Numéro 9 - Septembre 2021

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION

Crim., 7 septembre 2021, n° 20-87.191(B)

Rejet

Perquisition et saisie – Requête en nullité – Désignation d'un représentant par le mis en cause – Défaut – Méconnaissance d'une formalité substantielle – Portée – Existence d'un grief – Appréciation

1. Hors les cas de nullité d'ordre public, qui touchent à la bonne administration de la justice, la chambre de l'instruction, saisie d'une requête en nullité, doit successivement d'abord rechercher si le requérant a intérêt à demander l'annulation de l'acte, puis, s'il a qualité pour la demander et, enfin, si l'irrégularité alléguée lui a causé un grief.

2. Le requérant a intérêt à agir s'il a un intérêt à obtenir l'annulation de l'acte.

3. Pour déterminer si le requérant a qualité pour agir en nullité, la chambre de l'instruction doit rechercher si la formalité substantielle ou prescrite à peine de nullité, dont la méconnaissance est alléguée, a pour objet de préserver un droit ou un intérêt qui lui est propre.

4. L'existence d'un grief est établie lorsque l'irrégularité elle-même a occasionné un préjudice au requérant, lequel ne peut résulter de la seule mise en cause de celui-ci par l'acte critiqué.

Justifie sa décision la chambre de l'instruction qui constate que le défaut de désignation, par l'occupant de lieux, d'un représentant pour assister à la perquisition de son domicile, en son absence, ne lui a causé aucun préjudice, dès lors qu'il n'a pas contesté la présence effective, à son domicile, des objets qui y ont été saisis au cours de la mesure litigieuse.

M. [R] [M] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia, en date du 16 décembre 2020, qui, dans l'information suivie contre lui, notamment des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes de la procédure.

Par ordonnance en date du 15 mars 2021, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.

Un mémoire a été produit.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 16 mai 2019, une enquête préliminaire concernant des infractions à la législation sur les stupéfiants commises entre le continent et la Corse a été initiée, à la suite d'un renseignement anonyme.

3. Le 8 août 2019, une information judiciaire contre personne non dénommée a été ouverte des chefs précités, ainsi que pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'infractions à la législation sur les stupéfiants et blanchiment de ces infractions.

4. Le juge d'instruction a délivré une première commission rogatoire en exécution de laquelle des officiers de police judiciaire ont mis en évidence la continuité du trafic de produits stupéfiants.

5. Les procès-verbaux d'exécution de cette commission rogatoire ont été déposés le 30 janvier 2020 au cabinet du juge d'instruction.

6. En exécution d'une seconde commission rogatoire, délivrée par le juge d'instruction après jonction d'une autre information judiciaire, M. [M] a été interpellé à [Localité 1] le 4 février 2020. Une perquisition de son domicile situé à [Localité 2], en Corse, a été simultanément effectuée en son absence et sans qu'il n'ait été invité à désigner un représentant.

7. Par ordonnance de soit-communiqué du 6 février 2020, le juge d'instruction a transmis au procureur de la République les procès-verbaux constatant des faits nouveaux, déposés le 30 janvier précédent, lequel l'en a supplétivement saisi.

8. M. [M] a été mis en examen des chefs susvisés le 10 février 2020.

9. Le 1er juillet 2020, son avocat a présenté une requête en nullité notamment de la perquisition de son domicile et de sa mise en examen.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, sur le deuxième moyen, pris en sa première branche et sur le troisième moyen

10. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de M. [R] [M] tendant à constater que la désignation des juges d'instruction par le juge des libertés et de la détention remplaçant le président du tribunal de grande instance est irrégulière en l'état de l'intervention du juge des libertés et de la détention au stade de l'enquête préliminaire, alors :

