Numéro 1 - Janvier 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2019

SECURITE SOCIALE

2e Civ., 24 janvier 2019, n° 17-28.847, (P)

Cassation partielle

Caisse – Créances – Prestations indues – Recouvrement – Contestation par l'assuré du caractère indu – Délai – Point de départ – Détermination – Portée

Selon l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, en cas d'inobservation des règles de tarification ou de facturation, l'action en recouvrement s'ouvre par l'envoi au professionnel ou à l'établissement d'une notification de payer le montant réclamé ou de produire, le cas échéant, leurs observations ; en cas de rejet total ou partiel des observations de l'intéressé, le directeur de l'organisme d'assurance maladie lui adresse, par lettre recommandée, une mise en demeure de payer dans le délai d'un mois ; lorsque la mise en demeure reste sans effet, le directeur de l'organisme peut délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale, comporte tous les effets d'un jugement. Il se déduit de ces dispositions que si le professionnel de santé peut saisir la commission de recours amiable d'une contestation contre la notification de payer qui lui est adressée, il lui est également possible d'attendre la notification de la mise en demeure pour contester, devant cette même commission, le bien-fondé de l'indu.

Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, qu'à la suite d'un contrôle de la facturation des actes dispensés par Mme X..., infirmière libérale, la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (la caisse) a notifié à cette dernière, le 24 avril 2015, un indu en raison d'anomalies de facturation, puis, le 31 août 2015, une mise en demeure ; que Mme X... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la caisse fait grief au jugement d'accueillir le recours, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en matière d'inobservation de la Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP), la procédure de recouvrement de l'indu obéit aux seules dispositions de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale ; qu'il suit de là qu'en se fondant sur les dispositions des articles L. 142-1 et R. 142-1 du code de la sécurité sociale pour affirmer qu'il est possible d'attendre la notification de la mise en demeure pour contester devant la commission de recours amiable et devant le tribunal le bien-fondé d'une demande de remboursement d'indu, le tribunal des affaires de sécurité sociale a violé, par refus d'application, l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que le professionnel, qui n'a pas contesté la notification de payer devant la commission de recours amiable dans le délai de deux mois imparti par l'article R. 142-1, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, est forclos pour contester le bien-fondé de l'indu au stade de la mise en demeure ; qu'en jugeant au contraire qu'il est possible d'attendre la notification de la mise en demeure pour contester devant la commission de recours amiable et devant le tribunal le bien-fondé d'une demande de remboursement d'indu, le tribunal des affaires de sécurité sociale a violé les articles R. 133-9-1 et R. 133-9-2 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue du décret n° 2012-1032 du 7 septembre 2012, ensemble les articles L. 133-4 et R. 142-1, alinéa 2, du code de la sécurité sociale ;

3°/ que tout jugement doit être motivé ; qu'en écartant les dispositions de la Lettre Réseau LR/DDGOS/10/2013, § 1.3 du 26 février 2013, aux motifs que les circulaires n'ont pas vocation à ajouter des nouvelles normes juridiques, les rédacteurs de ce type de documents ne disposant pas d'un pouvoir réglementaire, le tribunal des affaires de sécurité sociale, qui a statué par des motifs impropres à déterminer la valeur juridique de la circulaire invoquée par la CNMSS, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que, selon l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, en cas d'inobservation des règles de tarification ou de facturation, l'action en recouvrement s'ouvre par l'envoi au professionnel ou à l'établissement d'une notification de payer le montant réclamé ou de produire, le cas échéant, leurs observations ; qu'en cas de rejet total ou partiel des observations de l'intéressé, le directeur de l'organisme d'assurance maladie lui adresse, par lettre recommandée, une mise en demeure de payer dans le délai d'un mois ; que lorsque la mise en demeure reste sans effet, le directeur de l'organisme peut délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, comporte tous les effets d'un jugement ; qu'il se déduit de ces dispositions, seules applicables, que si le professionnel de santé peut saisir la commission de recours amiable d'une contestation contre la notification de payer qui lui est adressée, il lui est également possible d'attendre la notification de la mise en demeure pour contester, devant cette même commission, le bien-fondé de l'indu ;

