Numéro 1 - Janvier 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2019

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)

Com., 30 janvier 2019, n° 17-22.223, (P)

Rejet

Liquidation judiciaire – Créanciers – Droit de rétention – Saisine du juge-commissaire par le liquidateur en vue de la réalisation de l'immeuble retenu – Conditions – Libération de l'immeuble – Nécessité (non)

Il résulte de l'article L. 642-20-1 du code de commerce qu'à défaut de retrait de l'immeuble légitimement retenu, le liquidateur doit, dans les six mois du jugement d'ouverture, demander l'autorisation au juge-commissaire de procéder à sa réalisation, le droit de rétention étant alors de plein droit reporté sur le prix. La libération de l'immeuble, qui impliquerait la levée du droit de rétention et donc le paiement de la créance garantie, ne peut donc être un préalable à la saisine du juge-commissaire.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 3 juillet 2017), que M. B... et Mme Z... (les consorts B... Z...) ont acquis, le 12 septembre 2008, de la société Domaine de Carsalade (la société) une maison d'habitation pour y loger leur fille, Mme Y... ; que la vente a été annulée pour dol par un jugement, devenu irrévocable, du 22 septembre 2011 qui a ordonné la restitution du prix de vente aux acquéreurs et condamné la société à leur payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts ; que la société a été mise en liquidation judiciaire le 30 juillet 2013, la société A... étant désignée liquidateur ; que le prix de vente n'ayant pas été restitué aux acquéreurs, ces derniers ont déclaré leur créance qui a été admise par une ordonnance du juge-commissaire du 31 janvier 2014 ; que par des actes des 19 et 23 novembre 2015, le liquidateur a assigné les consorts B... Z... et Mme Y... pour voir juger qu'ils ne disposent d'aucun droit de rétention, sont occupants sans droit ni titre de l'immeuble et voir ordonner leur expulsion et le paiement d'une indemnité d'occupation ;

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt de dire que Mme Y... est occupante de l'immeuble du chef de ses parents, bénéficiaires d'un droit de rétention en application de l'article 2286 du code civil, et de rejeter les demandes de M. A... aux fins d'expulsion de Mme Y... alors, selon le moyen :

1°/ que le droit de rétention d'un immeuble se perd par le dessaisissement volontaire du bien saisi, caractérisé en cas de perte volontaire de la jouissance effective et matérielle du bien ; qu'en se fondant, pour juger que les consorts B... Z... ne s'étaient pas volontairement dessaisis de l'immeuble litigieux sur lequel ils exercent leur droit de rétention, après avoir pourtant constaté que l'immeuble n'était plus occupé par eux mais par Mme Y..., sur la circonstance inopérante que ces derniers avaient conservé les clés, contracté une assurance et se rendaient suffisamment fréquemment dans l'immeuble pour pouvoir être présents lors de la visite, unique, d'un huissier de justice, ce qui n'était pas de nature à établir, faute d'emprise physique et matérielle du bien, qu'ils aient ainsi conservé la détention de l'immeuble, la cour d'appel a violé l'article 2286 du code civil ;

2°/ qu'un mandat ne peut avoir pour objet que la conclusion d'un acte juridique pour autrui ; qu'en se fondant encore, pour juger que l'occupation de l'immeuble avait été conservée par les consorts B... Z..., titulaires d'un droit de rétention, sur la circonstance qu'ils avaient accordé un mandat d'occupation de l'immeuble litigieux à Mme Y..., ce dont il résultait que celle-ci occupait l'immeuble pour le compte des mandants, la cour d'appel, qui s'est ainsi fondée sur un acte qui, portant sur l'accomplissement d'actes matériels, ne créait aucun pouvoir de représentation de sorte qu'il n'était pas de nature à établir que les consorts B... Z... auraient conservé la détention matérielle et effective du bien, a de nouveau violé l'article 2286 du code civil ;

