Numéro 9 - Septembre 2022

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Partie I - Arrêts et ordonnances

ACTION CIVILE

Crim., 6 septembre 2022, n° 20-86.225, (B), FS

Cassation sans renvoi

Associations – Recevabilité – Agrément – Nécessité – Retrait de l'agrément après la citation des prévenus – Effet

Le retrait de l'agrément prévu par l'article L.621-1 du code de la consommation fait obstacle à ce que l'association de protection des consommateurs, qui en bénéficiait lorsqu'elle a fait citer des prévenus devant la juridiction pénale, obtienne réparation d'un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs.

MM. [V] [O] et [T] [O] et la société [1] ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 4e chambre, en date du 5 novembre 2020, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 29 juin 2019, n° 18-82.617), pour infractions au code de la construction et de l'habitation, a condamné, les deux premiers, chacun à 3 000 euros d'amende avec sursis, la troisième, à 30 000 euros d'amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. L'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels (l'AAMOI), a été agréée en 2006 en qualité d'association de défense des consommateurs.

3. Par actes d'huissier en date des 24 et 25 novembre 2015, elle a fait citer devant le tribunal correctionnel la société [1], constructeur de maisons individuelles, et ses dirigeants, MM. [V] [O] et [T] [O], pour avoir, notamment, à des dates comprises entre le 22 novembre 2013 et le 15 janvier 2015, exigé de plusieurs clients la remise du solde du prix de la construction de leur maison en violation de l'article L. 231-4, II, du code de la construction et de l'habitation.

4. Par jugement du 17 juin 2016, le tribunal correctionnel a déclaré irrecevables les citations directes.

5. L'AAMOI a relevé appel de cette décision.

6. Par arrêté préfectoral du 24 avril 2018, l'AAMOI a fait l'objet d'un retrait de son agrément.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevable la citation directe de l'AAMOI, déclaré la société [1], MM. [V] [O] et [T] [O] coupables des infractions reprochées, les a condamnés à des peines d'amende, et les a condamnés solidairement à payer à l'AAMOI la somme de 3 000 euros à titre de réparation du préjudice collectif des consommateurs, alors « que seules les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs à la condition d'avoir été agréées à cette fin ; que si en matière de citation directe, la recevabilité de la constitution de partie civile, qui met en mouvement l'action publique, s'apprécie à la date de la citation, le droit, sur l'action civile, de demander réparation du préjudice subi s'apprécie, lui, au jour où le juge statue ; qu'en déclarant que l'AAMOI, dont l'agrément avait été retiré en 2018, était recevable à demander réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif des consommateurs au motif qu'à l'époque des faits et de la citation, son agrément était encore valable, et en faisant droit à ses demandes, la cour d'appel a violé les articles L. 621-1 du code de la consommation, 2 et 3 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Sur la recevabilité du moyen critiquée en défense :

8. La Cour de cassation est en mesure de s'assurer que le moyen tendant à faire déclarer l'AAMOI irrecevable à demander réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif des consommateurs, en raison du retrait de l'agrément, a été soutenu à titre subsidiaire devant la cour d'appel.

9. Le moyen est donc recevable devant la Cour de cassation.

Sur le fond :

Vu l'article L. 621-1 du code de la consommation :

10. Selon ce texte, si les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs, c'est à la condition d'avoir été agréées à cette fin.

11. Pour condamner solidairement les prévenus à payer à l'AAMOI la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs en application des dispositions de l'article précité, l'arrêt attaqué énonce que ce préjudice a été subi avant décembre 2015, à une époque où son agrément était encore valable.

12. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé.

13. En effet, au jour où cette juridiction a statué, l'association ne bénéficiait plus de l'agrément lui permettant de solliciter la réparation d'un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs.

14. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation :

15. La cassation à intervenir ne concerne que la condamnation solidaire de la société [1] et de MM. [V] [O] et [T] [O] à payer à l'AAMOI la somme de 3 000 euros à titre de réparation du préjudice collectif des consommateurs. Toutes les autres dispositions seront donc expressément maintenues.

16. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 5 novembre 2020, mais en ses seules dispositions relatives à l'indemnisation du préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DÉCLARE irrecevable la demande de l'AAMOI en réparation d'un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Ingall-Montagnier (conseiller le plus ancien faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Leblanc - Avocat général : M. Desportes (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article L. 621-1 du code de la consommation.

Crim., 13 septembre 2022, n° 21-83.914, (B), FRH

Rejet

Partie civile – Constitution – Comité d'entreprise – Représentation en justice – Représentant du comité – Mandat préalable – Recevabilité – Question inscrite à l'ordre du jour – Applications diverses

Le délai de huit jours au moins avant la séance, dans lequel, en application de l'article L. 2327-14 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail, l'ordre du jour du comité central d'entreprise est communiqué à ses membres, est édicté dans l'intérêt de ceux-ci afin de leur permettre d'examiner les questions à l'ordre du jour et d'y réfléchir.

Justifie sa décision la cour d'appel qui, pour écarter l'exception d'irrecevabilité de la constitution de partie civile du comité central d'entreprise, prise de l'irrégularité de la délibération autorisant le secrétaire de ce comité à agir en justice du chef d'entrave, relève notamment qu'il résulte des pièces produites que, lors de la réunion de celui-ci, son secrétaire est intervenu en début de séance pour solliciter l'ajout d'un point à l'ordre du jour relatif au vote d'un mandat pour ester en justice pour entrave. En effet, il résulte du procès-verbal de ladite réunion, dont la Cour de cassation a le contrôle, que la modification de l'ordre du jour a été adoptée à l'unanimité des membres présents, de sorte qu'il en résulte que ces derniers ont accepté, sans objection, de discuter de la question du mandat, manifestant ainsi avoir été avisés en temps utile.

La société [1] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-13, en date du 16 juin 2021, qui, pour entrave, l'a condamnée à 15 000 euros d'amende dont 5 000 euros avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par actes en date du 9 mars 2017, le comité central d'entreprise de [1] a fait citer devant le tribunal correctionnel la société éponyme et Mme [L] [Z], présidente du groupe [1], du chef d'entrave pour avoir « omis d'informer et de consulter le comité central d'entreprise de [1] préalablement à la mise en oeuvre, en avril 2014 et au cours de l'année 2015, de la revue du personnel au sein de la société [1] ».

3. Par jugement en date du 27 juin 2018, le tribunal correctionnel a rejeté les exceptions de nullité de la citation et d'irrecevabilité de la constitution de partie civile du comité central d'entreprise, relaxé Mme [Z], déclaré la société [1] coupable des faits reprochés et a prononcé sur la peine et les intérêts civils.

4. La société prévenue a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen

5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes de la société [1] liées à la nullité de la citation, alors « qu'il résulte de la combinaison des dispositions des articles 550, alinéa 4, 551, 565 et 121-2 du code pénal que porte nécessairement atteinte aux intérêts de la prévenue la citation délivrée par la partie civile à l'encontre d'une personne morale qui s'abstient de désigner l'identité de l'organe ou du représentant, personne physique, ayant commis les faits poursuivis pour son compte ; qu'en refusant de prononcer la nullité d'une citation après avoir relevé qu'il est « indifférent que la personne physique représentant la société n'ait pas été nommément désignée », quand ce défaut d'identification portait nécessairement atteinte aux intérêts de la prévenue en ne répondant pas aux exigences de certitude et de précision des faits qui lui étaient reprochés, la cour d'appel a méconnu les textes visés au moyen. »

Réponse de la Cour

7. Pour écarter l'exception de nullité de la citation, prise de ce que cet acte ne mentionne pas l'identité de la personne physique, organe ou représentant de la personne morale, susceptible d'avoir commis le délit d'entrave, l'arrêt attaqué énonce qu'il est indifférent que celle-ci n'ait pas été nommément désignée.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen.

9. En effet, l'article 551, alinéa 2, du code de procédure pénale n'exige que soient mentionnés dans la citation que la description détaillée des faits poursuivis et les textes de loi les réprimant.