« 1°/ que les dispositions des articles 83 alinéa 2 et 83-1 alinéa 5 du code de procédure pénale en ce qu'elles prévoient que les décisions de désignation d'un juge d'instruction, seul ou en co-saisine, rendues par le président du tribunal judiciaire, le président de la chambre de l'instruction ou la chambre de l'instruction, constituent « des mesures d'administration judiciaire non susceptibles de recours », mais aussi selon une interprétation qu'en a faite la Cour de cassation, de toute requête en nullité, sont contraires aux droits de la défense et au droit à un recours effectif garantis par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ; que consécutivement à la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra de la part du Conseil constitutionnel saisi par mémoire de QPC distinct et motivé, l'arrêt attaqué, se trouvera privé de base légale. »

Réponse de la Cour

12. Par arrêt du 11 mai 2021, la chambre criminelle a dit n'y avoir lieu à saisir le Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité relative aux articles 83, alinéa 2, et 83-1, alinéa 5, du code de procédure pénale.

13. Il en résulte que le moyen est devenu sans objet.

Sur le deuxième moyen pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de M. [M] tendant à l'annulation de sa mise en examen, eu égard à l'absence de saisine par le juge d'instruction des faits d'infraction à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment pour la période du 1er mars 2019 et jusqu'au 4 février 2020, ainsi que l'annulation de l'ensemble des actes d'information réalisés hors le périmètre de saisine du magistrat instructeur et de l'ensemble des actes subséquents et des actes coercitifs et la nullité de la mise en examen de M. [M] et de son placement en détention, faute de réquisitoire supplétif pour faits nouveaux permettant une saisine pour des faits postérieurs au 8 août 2019, date du réquisitoire introductif, alors :

« 2°/ que le juge d'instruction qui acquiert la connaissance de faits nouveaux doit immédiatement communiquer au procureur de la République les plaintes ou les procès-verbaux qui les constatent ; qu'en écartant toute méconnaissance de cette exigence, tout en relevant que « le 10 février 2020 le magistrat instructeur a communiqué la procédure au parquet pour solliciter ses réquisitions aux fins de mise en examen de l'ensemble des chefs de préventions visés, sur la période du 1er mars 2019 au 4 février 2020 », sans constater que le procureur de la République avait immédiatement reçu communication des éléments constatant des faits postérieurs au réquisitoire introductif du 8 mars 2019, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 80 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

15. Le demandeur ne saurait se prévaloir d'une éventuelle exécution tardive de l'obligation faite au juge d'instruction, au troisième alinéa de l'article 80 du code de procédure pénale, de communiquer immédiatement au procureur de la République les procès-verbaux et plaintes qui constatent des faits non visés au réquisitoire introductif, dès lors que la chambre de l'instruction a exactement énoncé que les actes de nature coercitive ont été régulièrement mis en oeuvre sur commission rogatoire du juge d'instruction pour établir les faits visés au réquisitoire introductif et que l'intéressé n'a été mis en examen qu'après la communication au procureur de la République des procès-verbaux constatant la commission des faits nouveaux.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de M. [M] tendant à voir constater que les opérations de perquisition effectuées par les enquêteurs visées aux procès-verbaux du 4 février 2020 sont irrégulières ; dire et juger que ces procès-verbaux sont nuls ; constater que ces procès-verbaux sont le support de l'ensemble des actes subséquents de la procédure ; annuler les perquisitions en date du 4 février 2020 et les actes subséquents dont elles sont le support nécessaire, ainsi que la mise en examen de M. [M], ses interrogatoires au fond, son placement en détention provisoire et le rapport d'expertise en investigations numériques ; ordonner l'annulation de l'ensemble de la procédure à compter des procès-verbaux du 4 février 2020 jusqu'au dernier acte de la procédure accompli, alors :

« 1°/ que, sauf hypothèses limitativement énumérées par la loi, les opérations de perquisition sont faites en présence de la personne au domicile de laquelle celle-ci a lieu ; qu'en cas d'impossibilité, l'officier de police judiciaire aura l'obligation de l'inviter à désigner un représentant de son choix ; qu'à défaut, l'officier de police judiciaire choisira deux témoins requis à cet effet par lui, en dehors des personnes relevant de son administration ; qu'en rejetant la demande de nullité de la perquisition réalisée au domicile de M. [M], sans rechercher, comme il lui était demandé, si celui-ci avait bien été invité à désigner un représentant de son choix afin qu'il assiste à ces perquisitions, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 57 et 95 du code de procédure pénale ;

