Numéro 1 - Janvier 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2019

PRESCRIPTION CIVILE

Com., 16 janvier 2019, n° 17-21.477, (P)

Cassation partielle

Délai – Point de départ – Vente – Vices cachés – Action en garantie – Exercice – Durée – Détermination – Portée

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Edilfibro que sur le pourvoi incident relevé par la société Bois et matériaux ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 17 mars 2003, la société Vallade Delage a confié la réalisation de travaux de charpente à la société Boulesteix, devenue la société Arbre construction ; que cette dernière s'est approvisionnée en plaques de couverture auprès de la société Wolseley France bois matériaux, devenue la société Bois et matériaux, laquelle s'est elle-même fournie auprès de la société de droit italien Edilfibro, fabricante ; que les plaques ont été livrées le 31 décembre 2003 ; que les 22, 24 et 29 juillet 2015, la société Vallade Delage, se plaignant d'infiltrations, a assigné en résolution de la vente, sur le fondement de la garantie des vices cachés, les sociétés Arbre construction, Bois et matériaux et Edilfibro ; que par un jugement du 24 février 2016, le tribunal, après avoir écarté les demandes dirigées contre les sociétés Bois et matériaux et Edilfibro, a condamné la société Arbre construction à payer diverses sommes à la société Vallade Delage ; que, de ce dernier chef, le jugement est devenu irrévocable par suite du désistement d'appel de la société Arbre construction, l'arrêt attaqué ne se prononçant que sur les demandes en garantie formées par cette dernière société contre les sociétés Bois et matériaux et Edilfibro ;

Sur le second moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société Edilfibro fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action directe de la société Arbre construction alors, selon le moyen, que la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises s'applique aux contrats de vente de marchandises entre les parties ayant leur établissement dans deux Etats contractants différents ; qu'elle régit exclusivement la formation du contrat de vente et les droits et obligations qu'un tel contrat fait naître entre le vendeur et l'acheteur ; qu'il s'ensuit que lorsque la relation contractuelle entre un fabricant et un négociant de matériaux relève de cette convention, l'entrepreneur condamné à indemniser le maître de l'ouvrage ne peut exercer d'action directe à l'encontre du fabricant ; qu'en décidant que la société Arbre construction (ex société Boulesteix) pouvait agir directement contre la société Edilfibro au motif que si la Convention de Vienne du 4 avril 1980 régit exclusivement la formation du contrat de vente entre le vendeur (la société Edilfibro) et l'acheteur, cette convention n'exclut pas l'application du droit français et l'action directe d'un sous-acquéreur à l'encontre du vendeur, la cour d'appel a violé les articles 1 et 4 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article 7 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises que les questions concernant les matières régies par la Convention et qui ne sont pas expressément tranchées par elle sont réglées selon les principes généraux dont elle s'inspire ou, à défaut de ces principes, conformément à la loi applicable en vertu des règles du droit international privé ; qu'ayant énoncé que la Convention de Vienne régit exclusivement la formation du contrat de vente entre le vendeur et l'acheteur, la cour d'appel en a exactement déduit que la loi française, dont l'application n'a pas été contestée, qui régit l'action directe d'un sous-acquéreur contre le vendeur devait s'appliquer, de sorte que la société Arbre construction était recevable à agir directement contre la société Edilfibro ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais, sur le premier moyen du pourvoi principal, qui est recevable, et sur le moyen unique du pourvoi incident, réunis :

Vu les articles 1648 du code civil et L. 110-4 du code de commerce ;