3°/ que pour demander à la cour d'appel la confirmation du jugement ayant ordonné l'expulsion de Mme Y..., la Selarl A... et associés, liquidateur de la société venderesse, faisait valoir dans ses conclusions que le maintien de celle-ci dans les lieux, à la suite de l'annulation de la vente, en sa prétendue qualité de créancier rétenteur du prix du bien faisait obstacle à la mise en oeuvre, par le liquidateur, de son obligation légale résultant de l'article L. 642-20-1 du code de commerce de solliciter du juge-commissaire, dans une telle situation, l'autorisation de réaliser le bien dans les 6 mois du jugement de liquidation, le droit de rétention se trouvant alors de plein droit reporté sur le prix ; qu'en se bornant à relever que le droit de rétention se trouvait légalement reporté sur le prix sans répondre à ces conclusions pourtant de nature à établir que le maintien dans les lieux de l'occupante faisait obstacle à l'accomplissement par le liquidateur de son obligation de faire réaliser le bien aux meilleures conditions, avec l'accord du juge-commissaire, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile, ainsi violé ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé que les consorts B... Z... détenaient les clés de l'immeuble qu'ils assuraient eux-mêmes, s'y rendaient fréquemment, au point d'être présents lors de la visite de l'huissier le 16 septembre 2016, l'arrêt retient que Mme Y... procède à l'entretien régulier de l'immeuble pour le compte de ses parents et, se référant à l'acte notarié du 21 janvier 2013 par lequel les consorts B... Z... ont donné à leur fille « mandat d'occupation de l'immeuble », en déduit que, nonobstant le paiement de certaines taxes d'habitation par Mme Y..., cette dernière occupe l'immeuble du chef et pour le compte de ses parents, légitimes rétenteurs du bien ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont il résulte que les consorts B... Z..., titulaires d'un droit de rétention sur l'immeuble, ne se sont pas dessaisis de la détention de ce bien, occupé de leur chef et pour leur compte, par leur fille, en vertu d'une convention écrite, dont la qualification adoptée par les parties et le notaire instrumentaire importe peu, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Et attendu, en second lieu, que l'arrêt retient qu'il ne peut être soutenu que les consorts B... Z... s'octroient un droit perpétuel d'occupation de l'immeuble, dès lors que l'exercice d'un droit de rétention ne fait pas obstacle à la vente du bien retenu et que l'article L. 642-20-1 du code de commerce, prévoit qu'en cas de vente, le droit de rétention est de plein droit reporté sur le prix ; que répondant, en les écartant, aux conclusions du liquidateur qui soutenaient à tort que la libération de l'immeuble était un préalable à la saisine du juge-commissaire pour voir autoriser la vente du bien, la cour d'appel a satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Vaissette - Avocat général : M. Le Mesle (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot ; SCP Gaschignard ; SCP Rousseau et Tapie ; SCP Capron -

Textes visés :

Article L. 642-20-1 du code de commerce.

Com., 16 janvier 2019, n° 16-26.989, (P)

Renvoi

Liquidation judiciaire – Effets – Dessaisissement du débiteur – Limites – Contestation d'une décision ayant une incidence sur son passif – Recevabilité du pourvoi formé par le débiteur – Passif – Indivisibilité de l'objet du pourvoi – Mise en cause du liquidateur – Nécessité

Lorsque son liquidateur n'a pas été mis en cause devant les juges du fond ni devant la Cour de cassation, le pourvoi formé par le débiteur en liquidation judiciaire contre l'arrêt qui l'a condamné à relever et garantir son ex-épouse de toutes les sommes qui pouvaient être mises à la charge de celle-ci au profit de divers créanciers, n'est pas irrecevable, dès lors que ce débiteur peut contester seul une décision qui a une incidence sur son passif.

En revanche, en raison de l'indivisibilité de l'objet de ce pourvoi, qui concerne le passif et n'est donc pas étranger à la mission du liquidateur, la mise en cause de ce dernier est nécessaire à la régularisation de la procédure.

Vu l'article 332 du code de procédure civile ;

Attendu que M. Y... a formé seul, le 5 décembre 2016, un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 30 mars 2016, qui, par confirmation du jugement qui lui était déféré, l'a condamné à relever et garantir Mme A..., dont il est divorcé, « de toutes les sommes qui pourraient être mises à [la] charge » de celle-ci au profit de divers créanciers ;

Attendu que si M. Y... est en liquidation judiciaire depuis le 18 septembre 2012 et si son liquidateur n'a pas été mis en cause devant les juges du fond, ni devant la Cour de cassation, le pourvoi n'est pas pour autant irrecevable, dès lors que M. Y... peut contester seul une décision qui a une incidence sur son passif ;