2°/ que justifie d'un grief la personne poursuivie qui est placée en détention provisoire et voit ses demandes de mise en liberté rejetées sur le fondement d'une opération de perquisition irrégulière ; qu'en jugeant que M. [M] « ne [présentait] pas de grief au sens de l'article 802 du code de procédure pénale à l'appui de sa requête en nullité sur les perquisitions constatées, sa mise en examen notamment n'ayant pas reposé sur ces éléments découverts après son placement en garde à vue », sans rechercher, comme il lui était demandé, si ce grief ne découlait pas de ce que la décision de placement en détention provisoire de M. [M] et le rejet de ses demandes de mise en liberté reposaient sur le résultat des opérations de perquisition et de saisie menées chez lui, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 57, 95 et 802 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

17. Il résulte des articles 171 et 802 du code de procédure pénale que l'inobservation des formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité doit entraîner la nullité de la procédure, lorsqu'il en est résulté une atteinte aux intérêts de la partie concernée.

18. Il s'ensuit les principes généraux suivants.

19. Hors les cas de nullité d'ordre public, qui touchent à la bonne administration de la justice, la chambre de l'instruction, saisie d'une requête en nullité, doit successivement d'abord rechercher si le requérant a intérêt à demander l'annulation de l'acte, puis, s'il a qualité pour la demander et, enfin, si l'irrégularité alléguée lui a causé un grief.

20. Le requérant a intérêt à agir s'il a un intérêt à obtenir l'annulation de l'acte.

21. Pour déterminer si le requérant a qualité pour agir en nullité, la chambre de l'instruction doit rechercher si la formalité substantielle ou prescrite à peine de nullité, dont la méconnaissance est alléguée, a pour objet de préserver un droit ou un intérêt qui lui est propre.

22. L'existence d'un grief est établie lorsque l'irrégularité elle-même a occasionné un préjudice au requérant, lequel ne peut résulter de la seule mise en cause de celui-ci par l'acte critiqué.

23. En l'espèce, pour écarter le moyen de nullité pris de la violation des dispositions de l'article 57, alinéa 2, du code de procédure pénale, l'arrêt attaqué énonce que le mis en examen ne pouvait assister à la perquisition qui avait lieu à son domicile situé en Corse, puisqu'il était alors en garde à vue à Nîmes.

24. Les juges relèvent en substance que l'urgence à procéder à la perquisition de ce domicile est caractérisée par les risques de déperdition des preuves, ce qui résulte de la présence d'une tierce personne dans ce logement, laquelle a précipitamment quitté les lieux après avoir été requise par les policiers.

25. Ils ajoutent que M. [M] n'a pas contesté la propriété des objets saisis par les services de police dans ce logement qu'il reconnaît avoir occupé, qu'il s'est expliqué sur la régularité de leur possession devant le magistrat instructeur et a précisé qu'ils n'avaient aucun lien avec les faits reprochés.

26. Les juges en déduisent que M. [M] ne justifie d'aucun grief.

27. C'est à tort que les juges ont écarté la violation des dispositions du texte précité, alors que M. [M], qui ne pouvait assister à la perquisition en raison de son éloignement géographique, n'a pas été invité à désigner un représentant de son choix.

28. Il apparaît en effet à l'examen des pièces de la procédure que la concomitance entre l'interpellation de M. [M] à [Localité 1] et la perquisition de son domicile en Corse relève d'un choix d'enquête, qui ne peut lui être opposé et ne suffit pas à caractériser l'impossibilité de désigner un représentant de son choix.

29. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure pour les raisons qui suivent.

30. Les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article 57 du code de procédure pénale ont pour objet d'authentifier la présence effective sur les lieux des objets découverts et saisis au cours de la perquisition.

31. M. [M] n'a pas contesté la présence, à son domicile, des objets qui y ont été saisis au cours de la mesure litigieuse.