Attendu que pour déclarer non prescrites les demandes formées par la société Arbre construction contre les sociétés Bois et matériaux et Edilfibro, l'arrêt retient que le recours de la société Arbre construction contre la société Bois et matériaux, vendeur des plaques, est fondé sur les dispositions des articles 1641 et suivants du code civil, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'appliquer les dispositions de l'article L. 110-4 du code de commerce ; qu'il retient encore qu'en application de l'article 1648 du code civil, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, lequel a été révélé par le rapport d'expertise déposé le 1er juin 2015, de sorte que l'action engagée par le maître de l'ouvrage en juillet 2015 n'est pas prescrite et que la demande de la société Arbre construction est recevable ; qu'il en déduit que cette dernière doit être garantie par la société Bois et matériaux ainsi que la société Edilfibro qui a fourni les plaques défectueuses ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'action en garantie des vices cachés, même si elle doit être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, est aussi enfermée dans le délai de prescription prévu par l'article L. 110-4 du code de commerce, qui court à compter de la vente initiale, ce dont il résultait que, les plaques de couverture ayant été vendues et livrées en 2003, l'action engagée par la société Vallade Delage le 29 juillet 2013, était prescrite, ce qui, peu important que la société Arbre construction se soit désistée de son appel sur ce point, interdisait de déclarer recevables ses demandes en garantie dirigées contre les sociétés Bois et matériaux et Edilfibro, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement, il rejette la demande de mise hors de cause de la société Bois et matériaux pour défaut de traçabilité du produit litigieux à son égard, l'arrêt rendu le 21 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Kass-Danno - Avocat(s) : SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Article 7 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 ; article 1648 du code civil ; article L. 110-4 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Dans le même sens que : 1re Civ., 6 juin 2018, pourvoi n° 17-17.438, Bull. 2018, I, n° 106 (rejet).

2e Civ., 10 janvier 2019, n° 16-24.742, (P)

Cassation

Interruption – Acte interruptif – Saisie-attribution – Durée de l'interruption – Durée de la saisie-attribution

L'effet interruptif de prescription résultant d'une saisie-attribution se poursuivant jusqu'au terme de celle-ci, un nouveau délai, de même nature et durée que le précédent, recommence à courir à compter du paiement par le tiers saisi.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un acte authentique du 30 mai 1989, la caisse de Crédit mutuel de Mortagne au Perche (la Caisse) a consenti un prêt à la société Valentin pizza, garanti par le cautionnement solidaire de Mme C..., constaté au sein du même acte ; que la société Valentin pizza a été mise en redressement puis liquidation judiciaire les 23 décembre 1991 et 5 février 1992, la créance déclarée par la Caisse étant admise par le juge-commissaire le 23 octobre 1992 ; que la liquidation judiciaire a été clôturée le 16 mai 1994 ; que par un acte du 31 janvier 2013, la Caisse a fait procéder à une saisie-attribution sur le compte dont Mme C... était titulaire dans les livres de la société CIC Ouest ; que Mme C... a saisi un juge de l'exécution pour en obtenir mainlevée en invoquant notamment la prescription ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Délibéré par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation après débats à l'audience publique du 5 juin 2018, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Vaissette, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mme Vallansan, M. Remeniéras, Mmes Graff-Daudret, Béleval, Fontaine, conseillers, Mmes Schmidt, Jollec, Barbot, Brahic-Lambrey, M. Blanc, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, M. Graveline, greffier de chambre ;

Vu l'article 189 bis, devenu L. 110-4, du code de commerce ;

Attendu que l'opposabilité à la caution solidaire de la substitution de la prescription trentenaire à la prescription décennale résultant de la décision d'admission de la créance garantie au passif du débiteur principal n'a pas pour effet de soumettre les poursuites du créancier contre la caution à cette prescription trentenaire ; que le délai pour agir du créancier contre cette caution, sur le fondement d'un acte notarié revêtu de la formule exécutoire, reste déterminé par la nature de la créance détenue sur la caution, le délai de prescription étant néanmoins interrompu pendant la durée de la procédure collective du débiteur principal jusqu'à la date de sa clôture ;

Attendu que pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la créance fondant la saisie-attribution, l'arrêt, après avoir justement énoncé que la déclaration de créance au passif du débiteur principal avait interrompu la prescription jusqu'à la clôture de la procédure collective par un jugement du 16 mai 1994, retient que l'admission au passif de la liquidation judiciaire de la créance, le 23 octobre 1992, a entraîné la substitution de la prescription trentenaire à la prescription décennale, applicable au cautionnement de nature commerciale, et que cette interversion étant opposable à la caution, le délai de trente ans n'était pas expiré lorsque la banque a pratiqué la saisie-attribution le 30 janvier 2013 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'admission de la créance de la Caisse au passif de la société débitrice principale n'avait pas eu pour effet de soumettre à la prescription trentenaire l'exercice des voies d'exécution de la Caisse contre la caution et qu'après son interruption pendant la durée de la procédure collective du débiteur principal jusqu'à sa clôture, intervenue le 16 mai 1994, la Caisse disposait d'un nouveau délai pour agir, soumis à la prescription de l'article L. 110-4 du code de commerce, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 2244 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige ;