10. Il s'ensuit que le moyen ne peut être accueilli.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

11. Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes de la société [1] liées à l'irrecevabilité de la citation directe, alors « qu'est irrégulière la délibération par laquelle le comité d'entreprise donne mandat à son secrétaire d'exercer des poursuites correctionnelles pour entrave à son fonctionnement lorsque cette délibération n'a pas été préalablement inscrite à l'ordre du jour de la réunion du comité et ne présente aucun lien avec les questions devant être débattues de telle sorte que les membres titulaires absents sont privés de toute possibilité de s'exprimer sur ce sujet ; que pour écarter toute irrecevabilité de la citation directe délivrée par le CCE de [1] résultant de l'irrégularité de la délibération du CCE du 1er octobre 2015 et du mandat confié à son secrétaire en conséquence pour exercer des poursuites correctionnelles du chef d'entrave, l'arrêt attaqué se borne à relever que « lors de la réunion du CCE du 1er octobre 2015, son secrétaire M. [N] est intervenu en début de séance pour solliciter l'ajout d'un point à l'ordre du jour : vote d'un mandat au secrétaire du CCE pour ester en justice pour entrave » et qu'en outre, « lors de la réunion du CCE du 7 avril 2016, une résolution désignant le cabinet d'avocat en charge de l'action a été inscrite à l'ordre du jour et adoptée à l'unanimité » ; qu'en se déterminant ainsi sans même rechercher si l'ajout de ce point à l'ordre du jour de la réunion du 1er octobre 2015 en tout début de séance, n'était pas de nature à établir l'irrégularité de la résolution litigieuse et du mandat confié à M. [N] en conséquence, faute d'avoir permis aux membres titulaires absents de la possibilité de s'exprimer sur ce sujet, et quand la circonstance que le CCE ait désigné lors de la réunion du CCE du 7 avril 2016 le cabinet d'avocat en charge de l'action était indifférente à établir la régularité de la délibération du 1er octobre 2015 et du mandat confié à son secrétaire, le mandat confié au cabinet d'avocat étant distinct du mandat confié au secrétaire du comité d'entreprise, et ne pouvant en aucun cas suppléer l'irrégularité de ce dernier, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'imposaient et privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 2325-1 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'époque des faits et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

12. Pour écarter l'exception d'irrecevabilité de la constitution de partie civile du comité central d'entreprise, prise de l'irrégularité de la délibération autorisant le secrétaire de ce comité à agir en justice du chef d'entrave, l'arrêt attaqué relève notamment qu'il résulte des pièces produites que, lors de la réunion du comité central d'entreprise du 1er octobre 2015, son secrétaire, M. [N], est intervenu en début de séance pour solliciter l'ajout d'un point à l'ordre du jour ainsi intitulé : « vote d'un mandat au secrétaire du CCE pour ester en justice pour entrave ».

13. En l'état de ces seules énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision.

14. En effet, si l'article L. 2327-14 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, prévoyait que l'ordre du jour du comité central d'entreprise est communiqué aux membres huit jours au moins avant la séance, ce délai était édicté dans leur intérêt afin de leur permettre d'examiner les questions à l'ordre du jour et d'y réfléchir.

15. Or, il résulte du procès-verbal du comité du 1er octobre 2015, dont la Cour de cassation a le contrôle, que la modification de l'ordre du jour a été adoptée à l'unanimité des membres présents, de sorte qu'il en résulte que ces derniers ont accepté, sans objection, de discuter de la question du mandat, manifestant ainsi avoir été avisés en temps utile.

16. Le moyen ne peut dès lors être accueilli.

17. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal (conseiller le plus ancien faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Labrousse - Avocat général : M. Lemoine - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article L. 2327-14 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Crim., 5 septembre 2006, pourvoi n° 05-85.895, Bull. crim. 2006, n° 206 (rejet).

Crim., 13 septembre 2022, n° 22-80.893, (B), FS

Annulation sans renvoi

Partie civile – Constitution – Constitution à l'instruction – Consignation – Dispense – Aide juridictionnelle – Date de la demande – Absence d'influence

Lorsqu'en cas de plainte avec constitution de partie civile, la consignation ordonnée n'a pas été versée dans le délai imparti, si la partie civile obtient l'aide juridictionnelle avant que la chambre de l'instruction ne statue sur l'appel relevé contre l'ordonnance constatant l'irrecevabilité de la plainte pour défaut de consignation, la partie civile est, en application de l'article 88 du code de procédure pénale, dispensée du versement d'une consignation, peu important la date à laquelle elle a formé sa demande.

