Numéro 1 - Janvier 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2019

PROTECTION DES CONSOMMATEURS

1re Civ., 9 janvier 2019, n° 17-20.565, (P)

Rejet

Crédit immobilier – Obligation d'information du prêteur – Sanctions – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Regroupement de crédits

L'article L. 312-33 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, ne vise pas les modalités d'information de l'emprunteur en matière de regroupement de crédits. Il s'ensuit que n'encourt pas la déchéance du droit aux intérêts prévues par ce texte, le prêteur qui méconnaît le formalisme informatif édicté aux articles R. 313-12 à R. 313-14 du même code, le premier de ces textes pris dans sa rédaction issue du décret n° 2012-1159 du 17 octobre 2012, les deux derniers dans leur rédaction issue du décret n° 2012-609 du 30 avril 2012.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 avril 2017), que, suivant acte notarié du 27 septembre 2013, la société Landesbank Saar (la banque) a consenti à Mme Y... (l'emprunteur) un prêt d'un montant de 2 200 000 euros destiné au refinancement de plusieurs crédits relatifs à l'acquisition et la rénovation d'un bien immobilier ; qu'après avoir prononcé la déchéance du terme, la banque a délivré à l'emprunteur un commandement de payer valant saisie immobilière, puis l'a assigné à l'audience d'orientation ;

Attendu que l'emprunteur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels pour manquement de la banque à son obligation d'information en matière de regroupement de crédits, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il appartient au prêteur de démontrer qu'il a satisfait à l'obligation de communiquer à l'emprunteur, au plus tard au moment de l'envoi de l'offre de prêt, le document d'information prévu par l'article R. 313-12 du code de la consommation ; qu'en retenant que l'affirmation de l'emprunteur selon laquelle il n'a, au moment de la transmission de l'offre de crédit, reçu qu'un tableau vierge à compléter lui-même ne ressortait d'aucun élément de la cause quand il appartenait au prêteur, la banque, de démontrer qu'il avait respecté ses obligations en transmettant à l'emprunteur le document d'information au plus tard au moment de l'envoi de l'offre de prêt, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil, ensemble les articles L. 313-15, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et R. 313-12, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016, du code de la consommation ;

2°/ que, dans le cas d'une opération de regroupement de crédits, le prêteur est tenu d'établir et de remettre à l'emprunteur, au plus tard en même temps que l'offre de prêt, un document d'information répondant aux conditions prévues par l'article R. 313-13 du code de la consommation afin de garantir sa bonne information ; qu'en retenant, pour en déduire que le formalisme informatif avait été respecté, que le document prévu par les articles L. 313-15, R. 313-12 et R. 313-13 du code de la consommation était annexé à l'acte authentique de prêt, la cour d'appel a violé les articles L. 313-15, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et R. 313-12, et R. 313-13, dans leur rédaction antérieure au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016, du code de la consommation ;

3°/ que, dans le cas d'une opération de regroupement de crédits, le prêteur est tenu d'établir et de remettre à l'emprunteur, au plus tard en même temps que l'offre de prêt, un document d'information répondant aux conditions prévues par l'article R. 313-13 du code de la consommation afin de garantir sa bonne information ; qu'en retenant que l'emprunteur était averti des questions financières et ne prétendait pas avoir été induit en erreur par le document d'information établi de concert avec le prêteur et annexé à l'acte de prêt, motif impropre à écarter l'obligation pour la banque d'établir et de transmettre le document d'information en temps voulu à l'emprunteur, la cour d'appel a violé les articles L. 313-15, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et R. 313-12, et R. 313-13, dans leur rédaction antérieure au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016, du code de la consommation ;

4°/ que la méconnaissance du formalisme informatif prévu, lors d'une opération de regroupement de crédits par les articles L. 313-15, R. 313-12 et R. 313-13 du code de la consommation est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que l'obligation pour le prêteur d'établir le document d'information lors d'une opération de regroupements de crédits n'était assortie d'aucune sanction spécifique, la cour d'appel a violé les articles L. 312-33 et L. 313-15, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et l'article R. 313-12, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016, du code de la consommation ;