Attendu qu'une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir ;

Attendu que pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la créance fondant la saisie-attribution, l'arrêt retient qu'à retenir même l'application de la prescription décennale, son cours avait été régulièrement interrompu, ainsi qu'il en est justifié, d'abord en 1996 où un commandement aux fins de saisie-vente fut délivré le 12 novembre, puis en dernier lieu en 2002, par une saisie-attribution pratiquée à la requête de la Caisse le 28 mai dont les effets se sont poursuivis jusqu'à la signification du certificat de non contestation intervenue le 31 janvier 2003 suivie de la quittance avec mainlevée signifiée au tiers saisi par acte du 14 mars 2003, de sorte que la créance n'était pas prescrite au 31 janvier 2013 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'effet interruptif résultant de la saisie-attribution se poursuivant jusqu'au terme de celle-ci, un nouveau délai, de même nature et durée que le précédent, recommence à courir à compter du paiement par le tiers saisi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.

- Président : Mme Brouard-Gallet (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article 2244 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige.

Rapprochement(s) :

En matière de saisie immobilière, à rapprocher : 2e Civ., 6 septembre 2018, pourvoi n° 17-21.337, Bull. 2018, II (rejet), et l'arrêt cité.

Com., 30 janvier 2019, n° 17-28.913, (P)

Rejet

Prescription annale – Transports – Contrat type de commission de transport – Exclusion – Cas – Opérations douanières réalisées en applicaton d'une convention distincte

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de référé (Versailles, 26 octobre 2017), que la société Duplo France (la société Duplo) a donné mandat à la société Toll Global Forwarding France (la société Toll), qui exerce une activité d'organisation logistique des transports de marchandises en provenance ou à destination du territoire national ou international ainsi que celle de commissionnaire en douane, pour la représenter à compter du 1er janvier 2015 auprès de l'administration des douanes, notamment pour régler en son nom le montant des droits et taxes afférents aux déclarations de douane ; qu'en février 2015, la société Duplo a confié à la société Toll l'importation de marchandises au départ de Yokohama (Japon), à destination du Havre ; que la société Toll lui a adressé à ce titre une facture incluant les sommes destinées à l'administration des douanes, que la société Duplo a payée ; que le 1er juillet 2015, la société Duplo a reçu un avis de mise en recouvrement de la direction générale des douanes et droits indirects pour une somme correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) impayée par l'agence maritime Rommel, à laquelle la société Toll avait sous-traité le dédouanement des marchandises ; que la société Duplo a assigné la société Toll en référé en paiement d'une provision du montant de la TVA ;

Sur les deux premiers moyens, réunis :

Attendu que la société Toll fait grief à l'arrêt d'écarter l'exception d'incompétence du tribunal de commerce de Pontoise au profit du tribunal de commerce de Paris ainsi que le moyen tiré de la prescription annale alors, selon le moyen :

1°/ que selon l'article L. 1432-10 du code des transports, sans préjudice des dispositions impératives issues des conventions internationales et à défaut de convention écrite définissant les rapports entre les parties au contrat sur les matières mentionnées à l'article L. 1432-2, les clauses des contrats types mentionnées à la section 3 s'appliquent de plein droit aux contrats de commission de transport ayant pour objet une liaison internationale ; que le contrat type de commission de transport prévu par l'article D. 1432-3 du code des transports qui régit les relations entre le donneur d'ordre et le commissionnaire de transport dans l'organisation du transport, ainsi que dans celle des autres prestations comme des opérations de douane, attribue compétence au seul tribunal de commerce de Paris pour connaître de tout litige ou contestation relatif au contrat de commission ; qu'en décidant cependant que le contrat type de commission de transport ne devait pas s'appliquer aux opérations de douane dont le commissionnaire de transport était chargé, s'agissant d'une liaison internationale, au motif inopérant que les prestations accessoires aux opérations de douane relèvent du mandat et qu'en l'espèce la société Duplo avait expressément donné à la société Toll un mandat de « représentation en douane directe », la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article 873 du code de procédure civile ;

