Numéro 1 - Janvier 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 1 - Janvier 2019

ARCHITECTE ENTREPRENEUR

3e Civ., 30 janvier 2019, n° 18-10.197, n° 18-10.699, (P)

Cassation

Réception de l'ouvrage – Définition – Réception tacite – Prise de possession d'un lot – Conditions – Achèvement de la totalité de l'ouvrage (non)

L'achèvement de la totalité de l'ouvrage n'est pas une condition de la prise de possession d'un lot et de sa réception.

Le paiement de l'intégralité des travaux d'un lot et sa prise de possession par le maître de l'ouvrage valent présomption de réception tacite.

Réception de l'ouvrage – Définition – Réception tacite – Prise de possession des lieux – Paiement du montant des travaux réalisés – Volonté non équivoque de recevoir – Présomption

Joint les pourvois n° 18-10.197 et 18-10.699 ;

Sur le moyen unique de chacun des pourvois, réunis :

Vu l'article 1792-6 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 26 octobre 2017), que, pour la réalisation d'une construction permettant de relier deux bâtiments d'habitation, M. Y... a confié les travaux de terrassement et de gros oeuvre à M. X..., assuré en responsabilité décennale auprès de la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole de Bretagne-Pays-de-Loire (la société Groupama), lesquels ont été intégralement payés ; qu'invoquant l'apparition de désordres, le maître de l'ouvrage a, après expertise, assigné en responsabilité M. X... et son assureur ;

Attendu que, pour dire la responsabilité de M. X... engagée sur le seul fondement contractuel, rejeter les demandes de MM. X... et Y... dirigées contre la société Groupama, mise hors de cause, et condamner M. X... à payer à M. Y... diverses sommes, l'arrêt retient que la réception tacite par l'entrée dans les lieux ou la prise de possession et le paiement du prix des travaux de construction de l'ouvrage exige la preuve que le maître de l'ouvrage a affirmé sa volonté non équivoque de le recevoir, qu'en l'espèce, rien ne permet d'affirmer qu'en payant la dernière facture de M. X..., M. Y... a, de façon non équivoque, voulu accepter les travaux de gros oeuvre et que les conditions d'une réception partielle tacite du lot de M. X... ne sont pas réunies ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'achèvement de la totalité de l'ouvrage n'est pas une condition de la prise de possession d'un lot et de sa réception et que le paiement de l'intégralité des travaux d'un lot et sa prise de possession par le maître de l'ouvrage valent présomption de réception tacite, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Nivôse - Avocat général : M. Kapella - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Gaschignard ; SCP Lévis -

Textes visés :

Article 1792-6 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur l'absence d'influence de l'achèvement de l'ouvrage comme condition de sa réception, à rapprocher : 3e Civ., 11 février 1998, pourvoi n° 96-13.142, Bull. 1998, III, n° 28 (cassation partielle), et l'arrêt cité. Sur la présomption de réception tacite, à rapprocher : 3e Civ., 18 mai 2017, pourvoi n° 16-11.260, Bull. 2017, III, n° 60 (cassation partielle), et les arrêts cités.

3e Civ., 30 janvier 2019, n° 18-10.941, (P)

Rejet

Responsabilité – Responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage – Maître d'oeuvre – Décès – Effets – Obligations des héritiers – Détermination

Les héritiers d'un maître d'oeuvre sont tenus des conséquences dommageables de l'exécution du contrat de louage par le de cujus en raison de la transmission des obligations.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 novembre 2017), rendu en référé, que M. et Mme Z... ont fait réaliser des travaux de consolidation de leur maison sous la maîtrise d'œuvre de Roger Y... ; qu'invoquant l'existence de désordres, ils ont obtenu la désignation d'un expert ; que, Roger Y... étant décédé, M. et Mme Z... ont assigné ses ayants droit, Mme Y... et M. Philippe Y... (les consorts Y...), afin que les opérations d'expertise leur soient déclarées communes et opposables ;

Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :

1°/ que les actions exclusivement attachées à la personne du défunt ne sont pas transmissibles à ses héritiers ; que l'action en garantie décennale exercée contre un maître d'oeuvre a pour objet d'obtenir sa condamnation à reprendre les désordres affectant l'ouvrage, ou d'obtenir à défaut sa condamnation à dommages-intérêts ; qu'en décidant que l'action introduite en référé à l'encontre de M. Roger Y..., en sa qualité d'architecte, à l'effet de voir ordonner une expertise destinée à mettre en évidence sa responsabilité était transmissible à ses héritiers, quand ces derniers, étrangers aux professions du bâtiment, étaient dans l'impossibilité de reprendre les désordres susceptibles d'affecter l'ouvrage de M. et Mme Z..., la cour d'appel a violé l'article 724 du code civil ;

2°/ que le contrat de louage d'ouvrage est dissous par la mort de l'ouvrier, de l'architecte ou entrepreneur ; qu'en retenant en l'espèce que les héritiers de M. Roger Y..., architecte, pouvaient être tenus des obligations souscrites par leur auteur avant son décès dans le cadre du contrat de maîtrise d'oeuvre conclu avec M. et Mme Z..., la cour d'appel a violé l'article 1795 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que, si le contrat de louage d'ouvrage avait été dissous par la mort de l'architecte, il avait été exécuté par Roger Y... avant son décès et que celui-ci avait été attrait à l'instance pour répondre des conséquences dommageables de son exécution, la cour d'appel a retenu à bon droit que les consorts Y... en étaient tenus en raison de la transmission des obligations du de cujus ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Pronier - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Marlange et de La Burgade -

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