Numéro 9 - Septembre 2020

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Numéro 9 - Septembre 2020

DETENTION PROVISOIRE

Crim., 8 septembre 2020, n° 20-82.470, (P)

Cassation sans renvoi

Débat contradictoire – Report – Départ de l'avocat – Demande de report – Défaut – Portée

En l'absence de demande de report du débat contradictoire par la personne mise en examen, le juge des libertés et de la détention doit, après comparution de l'intéressé devant lui et malgré le départ de la défense au cours du débat contradictoire, statuer immédiatement sur le placement en détention provisoire.

CASSATION SANS RENVOI sur le pourvoi formé par M. V... D... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 19 mars 2020, qui, dans l'information suivie contre lui, notamment des chefs de tentative d'arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire commis en bande organisée, récidive de violences aggravées, participation à une association de malfaiteurs, infractions à la législation sur les stupéfiants, détention non autorisée de matériel de guerre, arme, munition, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ordonnant son placement en détention provisoire.

Un mémoire a été produit.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M.V... D... a été mis en examen des chefs susvisés le 6 mars 2020 par un juge d'instruction, lequel a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de placement en détention provisoire.

3. Lors du débat contradictoire, le juge des libertés et de la détention estimant que le conseil de M.D... était « menaçant tant à l'égard de Mme la procureure qu'à son égard », a suspendu quelques instants l'audience « pour plus de sérénité ».

4. La défense de M. D... l'ayant informé qu'elle n'assisterait pas le mis en examen à l'issue de la suspension d'audience, le juge des libertés et de la détention, après avoir repris celle-ci, a constaté l'absence de l'avocat et entendu le mis en examen qui lui a déclaré : « Je suis désolé de son comportement [de son avocat], ce n'était pas voulu de ma part. Je ne comprends pas pourquoi je suis là c'est aux marseillais d'être là, j'ai ma fille et j'ai mon travail. Me A... a été désigné par ma famille. Je ne veux pas qu'on m'en tienne rigueur. J'ai une fille de 24 jours, je croyais bien faire c'est les marseillais qui sont venus à Perpignan ».

5. Par ordonnance du 6 mars 2020, le juge des libertés et de la détention a différé le débat contradictoire.

6. Par ordonnance du 11 mars 2020, le juge des libertés et de la détention a placé M.D... en détention provisoire. Ce dernier a fait appel.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a refusé d'annuler l'ordonnance de placement en détention provisoire et de l'avoir confirmée, alors « que le juge des libertés et de la détention ne peut délivrer une ordonnance d'incarcération provisoire, avant de se prononcer au fond sur la détention, que s'il est saisi d'une demande de report du débat contradictoire émanant du mis en examen ou de son conseil ; qu'hors cette hypothèse, l'incarcération provisoire est une atteinte illégale à la liberté, en sorte que le placement en détention provisoire ne peut plus être légalement ordonné ; qu'en l'espèce le procès-verbal des débats du 6 mars 2020 mentionne que le juge des libertés et de la détention a décidé de renvoyer d'office en débat différé et que le mis en examen a déclaré, après que le juge eut fait part de sa décision de renvoyer d'office en débat différé : « je suis désolé de son comportement, ce n'est pas voulu de ma part. Je ne comprends pas pourquoi je suis là c'est aux marseillais d'être là, j'ai ma fille et j'ai mon travail. Me A... a été désigné par ma famille. Je ne veux pas qu'on m'en tienne rigueur. J'ai une fille de 24 jours, je croyais bien faire c'est les marseillais qui sont venus à Perpignan » ; qu'en affirmant néanmoins, pour refuser d'annuler l'ordonnance de placement en détention subséquente à cette incarcération illégale, que le juge de libertés et de la détention était saisi d'une demande de débat différé, la chambre de l'instruction, qui s'est mise en contradiction avec les mentions claires du PV du débat contradictoire et de l'ordonnance d'incarcération provisoire précisant que le juge des libertés et de la détention décide d'office de renvoyer en débat différé, a violé les articles 144, 145 du code de procédure pénale et 5 de la convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 145 alinéas 7, 8 et 9 du code de procédure pénale :

8. Selon ce texte, le juge des libertés et de la détention ne peut différer le débat contradictoire et prescrire l'incarcération de la personne mise en examen que lorsque cette dernière ou son avocat sollicite un délai pour préparer sa défense, où de sa propre initiative afin qu'il soit procédé à des vérifications.