2°/ que selon l'article L. 1432-10 du code des transports, sans préjudice des dispositions impératives issues des conventions internationales et à défaut de convention écrite définissant les rapports entre les parties au contrat sur les matières mentionnées à l'article L. 1432-2, les clauses des contrats types mentionnés à la section 3 s'appliquent de plein droit aux contrats de commission de transport ayant pour objet une liaison internationale ; que le contrat type de commission de transport prévu par l'article D. 1432-3 du code des transports, qui régit les relations entre le donneur d'ordre et le commissionnaire de transport dans l'organisation du transport, ainsi que dans celle des autres prestations, comme les opérations de douane, prévoit que toutes les actions auxquelles le contrat de commission de transport peut donner lieu sont prescrites dans le délai d'un an ; que cette disposition s'applique, sauf clause contraire, à toutes les prestations effectuées par le commissionnaire de transport, y compris les prestations accessoires, telles les opérations de douane ; qu'en refusant de faire application de la prescription annale prévue au contrat type, aux motifs inopérants que les opérations de douane obéissent aux règles du mandat et que la société Duplo avait chargé le commissionnaire en douane d'une « représentation en douane directe », la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article 873 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que la société Duplo se prévalait d'un mandat non contesté confiant à la société Toll l'exécution, à compter du 1er janvier 2015, de l'intégralité des opérations de douane, jusqu'au paiement des droits et taxes afférents, l'arrêt retient qu'il s'agit d'une « prestation indépendante et détachable de l'opération même de transport » ; qu'ayant ainsi fait ressortir que l'exécution des opérations de douane, objet d'une convention spéciale distincte, ne constituait pas, au sens de l'article 2.7 du contrat type de commission de transport, une prestation accessoire au contrat de commission, c'est à bon droit que la cour d'appel en a déduit que les stipulations du contrat type relatives à la prescription et à la compétence ne lui étaient pas applicables ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que la société Toll fait grief à l'arrêt de la condamner à payer une provision à la société Duplo alors, selon le moyen :

1°/ que le juge des référés ne peut accorder une provision au créancier que dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; qu'en retenant que la société Toll avait failli à ses obligations en ayant recours à un sous-traitant, alors que son mandat ne comportait pas de faculté de substitution, et en condamnant la société Toll à payer une provision « sans qu'il soit nécessaire à la société Duplo de justifier de l'existence d'un préjudice », la cour d'appel, qui a condamné le commissionnaire à payer une provision en l'absence de tout préjudice établi, a violé l'article 873 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en condamnant la société Toll à une provision sans même vérifier si la société Duplo justifiait avoir été dans l'obligation de payer la TVA, ce qui était formellement contesté par la société Toll, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 873 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que le règlement par la société Duplo, le 4 février 2015, des factures de la société Toll, incluant « les sommes acquittées à l'administration des douanes », n'est pas contesté par les parties, que la société Toll a viré ces sommes le 11 mars 2015 sur le compte de son sous-traitant, l'agence Rommel, que celle-ci les a encaissées sans les reverser à l'administration des douanes et a, depuis, été mise en liquidation judiciaire, que la société Duplo a reçu un avis de mise en recouvrement émis par la direction générale des douanes et droits indirects le 1er juillet 2015 et que le mandat confié par la société Duplo à la société Toll ne comportait pas de faculté de substitution ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire, sans encourir les griefs du moyen, que l'obligation de la société Toll, mandataire initial, n'était pas sérieusement contestable en ce qu'elle portait sur l'utilisation des fonds remis en vue de procéder au paiement de la TVA ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Fontaine - Avocat général : M. Le Mesle (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; Me Rémy-Corlay -

Rapprochement(s) :

Sur une autre application du même principe, à rapprocher : Com., 28 mai 2002, pourvoi n° 00-14.765, Bull. 2002, IV, n° 97 (cassation).