Et attendu que le jugement constate que Mme X... a saisi le 25 septembre 2015 la commission de recours amiable de la caisse d'une contestation à l'encontre de la mise en demeure qui lui avait été adressée le 31 août 2015 ;

Que par ces motifs de pur droit, substitués d'office à ceux critiqués par le moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée ;

Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 23.2 de la nomenclature générale des actes professionnels annexée à l'arrêté du 27 mars 1972 modifié ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que la prise en charge des soins inscrits au titre XVI à un patient en soins palliatifs, réalisés à domicile, donne lieu à la majoration de coordination infirmier (MCI) ; que la prise en charge en soins palliatifs est définie comme la prise en charge d'un patient ayant une pathologie grave, évolutive, mettant en jeu le pronostic vital, visant à soulager la douleur et l'ensemble des symptômes digestifs, respiratoires, neurologiques et autres, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage ;

Attendu que pour accueillir le recours, le jugement retient que ni le code de la sécurité sociale, ni la nomenclature générale des actes professionnels ne prévoient pour la mise en oeuvre de la majoration de coordination infirmier l'existence d'un accord préalable du service du contrôle médical ; que le médecin conseil en réponse aux pièces produites par Mme X... a indiqué qu'il ne contestait pas l'existence d'une polypathologie mais le fait qu'il s'agisse d'un stade terminal qui aurait justifié une prise en charge en soins palliatifs ; que cependant, les pièces produites par Mme X... indiquent que le patient nécessitait trois passages par jour à son domicile ; qu'il convient de souligner que la prescription établie par le docteur B..., médecin traitant du patient, prévoyant la mise en oeuvre de ces soins pour la période du 1er septembre 2013 au 31 septembre 2014, indique qu'il s'agit de soins palliatifs ; que cet élément est confirmé par l'attestation établie par le docteur B... qui précise que le patient « présente de lourdes pathologies avec aggravation nette de l'état général à partir d'août 2013, où une prise en charge à domicile a été effectuée avec soins par IDE correspondant à des soins palliatifs » ; qu'ainsi, il ressort des éléments produits par Mme X... que le médecin traitant du patient a prescrit une série de soins qu'il a considérés comme des soins palliatifs, au regard de l'état du patient et de la nature des soins prescrits ; qu'il convient de constater que Mme X... a délivré au patient des soins conformes à ce qui a été prescrit par le médecin traitant et qu'elle a appliqué la cotation prévue par la nomenclature générale des actes professionnels compte tenu de la prescription médicale ; qu'ainsi, en l'absence de disposition imposant la mise en oeuvre d'un contrôle du service médical et d'une entente préalable, la caisse ne peut pas refuser de rembourser des soins qui ont été effectués et tarifiés conformément à la prescription médicale ;

Qu'en statuant ainsi, par des considérations insuffisantes à caractériser la nature de soins palliatifs, au sens du texte susvisé, des actes litigieux, le tribunal des affaires de la sécurité sociale a violé ce dernier ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré recevable le recours de Mme X..., le jugement rendu le 4 octobre 2017, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Tulle ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance de Guéret.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Vieillard - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer -

Textes visés :

Article L. 133-4 du code de la sécurité sociale.

2e Civ., 24 janvier 2019, n° 18-10.160, (P)

Rejet

Financement – Contribution à la charge des établissements de vente en gros de spécialités pharmaceutiques et des entreprises assurant l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques – Seconde part – Assiette – Détermination – Cas – Fusion-absorption de sociétés assujetties à la contribution

Selon l'article L. 138-2, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013, la contribution à la charge des établissements de vente en gros de spécialités pharmaceutiques et des entreprises assurant l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques est composée de deux parts, la première constituée par le chiffre d'affaires hors taxes réalisé par l'entreprise au cours de l'année civile, la seconde par la différence entre le chiffre d'affaires hors taxes réalisé au cours de l'année civile et celui réalisé l'année civile précédente. Il résulte de ces dispositions qu'en cas de fusion/absorption d'une entreprise assujettie à la contribution par une entreprise également assujettie à celle-ci, la seconde part est constituée par la différence entre le chiffre d'affaires hors taxes réalisé par l'entreprise absorbante et la somme des chiffres d'affaires hors taxes réalisés l'année civile précédente par l'entreprise absorbante et l'entreprise absorbée.