9. Pour écarter la demande d'annulation de l'ordonnance d'incarcération provisoire et du débat contradictoire, la chambre de l'instruction, après avoir rappelé les dispositions de l'article 145 alinéa 7 du code de procédure pénale énonce que si le juge des libertés et de la détention pouvait statuer sur le placement en détention en l'absence de l'avocat, le magistrat pouvait aussi valablement considérer qu'il était saisi de la sollicitation d'un débat différé par la personne mise en examen.

10. Elle ajoute que le départ de l'avocat pendant le débat contradictoire laissant la personne mise en examen sans avocat choisi, alors que la désignation d'un avocat d'office s'avérait impossible en raison de la grève des avocats, ainsi que les observations formulées par le mis en examen s'analysent nécessairement comme une sollicitation d'un délai pour préparer sa défense laquelle n'est soumise à aucune condition de forme particulière.

11. Elle en déduit que le juge des libertés et de la détention a pu valablement considérer qu'il était saisi d'une demande de débat différé par le mis en examen même si elle était exprimée dans des termes non juridiques : « je suis désolé de son comportement.. je ne veux pas que l'on m'en tienne rigueur...» la loi n'interdisant pas que la demande soit présentée à tout moment, notamment pendant le débat contradictoire.

12. Elle ajoute que le juge des libertés et de la détention a statué avec impartialité, les observations du mis en examen pouvant témoigner d'une crainte que le magistrat statue sur son placement en détention avec partialité à son encontre en adoptant la thèse du ministère public en l'absence de son avocat.

13. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé, alors qu'il résulte de ses propres énonciations et de celles du juge des libertés et de la détention que la personne mise en examen n'a pas sollicité le report du débat contradictoire.

14. En effet, le juge des libertés et de la détention doit, après comparution de l'intéressé devant lui et malgré le départ de la défense au cours du débat contradictoire, statuer immédiatement sur le placement en détention provisoire.

15. En conséquence, la cassation est encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 19 mars 2020.

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

ORDONNE la libération immédiate de M. D... s'il n'est détenu pour autre cause.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Schneider - Avocat général : M. Croizier - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 145 du code de procédure pénale.

Crim., 30 septembre 2020, n° 20-83.548, (P)

Rejet

Décision de mise en détention provisoire – Appel – Article 187-1 du code de procédure pénale – Délai pour former une demande d'examen immédiat – Définition – Délai de recours (non) – Effet

La condition préalable selon laquelle la demande d'examen immédiat de l'appel de l'ordonnance de placement en détention provisoire n'est recevable que si la personne mise en examen a interjeté appel de cette décision au plus tard le jour suivant celle-ci ne s'interprète pas comme un délai de recours et n'entre pas dans les prévisions de l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020.

En conséquence, n'excède pas ses pouvoirs le président de la chambre de l'instruction qui, pour déclarer irrecevable la demande d'examen immédiat de l'appel interjeté contre l'ordonnance de placement en détention provisoire, retient que l'appel a été interjeté le 10 juin 2020, soit, le cinquième jour suivant l'ordonnance de placement en détention alors que cette décision intervenue le vendredi 5 juin 2020 ne pouvait faire l'objet d'un appel et d'une demande d'appel immédiat que jusqu'au lundi 8 juin 2020.

REJET du pourvoi formé par M. D... P... contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 15 juin 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'association de malfaiteurs et d'infraction à la législation sur les armes, a déclaré irrecevable sa demande d'examen immédiat de l'appel interjeté contre l'ordonnance de placement en détention provisoire.

Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. P..., mis en examen des chefs susvisés, a fait l'objet d'une ordonnance de placement en détention après débat différé, le vendredi 5 juin 2020.

3. Le mardi 9 juin M. P... a adressé au greffe de la maison d'arrêt une lettre manifestant son intention de former appel de cette ordonnance avec un examen immédiat de cet appel.

