Numéro 1 - Janvier 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2019

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE

Soc., 16 janvier 2019, n° 17-20.969, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Licenciement économique – Licenciement collectif – Fermeture d'un établissement – Recherche d'un repreneur – Obligation de l'employeur – Contestation – Juge compétent – Critères – Détermination

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'article L. 1235-7-1 du code du travail, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et l'article 76 du code de procédure civile ;

Attendu que, selon l'article L. 1233-57-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014, en l'absence d'accord collectif ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir notamment vérifié le respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20, relatives à la recherche d'un repreneur en cas de projet de fermeture d'un établissement ; que le respect du principe de la séparation des pouvoirs s'oppose à ce que le juge judiciaire se prononce sur le respect par l'employeur de son obligation de recherche d'un repreneur ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que l'ensemble du personnel du site de Rantigny de la société Caterpillar matériel routiers a fait l'objet d'un licenciement économique collectif, le processus d'information-consultation du comité d'entreprise étant mis en oeuvre lors d'une réunion du 25 avril 2014 ; qu'un accord collectif relatif au contenu du plan de sauvegarde de l'emploi portant notamment sur les mesures sociales d'accompagnement des licenciements était conclu entre l'entreprise et les organisations syndicales, tandis qu'un document unilatéral fixait la procédure, le calendrier des départs et les mesures envisagées quant à la recherche d'un repreneur ; que l'accord collectif et le document unilatéral faisaient respectivement l'objet d'une validation et d'une homologation par les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi selon une décision du 6 août 2014 ; que les licenciements ont été notifiés à compter de janvier 2015 ; que M. X... et d'autres salariés de la société ont saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de dommages-intérêts pour inexécution de bonne foi de l'obligation légale de recherche d'un repreneur ;

Attendu que l'arrêt déboute les salariés de leurs demandes ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'appréciation du respect de l'obligation de recherche d'un repreneur relève de la seule compétence de la juridiction administrative, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les deux premiers des textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement du conseil de prud'hommes en ses dispositions par lesquelles il s'est déclaré matériellement incompétent et en ce qu'il déboute les salariés de leurs demandes en paiement de dommages-intérêts pour inexécution de bonne foi de l'obligation légale de recherche d'un repreneur, l'arrêt rendu le 10 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour connaître des demandes ;

Renvoie les parties à mieux se pourvoir.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Leprieur - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Article L. 1235-7-1 du code du travail ; loi des 16-24 août 1790 ; article 76 du code de procédure civile.

Soc., 30 janvier 2019, n° 17-31.473, (P)

Rejet

Licenciement – Nullité – Cas – Absence prolongée du salarié perturbant le fonctionnement de l'entreprise – Conditions – Absence en raison du harcèlement moral dont le salarié a été l'objet – Portée

Lorsque l'absence prolongée du salarié est la conséquence du harcèlement moral dont il a été l'objet, l'employeur ne peut se prévaloir de la perturbation que l'absence prolongée du salarié a causé au fonctionnement de l'entreprise.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 novembre 2017), que Mme Y..., ayant fait l'objet d'arrêts de travail suite à un accident du travail puis d'arrêts de travail pour maladie, a été licenciée par son employeur, la société Résidences le Logement des fonctionnaires (la société RLF), le 15 juin 2012, en raison de son absence prolongée perturbant le bon fonctionnement de l'entreprise et nécessitant son remplacement définitif ; qu'estimant subir un harcèlement moral, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ; que, par arrêt infirmatif, la cour d'appel a condamné l'employeur au paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et pour manquement à l'obligation de sécurité ;

Attendu que la société RLF fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du licenciement et de la condamner au paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul alors, selon le moyen :

