Numéro 1 - Janvier 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2019

RAPATRIE

1re Civ., 30 janvier 2019, n° 18-10.002, (P)

Cassation

Mesures de protection juridique – Suspension de plein droit des poursuites – Fondement – Article 100 de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 – Déclaration d'inconstitutionnalité – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'André A..., agriculteur, a été placé en liquidation judiciaire le 16 décembre 1993 ; que celui-ci ayant obtenu, en sa qualité de rapatrié d'Algérie, le bénéfice des dispositions de l'article 100 de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997, le juge-commissaire a, le 17 février 2001, ordonné la suspension des effets et du déroulement de cette procédure jusqu'à décision définitive de l'autorité administrative compétente ; qu'André A... est décédé le [...], laissant pour lui succéder son épouse, Mme Z..., et son fils ; qu'à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 27 janvier 2012 déclarant inconstitutionnel le texte susvisé, un jugement a ordonné la reprise de la procédure et le juge-commissaire a autorisé la vente d'un domaine rural dépendant de l'actif de la liquidation judiciaire ; que la Safer d'Auvergne a acquis ce bien par jugement d'adjudication du 17 avril 2014 et l'a revendu le 18 juin 2015 à M. et Mme X... ; que ceux-ci ont assigné Mme Z..., qui occupe la maison principale du domaine, en expulsion ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article L. 622-9 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, applicable en la cause, et l'article 764 du code civil ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée, les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine étant exercés, pendant toute la durée de la liquidation judiciaire, par le liquidateur ; que, selon le second, sauf volonté contraire du défunt exprimée dans les conditions de l'article 971 du code civil, le conjoint successible qui occupait effectivement, à l'époque du décès, à titre d'habitation principale, un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, a sur ce logement, jusqu'à son décès, un droit d'habitation et un droit d'usage sur le mobilier, compris dans la succession, le garnissant ;

Attendu que, pour dire que Mme Z... a, jusqu'à son décès, un droit d'habitation sur le logement et un droit d'usage sur le mobilier compris dans la succession d'André A..., l'arrêt retient que les décisions judiciaires irrévocables rendues au profit de ce dernier sur le fondement de la loi du 30 décembre 1997, aboutissant à ne pas le dessaisir de la gestion de ses biens, ne peuvent pas être remises en cause, par application du principe de non-rétroactivité, en ce qu'elles ont permis à Mme Z... de bénéficier de ces droits, à titre de conjoint survivant ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la décision du 5 juillet 2012 ordonnant la reprise de la procédure de liquidation judiciaire, après la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 100 de la loi du 30 décembre 1997 par décision du 27 janvier 2012 du Conseil constitutionnel, avait produit ses effets rétroactivement pour tous les actifs qui faisaient partie du patrimoine du débiteur initialement soumis à la procédure de liquidation judiciaire et qui n'avaient pas été réalisés à la date de la suspension, dont le logement occupé par Mme Z..., de sorte qu'André A... en était dessaisi à la date de son décès, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Reygner - Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia ; Me Rémy-Corlay -

Textes visés :

Article L. 622-9 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ; article 764 du code civil.

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