2e Civ., 24 janvier 2019, n° 18-10.994, (P)

Cassation

Prescription de droit commun – Action en répétition de l'indu – Pension de vieillesse – Arrérages versés postérieurement au décès du bénéficiaire

L'action en répétition des arrérages d'une pension de vieillesse est soumise, en cas de versement de celle-ci postérieurement au décès du bénéficiaire, non à la prescription biennale de l'article L. 355-3 du code de la sécurité sociale, mais à la prescription de droit commun. Si celle-ci, alors trentenaire, n'était pas acquise à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, un nouveau délai de cinq ans court à compter de cette date.

Prescription quinquennale – Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 – Dispositions transitoires – Application – Portée

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 355-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011, 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, et 26, II, de la même loi ;

Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, qu'ayant continué à verser sur le compte de Jacqueline X..., du 1er décembre 2003 au 29 février 2004, la pension de vieillesse de cette dernière, décédée le [...], la Caisse nationale d'assurance vieillesse (la caisse) a saisi le 28 mars 2017 une juridiction de sécurité sociale pour obtenir la condamnation de M. Thierry X... à lui rembourser, en sa qualité d'héritier de Jacqueline X..., sa mère, le montant des arrérages indus ;

Attendu que, pour déclarer prescrite l'action de la caisse, le jugement retient que selon l'article L. 355-3 du code de la sécurité sociale, dans ses dispositions en vigueur depuis le 21 décembre 1985, toute demande de remboursement de trop perçu en matière de prestations de vieillesse et d'invalidité est prescrite par un délai de deux ans à compter du paiement desdites prestations dans les mains du bénéficiaire, sauf désormais cas de fraude ou de fausse déclaration ; qu'au cas d'espèce, la caisse a versé aux débats des notifications d'excédent de versement adressées à M. Thierry X... les 8 décembre 2004, 29 septembre 2005, 18 janvier 2006 et 22 octobre 2010, mais dont aucune n'a date certaine, faute d'avoir été adressée en lettre recommandée avec accusé de réception ; que le premier acte interruptif de prescription est, ainsi que l'indique elle-même la caisse, une mise en demeure du 11 avril 2013 présentée le 12 avril 2013 à M. Thierry X..., neuf années après les versements indus dont il est demandé la répétition ; que force est de constater la prescription de l'action en recouvrement de la caisse ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'action en répétition des arrérages d'une pension de vieillesse est soumise, en cas de versement de celle-ci, postérieurement au décès du bénéficiaire, non à la prescription biennale de l'article L. 355-3 du code de la sécurité sociale, mais à la prescription de droit commun, laquelle, alors trentenaire, n'était pas acquise à la date d'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, de sorte qu'à compter de cette date courait un nouveau délai de cinq ans, qui a été interrompu par l'envoi de la mise en demeure par lettre recommandée avec demande d'avis de réception présentée à l'intéressé le 12 avril 2013, soit moins de cinq ans avant la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale, le tribunal a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 7 novembre 2017, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Annecy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance de Chambéry.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Vieillard - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Zribi et Texier -

Textes visés :

Article L. 355-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 ; articles 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ; article 26, II, de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 20 mars 2008, pourvoi n° 07-10.267, Bull. 2008, II, n° 73 (cassation), et les arrêts cités.

Com., 16 janvier 2019, n° 17-14.002, (P)

Cassation

Prescription décennale – Article L. 110-4 du code de commerce – Obligations nées entre commerçants – Redressement ou liquidation judiciaire – Admission de la créance – Effets – Substitution de la prescription trentenaire à la prescription originaire – Opposabilité à la caution – Action en paiement contre la caution solidaire – Délai – Détermination

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... a consenti à la société Cassone plusieurs prêts garantis par le cautionnement solidaire de M. X... ; que cette société ayant été mise en redressement judiciaire le 25 janvier 1994, M. Y... a, le 9 février 1994, déclaré sa créance qui a été admise au passif par une ordonnance du 3 février 1995 ; que le 16 mai 1995, la société débitrice a bénéficié d'un plan de cession ; qu'assigné par M. Y... en exécution de son engagement de caution, le 18 juin 2013, M. X... lui a opposé la prescription de sa demande ;