32. Dès lors, c'est à bon droit que la chambre de l'instruction a constaté que le défaut de désignation, par M. [M], d'un représentant pour assister à la perquisition de son domicile en son absence ne lui a causé aucun préjudice.

33. Le préjudice allégué par le moyen, selon lequel les opérations de perquisition et de saisie critiquées ont été invoquées par le juge des libertés et de la détention dans ses décisions, ne résulte pas de l'irrégularité elle-même et ne constitue ainsi pas un grief au sens de l'article 802 du code de procédure pénale.

34. Par conséquent, le moyen doit être écarté.

35. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Violeau - Avocat général : M. Lemoine - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles 171 et 802 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Crim., 15 juin 2000, pourvoi n° 00-81.334, Bull. crim. 2000, n° 229 ; Crim., 18 novembre 2015, pourvoi n° 15-83.400, Bull. crim. 2015, n° 260.

Crim., 7 septembre 2021, n° 21-80.642(B)

Cassation

Perquisition et saisie – Requête en nullité – Signature du procès-verbal – Défaut – Méconnaissance d'une formalité substantielle – Portée – Existence d'un grief – Appréciation

1. Hors les cas de nullité d'ordre public, qui touchent à la bonne administration de la justice, la chambre de l'instruction, saisie d'une requête en nullité, doit successivement d'abord rechercher si le requérant a intérêt à demander l'annulation de l'acte, puis, s'il a qualité pour la demander et, enfin, si l'irrégularité alléguée lui a causé un grief.

2. Le requérant a intérêt à agir s'il a un intérêt à obtenir l'annulation de l'acte.

3. Pour déterminer si le requérant a qualité pour agir en nullité, la chambre de l'instruction doit examiner si la formalité substantielle ou prescrite à peine de nullité, dont la méconnaissance est alléguée, a pour objet de préserver un droit ou un intérêt qui lui est propre.

La formalité de signature du procès-verbal de perquisition et saisie prévue à l'article 57, alinéa 3, du code de procédure pénale a pour objet d'authentifier la présence effective sur les lieux des objets découverts et saisis au cours de la perquisition. Dès lors, toute partie a qualité pour invoquer la nullité tirée de sa méconnaissance.

Encourt en conséquence la cassation l'arrêt, qui, pour ne pas faire droit à la demande de nullité des opérations de perquisition et de saisie d'une chambre d'hôtel, formée par un mis en examen, prise de l'absence de signature du procès-verbal de ces opérations par l'un des occupants des lieux présent à ces actes, énonce que le requérant ne peut se prévaloir d'aucun droit sur cette chambre.

M. [F] [T] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse, en date du 14 janvier 2021, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants, a prononcé sur la nullité d'actes de la procédure.

Par ordonnance en date du 22 mars 2021, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.

Un mémoire a été produit.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 28 novembre 2019, des policiers ont été informés par la responsable d'un hôtel de la possible utilisation d'une chambre pour le conditionnement de produits stupéfiants.

3. A la suite de la mise en place d'un dispositif de surveillance, trois personnes, qui sortaient d'un véhicule pour rejoindre l'hôtel, ont été interpellées le 29 novembre 2019, à 00 heure 45. Une quatrième, M. [T], prenait la fuite.

4. Du cannabis conditionné dans des sachets a été retrouvé lors de la fouille du véhicule.

5. Une perquisition a été réalisée dans la chambre d'hôtel en présence de l'un des occupants interpellés, M. [D] [L], au cours de laquelle du cannabis et de l'argent ont été saisis.

6. Les investigations ont établi que la chambre d'hôtel avait été réservée par M. [T], le 28 novembre 2019, à 2 heures, à la borne d'un autre hôtel.

7. Le 2 décembre 2019, le procureur de la République a ouvert une information judiciaire du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants, dans le cadre de laquelle les trois personnes interpellées ont été mises en examen de ce chef.