1°/ que l'annulation d'un licenciement en raison du harcèlement moral dont un salarié a fait l'objet ne peut être prononcée que s'il est établi que celui-ci a été licencié pour avoir subi ou refusé de subir de tels agissements ; qu'en l'absence au contraire de lien établi avec le harcèlement, le licenciement n'est pas entaché de nullité ; qu'en se bornant à retenir, pour annuler le licenciement, que la société RLF n'établissait pas que les absences répétées et prolongées de la salariée avaient désorganisé l'entreprise au point de la contraindre à procéder à son remplacement définitif, sans constater l'existence d'un lien entre le harcèlement moral reproché à la société RLF et le licenciement pour absence répétée et prolongée de la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1235-3, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;

2°/ qu'il appartient au salarié d'apporter la preuve que son licenciement a pour cause les agissements de harcèlement dont il se prévaut ; qu'en retenant néanmoins, pour annuler le licenciement, que « l'employeur n'établit pas que le licenciement pour absences répétées du salarié liées à une maladie est justifié par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement », la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1353 du code civil ;

3°/ que l'absence de justification par l'employeur des perturbations engendrées par l'absence prolongée ou répétée du salarié prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, mais n'emporte pas sa nullité ; qu'en se fondant, pour annuler le licenciement, sur le motif impropre selon lequel la société RLF n'établissait pas que les absences répétées et prolongées de la salariée avaient désorganisé l'entreprise et rendu nécessaire son remplacement définitif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1235-3, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;

Mais attendu que lorsque l'absence prolongée du salarié est la conséquence du harcèlement moral dont il a été l'objet, l'employeur ne peut se prévaloir de la perturbation que l'absence prolongée du salarié a causé au fonctionnement de l'entreprise ;

Et attendu qu'ayant retenu l'existence d'un harcèlement moral ayant eu des répercussions sur l'état de santé de la salariée, dont elle avait constaté l'absence de l'entreprise en raison de plusieurs arrêts de travail, et ayant fait ressortir le lien de causalité entre le harcèlement moral à l'origine de l'absence de la salariée et le motif du licenciement, la cour d'appel, sans renverser la charge de la preuve, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Ott - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Articles L. 1152-1 et L. 1152-3 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le principe que l'employeur ne peut se prévaloir de la perturbation que l'absence prolongée du salarié a causé au fonctionnement de l'entreprise lorsque cette absence est la conséquence d'un harcèlement moral, dans le même sens que : Soc., 11 octobre 2006, pourvoi n° 04-48.314, Bull. 2006, V, n° 301 (cassation partielle partiellement sans renvoi).

Soc., 23 janvier 2019, n° 17-21.550, (P)

Cassation

Rupture conventionnelle – Forme – Convention signée par les parties – Validité – Conditions – Consentement – Appréciation – Absence de fraude ou de vice du consentement – Existence de faits de harcèlement moral – Incidence – Détermination – Portée

En l'absence de vice du consentement, l'existence de faits de harcèlement moral n'affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture intervenue en application de l'article L.1237-11 du code du travail.

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1237-11, L. 1152-1 et L. 1152-3 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Z... a été engagée par la société Cordirom en qualité d'agent administratif et commercial le 10 juin 2011 ; que les parties ont signé une convention de rupture du contrat de travail le 28 avril 2014 ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que pour déclarer nulle la rupture conventionnelle, l'arrêt retient qu'un salarié peut obtenir l'annulation de la rupture de son contrat de travail dès lors qu'il établit qu'elle est intervenue dans un contexte de harcèlement moral, sans avoir à prouver un vice du consentement, que la salariée n'invoque en l'espèce aucun vice du consentement mais que, le harcèlement moral étant constitué, il convient de constater la nullité de la rupture conventionnelle ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de vice du consentement, l'existence de faits de harcèlement moral n'affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture intervenue en application de l'article L. 1237-11 du code du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bastia, autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Valéry - Avocat général : Mme Courcol-Bouchard (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Aticles L. 1237-11, L. 1152-1 et L. 1152-3 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la nécessité, dans le cas d'une situation de harcèlement moral, de caractériser l'existence d'un vice du consentement pour entraîner la nullité d'une rupture conventionnelle, à rapprocher : Soc., 30 janvier 2013, pourvoi n° 11-22.332, Bull. 2013, V, n° 24 (rejet).

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