Qu'en revanche, en raison de l'indivisibilité de l'objet de ce pourvoi, qui concerne le passif et n'est donc pas étranger à la mission du liquidateur, la mise en cause de celui-ci est nécessaire à la régularisation de la procédure ;

PAR CES MOTIFS :

Invite M. Y... à mettre en cause son liquidateur ;

Lui impartit, à compter de ce jour, un délai de quatre mois pour effectuer cette mise en cause et dit qu'à défaut, l'irrecevabilité du pourvoi sera prononcée ;

Dit que l'affaire sera à nouveau examinée à l'audience de formation restreinte du 28 mai 2018.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Brahic-Lambrey - Avocat général : M. Le Mesle (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Article 332 du code de procédure civile.

Com., 16 janvier 2019, n° 17-16.334, (P)

Rejet

Liquidation judiciaire – Effets – Dessaisissement du débiteur – Limites – Exercice des actions attachées à la personne du débiteur – Applications diverses – Exercice de l'action en divorce – Fixation de la prestation compensatoire – Abandon en pleine propriété d'un immeuble du débiteur – Opposabilité au liquidateur

Le dessaisissement ne concernant que l'administration et la disposition des biens du débiteur, ce dernier a qualité pour intenter seul une action en divorce ou y défendre, action attachée à sa personne, qui inclut la fixation de la prestation compensatoire mise à sa charge, sans préjudice de l'exercice par le liquidateur, qui entend rendre inopposable à la procédure collective l'abandon en pleine propriété d'un bien propre appartenant au débiteur décidé par le juge du divorce à titre de prestation compensatoire, d'une tierce opposition contre cette disposition du jugement de divorce.

Organes – Liquidateur – Pouvoirs – Représentation du débiteur – Divorce – Exercice d'une tierce opposition contre la décision fixant la prestation compensatoire

Donne acte à M. Z... du désistement de son pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre le procureur général près la cour d'appel de Metz ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 10 janvier 2017) et les productions, que M. Y..., marié à Mme X..., a été mis en liquidation judiciaire par un jugement du 10 juillet 2009, M. Z... étant désigné liquidateur ; que le divorce des époux a été prononcé pour faute le 12 mai 2014, M. Y... étant condamné à verser une prestation compensatoire à son ex-épouse sous la forme de l'abandon en pleine propriété d'un bien immobilier lui appartenant en propre ; que le liquidateur a demandé au juge-commissaire l'autorisation de procéder à la vente sur adjudication de cet immeuble ; que Mme X... s'y est opposée ; que, par une ordonnance du 14 septembre 2015, le juge-commissaire a fait droit à la demande du liquidateur en retenant que, M. Y... étant dessaisi, le jugement de divorce était, dans ses aspects patrimoniaux, inopposable à la procédure collective, de sorte que l'immeuble pouvait être vendu au titre des opérations de liquidation judiciaire ;

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt d'infirmer cette ordonnance alors, selon le moyen, qu'ayant constaté que M. Y..., en liquidation judiciaire, était dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens quand a été rendu le jugement le condamnant à verser une prestation compensatoire à Mme X... sous forme d'un abandon en pleine propriété de l'immeuble litigieux lui appartenant en propre, la cour d'appel aurait dû juger que le transfert de propriété intervenu à ce titre était inopposable à M. Z..., ès qualités ; qu'en décidant le contraire, aux motifs inopérants que le transfert de propriété avait été enregistré au Livre foncier et que le liquidateur pouvait former tierce opposition au jugement de divorce, la cour d'appel a violé l'article L. 641-9, I, du code de commerce ;

Mais attendu que le dessaisissement ne concernant que l'administration et la disposition des biens du débiteur, ce dernier a qualité pour intenter seul une action en divorce ou y défendre, action attachée à sa personne, qui inclut la fixation de la prestation compensatoire mise à sa charge, sans préjudice de l'exercice par le liquidateur, qui entend rendre inopposable à la procédure collective l'abandon en pleine propriété d'un bien propre appartenant au débiteur décidé par le juge du divorce à titre de prestation compensatoire, d'une tierce opposition contre cette disposition du jugement de divorce ; que l'arrêt, qui statue en ce sens, n'encourt pas le grief du moyen ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Brahic-Lambrey - Avocat général : M. Le Mesle (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article L. 641-9, I, du code de commerce.