8. Le 3 juillet 2020, M. [T] a été interpellé puis mis en examen pour ces faits.

9. Le 17 septembre 2020, son conseil a saisi la chambre de l'instruction d'une requête en nullité de la perquisition précitée, prise de l'absence de signature du procès-verbal de transport et de perquisition par M. [L].

Examen du moyen

Enoncé du moyen

10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité de M. [T], alors :

« 1°/ que peut contester la régularité d'une perquisition toute personne qui occupait ou avait un titre à occuper le local perquisitionné et qui a été poursuivie sur le fondement des éléments découverts lors de cette perquisition ; que la circonstance qu'une personne ait pris la fuite au moment des opérations de perquisition ne la prive pas de la possibilité de contester la perquisition, dès lors qu'elle avait occupé peu de temps auparavant les locaux, qu'elle avait un titre à les occuper, et que les éléments découverts en perquisition ont fondé sa mise en examen ; qu'en déduisant l'impossibilité pour M. [T] de se prévaloir de la nullité du procès-verbal de perquisition résultant de son absence de signature par M. [L], du fait que M. [T] aurait fui au moment de la perquisition, la chambre de l'instruction a statué par un motif inopérant en violation des articles 57, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que l'absence de contestation d'une perquisition par la personne qui y a assisté ne prive pas une autre personne, mise en examen sur le fondement des éléments découverts au cours de cette perquisition, de la possibilité de contester la régularité de ladite perquisition ; qu'en se fondant, pour rejeter la requête de M. [T] tendant à l'annulation des opérations de perquisition du 29 novembre 2019, sur la circonstance que « [L] [D] n'a pas émis de contestation sur le procès-verbal de perquisition », la chambre de l'instruction a statué par un motif inopérant en violation des articles 57, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ qu'a qualité pour contester la régularité d'une perquisition toute personne mise en examen sur le fondement des éléments découverts lors de cette perquisition ; qu'à ce titre une personne, absente lors d'une perquisition dont les résultats fondent sa mise en examen, peut se prévaloir de l'absence de signature d'un procès-verbal de perquisition par la personne ayant assisté aux opérations, quand bien même cette personne n'aurait pas contesté elle même agi en nullité de la perquisition à raison de son absence de signature du procès verbal ; qu'en se fondant, pour rejeter la requête de M. [T] tendant à l'annulation des opérations de perquisition du 29 novembre 2019, sur la circonstance que « [L] [D] n'a pas émis de contestation sur le procès-verbal de perquisition », la chambre de l'instruction a statué par un motif inopérant en violation des articles 57, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

4°/ qu'en niant à M. [T] la possibilité de « se prévaloir d'aucune nullité résultant de l'absence de la signature de M. [L] sur le procès-verbal de perquisition » après avoir constaté que M. [T] était occupant de la chambre d'hôtel, qu'il l'avait réservée à son nom et que la perquisition avait conduit à sa mise en examen, n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations en violation, de nouveau, de l'article 57 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 171 et 802 du code de procédure pénale :

11. Il résulte desdits articles que l'inobservation des formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité doit entraîner la nullité de la procédure, lorsqu'il en est résulté une atteinte aux intérêts de la partie concernée.

12. Il s'ensuit les principes généraux suivants.

13. Hors les cas de nullité d'ordre public, qui touchent à la bonne administration de la justice, la chambre de l'instruction, saisie d'une requête en nullité, doit successivement d'abord rechercher si le requérant a intérêt à demander l'annulation de l'acte, puis, s'il a qualité pour la demander et, enfin, si l'irrégularité alléguée lui a causé un grief.

14. Le requérant a intérêt à agir s'il a un intérêt à obtenir l'annulation de l'acte.

15. Pour déterminer si le requérant a qualité pour agir en nullité, la chambre de l'instruction doit rechercher si la formalité substantielle ou prescrite à peine de nullité, dont la méconnaissance est alléguée, a pour objet de préserver un droit ou un intérêt qui lui est propre.

16. L'existence d'un grief est établie lorsque l'irrégularité elle-même a occasionné un préjudice au requérant, lequel ne peut résulter de la seule mise en cause de celui-ci par l'acte critiqué.

