Numéro 1 - Janvier 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2019

AVOCAT

2e Civ., 17 janvier 2019, n° 18-10.198, (P)

Cassation

Honoraires – Contestation – Honoraires de résultat – Convention sur le principe d'un honoraire de résultat – Caractérisation

Méconnaît l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 le premier président qui décide qu'un client n'avait pas accepté le principe d'un honoraire de résultat, après avoir constaté, d'une part, que l'avocat avait participé à la négociation entre le client et son adversaire pour mettre fin à leur litige, d'autre part, relevé que, par courrier électronique, le client, donnant suite à des lettres de l'avocat relatives à sa rémunération qui mentionnaient un honoraire de résultat, en avait proposé le paiement, ce dont il résultait l'existence d'une convention sur le principe d'un tel honoraire, nonobstant un désaccord sur son montant qui devait conduire le juge à l'apprécier.

Donne acte à M. Y... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. et Mme A... ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel, qu'en octobre 2010, la société Le Baldaquin hôtel (la société), au sein de laquelle M. et Mme A... étaient associés, a chargé M. Y... (l'avocat) de défendre ses intérêts dans le litige qui l'opposait aux consorts E..., propriétaires de l'immeuble dans lequel elle exploitait son fonds de commerce, et qui venaient de lui signifier une assignation en référé-expulsion ; que l'avocat a fait connaître ses conditions tarifaires pour son intervention dans le contentieux judiciaire relatif à la résiliation du bail commercial par une lettre du 12 octobre 2010, dans laquelle il indiquait son taux horaire et précisait, qu'en fin de dossier, il pourrait solliciter un honoraire de résultat ; qu'il a modifié son taux horaire par lettre du 6 juillet 2012 ; que par un courrier électronique du 10 février 2015, la société a proposé à l'avocat de lui verser un honoraire de résultat de 22 750 euros HT, offre qui a été refusée, l'avocat réclamant le 1er septembre 2015 la somme de 68 400 euros TTC ; que cette réclamation a été refusée par M. et Mme A... par lettre du 19 octobre 2015 ; que le litige entre la société et les consorts E... a pris fin à la suite de négociations amiables, un accord étant signé entre les parties le 30 septembre 2015 ; que le 10 février 2016, l'avocat a saisi le bâtonnier de son ordre afin d'obtenir la fixation des honoraires qu'il réclamait à la société ; que, par lettre de son conseil du 12 septembre 2016, la société a fait savoir qu'elle maintenait sa proposition de paiement d'un honoraire de résultat de 22 750 euros et que, pour sa part, l'avocat a maintenu sa prétention à hauteur de 68 400 euros ; que le bâtonnier a rejeté la demande au titre de l'honoraire de résultat ;

Attendu que pour rejeter la demande de l'avocat au titre d'un honoraire de résultat, l'ordonnance énonce que l'honoraire de résultat doit répondre à deux conditions, à savoir la conclusion d'une convention d'honoraires et la facturation de diligences accomplies ; que si l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 n'exige pas que les modalités de fixation du complément d'honoraires soient déterminées dans la convention des parties, il exige néanmoins que le principe de l'honoraire de résultat soit acquis, l'accord du client sur le principe de l'honoraire de résultat devant être exprès et ne pouvant en tout état de cause être simplement « explicite » ; qu'en l'espèce, si M. et Mme A... ont envisagé de proposer le versement de la somme de 22 750 euros HT par courriel en date du 10 février 2015, il n'en demeure pas moins qu'ils n'ont jamais signé la moindre convention d'honoraires de résultat avec l'avocat définissant précisément la mission qu'il lui aurait confiée en contrepartie, étant observé que les deux courriers adressés par l'avocat ont pour finalité de faire connaître le taux horaire qu'il pratique dans le cadre de la seule procédure liée à la résiliation du bail qu'il a été chargé de mener ; qu'il est constant que la participation de l'avocat à la rédaction du protocole d'accord et à la négociation avec le notaire des consorts E... n'a pas fait l'objet d'une convention d'honoraires ni de diligences, ni de résultat ; que la société n'a jamais accepté le principe de paiement d'un honoraire de résultat ;

Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, qu'il avait estimé que l'avocat avait participé à la négociation entre la société et son bailleur pour mettre fin à leur litige, d'autre part, relevé que, par courrier électronique du 10 février 2015, la société, donnant suite à deux lettres de l'avocat relatives à sa rémunération, avait proposé le paiement d'un honoraire de résultat, ce dont il résultait l'existence d'une convention sur le principe d'un tel honoraire, nonobstant un désaccord sur son montant qui devait conduire le juge de l'honoraire à l'apprécier, le premier président, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 8 novembre 2017, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Paris.

- Président : M. Savatier (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Isola - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Coutard et Munier-Apaire -

Textes visés :

Article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.