Com., 16 janvier 2019, n° 17-18.450, (P)

Rejet

Liquidation judiciaire – Ouverture – Cessation des paiements – Impossibilité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible – Passif exigible – Caractérisation – Condamnation en référé au paiement d'une provision et d'une indemnité provisionnelle – Conditions – Détermination

L'appréciation de l'état de cessation des paiements peut prendre en compte, dans le passif exigible, la condamnation en référé au paiement d'une provision et d'une indemnité provisionnelle, dès lors qu'il n'est pas allégué que cette créance aurait fait l'objet d'une procédure au fond.

Liquidation judiciaire – Ouverture – Cessation des paiements – Impossibilité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible – Actif disponible – Caractérisation – Echec ou insuffisance de saisies-attribution

L'échec ou l'insuffisance de saisies-attributions peut être retenu pour caractériser l'absence d'actif disponible.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 12 janvier 2016, pourvoi n° 14-23.798), que la société MHS Electronics (la société MHS), locataire commerciale de la société Kalkalit Nantes (la société Kalkalit), a été mise en redressement judiciaire le 10 décembre 2008 ; que par un jugement du 7 juillet 2010, le tribunal a arrêté un plan de redressement par voie de continuation ; qu'une ordonnance de référé du 1er septembre suivant a condamné la société MHS à payer à son bailleur une provision de 1 826 212,10 euros, somme qu'elle reconnaissait lui devoir au titre des loyers et charges échus depuis le mois de février 2009 ; qu'un jugement du 15 décembre 2010 a prononcé la résolution du plan et la liquidation judiciaire de la société MHS, en fixant la date de la cessation des paiements au 7 décembre 2010 ; que celle-ci a été reportée au 10 septembre 2010 par un jugement du 23 mars 2011, auquel la société Kalkalit a formé tierce opposition ;

Attendu que la société Kalkalit fait grief à l'arrêt de reporter la date de cessation des paiements de la société MHS au 10 septembre 2010 alors, selon le moyen :

1°/ que la date de cessation des paiements peut être reportée, à condition que soit établie, à la date retenue, l'impossibilité pour le débiteur de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ; qu'en considérant que l'état de cessation des paiements de la société MHS aurait été caractérisé dès le 10 septembre 2010, sans préciser le montant de l'actif disponible à cette date, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 631-8 et L. 631-1 du code de commerce ;

2°/ que la date de cessation des paiements peut être reportée, à condition que soit établie, à la date retenue, l'impossibilité pour le débiteur de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ; qu'en considérant, pour estimer que l'état de cessation des paiements aurait été pleinement caractérisé dès le 10 septembre 2010, que des saisies-attributions pratiquées les 25, 26 et 29 octobre 2010 auraient mis en lumière que la société MHS n'aurait pas disposé d'un actif disponible suffisant pour faire face à sa dette exigible, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 631-8 et L. 631-1 du code de commerce ;

3°/ que la charge de la preuve de l'impossibilité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible pèse sur la partie qui demande le report de la date de cessation des paiements ; qu'en considérant, pour estimer que l'état de cessation des paiements aurait été pleinement caractérisé dès le 10 septembre 2010, que la société Kalkalit n'aurait pas démontré que la société MHS disposait d'un autre actif disponible que celui qu'elle avait saisi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles L. 631-8 et L. 631-1 du code de commerce, ensemble l'article 1353 du code civil ;

4°/ qu'une condamnation par une ordonnance de référé au paiement d'une provision ne peut être prise en compte dans la détermination du passif exigible ; qu'en retenant, pour estimer que l'état de cessation des paiements aurait été pleinement caractérisé dès le 10 septembre 2010, qu'une ordonnance de référé condamnant la société MHS au versement d'une provision, outre une indemnité provisionnelle d'occupation avait été signifiée à la société MHS le 10 septembre 2010, la cour d'appel a violé les articles L. 631-8 et L. 631-1 du code de commerce ;

