Valentine E..., qui était alors son unique héritière, a accompli avant cette date des actes de propriétaire sur les biens recueillis, M. X... n'a pu se voir reconnaître des droits dans la succession de son auteur ; que par ce motif de pur droit, suggéré en défense, l'arrêt se trouve légalement justifié de ce chef ;

Et attendu, d'autre part, que Valentine E... a pris possession des biens dépendant de la succession d'D... A... plus de trente ans au moins avant l'entrée en vigueur de la loi du 3 décembre 2001 ayant aboli l'infériorité successorale de l'enfant adultérin ; qu'à cette date, M. X... ne pouvait se prévaloir de la qualité d'héritier ; que, dès lors, son exclusion du bénéfice de cette loi, qui poursuit le but légitime de garantir le principe de sécurité juridique et les droits acquis de longue date par les héritiers, n'a pas porté une atteinte excessive à ses droits garantis par les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du Protocole n° 1 ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Vigneau - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du Protocole n° 1 ; article 25, II, 2°, de la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001, dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 22 mars 2017, pourvoi n° 16-13.946, Bull. 2017, I, n° 71 (rejet), et l'arrêt cité.

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