Numéro 1 - Janvier 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2019

POUVOIRS DES JUGES

2e Civ., 31 janvier 2019, n° 17-31.234, (P)

Cassation

Applications diverses – Mesures d'exécution forcée – Saisie des rémunérations – Procédure – Orientation postérieure à l'acte de saisie – Cas – Demande de mainlevée ou de suspension – Recevabilité

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 221-8 du code de l'organisation judiciaire et L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article R. 3252-19 du code du travail ;

Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, qu'un juge d'instance, statuant sur la requête de Mme Z... à fin de saisie des rémunérations de M. X..., a constaté l'absence de conciliation entre les parties le 2 février 2016 et qu'un acte de saisie a été établi le même jour ; que le 8 février 2016, M. X... a saisi le juge d'un tribunal d'instance d'une contestation de la saisie ;

Attendu que, pour déclarer la requête irrecevable, le jugement retient qu'en matière de saisie des rémunérations, les dispositions de l'article R. 3252-19 du code du travail précisent que les contestations sont à former par le saisi pendant le temps de la procédure et que, durant toute la procédure de saisie de ses rémunérations, M. X... n'a pas formé de contestation à l'encontre du titre qui a été vérifié par le juge ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le juge du tribunal d'instance, exerçant les pouvoirs du juge de l'exécution, pouvait être saisi, même après l'acte de saisie, d'une demande de mainlevée ou de suspension de celle-ci, le juge a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 28 juin 2016, entre les parties, par le tribunal d'instance de Chalon-sur-Saône ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Dijon.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Leroy-Gissinger - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot -

Textes visés :

Article L. 221-8 du code de l'organisation judiciaire ; article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution ; article R. 3252-19 du code du travail.

2e Civ., 31 janvier 2019, n° 17-28.828, (P)

Rejet

Injonction – Injonction de communication de pièces – Injonction après réouverture des débats faute de communication de pièces – Violation – Portée

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 29 septembre 2017), que Mme C... a été victime en 1983, alors qu'elle était élève dans un lycée, d'une entorse au genou, prise en charge au titre de la législation en matière d'accident du travail, avec un taux d'incapacité permanente partielle fixé, en 1999, à 10 % ; qu'après le rejet d'un recours amiable qu'elle avait soumis à une commission du Rectorat de l'académie de Nancy-Metz, elle a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande tendant à voir reconnaître l'aggravation de son état de santé, puis a relevé appel du jugement qui, après avoir ordonné une expertise, l'a déboutée de son recours ;

Attendu que Mme C... fait grief à l'arrêt d'écarter des débats les pièces communiquées par elle et de confirmer le jugement entrepris, qui l'avait déboutée de ses demandes, alors, selon le moyen, que dans une procédure orale, il est possible de déposer des pièces lors de l'audience, lesquelles ne peuvent être rejetées que s'il est établi que la partie adverse n'a pas pu présenter utilement ses observations ; qu'en se bornant à relever que Mme C... n'avait pas procédé à une communication antérieure de ses pièces, malgré les demandes du conseiller chargé de l'instruction, sans constater que la communication à l'audience n'avait pas permis au représentant du rectorat de prendre connaissance des pièces et de faire valoir ses observations, la cour d'appel a violé les articles 15, 16 et 135 du code de procédure civile ;

Mais attendu que les parties doivent se communiquer spontanément les pièces dont elles font état en temps utile, sans que cette communication puisse intervenir, en procédure orale, après les débats de l'affaire ; que le juge, auquel il incombe de veiller au bon déroulement de l'instance et de faire observer le principe de la contradiction, dispose, en cas de réouverture des débats faute de communication de pièces, du pouvoir d'enjoindre cette communication et d'écarter des débats celles de ces pièces qui, sans motif légitime, n'ont pas été communiquées dans les délais qu'il a impartis ; qu'ayant relevé que, par un arrêt du 26 février 2016, elle avait ordonné la réouverture des débats à l'audience du 2 février 2017 en faisant injonction à l'appelante de transmettre ses pièces au Rectorat de l'académie de Nancy-Metz avant le 20 juin 2017 et que Mme C... avait reconnu à l'audience du 23 juin 2017 ne pas avoir procédé à cette communication, c'est à bon droit que la cour d'appel, retenant que les difficultés financières invoquées par l'appelante ne justifiaient pas une exception au principe de la contradiction, a écarté des débats les pièces de l'appelante ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, pris en sa seconde branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : Me Occhipinti ; Me Haas -

Textes visés :

Articles 15, 16, 132 et 135 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur le pouvoir des juges d'écarter des débats les pièces non communiquées en temps utile, à rapprocher : Ch. mixte, 3 février 2006, pourvoi n° 04-30.592, Bull. 2006, Ch. mixte, n° 2 (rejet), et l'arrêt cité. Sur le non-respect d'une injonction de communication des pièces dans un délai déterminé en procédure orale, à rapprocher : Soc., 10 juillet 1984, pourvoi n° 84-60.002, Bull. 1984, V, n° 312 (cassation).