Sur la recevabilité du moyen unique, pris en sa troisième branche, contestée par la défense :

Attendu que, dans ses conclusions d'appel, M. X... a soutenu que la prescription de la demande en paiement formée contre lui par M. Y... était acquise, en faisant valoir que si la déclaration de créance de ce dernier avait eu pour effet d'interrompre le délai de prescription de dix ans prévu à l'ancien article 189 bis, devenu L. 110-4, du code de commerce, cet effet interruptif avait toutefois cessé à la date de la clôture de la procédure collective correspondant au jugement d'arrêté du plan de cession du 16 mai 1995, que l'assignation n'ayant été délivrée que le 18 juin 2013, le délai pour agir à son égard était expiré et que M. Y... ne pouvait invoquer l'interversion de la prescription ; que le moyen, qui n'est donc pas nouveau, est recevable ;

Et sur le moyen, pris en sa troisième branche :

Vu les articles L. 110-4 du code de commerce et L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution ;

Attendu que l'opposabilité à la caution solidaire de la substitution de la prescription trentenaire à la prescription décennale ayant pu se produire, en l'état du droit antérieur à la loi du 17 juin 2008, à la suite de la décision d'admission de la créance garantie au passif du débiteur principal n'a pas pour effet de soumettre l'action en paiement du créancier contre la caution à cette prescription trentenaire ; que le délai du créancier pour agir en paiement contre cette caution reste déterminé par la nature de la créance détenue sur la caution, le délai de prescription étant néanmoins interrompu pendant la durée de la procédure collective du débiteur principal jusqu'à la date de sa clôture ;

Attendu que, pour juger que la demande de M. Y... n'est pas prescrite, l'arrêt énonce, d'abord, que la décision d'admission de créance a pour effet d'opérer une substitution de la prescription trentenaire, prescription de droit commun d'exécution d'un titre exécutoire, à la prescription attachée à la nature de la créance et notamment la prescription décennale de l'article L. 110-4 du code de commerce, et que cette interversion de prescription est opposable à la caution ; qu'il retient, ensuite, que les actes de cautionnement en cause ayant une nature commerciale, la prescription décennale s'est vue substituée par la prescription trentenaire attachée à l'exécution d'un titre exécutoire à la date de l'ordonnance d'admission des créances en garantie desquelles M. X... s'est porté caution solidaire, soit au 3 février 1995, et que, par l'effet de la loi du 17 juin 2008 portant réforme du régime de la prescription, cette prescription trentenaire, qui n'était pas acquise, a été remplacée par une prescription de dix ans courant à compter de la nouvelle loi ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'admission de la créance de M. Y... au passif de la société débitrice principale n'avait pas eu pour effet de soumettre à la prescription trentenaire l'action en paiement dirigée contre M. X..., qui demeurait soumise à celle de l'article L. 110-4 du code de commerce, laquelle avait été interrompue jusqu'à la clôture de la procédure collective de la société débitrice, laquelle ne résultait pas du seul jugement arrêtant le plan de cession, et non au délai d'exécution prévu par l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution dès lors que M. Y... n'agissait pas en recouvrement d'un des titres exécutoires mentionnés à l'article L. 111-3, 1° à 3°, du même code, la cour d'appel a violé le premier texte susvisé par refus d'application et le second par fausse application ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Article L. 110-4 du code de commerce ; article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution.

Rapprochement(s) :

Dans le même sens que : Com., 3 octobre 2018, pourvoi n° 16-26.985, Bull. 2018, IV, (cassation), et l'arrêt cité.