Le mercredi 10 juin 2020, date à laquelle ladite lettre est parvenue au greffe, M. P... a formé appel de cette ordonnance et, conformément aux dispositions de l' article 187-1 du code de procédure pénale, a sollicité du président de la chambre de l'instruction qu'il examine immédiatement cet appel.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande d'examen immédiat de l'appel formé par M. P... contre l'ordonnance de placement en détention provisoire de ce dernier, alors « que commet un excès de pouvoir et viole les articles 187-1, 801, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales le président de la chambre de l'instruction qui, saisi d'une demande d'examen immédiat de l'appel interjeté contre une ordonnance de placement en détention provisoire du vendredi 5 juin 2020, déclare cette demande irrecevable au motif que l'appel a été interjeté le 10 juin 2020, sans égard pour le fait d'une part que M. P... avait écrit au greffe de la maison d'arrêt dès le 9 juin 2020 pour manifester sa volonté d'interjeter appel et de voir cet appel examiné immédiatement en vertu de l'article 187-1 du code de procédure pénale, et d'autre part que le délai d'un jour ouvré dont disposait M. P... pour interjeter appel et solliciter l'examen immédiat qui aurait expiré le lundi 8 juin 2020, avait été doublé par l'effet de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, et expirait par conséquent le 9 juin 2020. »

Réponse de la Cour

5. En application de l'article 187-1 du code de procédure pénale, en cas d'appel d'une ordonnance de placement en détention provisoire, la personne mise en examen ou le procureur de la République peut, si l'appel est interjeté au plus tard le jour suivant la décision de placement en détention, demander au président de la chambre de l'instruction d'examiner immédiatement son appel sans attendre l'audience de cette juridiction. Cette demande doit, à peine d'irrecevabilité, être formée en même temps que l'appel devant la chambre de l'instruction.

6. En vertu de l'article 801 du même code, le délai qui expirerait normalement un samedi ou un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.

7. Pour déclarer irrecevable la demande d'examen immédiat de l'appel interjeté contre l'ordonnance de placement en détention provisoire, le président de la chambre de l'instruction retient que l'appel a été interjeté le 10 juin 2020, soit, le cinquième jour suivant l'ordonnance de placement en détention alors que cette décision intervenue le vendredi 5 juin 2020 ne pouvait faire l'objet d'un appel et d'une demande d'appel immédiat que jusqu'au lundi 8 juin 2020.

8. En prononçant ainsi, le président de la chambre de l'instruction n'a pas excédé ses pouvoirs, dès lors que la demande d'examen immédiat de l'appel a été formée après l'expiration du délai précité.

9. En effet, la condition préalable selon laquelle la demande d'examen immédiat de l'appel de l'ordonnance de placement en détention n'est recevable que si la personne mise en examen a interjeté appel de cette décision au plus tard le jour suivant celle-ci ne s'interprète pas comme un délai de recours et n'entre pas dans les prévisions de l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020.

10. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Slove - Avocat général : M. Salomon - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; articles 187-1, 801, 591 et 593 du code de procédure pénale ; article 4 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020.

Crim., 16 septembre 2020, n° 20-82.389, (P)

Rejet

Isolement – Recours effectif devant le juge administratif – Office du juge judiciaire – Détermination

La personne qui fait l'objet d'une mesure d'isolement dispose d'un recours effectif, devant le juge des référés administratif, pour la contester et demander qu'il y soit mis fin.

Dès lors, elle n'est pas fondée à se prévaloir de l'incidence d'un telle mesure sur ses conditions d'incarcération, à l'occasion d'une demande ayant trait à la détention provisoire.

REJET du pourvoi formé par M. B... A... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, en date du 13 mai 2020, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d'assassinat, a rejeté sa demande de mise en liberté.

Un mémoire a été produit.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. B... A..., gardien de la paix, a été mis en examen pour avoir tué sa compagne Mme W... D....

3. M. A... a été placé sous mandat de dépôt le 29 février 2016.

4. Une ordonnance de mise en accusation a été prise contre l'intéressé le 23 octobre 2018, par le juge d'instruction.

5. L'affaire a été audiencée devant la cour d'assises les 10 et 11 octobre 2019, toutefois, compte tenu du nombre de témoins et experts cités, un renvoi a été ordonné aux 5, 6, 7 et 8 octobre 2020.

