Numéro 1 - Janvier 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2019

ETRANGER

1re Civ., 16 janvier 2019, n° 18-50.047, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Mesures d'éloignement – Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire – Placement en rétention – Décision de placement – Régularité – Contestation – Saisine du juge des libertés et de la détention par l'étranger – Délai

L'étranger qui entend contester la régularité de la décision le plaçant en rétention administrative doit saisir le juge des libertés et de la détention par requête adressée par tout moyen avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de cette décision.

Mesures d'éloignement – Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire – Placement en rétention – Décision de placement – Régularité – Contestation – Saisine du juge des libertés et de la détention par l'étranger – Forme

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu les articles L. 512-1, III, 1er alinéa, et R. 552-10-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que l'étranger qui entend contester la régularité de la décision le plaçant en rétention administrative doit saisir le juge des libertés et de la détention par requête adressée par tout moyen avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de cette décision ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, qu'après avoir séjourné en Italie, M. Z..., de nationalité irakienne, a été contrôlé dans la zone d'accès restreint du port du Havre et placé en rétention par décision du préfet du 30 mars 2018, dans la perspective de son transfert vers l'Italie ; que le préfet a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de prolongation de cette mesure ;

Attendu que, pour prononcer la mise en liberté de M. Z..., l'ordonnance retient que la décision de placement en rétention est irrégulière en l'absence de dispositions réglementaires permettant la prise en compte de la vulnérabilité des étrangers, au sens de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'était pas régulièrement saisi d'une contestation de la régularité de la décision de placement en rétention, en l'absence de requête déposée à cette fin par l'étranger, le premier président a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire, dont l'application est suggérée par le mémoire ampliatif ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare l'appel recevable, l'ordonnance rendue le 5 avril 2018, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Rouen ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat général : Mme Marilly -

Textes visés :

Articles L. 512-1, III, alinéa 1, et R. 552-10-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

1re Civ., 30 janvier 2019, n° 18-11.806, (P)

Rejet

Mesures d'éloignement – Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire – Prolongation de la rétention – Nouvelle saisine du juge des libertés et de la détention – Cas – Obstacles à l'exécution de la mesure d'éloignement – Perte ou destruction des documents de voyage de l'intéressé, dissimulation de son identité ou obstruction volontaire à son éloignement – Copie de passeport périmé – Circonstance assimilable

La remise d'une copie de passeport périmé, document sans valeur probante de l'identité et de la nationalité de la personne, est une circonstance assimilable à la perte ou destruction des documents de voyage de l'intéressé, à la dissimulation par celui-ci de son identité ou à l'obstruction volontaire faite à son éloignement, au sens de l'article L. 552-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'y a pas lieu, dans ce cas, de rechercher si les obstacles à l'exécution de la mesure d'éloignement étaient susceptibles d'être surmontés à bref délai.

Mesures d'éloignement – Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire – Prolongation de la rétention – Nouvelle saisine du juge des libertés et de la détention – Cas – Obstacles à l'exécution de la mesure d'éloignement – Condition de bref délai – Exclusion – Applications diverses – Remise d'une copie de passeport périmé

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Toulouse, 16 juin 2017), et les pièces de la procédure, que M. X..., de nationalité nigériane, ayant été condamné, par la chambre des appels correctionnels, à une peine d'interdiction du territoire français, le préfet a pris, le 15 mai 2017, un arrêté de placement en rétention administrative afin de mettre à exécution cette décision ; qu'après une première prolongation de la mesure pour une durée de vingt-huit jours ordonnée par le juge des libertés et de la détention, le préfet a sollicité, le 12 juin 2017, une seconde prolongation ;

Attendu que M. X... fait grief à l'ordonnance d'accueillir cette demande alors, selon le moyen :

1°/ que lorsqu'un délai de vingt-huit jours s'est écoulé depuis l'expiration du délai de quarante-huit heures mentionné à l'article L. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le juge des libertés et de la détention ne peut être à nouveau saisi, en l'absence d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, que si l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ; qu'en estimant que la nouvelle saisine du juge des libertés et de la détention était justifiée par le fait que M. X... avait remis une copie de son passeport périmé, circonstance qui n'est assimilable ni à la perte ou à la destruction des documents de voyage de l'intéressé ni à la dissimulation de son identité ou à une obstruction volontaire à l'éloignement, le juge d'appel a violé l'article L. 552-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

2°/ que le préfet, pour saisir le juge des libertés et de la détention d'une demande de seconde prolongation de la rétention d'un étranger, doit justifier du caractère suffisant des diligences accomplies préalablement par l'administration ; qu'en jugeant que la préfecture de Haute-Garonne aurait exercé « toute diligence pour procéder à l'éloignement » de M. X..., quand l'administration s'était pourtant bornée à procéder, au bout de vingt-trois jours, à des relances adressées à des services du ministère de l'intérieur, sans effectuer la moindre relance des autorités consulaires nigérianes, le juge d'appel a violé l'article L. 552-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

3°/ que pour obtenir une nouvelle prolongation de la rétention de l'étranger, l'administration doit établir, non seulement qu'elle a effectué toutes démarches utiles aux fins d'obtenir la délivrance des documents de voyage nécessaires, mais encore que ces éléments doivent lui parvenir à bref délai ; qu'en omettant de rechercher, comme cela lui incombait, si les obstacles à l'exécution de la mesure d'éloignement étaient susceptibles d'être surmontés à bref délai, le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel de Toulouse a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 552-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Mais attendu que l'ordonnance retient que l'intéressé n'a remis qu'une copie de passeport périmé, document sans valeur probante de l'identité et de la nationalité de la personne, et que le préfet, qui ne dispose d'aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires, justifie avoir saisi le consulat du Nigéria pour assurer le retour de l'intéressé dans son pays d'origine ; que, de ces constatations et appréciations, le premier président, qui n'avait pas à rechercher si les obstacles à l'exécution de la mesure d'éloignement étaient susceptibles d'être surmontés à bref délai, a pu déduire que le préfet avait effectué toutes les diligences qui lui incombaient ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Delamarre et Jehannin -

Textes visés :

Article L. 552-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Rapprochement(s) :

Sur l'absence de passeport assimilable à sa perte, à rapprocher : 2e Civ., 8 mars 2001, pourvoi n° 99-50.032, Bull. 2001, II, n° 44 (rejet). Sur l'impossibilité d'ordonner une assignation à résidence en cas de remise d'un passeport périmé, à rapprocher : 1re Civ., 1 juillet 2009, pourvoi n° 08-15.054, Bull. 2009, I, n° 149 (cassation sans renvoi), et l'arrêt cité. Sur le cas dans lequel il incombe au juge de rechercher si les obstacles à l'exécution de la mesure d'éloignement étaient susceptibles d'être surmontés à bref délai, à rapprocher : 1re Civ., 18 novembre 2015, pourvoi n° 15-14.560, Bull. 2015, I, n° 284 (cassation partielle sans renvoi).

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