Rapprochement(s) :

Sur la convention préalable d'honoraires de résultat, à rapprocher : 2e Civ., 18 mai 2017, pourvoi n° 16-18.294, Bull. 2017, II, n° 103 (rejet), et les arrêts cités. Sur la forme de la convention d'honoraires d'avocat, à rapprocher : 1re Civ., 19 mai 1999, pourvoi n° 97-13.984, Bull. 1999, I, n° 163 (cassation) ; 2e Civ., 29 avril 2004, pourvoi n° 02-20.249, Bull. 2004, II, n° 196 (cassation). Sur le pouvoir du juge d'apprécier le montant de l'honoraire de résultat, à rapprocher : 2e Civ., 13 juillet 2006, pourvoi n° 03-21.013, Bull. 2006, II, n° 206 (rejet) ; 2e Civ., 6 mars 2014, pourvoi n° 13-14.922, Bull. 2014, II, n° 62 (cassation), et l'arrêt cité ; 2e Civ., 8 février 2018, pourvois n° 16-28.632 et 16-28.633, Bull. 2018, II, n° 24 (cassation partielle).

2e Civ., 17 janvier 2019, n° 18-10.016, (P)

Rejet

Honoraires – Contestation – Procédure – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Contestation relative à l'existence d'un mandat entre le client et l'avocat

En matière de fixation d'honoraires d'avocat, le premier président doit surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction compétente lorsqu'il est saisi d'une contestation sur l'existence du mandat ; mais tel n'est pas le cas lorsque la contestation porte uniquement sur l'étendue de la mission confiée à l'avocat.

Par suite, il entre dans les pouvoirs d'un premier président de déterminer si la mission confiée à un avocat relativement à une inscription d'hypothèque comprend la saisine de la juridiction compétente en cas de rejet de cette demande d'inscription.

Honoraires – Contestation – Procédure – Domaine d'application – Cas – Contestation relative à l'étendue d'un mandat entre le client et l'avocat

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches, qui est recevable comme étant de pur droit :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 24 octobre 2017), que, par lettre du 8 janvier 2014, la commune de Cap d'Ail (la commune) a invité M. Y... (l'avocat) à renouveler l'inscription d'une hypothèque provisoire ; que par lettre du 6 octobre 2014, l'avocat a avisé la commune du rejet du renouvellement de l'hypothèque, de la vraisemblable nécessité de saisir le président du tribunal selon une procédure qu'il détaillait, et a précisé que, s'il y avait faute professionnelle de sa part susceptible de générer un préjudice pour la commune, elle serait garantie par son assureur ; que le 18 mars 2015, l'avocat a avisé la commune de ce qu'il avait saisi le président du tribunal de grande instance de Nice par assignation délivrée le 20 février 2015 ; que le 8 avril 2015, la commune a invité l'avocat à abandonner la procédure de référé et à formaliser une déclaration de sinistre ; que l'avocat a alors saisi le bâtonnier de son ordre afin d'obtenir la fixation de ses honoraires ; que la commune a formé un recours contre la décision du bâtonnier faisant droit à la demande de l'avocat ;

Attendu que l'avocat fait grief à l'ordonnance de fixer à 551 euros TTC seulement les honoraires et frais qui lui sont dus et de condamner la commune à lui payer cette somme, avec intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2016 et capitalisation des intérêts échus le 20 mars, alors, selon le moyen :

1°/ que la procédure de contestation d'honoraires et débours d'avocats concerne les seules contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires ; qu'en l'espèce, le premier président de la cour d'appel a jugé que la commune n'avait pas donné mission à l'avocat de saisir le président du tribunal de grande instance aux fins de contestation de la décision de rejet opposée par le service de la publicité foncière, et qu'elle n'est donc tenue à aucun honoraire ou débours relatif à cette procédure ; qu'il a ainsi excédé les pouvoirs qui lui sont attribués par l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, qu'il a violé ;

2°/ que toute juridiction saisie d'une demande relevant de sa compétence doit surseoir à statuer lorsqu'elle doit connaître de moyens de défense relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction ; qu'en l'espèce, le premier président, qui était saisi d'une contestation relative à l'existence du mandat confié à l'avocat, devait surseoir à statuer dans l'attente de la décision du juge compétent ; qu'en jugeant qu'il n'existait pas de mandat de saisir le tribunal de grande instance aux fins de contestation de la décision de rejet opposée par le service de la publicité foncière et, partant, aucun droit à percevoir un honoraire au titre de cette procédure, au lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction compétente pour trancher la question préalable, le premier président a violé l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, ensemble les articles 49 et 378 du code de procédure civile ;

Mais attendu que si, saisi d'une contestation sur l'existence du mandat, le premier président doit surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction compétente, tel n'est pas le cas lorsque la contestation porte uniquement sur l'étendue de la mission confiée à l'avocat ; qu'ayant relevé que la commune avait confié à l'avocat un mandat portant sur le renouvellement d'une hypothèque provisoire, il entrait dans les pouvoirs du premier président de statuer sur l'étendue de cette mission, et, en particulier, de déterminer si elle comprenait la saisine de la juridiction compétente en cas de rejet de la demande d'inscription, afin de fixer les honoraires dus à l'avocat ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deux dernières branches du moyen, annexé, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Savatier (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Isola - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Boulloche ; Me Balat -

Textes visés :

Article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ; articles 49 et 378 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur les contestations exclues de la compétence du juge de l'honoraire, à rapprocher : 2e Civ., 8 mars 2018, pourvoi n° 16-22.391, Bull. 2018, II, n° 45 (cassation), et les arrêts cités.

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