6. Les avocats de M. A... ont déposé une demande de mise en liberté devant la chambre de l'instruction le 10 avril 2020.

Examen des moyens

Sur le second moyen

7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de mise en liberté de l'accusé en écartant les moyens tirés de la violation des articles 2 et 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, alors :

« 1°/ que le juge judiciaire, en tant que gardien de la liberté individuelle, doit veiller à ce que la détention provisoire soit, en toutes circonstances, mise en oeuvre dans des conditions respectant la dignité des personnes et s'assurer que cette privation de liberté est exempte de tout traitement inhumain et dégradant ; qu'en particulier, lorsque la chambre de l'instruction constate une atteinte au principe de dignité à laquelle il n'a pas entre-temps été remédié, elle doit ordonner la mise en liberté de la personne en l'astreignant, le cas échéant, à une assignation à résidence avec surveillance électronique ou à un contrôle judiciaire ; qu'en l'espèce, en se bornant à constater que la décision de mainlevée de l'isolement appartenait à l'administration pénitentiaire, sans répondre au moyen péremptoire tiré de la violation des articles 2 et 3 de la Convention européenne des droits de l'homme du fait du maintien de l'accusé à l'isolement depuis plus de quatre ans, auquel il lui appartenait nécessairement de répondre, la chambre de l'instruction a méconnu son office et violé les articles 2 et 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 137 à 148-4, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que en considérant, pour rejeter le moyen tiré de la situation sanitaire liée à l'épidémie de covid-19, que l'accusé n'établit pas que celle-ci a directement [affecté] l'accusé, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la surpopulation carcérale constatée dans la maison d'arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone et le placement à l'isolement d'un détenu contaminé ne constituaient pas des éléments propres à établir le risque direct encouru par l'accusé, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 2 et 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 137 à 148-4, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ que lorsque la description faite par le demandeur de ses conditions personnelles de détention est suffisamment crédible, précise et actuelle, de sorte qu'elle constitue un commencement de preuve de leur caractère indigne, il appartient alors à la chambre de l'instruction, dans le cas où le ministère public n'aurait pas préalablement fait vérifier ces allégations, et en dehors du pouvoir qu'elle détient d'ordonner la mise en liberté de l'intéressé, de faire procéder à des vérifications complémentaires afin d'en apprécier la réalité ; que dès lors, en rejetant la demande de mise en liberté sans faire procéder à de telles vérifications quand l'accusé décrivait de manière crédible, précise et actuelle le caractère indigne des conditions personnelles de sa détention, la chambre de l'instruction n'a pas rempli son office et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 2 et 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 137 à 148-4, 591et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

9. Il découle des articles 137-3, 144 et 144-1 du code de procédure pénale que le juge, pour apprécier la nécessité de placer ou maintenir une personne en détention provisoire, se détermine en tenant compte des impératifs de la procédure judiciaire, des exigences de préservation de l'ordre public et du caractère raisonnable de la durée de cette détention.

10. Après que la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France, pour violation des articles 3 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, au constat d'une insuffisance d'espace personnel, et de ce que le pouvoir d'injonction conféré au juge administratif ne lui permettait pas de mettre réellement fin à de telles conditions de détention, contraires à la Convention, (CEDH, arrêt du 30 janvier 2020, JMB et autres c. France, n°9671/15 et 31 autres), la Cour de cassation a retenu que le juge judiciaire a, dans un tel contexte, l'obligation de garantir à la personne placée dans des conditions indignes de détention un recours préventif et effectif permettant d'empêcher la continuation de la violation de l'article 3 de la Convention (Crim., 8 juillet 2020, pourvoi n°20-81.739).

11. L'isolement des personnes détenues est soumis à des règles qui sont fixées par les articles 726-1, R. 57-7-62 et suivants du code de procédure pénale ; le premier de ces textes prévoit que lorsqu'une personne détenue est soumise à une telle mesure, elle peut saisir le juge des référés en application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.

12. Par un arrêt du 7 juin 2019 (n°426772,publié au Recueil Lebon), le Conseil d'Etat a jugé qu'eu égard à son objet et à ses effets sur les conditions de détention, la décision plaçant d'office à l'isolement une personne détenue ainsi que les décisions prolongeant éventuellement un tel placement, prises sur le fondement de l'article 726-1 du code de procédure pénale, portent en principe, sauf à ce que l'administration pénitentiaire fasse valoir des circonstances particulières, une atteinte grave et immédiate à la situation de la personne détenue, de nature à créer une situation d'urgence justifiant que le juge administratif des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, puisse ordonner la suspension de leur exécution s'il estime remplie l'autre condition posée par cet article.

13. Il en résulte que la personne détenue dispose devant le juge administratif d'un recours préventif effectif de nature à faire cesser une éventuelle violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme.

14. Pour rejeter la demande de mise en liberté présentée par M. A..., l'arrêt attaqué énonce, d'une part, que l'isolement est incontestablement une mesure affectant le régime de détention, qu'il a été originellement mis en place pour la protection même de M. A..., son avocat lors du débat de placement en détention provisoire ayant sollicité un aménagement de cellule.