5°/ qu'en ne répondant pas au moyen tiré de l'instrumentalisation, par les organes de la procédure collective, du report de la date de cessation des paiements, aux seules fins de remettre en cause les saisies-attributions pratiquées par la société Kalkalit, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que la condamnation, par ordonnance de référé au paiement d'une provision et d'une indemnité provisionnelle d'occupation d'un montant de 2 022 380,04 euros, avait été confirmée en appel et était exigible depuis le 10 septembre 2010, la cour d'appel a exactement retenu, la société Kalkalit n'alléguant pas que la même créance aurait été l'objet d'une instance au fond, que cette somme pouvait être prise en considération pour caractériser le passif existant à cette date ; qu'elle relève encore qu'il n'est pas sérieusement contesté que les saisies-attributions pratiquées par la société Kalkalit sur les comptes bancaires et entre les mains du principal client de la société MHS et validées le 10 novembre 2010 par un juge de l'exécution à concurrence de 1 519 669,40 euros n'ont pas permis de faire face au passif dû le 10 septembre 2010 ; qu'elle ajoute que la société Kalkalit, qui s'oppose au report de la date de cessation des paiements à cette dernière date, soutenait elle-même que, depuis le 1er septembre 2010, la société MHS n'était pas en mesure de régler son passif échu ; qu'en déduisant de ces constatations que la cessation des paiements de cette société était acquise au 10 septembre 2010, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a, sans inverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Brahic-Lambrey - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Ortscheidt ; SCP Capron -

Com., 30 janvier 2019, n° 17-20.793, n° 17-22.221, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Organes – Contrôleurs – Prérogatives – Carence du mandataire judiciaire ou du liquidateur – Qualité du créancier contrôleur pour agir – Recours contre une ordonnance du juge-commissaire rendue à la demande du mandataire ou du liquidateur (non)

Il résulte des articles L. 622-20 et L. 641-4, alinéa 3, du code de commerce que le créancier, nommé contrôleur, ne pouvant agir dans l'intérêt collectif des créanciers qu'en cas de carence du mandataire judiciaire ou du liquidateur, n'a pas qualité pour former, sur le fondement de l'article R. 621-21, du même code, un recours contre une ordonnance du juge-commissaire rendue à la demande du mandataire ou du liquidateur.

Joint les pourvois n° 17-20.793 et 17-22.221, qui attaquent le même arrêt ;

Sur les premiers moyens, pris en leur première branche, de chacun des pourvois, réunis :

Vu les articles L. 622-20, L. 641-4, alinéa 3, et R. 621-21 du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article R. 641-11 du même code ;

Attendu qu'en application des deux premiers textes, tout créancier nommé contrôleur peut agir dans l'intérêt collectif des créanciers, mais seulement en cas de carence du mandataire judiciaire ou du liquidateur ; qu'il en résulte qu'un contrôleur n'a pas qualité pour former, sur le fondement du troisième, un recours contre une ordonnance rendue, à la demande du mandataire ou du liquidateur, par le juge-commissaire ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles a désigné M. Y... en qualité d'administrateur provisoire de la société Alsass, à l'égard de laquelle a été ensuite ouverte, le 13 février 2012, une procédure de sauvegarde ; qu'après conversion de cette procédure en une procédure de redressement puis de liquidation judiciaires, les 21 janvier et 12 février 2013, le liquidateur a obtenu du juge-commissaire la fixation de la rémunération de M. Y..., pour la période de liquidation judiciaire, par une ordonnance du 27 janvier 2015 contre laquelle la société RD patrimoine conseils et associés, aux droits de laquelle est venue la société Olifan courtage, a exercé, en qualité de contrôleur, un recours devant le tribunal que celui-ci a déclaré irrecevable ;

Attendu que pour infirmer le jugement et déclarer le recours recevable, l'arrêt retient que le contrôleur, sans être un organe de la procédure collective, dispose de droits et de pouvoirs nécessaires pour assister le mandataire judiciaire dans ses fonctions, et le juge-commissaire dans sa mission de surveillance de l'administration de l'entreprise, conformément à l'article L. 621-11 du code de commerce, et qu'il doit donc être en mesure de contester une décision accordant une rémunération à un dirigeant ou à un tiers sollicité par le mandataire judiciaire, une telle décision affectant ses droits au sens de l'article R. 621-21 du code de commerce ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avertissement délivré aux parties ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare l'appel recevable, l'arrêt rendu le 3 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 30 mai 2016.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Articles L. 622-20, L. 641-4, alinéa 3, et R. 621-21 du code de commerce.