Mais attendu que, selon l'article L. 312-33 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, en cas de non-respect des différentes obligations visées par cet article, parmi lesquelles ne figurent pas les modalités d'information de l'emprunteur énumérées aux articles R. 313-12 à R. 313-14 du même code, relatifs au regroupement de crédits prévu à l'article L. 313-15, ces textes dans leur rédaction alors applicable ; que, dès lors, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que la déchéance du droit aux intérêts n'était pas encourue ; que le moyen, inopérant en ses trois premières branches en ce qu'elles sont tirées de la méconnaissance du formalisme informatif, n'est pas fondé en sa quatrième ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut (président) - Rapporteur : M. Vitse - Avocat général : M. Ingall-Montagnier (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer -

Textes visés :

Article 1315, devenu 1353, du code civil ; article L. 312-33 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 ; article L. 313-15 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 ; article R. 313-12 du code de la consommation dans sa rédaction issue du décret n° 2012-1159 du 17 octobre 2012 ; articles R. 313-13 et R. 313-14 du code de la consommation dans leur rédaction issue du décret n° 2012-609 du 30 avril 2012.

2e Civ., 10 janvier 2019, n° 17-21.774, (P)

Rejet

Surendettement – Procédure de rétablissement personnel – Clôture – Effacement des dettes – Effacement d'une dette locative – Effets – Résiliation judiciaire du bail – Possibilité

L'effacement de la dette locative à l'issue d'une procédure de traitement du surendettement qui n'équivaut pas à son paiement ne fait pas disparaître le manquement contractuel du locataire qui n'a pas réglé le loyer, de sorte qu'il ne prive pas le juge, saisi d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de bail, de la faculté d'apprécier, dans l'exercice de son pouvoir souverain, si le défaut de paiement justifie de prononcer la résiliation du bail.

Sur le moyen unique du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident qui sont identiques :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 29 juin 2016) et les productions, que la SCI Tardy (la SCI) ayant fait assigner le 15 mai 2013 M. et Mme X... en résiliation du bail qu'elle leur avait consenti pour défaut de paiement des loyers, un jugement du 24 mars 2014, partiellement confirmé par un arrêt du 29 juin 2016, a prononcé, au jour du jugement, la résiliation du bail, ordonné à ces derniers de quitter les lieux et les a condamnés à payer une certaine somme au titre de l'arriéré de loyer ainsi qu'une indemnité d'occupation ; que, parallèlement, à la suite du dépôt le 5 septembre 2013 par M. et Mme X... d'une demande tendant au traitement de leur situation financière, le juge d'un tribunal d'instance a prononcé par jugement du 26 janvier 2015 un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ;

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de prononcer la résiliation du bail conclu entre les parties le 1er février 1997, d'ordonner leur expulsion, au besoin avec le concours de la force publique et de les condamner à payer à la SCI une indemnité d'occupation de 493,19 euros à compter du mois de mars 2014, alors, selon le moyen, que l'effacement d'une dette locative à l'issue d'une procédure de traitement du surendettement fait obstacle au prononcé de la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers couverts par la mesure d'effacement ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 332-5, devenu L. 741-3, du code de la consommation et 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu que l'effacement de la dette locative qui n'équivaut pas à son paiement ne fait pas disparaître le manquement contractuel du locataire qui n'a pas réglé le loyer, de sorte qu'il ne prive pas le juge, saisi d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de bail, de la faculté d'apprécier, dans l'exercice de son pouvoir souverain, si le défaut de paiement justifie de prononcer la résiliation du bail ; que, dès lors, c'est à bon droit que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident.

- Président : Mme Brouard-Gallet (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : Me Haas ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Article L. 741-3 du code de la consommation ; article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

Rapprochement(s) :

Sur les effets de l'effacement de la dette en présence d'une clause de réserve de propriété, à rapprocher : 2e Civ., 27 février 2014, pourvoi n° 13-10.891, Bull. 2014, II, n° 59 (rejet). Sur les effets de l'effacement de la dette en présence de la clause résolutoire d'un bail, à rapprocher : 2e Civ., 18 février 2016, pourvoi n° 14-17.782, Bull. 2016, II, n° 53 (rejet).

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