Encourt en conséquence l'annulation l'arrêt qui, en pareil cas, confirme l'ordonnance d'irrecevabilité, sans qu'il puisse être fait grief à la partie civile de ne pas s'être prévalue devant la chambre de l'instruction de ce qu'elle avait entre-temps obtenu l'aide juridictionnelle, dès lors qu'il résulte de l'article 57 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 l'obligation pour le secrétaire du bureau d'aide juridictionnelle d'informer le greffier de la juridiction saisie de la décision l'accordant.

M. [J] [D], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 4e section, en date du 14 janvier 2022, qui a déclaré irrecevable sa plainte avec constitution de partie civile contre personne non dénommée, du chef de diffamation publique envers un particulier.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 12 avril 2021, M. [J] [D] a porté plainte et s'est constitué partie civile, du chef susvisé, devant un juge d'instruction.

3. Par ordonnance du 18 juin 2021, ce magistrat a fixé à 250 euros le montant de la consignation à verser par la partie civile au plus tard le 5 août 2021.

4. Le 3 août précédent, M. [D] a déposé une demande d'aide juridictionnelle.

5. Par ordonnance du 21 septembre 2021, le doyen des juges d'instruction a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de M. [D], faute de consignation dans le délai imparti.

6. Celui-ci a interjeté appel de cette ordonnance.

7. Par décision du 27 octobre 2021, M. [D] a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance entreprise, alors que le 3 août 2021, M. [D] avait déposé une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris et qu'il a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 27 octobre 2021 ; que la demande a été déposée durant le délai imparti pour verser la consignation ; que les justiciables ne sont pas en mesure de contrôler ou anticiper le temps que prendra le bureau d'aide juridictionnelle pour rendre sa décision, laquelle est intervenue près de trois mois plus tard ; qu'il appartenait aux juges du fond de s'assurer, en application des dispositions de l'article 88 du code de procédure pénale, qu'aucune demande d'aide juridictionnelle n'avait été déposée avant de prononcer l'irrecevabilité de la constitution de partie civile ; qu'en s'abstenant de faire cette vérification, les juges du fond ont privé leur décision de toute base légale.

Réponse de la Cour

Vu l'article 88 du code de procédure pénale :

9. Selon ce texte, la partie civile qui a obtenu l'aide juridictionnelle est dispensée de verser une consignation à la suite du dépôt de sa plainte avec constitution de partie civile.

10. Pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction ayant déclaré irrecevable la constitution de partie civile de M. [D], la chambre de l'instruction énonce que la partie civile n'a pas versé, dans le délai imparti, le montant de la consignation fixée par le magistrat instructeur.

11. La Cour de cassation constate que, postérieurement à l'arrêt attaqué, M. [D] justifie, à l'appui de son mémoire personnel, que, par décision du 27 octobre 2021, l'aide juridictionnelle lui a été accordée avant que la chambre de l'instruction, saisie de l'appel de l'ordonnance d'irrecevabilité, n'ait statué, peu important la date du dépôt de la demande.

12. Il ne peut être fait grief à M. [D] de ne s'être pas prévalu devant la chambre de l'instruction de l'obtention de l'aide juridictionnelle dès lors qu'il résulte de l'article 57 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 l'obligation pour le secrétaire du bureau d'aide juridictionnelle d'informer le greffier de la juridiction saisie de la décision l'accordant.

13. D'où il suit que l'annulation est encourue.

Portée et conséquences de la cassation

14. L'annulation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 14 janvier 2022 ;

DIT que M. [D], admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, est dispensé du versement d'une consignation ; que sa plainte est, par voie de conséquence, recevable ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Bonnal (conseiller le plus ancien faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Dary - Avocat général : M. Lagauche -

Textes visés :

Article 88 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Crim., 2 juin 2015, pourvoi n° 15-80.381, Bull. crim. 2015, n° 133 (cassation sans renvoi), et l'arrêt cité.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.