3e Civ., 24 janvier 2019, n° 17-25.793, (P)

Rejet

Prescription quinquennale – Article 1304, alinéa 1, du code civil – Domaine d'application – Action en nullité pour défaut d'objet – Délai – Point de départ – Détermination – Application de la loi nouvelle – Effet

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 juin 2017), que, par acte sous seing privé du 26 novembre 2004 réitéré par acte authentique du 5 janvier 2006, M. et Mme Z... ont concédé à Mme X... et à tous futurs propriétaires de sa parcelle un droit de passage sur la voie coupant leur propriété, moyennant le versement d'une indemnité ; que, par acte du 8 mars 2013, soutenant avoir découvert, par un jugement d'un tribunal administratif du 3 novembre 2011, que la servitude était pré-existante à la convention, Mme X... a assigné M. et Mme Z... en nullité, pour défaut d'objet, de l'acte du 26 novembre 2004 et en remboursement du montant de l'indemnité et des frais d'acte notarié ;

Sur le premier moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite son action en nullité de l'acte du 26 novembre 2004 et de rejeter en conséquence ses demandes en restitution des sommes versées et en paiement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que la prescription trentenaire de l'action en nullité pour défaut d'objet, qui courait à compter de l'acte, a été réduite à cinq ans par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et qu'en cas de réduction de la durée du délai de prescription, le nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; que la cour d'appel a constaté que l'action en nullité de l'acte conclu le 26 novembre 2004 avait été introduite, pour défaut d'objet, par un acte du 8 mars 2013 ; qu'en jugeant cette action prescrite, lorsque le nouveau délai de cinq ans avait commencé à courir le 19 juin 2008, la cour d'appel a violé l'article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, et l'article 26 de cette même loi ;

2°/ que, subsidiairement, les actions personnelles et mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en décidant que le délai de prescription avait commencé à courir au jour de l'acte, pour cette raison que la nullité du protocole litigieux n'était pas fondée sur un vice du consentement mais sur un défaut d'objet de la convention, et en refusant de reporter le point de départ de ce délai au jour où la demanderesse avait eu connaissance d'une servitude préexistante, qui seule lui avait permis d'exercer l'action en nullité pour défaut d'objet, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil ;

Mais attendu que la nullité d'un acte pour défaut d'objet, laquelle ne tend qu'à la protection des intérêts privés des parties, relève du régime des nullités relatives ; que, sous l'empire de l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, le point de départ du délai de prescription d'une action en nullité d'un contrat pour défaut d'objet se situait au jour de l'acte ; que la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile n'a pas eu pour effet de modifier le point de départ du délai de la prescription extinctive ayant commencé à courir antérieurement à son entrée en vigueur ; que la cour d'appel a relevé que l'acte argué de nullité pour défaut d'objet avait été conclu le 26 novembre 2004 ; qu'il en résulte que l'action en nullité de l'acte introduite le 8 mars 2013, soit au-delà du délai quinquennal de la prescription extinctive ayant commencé à courir le 26 novembre 2004, était prescrite ; que, par ces motifs de pur droit, substitués à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Béghin - Avocat général : M. Sturlèse - Avocat(s) : SCP Bénabent ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.

1re Civ., 23 janvier 2019, n° 17-18.219, (P)

Cassation partielle

Suspension – Causes – Impossibilité d'agir – Appréciation – Modalités – Détermination – Solidarité passive – Portée

En cas de solidarité passive, l'impossibilité d'agir, au sens de l'article 2234 du code civil, doit être appréciée au regard du lien que fait naître la solidarité entre le créancier et chaque codébiteur solidaire, peu important que le créancier, qui peut s'adresser à celui des codébiteurs de son choix, ait la faculté, en application de l'article 2245, alinéa 1, du code civil, d'interrompre la prescription à l'égard de tous les codébiteurs solidaires, y compris leurs héritiers, en agissant contre l'un quelconque d'entre eux.

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 2234 du code civil, ensemble l'article 1203 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ; que, selon le second, le créancier d'une obligation contractée solidairement peut s'adresser à celui des débiteurs qu'il veut choisir ; que l'impossibilité d'agir doit être appréciée au regard du lien que fait naître la solidarité entre le créancier et chaque codébiteur solidaire, peu important que le créancier ait la faculté, en application de l'article 2245, alinéa 1, du code civil, d'interrompre la prescription à l'égard de tous les codébiteurs solidaires, y compris leurs héritiers, en agissant contre l'un quelconque d'entre eux ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant acte sous seing privé du 10 juin 2007, la société Crédit foncier de France (la banque) a consenti à Bernard Y... et à son épouse, Mme Y..., un prêt relais d'un certain montant, dont elle a reçu un remboursement partiel le 17 décembre 2010 ; qu'après le décès de Bernard Y..., survenu le [...], elle a, le 16 juillet 2013, assigné en paiement du solde du prêt Mme Y... ainsi que MM. Frédéric et Yann Y..., pris en qualité d'héritiers du défunt ;