17. Le présent pourvoi pose spécifiquement la question de savoir quel requérant a qualité pour agir en cas de méconnaissance d'une formalité substantielle lors d'une perquisition.

18. La Cour de cassation juge que la méconnaissance des formalités substantielles régissant les perquisitions et les saisies ne peut être invoquée à l'appui d'une demande d'annulation d'actes que par la partie titulaire d'un droit sur le local dans lequel elles ont été effectuées (Crim., 6 février 2018, pourvoi n° 17-84.380, Bull. crim. 2018, n° 30).

19. Cependant, certaines de ces formalités ont pour objet d'authentifier la présence effective sur les lieux des objets découverts et saisis au cours de la perquisition.

20. Il en est ainsi de la formalité, qui est en cause en l'espèce, de la signature par l'occupant des lieux ou l'un de ses représentants ou, à défaut, par deux témoins, du procès-verbal de perquisition et de saisie, prévue à l'article 57, alinéa 3, du code de procédure pénale.

21. Or, il se déduit des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, tel qu'interprété par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, arrêt du 10 mars 2009, Bykov c. Russie, n° 4378/02), et préliminaire du code de procédure pénale que tout requérant doit se voir offrir la possibilité de remettre en question l'authenticité des éléments de preuve et de s'opposer à leur utilisation.

22. Dès lors, la jurisprudence précitée au paragraphe 18, qui réserve au seul titulaire d'un droit sur le local perquisitionné la qualité pour agir en nullité, ne peut être maintenue en cas de violation d'une formalité substantielle dont l'objet est de garantir le caractère contradictoire du déroulement des opérations de perquisition ainsi que la présence effective sur les lieux des objets découverts et saisis.

23. Il s'ensuit que toute partie a qualité pour invoquer la méconnaissance de la formalité prise de l'absence de signature du procès-verbal de perquisition et saisie.

24. En l'espèce, pour ne pas faire droit à la nullité des opérations de perquisition et de saisie, prise de l'absence de signature du procès-verbal précité par M. [L], l'arrêt énonce que si M. [T] revendique avoir loué la chambre d'hôtel dans laquelle a eu lieu la perquisition, cette location a été payée avec la carte bancaire de la compagne d'un des co-mis en examen, lui-même présent dans cette chambre.

25. Les juges ajoutent que les quatre hommes se sont rendus dans cette chambre pour y passer une partie de la soirée et non pour y loger, chacun ayant un logement distinct dans la commune.

26. Ils relèvent que lors de la perquisition, aucun des mis en cause n'a revendiqué avoir un droit sur cette chambre d'hôtel et notamment pas M. [T] qui a immédiatement pris la fuite.

27. Ils énoncent qu'il s'ensuit que les enquêteurs pouvaient considérer que chacun des occupants était légitime à s'assurer de la régularité des opérations de perquisition en y assistant.

28. Ils exposent encore que M. [L] est le garant de la régularité de la perquisition et de l'authentification des objets ou indices découverts dès lors qu'il n'a pas émis de contestation sur le procès-verbal de perquisition et a confirmé lors d'une confrontation la présence dans la chambre des objets découverts lors de cette opération.

29. Ils en déduisent que M. [T], ayant fait le choix de fuir, ne peut se prévaloir de la nullité résultant de l'absence de signature de M. [L] sur le procès-verbal.

30. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe susénoncé.

31. En effet, d'une part, M. [T], partie à la procédure, avait qualité pour agir en nullité du procès-verbal de perquisition et de saisie, peu important qu'il ait pris la fuite.

32. D'autre part, la chambre de l'instruction ne pouvait opposer à M. [T], qui contestait la présence des produits stupéfiants et de l'argent saisis dans la chambre perquisitionnée, l'absence de contestation de M. [L] sur la présence dans ladite chambre desdits produits.

33. La cassation est dès lors encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse, en date du 14 janvier 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Labrousse - Avocat général : M. Lemoine - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles 171 et 802 du code de procédure pénale.