15. Les juges ajoutent que cette décision relève de l'administration pénitentiaire après avis de l'institution judiciaire compétente, en l'espèce le parquet général, qui avait émis en novembre 2019 un avis favorable à la mainlevée d'une telle mesure.

16. Les juges relèvent, d'autre part, que les considérations générales tenant à la situation sanitaire actuelle, sans qu'il ne soit établi par les éléments fournis qu'elle touche à un titre ou à un autre directement M. A... n'apparaissent pas devoir être prises en considération dans le cadre d'une demande de mise en liberté.

17. En l'état de ces énonciations la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

18. En premier lieu, le demandeur n'est pas fondé à se prévaloir de l'incidence d'une mesure d'isolement sur ses conditions d'incarcération à l'occasion d'une demande ayant trait à la détention provisoire, dès lors qu'il dispose devant le juge administratif d'un recours effectif de nature à faire cesser celle-ci.

19. En second lieu, l'allégation d'un risque sanitaire lié à l'épidémie de Covid-19 ne saurait pareillement prospérer, l'intéressé n'ayant pas préalablement allégué que sa vie avait été exposée à un risque réel et imminent en raison de conditions personnelles de détention dans le contexte de l'épidémie de Covid-19, ni établi que les mesures sanitaires nécessaires pour prévenir l'entrée et/ou la propagation du virus Covid-19 au sein de l'établissement pénitentiaire concerné n'auraient pas été mises en oeuvre.

20. Le moyen doit, en conséquence, être rejeté.

21. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Turbeaux - Avocat général : Mme Moracchini - Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Articles 2 et 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ; articles préliminaire, 137 à 148-4, 591 et 593 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Sur l'office du juge judiciaire dans le contrôle des conditions d'incarcération, à rapprocher : Crim., 8 juillet 2020, pourvoi n° 20-81.739, Bull. crim. 2020. Sur la possibilité de former un recours administratif contre une décision de placement à l'isolement, cf. : CE, 30 juillet 2003, n° 252712, publié au Recueil Lebon ; CE, 7 juin 2019, n° 426772, publié au Recueil Lebon ; CEDH, arrêt du 30 janvier 2020, JMB et autres c. France, n° 9671/15.

Crim., 1 septembre 2020, n° 20-82.146, (P)

Rejet

Prolongation de la détention provisoire – Article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 – Prolongation de plein droit – Portée – Exclusion des dispositions de droit commun (non)

Il ne saurait être fait grief au juge des libertés et de la détention, saisi d'une demande de prolongation de la détention provisoire pendant la période d'application de l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, de n'avoir pas constaté la prolongation de plein droit prévue par cet article et d'avoir statué sur le bien-fondé de ladite prolongation après débat contradictoire, dès lors que, d'une part, la prolongation de plein droit ne constitue qu'une faculté à laquelle le juge peut renoncer au profit du plein exercice de son office de gardien de la liberté individuelle, sans avoir à attendre d'être saisi à cette fin dans le délai imparti par les arrêts de la chambre criminelle du 26 mai 2020 (n°20-81.910 et 20-81.971), d'autre part, il était de l'intérêt du détenu de voir sa situation examinée le plus rapidement possible.

REJET du pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour, en date du 21 avril 2020, qui, dans l'information suivie contre M. B... S... du chef de viol sur personne vulnérable, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.

Un mémoire a été produit.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 4 avril 2019, M. S..., mis en examen pour viol sur personne vulnérable, a fait l'objet d'un mandat de dépôt criminel.

3. Par ordonnance du 30 mars 2020, le juge des libertés et de la détention, saisi d'une demande de prolongation de détention provisoire par le juge d'instruction, a, après débat contradictoire, ordonné celle-ci pour six mois.

4. Le ministère public a relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen est pris de la violation de l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi d'urgence n° 2020-290 du 23 mars 2020 pour faire face à l'épidémie de Covid-19.

6. Le moyen critique l'arrêt en ce qu'il a refusé d'annuler l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant prolongé la détention provisoire de l'intéressé, alors que cette détention était prolongée de plein droit en application de l'article 16 de l'ordonnance susvisée.

Réponse de la Cour

7. Pour refuser d'annuler l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 30 mars 2020, l'arrêt attaqué énonce que, nonobstant la possibilité de prolonger la détention de l‘intéressé en application de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 en cas d'impossibilité de statuer du juge des libertés et de la détention due au Covid-19, il ne saurait être fait grief à ce dernier d'avoir statué sur une prolongation de la détention qui lui était soumise s'il en avait la possibilité dans les conditions de droit commun.

8. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

9. En premier lieu, la prolongation de plein droit des détentions provisoires ne constituait qu'une faculté à laquelle le juge pouvait renoncer en considérant qu'il était en mesure, malgré les circonstances sanitaires, d'assurer le plein exercice de son office de gardien de la liberté individuelle, sans avoir à attendre d'être saisi, après prolongation automatique du titre de détention, de l'examen de la situation du détenu dans le délai imparti par les arrêts de la chambre criminelle du 26 mai 2020 (n° 20-81.910 et 20-81.971).

10. En second lieu, il était de l'intérêt du détenu de voir examiner la nécessité de sa détention provisoire le plus rapidement possible.

11 Ainsi, le moyen doit être écarté.

12. Par ailleurs l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Ménotti - Avocat général : M. Quintard -

Textes visés :

Article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

S'agissant de la prolongation de la détention provisoire de plein droit aux termes de l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, à rapprocher : Crim., 26 mai 2020, pourvois n° 20-81.910 et n° 20-81.971, Bull. crim. 2020 (cassation).

Crim., 1 septembre 2020, n° 20-82.938, (P)

Cassation sans renvoi

Prolongation de la détention provisoire – Article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 – Prolongation de plein droit – Portée – Matière criminelle – Débat contradictoire tenu trois mois avant l 'expiration du titre prolongé de plein droit – Mise en liberté immédiate

Il résulte des articles 5 de la Convention européenne des droits de l'homme et 145-2 du code de procédure pénale que, d'une part, lorsque la loi prévoit, au-delà de la durée initiale qu'elle détermine pour chaque titre concerné, la prolongation d'une mesure de détention provisoire, l'intervention du juge judiciaire est nécessaire comme garantie contre l'arbitraire, d'autre part, en matière criminelle, la personne mise en examen ne peut être maintenue en détention au-delà d'un an. Toutefois, sous réserve des dispositions de l'article 145-3 du code de procédure pénale, le juge des libertés et de la détention peut, à l'expiration de ce délai, prolonger la détention pour une durée qui ne peut être supérieure à six mois par une ordonnance motivée conformément aux dispositions de l'article 137-3 dudit code et rendue après un débat contradictoire.

Encourt la cassation l'arrêt qui, pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant de plein droit la détention provisoire du mis en examen, énonce que l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de procédure pénale s'applique de plein droit aux détentions provisoires en cours à la date de la publication de l'ordonnance précitée jusqu'à la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire dès lors que, saisie de la question de la prolongation de la détention provisoire, il appartenait à la chambre de l'instruction de statuer sur la nécessité du maintien en détention de la personne mise en examen.

La cassation, qui intervient sans renvoi, n'entraîne toutefois pas la mise en liberté immédiate du mis en examen dès lors qu'il résulte des pièces de la procédure que le juge des libertés et de la détention s'est prononcé, après tenue d'un débat contradictoire, dans les trois mois de la date d'expiration du titre ayant été prolongé de plein droit, sur le bien-fondé du maintien en détention.

CASSATION sur le pourvoi formé par M. H... N... A... B... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 5 mai 2020, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de viol en récidive, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention constatant la prolongation de plein droit de sa détention provisoire.

Un mémoire a été produit.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. N... A... B... a été mis en examen le 15 avril 2019 du chef de viol en récidive et placé en détention provisoire le même jour.

3. Le 10 mars 2020, le juge d'instruction a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de prolongation de la détention provisoire de l'intéressé, dont le titre de détention expirait le 14 avril 2020.

4. Le juge des libertés et de la détention a annulé le débat contradictoire de prolongation de la détention provisoire prévu le 31 mars 2020 et rendu le 1er avril suivant une ordonnance constatant la prolongation de plein droit de la détention provisoire et disant en conséquence n'y avoir lieu de statuer sur la saisine du juge d'instruction.