Com., 30 janvier 2019, n° 17-31.060, (P)

Rejet

Redressement judiciaire – Patrimoine – Créance – Admission – Chose jugée – Autorité – Seconde procédure collective contre le même débiteur – Portée

L'admission ou le rejet de la créance dans la première procédure collective n'a pas autorité de la chose jugée dans la seconde procédure ouverte à l'égard du même débiteur après résolution de son plan de redressement.

Si l'article L. 626-27, III, du code de commerce dispense le créancier, soumis au plan ou admis au passif de la première procédure, d'avoir à déclarer sa créance dans la seconde procédure, le texte ne lui interdit pas, s'il le souhaite, de déclarer de nouveau sa créance dans la nouvelle procédure.

En conséquence, justifie légalement sa décision une cour d'appel qui, saisie d'une demande d'admission de créances précédemment admises dans la première procédure, prononce leur admission pour leur montant actualisé dans la seconde.

Redressement judiciaire – Plan de redressement – Exécution du plan – Résolution pour inexécution – Nouvelle procédure – Déclaration de créance actualisée – Créancier soumis au plan ou admis au passif de la première procédure – Possibilité

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 11 octobre 2017), que M. Y... ayant été mis en redressement judiciaire le 3 avril 2008, la Caisse d'épargne et de prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes (la Caisse) a déclaré au passif deux créances pour les montants respectifs de 354 090,36 et 378 452,55 euros, qui n'ont été admises qu'à hauteur de 145,58 et 144,45 euros ; qu'un plan de redressement ayant été arrêté le 7 mai 2009, M. Y... a immédiatement réglé ces deux dernières sommes en application de l'article L. 626-20, II, du code de commerce ; qu'après la résolution du plan prononcée le 8 janvier 2016, la Caisse a, de nouveau, déclaré ses créances pour leur montant initial réactualisé ;

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'admettre les créances alors, selon le moyen :

1°/ que si la résolution du plan de redressement a pour effet d'anéantir rétroactivement les délais et remises acceptés par un créancier lors de son adoption, elle ne remet pas en cause le caractère libératoire des dividendes déjà versés à ce créancier par le débiteur pour l'apurement de chaque créance déclarée ; que le versement, par le débiteur, de la dernière échéance prévue par le plan, avant sa résolution, emporte l'extinction de la créance concernée, par complet paiement, ce qui exclut la possibilité de déclarer à nouveau cette créance au passif de la procédure collective ouverte à la suite de la résolution du plan de redressement ; en l'espèce, M. Y... faisait valoir que, dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire, la créance déclarée au titre du prêt n° [...] avait été admise à hauteur de 145,58 euros, et que celle déclarée au titre du prêt n° [...] l'avait été à hauteur de 144,45 euros ; qu'il ajoutait que ces deux créances avaient été intégralement payées par le commissaire à l'exécution du plan le 28 juillet 2009, ce dont il déduisait qu'elles avaient été éteintes ; que la cour d'appel a pourtant jugé le contraire au motif que « le paiement partiel ne saurait avoir un effet extinctif pour le tout » ; en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les paiements effectués par le commissaire à l'exécution du plan correspondaient, pour chacune des créances concernées, à l'intégralité de leur montant tel qu'admis au passif de la procédure collective, et s'il en résultait que ces paiements, dont le caractère libératoire devait s'apprécier créance par créance, avaient éteint ces deux créances, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 626-19 et L. 626-27, III, du code de commerce, et 1234 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

2°/ que le juge est tenu de respecter et de faire respecter le principe de la contradiction, et ne peut soulever un moyen d'office sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que le moyen soutenu par M. Y..., suivant lequel les paiements effectués à hauteur de 145,58 euros et 144,45 euros le 28 juillet 2009 avaient éteint les créances déclarées par la banque pour les prêts n° [...] et n° [...], était sans portée au motif que « le paiement partiel ne saurait avoir un effet extinctif pour le tout » ; qu'en se prononçant ainsi, tandis qu'aucune des parties n'avait soutenu que ces paiements ne correspondaient qu'à une partie des créances déclarées au titre de chacun de ces prêts, la cour d'appel, qui n'a pas invité les parties à se prononcer sur ce moyen qu'elle a relevé d'office, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°/ que si la dispense du créancier, soumis au plan ou admis au passif de la première procédure, d'avoir à déclarer sa créance dans la seconde procédure ouverte à la suite de la résolution de ce plan, ne lui interdit pas, s'il le souhaite, de déclarer à nouveau sa créance dans la nouvelle procédure, c'est seulement pour obtenir son admission au passif à concurrence du montant actualisé de celle-ci ; que cette faculté ne lui permet pas de contester la décision d'admission du juge-commissaire, mais seulement d'en actualiser le montant au regard d'éléments survenus après cette admission ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré, par motifs propres et adoptés, que la Caisse d'Epargne pouvait de nouveau déclarer les créances correspondant aux prêts n° [...] et n° [...], pour des montants très nettement supérieurs à ceux déclarés puis admis dans le cadre de la précédente procédure collective, en raison de l'absence d'autorité de la chose jugée des premières décisions d'admission ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que si la banque pouvait déclarer ces créances plutôt que de bénéficier de la dispense de déclaration prévue par la loi, elle ne pouvait cependant procéder à cette déclaration qu'afin de les actualiser, la cour d'appel a violé l'article L. 626-27, III, du code de commerce ;