Crim., 15 septembre 2021, n° 21-83.763(B)

Rejet

Procédure – Dossier de la procédure – Dépôt au greffe – Inobservation de l'article 197, alinéa 3, du code de procédure pénale – Nullité – Condition – Nécessité d'un grief

Il se déduit de l'article 197, alinéa 4, du code de procédure pénale qu'après dessaisissement du juge d'instruction à la suite de la mise en accusation du mis en examen, le caractère incomplet du dossier de la chambre de l'instruction ne peut constituer une cause de nullité, l'avocat du mis en examen ayant accès à l'intégralité du dossier détenu au greffe de la cour d'assises.

M. [W] [Y] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 28 mai 2021, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs notamment de complicité de tentatives d'assassinats en bande organisée en récidive légale, association de malfaiteurs en récidive légale, extorsion de fonds aggravée en récidive légale, et infractions à la législation sur les armes, a rejeté sa demande de mise en liberté.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Par arrêt définitif de la chambre de l'instruction du 18 septembre 2020, M. [W] [Y] a été mis en accusation et renvoyé devant la cour d'assises de Paris, avec maintien en détention, notamment des chefs susvisés.

3. Le 11 mai 2021, il a formé devant la chambre de l'instruction une demande de mise en liberté, que cette juridiction a rejetée par arrêt du 28 mai 2021.

Examen du moyen

Énoncé du moyen

4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de mise en liberté présentée par M.[Y], alors « que pendant les 48 heures précédant l'audience de la chambre de l'instruction statuant en matière de détention provisoire, le dossier intégral de la procédure est mis à la disposition des avocats des personnes mises en examen au greffe de la chambre ; qu'il résulte du dernier alinéa de l'article 197 du code de procédure pénale que l'incomplétude du dossier de la chambre de l'instruction ne peut être suppléée que par un accès au dossier complet au greffe du juge d'instruction ; qu'au cas d'espèce, M. [Y] faisait valoir que la copie du dossier déposée au greffe de la chambre de l'instruction était incomplète, puisque n'y figuraient pas les décisions prises en matière de détention provisoire à son égard et à l'égard de ses coaccusés ; qu'en retenant, pour dire néanmoins la procédure suivie régulière et rejeter la demande de mise en liberté formée par M. [Y], que le dossier complet était tenu à la disposition des avocats au greffe de la cour d'assises, motif impropre à réparer le vice tenant au caractère incomplet du dossier déposé au greffe de la chambre de l'instruction, la chambre de l'instruction a violé les articles 197, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

5. Pour écarter le moyen de nullité tenant au caractère incomplet du dossier mis à la disposition de l'avocat du mis en examen au greffe de la chambre de l'instruction, l'arrêt attaqué énonce que, bien que la clef USB remise par le greffe de la chambre de l'instruction au conseil de M. [Y], mis en accusation devant la cour d'assises de Paris par arrêt du 18 septembre 2020, ne contienne pas les pièces relatives au contentieux de la détention examinée par la chambre de l'instruction postérieurement à la décision de mise en accusation, il doit être cependant constaté que son conseil, à l'instar des autres parties, a accès à l'intégralité du dossier détenu au greffe non pas du juge d'instruction, la procédure d'information étant clôturée, mais de la cour d'assises de Paris.

6. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas méconnu l'article 197, alinéa 4, du code de procédure pénale, dès lors qu' il se déduit de ce texte qu'après dessaisissement du juge d'instruction à la suite de la mise en accusation du mis en examen, ne peut constituer une cause de nullité le caractère incomplet du dossier de la chambre de l'instruction, l'avocat du mis en examen ayant accès à l'intégralité du dossier détenu au greffe de la cour d'assises.

7. Ainsi, le moyen n'est pas fondé.

8. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Wyon - Avocat général : Mme Bellone - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles 197, 591 et 593 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Crim., 31 octobre 2012, pourvoi n° 12-85.468, Bull. crim. 2012, n° 235 (rejet), et les arrêts cités.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.