2e Civ., 17 janvier 2019, n° 18-10.198, (P)

Cassation

Premier président – Avocat – Honoraires – Contestation – Honoraires de résultat – Montant – Appréciation

Donne acte à M. Y... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. et Mme A... ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel, qu'en octobre 2010, la société Le Baldaquin hôtel (la société), au sein de laquelle M. et Mme A... étaient associés, a chargé M. Y... (l'avocat) de défendre ses intérêts dans le litige qui l'opposait aux consorts E..., propriétaires de l'immeuble dans lequel elle exploitait son fonds de commerce, et qui venaient de lui signifier une assignation en référé-expulsion ; que l'avocat a fait connaître ses conditions tarifaires pour son intervention dans le contentieux judiciaire relatif à la résiliation du bail commercial par une lettre du 12 octobre 2010, dans laquelle il indiquait son taux horaire et précisait, qu'en fin de dossier, il pourrait solliciter un honoraire de résultat ; qu'il a modifié son taux horaire par lettre du 6 juillet 2012 ; que par un courrier électronique du 10 février 2015, la société a proposé à l'avocat de lui verser un honoraire de résultat de 22 750 euros HT, offre qui a été refusée, l'avocat réclamant le 1er septembre 2015 la somme de 68 400 euros TTC ; que cette réclamation a été refusée par M. et Mme A... par lettre du 19 octobre 2015 ; que le litige entre la société et les consorts E... a pris fin à la suite de négociations amiables, un accord étant signé entre les parties le 30 septembre 2015 ; que le 10 février 2016, l'avocat a saisi le bâtonnier de son ordre afin d'obtenir la fixation des honoraires qu'il réclamait à la société ; que, par lettre de son conseil du 12 septembre 2016, la société a fait savoir qu'elle maintenait sa proposition de paiement d'un honoraire de résultat de 22 750 euros et que, pour sa part, l'avocat a maintenu sa prétention à hauteur de 68 400 euros ; que le bâtonnier a rejeté la demande au titre de l'honoraire de résultat ;

Attendu que pour rejeter la demande de l'avocat au titre d'un honoraire de résultat, l'ordonnance énonce que l'honoraire de résultat doit répondre à deux conditions, à savoir la conclusion d'une convention d'honoraires et la facturation de diligences accomplies ; que si l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 n'exige pas que les modalités de fixation du complément d'honoraires soient déterminées dans la convention des parties, il exige néanmoins que le principe de l'honoraire de résultat soit acquis, l'accord du client sur le principe de l'honoraire de résultat devant être exprès et ne pouvant en tout état de cause être simplement « explicite » ; qu'en l'espèce, si M. et Mme A... ont envisagé de proposer le versement de la somme de 22 750 euros HT par courriel en date du 10 février 2015, il n'en demeure pas moins qu'ils n'ont jamais signé la moindre convention d'honoraires de résultat avec l'avocat définissant précisément la mission qu'il lui aurait confiée en contrepartie, étant observé que les deux courriers adressés par l'avocat ont pour finalité de faire connaître le taux horaire qu'il pratique dans le cadre de la seule procédure liée à la résiliation du bail qu'il a été chargé de mener ; qu'il est constant que la participation de l'avocat à la rédaction du protocole d'accord et à la négociation avec le notaire des consorts E... n'a pas fait l'objet d'une convention d'honoraires ni de diligences, ni de résultat ; que la société n'a jamais accepté le principe de paiement d'un honoraire de résultat ;

Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, qu'il avait estimé que l'avocat avait participé à la négociation entre la société et son bailleur pour mettre fin à leur litige, d'autre part, relevé que, par courrier électronique du 10 février 2015, la société, donnant suite à deux lettres de l'avocat relatives à sa rémunération, avait proposé le paiement d'un honoraire de résultat, ce dont il résultait l'existence d'une convention sur le principe d'un tel honoraire, nonobstant un désaccord sur son montant qui devait conduire le juge de l'honoraire à l'apprécier, le premier président, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 8 novembre 2017, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Paris.

- Président : M. Savatier (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Isola - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Coutard et Munier-Apaire -

Textes visés :

Article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.

Rapprochement(s) :

Sur la convention préalable d'honoraires de résultat, à rapprocher : 2e Civ., 18 mai 2017, pourvoi n° 16-18.294, Bull. 2017, II, n° 103 (rejet), et les arrêts cités. Sur la forme de la convention d'honoraires d'avocat, à rapprocher : 1re Civ., 19 mai 1999, pourvoi n° 97-13.984, Bull. 1999, I, n° 163 (cassation) ; 2e Civ., 29 avril 2004, pourvoi n° 02-20.249, Bull. 2004, II, n° 196 (cassation). Sur le pouvoir du juge d'apprécier le montant de l'honoraire de résultat, à rapprocher : 2e Civ., 13 juillet 2006, pourvoi n° 03-21.013, Bull. 2006, II, n° 206 (rejet) ; 2e Civ., 6 mars 2014, pourvoi n° 13-14.922, Bull. 2014, II, n° 62 (cassation), et l'arrêt cité ; 2e Civ., 8 février 2018, pourvois n° 16-28.632 et 16-28.633, Bull. 2018, II, n° 24 (cassation partielle).

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.