Ayant constaté qu'une société, spécialisée dans le commerce de gros de produits pharmaceutiques, avait absorbé, à effet du 1er mars 2009, deux autres sociétés, la cour d'appel en a exactement déduit que la seconde part de la contribution due par la société absorbante devait être déterminée, pour l'année civile antérieure, en tenant compte du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé par chacune des deux sociétés absorbées.

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 7 novembre 2017), que par acte du 31 décembre 2009, à effet rétroactif au 1er mars 2009, la société Phictal (la société) a absorbé les sociétés Méridial et Utarcal ; qu'à la suite d'un contrôle portant sur les années 2008 à 2011, l'URSSAF du Rhône, aux droits de laquelle vient l'URSSAF Rhône-Alpes (l'URSSAF), a adressé, le 5 juillet 2012, à la société, une lettre d'observations mentionnant un redressement au titre de la contribution prévue aux articles L. 138-1 et L. 138-2 du code de la sécurité sociale, puis lui a notifié, le 19 décembre 2012, une mise en demeure ; que la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que l'URSSAF fait grief à l'arrêt d'accueillir ce recours, alors, selon le moyen, que l'assiette de la seconde part de la contribution due par les entreprises de vente en gros de spécialités pharmaceutiques est constituée par la différence entre le chiffre d'affaires hors taxes réalisé au cours de l'année civile de la taxation et celui réalisé au cours de l'année civile précédente ; que la détermination de l'assiette de cette seconde part, qui doit tenir compte de l'augmentation du chiffre d'affaires d'une année sur l'autre sans considération de son origine interne ou externe, suppose la comparaison de chiffres d'affaires réalisés par une même entité juridique ; qu'en retenant que cette seconde part devait être calculée en comparant le chiffre d'affaires réalisé par la société Phictal en 2009 incluant les chiffres d'affaires des sociétés Méridial et Utarcal absorbées cette même année, au chiffre d'affaires réalisé par la société Phictal en 2008, soit avant la fusion, ajouté à ceux réalisés par les sociétés Méridial et Utarcal cette même année, lesquelles étaient alors des entités juridiques distinctes de la société Phictal, la cour d'appel a déterminé l'assiette de la seconde part de la contribution en comparant les chiffres d'affaires réalisés d'une année sur l'autre par plusieurs entités juridiques, en violation des articles L. 138-1 et L. 138-2 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au présent litige ;

Mais attendu, selon l'article L. 138-2, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013, applicable à la date d'exigibilité des contributions litigieuses, que la contribution à la charge des établissements de vente en gros de spécialités pharmaceutiques et des entreprises assurant l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques est composée de deux parts, la première constituée par le chiffre d'affaires hors taxes réalisé par l'entreprise au cours de l'année civile, la seconde par la différence entre le chiffre d'affaires hors taxes réalisé au cours de l'année civile et celui réalisé l'année civile précédente ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en cas de fusion-absorption d'une entreprise assujettie à la contribution par une entreprise également assujettie à celle-ci, la seconde part est constituée par la différence entre le chiffre d'affaires hors taxes réalisé par l'entreprise absorbante et la somme des chiffres d'affaires hors taxes réalisés l'année civile précédente par l'entreprise absorbante et l'entreprise absorbée ;

Et attendu qu'ayant constaté que la société avait absorbé, à effet du 1er mars 2009, deux autres sociétés, la cour d'appel en a exactement déduit que la seconde part de la contribution due par la société devait être déterminée, pour l'année civile antérieure, en tenant compte du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé par chacune des deux sociétés absorbées ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'en raison du rejet du pourvoi principal, le pourvoi éventuel formé par la société Phictal est devenu sans objet ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE tant le pourvoi formé à titre principal par l'URSSAF Rhône-Alpes que le pourvoi incident de la société Phictal.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Le Fischer - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Article L. 138-2, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013.

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