Mais attendu qu'après avoir retenu à bon droit que l'admission ou le rejet de la créance dans la première procédure collective n'a pas autorité de la chose jugée dans la seconde procédure ouverte à l'égard du même débiteur après résolution de son plan de redressement et que si l'article L. 626-27, III, du code de commerce dispense le créancier, soumis au plan ou admis au passif de la première procédure, d'avoir à déclarer sa créance dans la seconde procédure, le texte ne lui interdit pas, s'il le souhaite, de déclarer de nouveau sa créance dans la nouvelle procédure, l'arrêt relève que les deux créances à nouveau déclarées par la banque sont justifiées et ne sont pas spécialement critiquées par le débiteur ; que par ce seul motif, la cour d'appel, qui n'a pas relevé d'office un moyen, qui était dans le débat, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : M. Le Mesle (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Foussard et Froger ; SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia -

Textes visés :

Article L. 626-27, III, du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur la possibilité offerte au créancier ayant déjà déclaré sa créance dans une première procédure collective de déclarer de nouveau sa créance dans la nouvelle procédure, dans le même sens que : Com., 4 mai 2017, pourvoi n° 15-15.390, Bull. 2017, IV, n° 63 (rejet).

Com., 30 janvier 2019, n° 17-15.036, (P)

Cassation partielle

Redressement judiciaire – Plan – Jugement l'arrêtant – Personne tenue – Cessionnaire – Faculté de substitution – Portée – Obligation légale du cessionnaire de s'acquitter des échéances du prêt transféré – Absence de garantie

Si, conformément à l'article L. 642-9, alinéa 3 du code de commerce, l'auteur de l'offre de reprise retenue par le tribunal demeure garant solidairement des engagements qu'il a souscrits lors de la préparation du plan de cession en cas de substitution autorisée du cessionnaire, il ne garantit pas à celui-ci l'exécution de l'obligation légale qui pèse sur le cessionnaire de s'acquitter des échéances du prêt transféré, sauf engagement personnel de sa part.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Lefranc Vinolux a fait l'objet d'un plan de cession arrêté par un jugement du 19 octobre 2012 au profit de la société J Milliet Bercy Bistrot Cash (la société Milliet), laquelle, autorisée par une disposition de ce jugement, s'est substitué la société LM Boissons, pour l'exécution du plan ; que cette dernière société a elle-même été mise en liquidation judiciaire le 22 novembre 2013, la société Y...-A... étant désignée en qualité de liquidateur ; que le liquidateur a assigné la société Milliet en paiement des échéances d'un prêt consenti par la société Banque commerciale du marché Nord Europe (la société BCMNE), repris par le cessionnaire substitué ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article L. 642-9, alinéa 3, du code de commerce ;

Attendu que si l'auteur de l'offre de reprise retenue par le tribunal demeure garant solidairement des engagements qu'il a souscrits lors de la préparation du plan de cession en cas de substitution autorisée du cessionnaire, il ne garantit pas à celui-ci l'exécution de l'obligation légale qui pèse sur le cessionnaire de s'acquitter des échéances du prêt transféré, sauf engagement personnel de sa part ;