Attendu que, pour déclarer prescrite l'action en paiement de la banque, l'arrêt retient que celle-ci n'était pas dans l'impossibilité d'agir à l'encontre de Mme Y..., ce qui aurait eu pour effet d'interrompre le délai de prescription à l'égard de l'ensemble des codébiteurs solidaires ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la banque n'avait eu connaissance de la dévolution successorale de Bernard Y... que le 27 juin 2013, de sorte qu'elle s'était trouvée dans l'impossibilité d'agir contre les héritiers du défunt jusqu'à cette date, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare prescrite l'action en paiement formée contre MM. Frédéric et Yann Y..., pris en qualité d'héritiers de Bernard Y..., l'arrêt rendu le 23 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Vitse - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Richard -

Textes visés :

Article 2234 du code civil ; article 1203 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

2e Civ., 31 janvier 2019, n° 18-10.011, (P)

Rejet

Suspension – Causes – Mesure d'instruction ordonnée avant tout procès – Bénéficiaire – Détermination

La suspension de la prescription, en application de l'article 2239 du code civil, lorsque le juge accueille une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès, qui fait, le cas échéant, suite à l'interruption de cette prescription au profit de la partie ayant sollicité cette mesure en référé et tend à préserver les droits de la partie ayant sollicité celle-ci durant le délai de son exécution, ne joue qu'à son profit.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 6 novembre 2017), que la société d'HLM ICF Sud-Est Méditerranée (la société ICF) se plaignant de malfaçons résultant de travaux de couverture confiés à la société Navaron, a obtenu en référé la désignation d'un expert, puis, après dépôt du rapport d'expertise, a saisi un tribunal de commerce à fin d'indemnisation ; que la société Navaron a appelé en garantie la société Euclid ingénierie, qui avait reçu de la société ICF une mission de direction et d'exécution des travaux, et a sollicité, reconventionnellement, la condamnation de la société ICF au paiement de ses factures ; que le tribunal ayant accueilli les demandes respectives des parties, la société ICF a relevé appel du chef du jugement accueillant la demande de la société Navaron à son encontre ;

Attendu que la société Navaron fait grief à l'arrêt de juger irrecevable, comme prescrite, sa demande de règlement de factures formée contre la société ICF, alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article 26 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 que lorsqu'une instance a été introduite après l'entrée en vigueur de ladite loi, l'action est jugée conformément à la loi nouvelle ; qu'en l'espèce, l'assignation en référé avait été délivrée par la société ICF en date du 23 septembre 2009 ; que les articles 2239 et 2241 nouveaux du code civil, issu de la loi susvisée, étaient donc applicables ; qu'il résulte de ces textes, comme le soutenait la société Navaron dans ses conclusions d'appel, que si la prescription est interrompue seulement au profit du demandeur en référé, elle est en revanche suspendue au profit de toutes les autres parties, le délai recommençant à courir, pour ces parties, à compter du jour où la mesure a été exécutée ; que la cour d'appel ne pouvait donc déclarer irrecevable la demande de paiement de la société Navaron à l'encontre de la société ICF, au motif que l'assignation en référé n'avait eu d'effet que pour la seule société ICF ; qu'elle a, ce faisant, violé l'article 2239 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi susvisée du 17 juin 2008 ;

Mais attendu que la suspension de la prescription, en application de l'article 2239 du code civil, lorsque le juge accueille une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès, qui fait, le cas échéant, suite à l'interruption de cette prescription au profit de la partie ayant sollicité cette mesure en référé et tend à préserver les droits de la partie ayant sollicité celle-ci durant le délai de son exécution, ne joue qu'à son profit ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en droit, n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : SCP de Nervo et Poupet ; SCP Hémery, Thomas-Raquin, Le Guerer ; SCP Boulloche -

Textes visés :

Articles 2239 et 2241 du code civil.

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