Numéro 1 - Janvier 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2019

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION

Soc., 30 janvier 2019, n° 17-28.905, (P)

Cassation

Employeur – Obligations – Sécurité des salariés – Obligation de résultat – Domaine d'application – Prévention des discriminations – Portée

L'employeur, tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, notamment en matière de discrimination, doit répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés.

Employeur – Responsabilité – Préjudice – Préjudice résultant d'agissements des personnes exerçant une autorité en fait ou en droit – Cas – Prévention des discriminations – Obligation – Etendue – Détermination – Portée

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 1132-1 du code du travail, ensemble les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du même code ;

Attendu que l'employeur, tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, notamment en matière de discrimination, doit répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Soc., 20 mai 2015, pourvoi n° 14-13357), que Mme Y..., employée en qualité d'agent polyvalent par l'association Stade poitevin tennis club, a, après avoir dénoncé par lettre du 1er avril 2010 à son employeur des faits de discrimination, saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que pour débouter Mme Y... de sa demande en paiement de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices moral et financier pour discrimination et violation par l'employeur de son obligation de sécurité, l'arrêt retient que les faits dénoncés ont été commis par des bénévoles de l'association qui apportaient leur aide en cuisine à l'occasion de la soirée et que rien ne permet en l'occurrence d'affirmer que ceux-ci se trouvaient sous la subordination hiérarchique de l'association, que la responsabilité de l'employeur ne saurait être engagée à raison de faits fautifs commis envers sa salariée par des personnes avec lesquelles il n'apparaît lié par aucun lien de préposition, que pour autant l'employeur n'est pas demeuré sans réaction à la suite de cet incident puisqu'il a fait procéder à une enquête interne tout en invitant son personnel à prendre toutes les précautions nécessaires dans leurs relations avec la salariée ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'absence d'autorité de droit ou de fait exercée sur la salariée par les auteurs d'agissements discriminatoires alors qu'elle avait constaté que l'insulte à connotation sexiste, proférée par un bénévole, et le jet par d'autres de détritus sur la salariée avaient eu lieu à l'occasion d'une soirée organisée par l'employeur dans les cuisines du restaurant de l'association en présence d'un salarié de l'entreprise, tuteur devant veiller à l'intégration de la salariée titulaire d'un contrat de travail s'accompagnant d'un contrat d'aide à l'emploi, sans que celui-ci réagisse, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Ott - Avocat(s) : SCP Monod, Colin et Stoclet -

Textes visés :

Articles L. 1132-1, L. 4121-1 et 4121-2 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'obligation de sécurité à la charge de l'employeur en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, à rapprocher : Soc., 19 octobre 2011, pourvoi n° 09-68.272, Bull. 2011, V, n° 235 (cassation partielle), et les arrêts cités ; Soc., 1er juin 2016, pourvoi n° 14-19.702, Bull. 2016, V, n° 123 (cassation partielle), et les arrêts cités.

Soc., 30 janvier 2019, n° 17-31.473, (P)

Rejet

Maladie du salarié – Cause – Harcèlement moral – Portée

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 novembre 2017), que Mme Y..., ayant fait l'objet d'arrêts de travail suite à un accident du travail puis d'arrêts de travail pour maladie, a été licenciée par son employeur, la société Résidences le Logement des fonctionnaires (la société RLF), le 15 juin 2012, en raison de son absence prolongée perturbant le bon fonctionnement de l'entreprise et nécessitant son remplacement définitif ; qu'estimant subir un harcèlement moral, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ; que, par arrêt infirmatif, la cour d'appel a condamné l'employeur au paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et pour manquement à l'obligation de sécurité ;

Attendu que la société RLF fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du licenciement et de la condamner au paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul alors, selon le moyen :

1°/ que l'annulation d'un licenciement en raison du harcèlement moral dont un salarié a fait l'objet ne peut être prononcée que s'il est établi que celui-ci a été licencié pour avoir subi ou refusé de subir de tels agissements ; qu'en l'absence au contraire de lien établi avec le harcèlement, le licenciement n'est pas entaché de nullité ; qu'en se bornant à retenir, pour annuler le licenciement, que la société RLF n'établissait pas que les absences répétées et prolongées de la salariée avaient désorganisé l'entreprise au point de la contraindre à procéder à son remplacement définitif, sans constater l'existence d'un lien entre le harcèlement moral reproché à la société RLF et le licenciement pour absence répétée et prolongée de la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1235-3, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;

2°/ qu'il appartient au salarié d'apporter la preuve que son licenciement a pour cause les agissements de harcèlement dont il se prévaut ; qu'en retenant néanmoins, pour annuler le licenciement, que « l'employeur n'établit pas que le licenciement pour absences répétées du salarié liées à une maladie est justifié par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement », la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1353 du code civil ;

3°/ que l'absence de justification par l'employeur des perturbations engendrées par l'absence prolongée ou répétée du salarié prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, mais n'emporte pas sa nullité ; qu'en se fondant, pour annuler le licenciement, sur le motif impropre selon lequel la société RLF n'établissait pas que les absences répétées et prolongées de la salariée avaient désorganisé l'entreprise et rendu nécessaire son remplacement définitif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1235-3, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;

Mais attendu que lorsque l'absence prolongée du salarié est la conséquence du harcèlement moral dont il a été l'objet, l'employeur ne peut se prévaloir de la perturbation que l'absence prolongée du salarié a causé au fonctionnement de l'entreprise ;

Et attendu qu'ayant retenu l'existence d'un harcèlement moral ayant eu des répercussions sur l'état de santé de la salariée, dont elle avait constaté l'absence de l'entreprise en raison de plusieurs arrêts de travail, et ayant fait ressortir le lien de causalité entre le harcèlement moral à l'origine de l'absence de la salariée et le motif du licenciement, la cour d'appel, sans renverser la charge de la preuve, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Ott - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Articles L. 1152-1 et L. 1152-3 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le principe que l'employeur ne peut se prévaloir de la perturbation que l'absence prolongée du salarié a causé au fonctionnement de l'entreprise lorsque cette absence est la conséquence d'un harcèlement moral, dans le même sens que : Soc., 11 octobre 2006, pourvoi n° 04-48.314, Bull. 2006, V, n° 301 (cassation partielle partiellement sans renvoi).

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