Attendu que pour condamner la société Milliet à payer au liquidateur de la société LM Boissons la somme de 186 869,32 euros, l'arrêt, après avoir retenu que la société LM Boissons devait s'acquitter des échéances du prêt litigieux, conformément à l'article L. 642-12, alinéa 4, du code de commerce, relève que la société Milliet s'était engagée « à maintenir (sa) garantie financière en faveur de l'activité, objet de l'offre au minimum pour le temps nécessaire au remboursement des encours d'emprunts de la BCMNE » soit « un encours total d'environ 285 000 euros » et en a déduit qu'elle s'était engagée à supporter les échéances à échoir du prêt ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans constater que la société Milliet s'était engagée en faveur de la société LM Boissons à exécuter personnellement les obligations mises à la charge de cette dernière envers la société BCMNE, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant partiellement le jugement, il condamne la société Milliet à payer à la société Y...-A..., en sa qualité de liquidateur de la société LM Boissons, la somme de 186 869,32 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 mai 2014, l'arrêt rendu le 20 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : M. Le Mesle (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin ; SCP Sevaux et Mathonnet -

Textes visés :

Article L. 642-9, alinéa 3, du code de commerce.

Com., 30 janvier 2019, n° 16-18.468, (P)

Cassation

Sauvegarde – Plan de sauvegarde – Jugement arrêtant le plan – Effets – Action en paiement contre la caution personne morale – Déchéance du terme non encourue par le débiteur principal – Paiement de la partie exigible de la dette cautionnée – Déduction des sommes payées en exécution du plan

Selon l'article L. 626-11, alinéa 2, du code de commerce, la caution personne morale ne peut se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde.

Il en résulte que, si la déchéance du terme non encourue par le débiteur principal ne peut être invoquée contre une telle caution, celle-ci est tenue de la partie exigible de la dette cautionnée, conformément au terme convenu dans son engagement, jusqu'à extinction de la dette garantie par le cautionnement, sous déduction des sommes payées en exécution du plan.

Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article L. 626-11, alinéa 2, du code de commerce, ensemble l'article 2288 du code civil ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, la caution personne morale ne peut se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde ; qu'il en résulte que, si la déchéance du terme non encourue par le débiteur principal ne peut être invoquée contre une telle caution, celle-ci est tenue de la partie exigible de la dette cautionnée, conformément au terme convenu dans son engagement, jusqu'à extinction de la dette garantie par le cautionnement, sous déduction des sommes payées en exécution du plan ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un acte du 10 décembre 1997, la Caisse des dépôts et consignations (la CDC) a consenti à l'Association départementale pour la sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes en difficulté (l'ADSEA 24) un prêt de 4 809 000 francs (733 127,32 euros), remboursable en 80 trimestrialités jusqu'au 1er octobre 2018, en garantie duquel la Caisse d'épargne et de prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes (la Caisse) s'est, le 24 novembre 1997, rendue caution ; que l'ADSEA 24 a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde le 18 janvier 2010, puis a bénéficié d'un plan de sauvegarde homologué le 19 septembre 2011 ; que pendant la période d'observation, la Caisse avait procédé au règlement des échéances dues par l'ADSEA 24, tandis que le commissaire à l'exécution du plan a, le 22 mars 2013, payé à la CDC la somme de 115 342 euros au titre du premier dividende ; que la CDC a assigné la Caisse en paiement d'une somme correspondant aux échéances du prêt exigibles pour les mois d'avril et juillet 2013 et janvier 2014 restées impayées ;

Attendu que pour rejeter ces demandes, l'arrêt, après avoir relevé qu'il était admis par les parties que la Caisse ne pouvait pas se prévaloir du plan et que la CDC demandait le paiement des échéances telles que prévues au contrat de prêt, retient que ce à quoi cette dernière prétend conduirait à ce qu'elle soit réglée intégralement avant l'échéance normale du contrat, ce qui excède les obligations des coobligés et que, faute pour elle de produire un décompte qui tiendrait compte des paiements effectifs du débiteur principal, elle ne peut qu'être déboutée, étant observé qu'elle n'a pas produit de décompte actualisé depuis ses dernières écritures de décembre 2014, où elle fait état d'une affectation comptable du dividende à un remboursement anticipé qu'elle ne peut exiger puisqu'il n'existe pas de déchéance du terme ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la Caisse ne prétendait pas que les dividendes payés en exécution du plan avaient éteint la dette à due concurrence, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 avril 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Graff-Daudret - Avocat général : M. Le Mesle (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article L. 626-11, alinéa 2, du code de commerce.

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