5. M. N... A... B... a interjeté appel de cette ordonnance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance par laquelle le juge des libertés et de la détention avait constaté la prolongation d'office de la détention provisoire de M. N... A... B... par l'effet de l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 et dit en conséquence n'y avoir lieu de statuer sur la saisine du juge d'instruction à fin de prolongation de la détention provisoire, alors « que si l'article 16 de l'ordonnance n° 202-303 du 25 mars 2020 s'interprète comme prolongeant, sans intervention judiciaire, pour les durées qu'il prévoit, tout titre de détention provisoire venant à expiration, une telle prolongation n'est régulière que si la juridiction qui aurait été compétente pour prolonger la détention rend, dans un délai rapproché courant à compter de la date d'expiration du titre ayant été prolongé de plein droit, une décision par laquelle elle se prononce sur le bien-fondé du maintien en détention, de sorte qu'il appartient à la juridiction saisie aux fins de prolongation de la détention provisoire de statuer sur la nécessité du maintien en détention de cette personne ; qu'en retenant que le juge des libertés et de la détention avait à bon droit constaté qu'en application de l'article 16 précité, « la détention provisoire [d'H... N... A... B...] était prolongée de plein droit » cependant qu'il lui appartenait - en tant qu'elle était saisie aux fins de prolongation de la détention provisoire de l'exposant - de statuer sur la nécessité du maintien en détention de ce dernier, la chambre de l'instruction a violé l'article 16 de l'ordonnance du 25 mars 2020, les articles 137, 137-1, 143-1, 144-1, 144, 145, 145-2, 145-3, 591 et 593 du code de procédure pénale, ainsi que les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

7. Vu les articles 5 de la Convention européenne des droits de l'homme et 145-2 du code de procédure pénale :

8. Il résulte du premier de ces textes que lorsque la loi prévoit, au-delà de la durée initiale qu'elle détermine pour chaque titre concerné, la prolongation d'une mesure de détention provisoire, l'intervention du juge judiciaire est nécessaire comme garantie contre l'arbitraire.

9. Il résulte du second qu'en matière criminelle, la personne mise en examen ne peut être maintenue en détention au-delà d'un an. Toutefois, sous réserve des dispositions de l'article 145-3 du code de procédure pénale, le juge des libertés et de la détention peut, à l'expiration de ce délai, prolonger la détention pour une durée qui ne peut être supérieure à six mois par une ordonnance motivée conformément aux dispositions de l'article 137-3 dudit code et rendue après un débat contradictoire.

10. Pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant de plein droit la détention provisoire de M. N... A... B..., l'arrêt attaqué énonce, notamment, qu'il résulte de l'article 16 de l'ordonnance n°2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de procédure pénale que les délais maximums de détention provisoire sont prolongés de plein droit en matière criminelle de six mois.

11. Les juges ajoutent que cette disposition s'applique de plein droit aux détentions provisoires en cours à la date de la publication de l'ordonnance précitée jusqu'à la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire.

12. Ils précisent que les faits pour lesquels M. N... A... B... est mis en examen lui font encourir une peine criminelle, de sorte que le juge des libertés et de la détention a, à bon droit, constaté que la détention provisoire du mis en examen doit être prolongée de plein droit.

13. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.

14. En effet, saisie de la question de la prolongation de la détention provisoire, il appartenait à la chambre de l'instruction de statuer sur la nécessité du maintien en détention de la personne mise en examen.

15. La cassation est dès lors encourue.

Portée et conséquences de la cassation.

16. Il résulte des pièces de la procédure qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la mise en liberté immédiate de M. N... A... B... dès lors que, par ordonnance en date du 23 juin 2020 prise après débat contradictoire, le juge des libertés et de la détention s'est prononcé sur le bien-fondé de la prolongation de la détention provisoire de six mois à compter du 15 avril 2020.

17. La prolongation sans intervention judiciaire du titre de détention venant à expiration prévue à l'article 16 de l'ordonnance du 25 mars 2020 est, en effet, régulière si la juridiction qui aurait été compétente pour prolonger la détention rend, en matière criminelle, dans les trois mois de la date d'expiration du titre ayant été prolongé de plein droit, une décision par laquelle elle se prononce sur le bien-fondé du maintien en détention (Crim., 26 mai 2020, pourvoi n° 20-81.910).

18. En conséquence, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, la cassation aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3, alinéa 3, du code de l'organisation judiciaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 5 mai 2020, en toutes ses dispositions.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Maziau - Avocat général : M. Quintard - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de procédure pénale ; article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme ; article 145-2 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

S'agissant de la prolongation de plein droit des détention provisoires criminelles et délictuelles en application de l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 23 mars 2020 portant adaptation des règles de procédure pénale : Crim., 26 mai 2020, pourvoi n° 20-81.910.

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