Numéro 9 - Septembre 2020

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Numéro 9 - Septembre 2020

CIRCULATION ROUTIERE

Crim., 2 septembre 2020, n° 19-84.665, (P)

Cassation

Conduite sous l'empire d'un état alcoolique – Etat alcoolique – Procès-verbal de vérification et de notification de l'état d'alcoolémie – Refus de signer – Portée

Le refus de signer le procès-verbal n'affecte en rien sa validité.

Méconnaît la valeur probante attachée aux procès-verbaux le jugement qui, relevant que le procès-verbal de vérification et de notification de l'état d'alcoolémie n'a pas été signé par le contrevenant, en déduit que cette absence de signature est de nature à remettre en cause la mention selon laquelle il n'avait pas fumé ni bu d'alcool dans les trente minutes précédant le contrôle, délai imposé par l'arrêté du 8 juillet 2003 relatif au contrôle des éthylomètres en vue de s'assurer de la fiabilité de la mesure.

CASSATION sur le pourvoi formé par l'officier du ministère public près le tribunal de police de Bayonne contre le jugement dudit tribunal, en date du 3 juillet 2019, qui a relaxé M. C... P... du chef de conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique.

Des mémoires, en demande et en défense, ont été produits.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par jugement rendu par défaut le 5 février 2018, M. P... a été condamné, pour conduite d'un véhicule en état alcoolique, à payer 350 euros d'amende et à un mois de suspension du permis de conduire à titre de peine complémentaire. Ayant fait opposition à ce jugement le 16 avril 2018, il a été cité à comparaître devant le tribunal de police, qui, par jugement en date du 3 juillet 2019, l'a relaxé.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le moyen est pris de la violation des articles 591, 593 et 537 du code de procédure pénale,

4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce que le jugement attaqué a relaxé M. P..., poursuivi du chef de conduite d'un véhicule avec une concentration d'alcool par litre d'au moins 0,50 gramme dans le sang ou 0,25 milligramme dans l'air expiré, alors que l'article 537 du code de procédure pénale énonce que les contraventions sont prouvées soit par procès-verbaux ou rapport, soit par témoins à défaut de rapports et procès-verbaux, ou à leur appui et que sauf dans le cas où la loi en dispose autrement, les procès-verbaux ou rapports établis par les officiers et agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints, ou les fonctionnaires ou agents chargés de certaine fonctions de police judiciaire auxquels la loi a attribué le pouvoir de constater les contraventions, font foi jusqu'à preuve du contraire et que la preuve contraire ne peut être rapportée que par écrit ou témoin ; que le procès-verbal constate et énonce que, sur initiative de l'officier de police judiciaire, un dépistage a été effectué sur la personne de l'intéressé, lequel s'est révélé positif, et que ce dernier a déclaré n'avoir ni fumé, ni consommé de l'alcool, ni absorbé un produit dans les 30 minutes précédant le dépistage, puis accepté d'être soumis immédiatement au contrôle par éthylomètre homologué, que ledit procès verbal est signé par l'officier de police judiciaire et supporte la mention « refus de signer » en lieu et place de la signature de l'intéressé et que ce dernier n'apporte aucune preuve contraire aux énonciations du procès-verbal, que ce soit par écrit ou par témoins.

Réponse de la Cour

Vu l'article 593 du code de procédure pénale :

5. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision.

L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

6. Pour relaxer M. P..., le jugement retient que les résultats des vérifications de l'imprégnation alcoolique d'une personne prévenue de conduite sous l'empire d'un état alcoolique sont soumis à l'appréciation des juges du fond qui conservent, aux termes de l'article 427 du code de procédure pénale, le droit de se décider d'après leur intime conviction en se fondant sur les preuves qui leur sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant eux.

7. Le juge relève que le procès-verbal de vérification et de notification de l'état d'alcoolémie, établi le 31 juillet 2016, n'a pas été signé par M. P.... Il en déduit que cette absence de signature est de nature à remettre en cause la mention selon laquelle il n'avait pas fumé ni bu d'alcool dans les trente minutes précédant le contrôle.

8. Il énonce que le respect du délai de trente minutes entre la dernière absorption de produits et le test par éthylomètre est imposé par l'arrêté du 8 juillet 2003 relatif au contrôle des éthylomètres et que, dès lors, le non-respect de ce délai est susceptible de compromettre la fiabilité de la mesure.

9. En se déterminant ainsi, alors que le refus de signer le procès-verbal n'affecte en rien sa validité et que l'officier de police judiciaire avait mentionné que M. P... refusait de signer ledit procès-verbal, le tribunal de police n'a pas justifié sa décision.

10. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement susvisé du tribunal de police de Bayonne, en date du 3 juillet 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant le tribunal de police de Pau, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.

- Président : M. Moreau (conseiller le plus ancien faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Barbé - Avocat général : M. Valleix - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Arrêté du 8 juillet 2003 relatif au contrôle des éthylomètres.

Crim., 1 septembre 2020, n° 19-85.465, (P)

Rejet

Titulaire du certificat d'immatriculation redevable pécuniairement – Titulaire personne morale – Représentant légal – Responsabilité pénale – Exonération – Communication de l'identité et l'adresse de la personne morale ayant pris le véhicule en location

Il résulte de l'article L. 121-6 du code de la route, qui prévoit la responsabilité pénale du représentant légal de la personne morale bailleresse, titulaire du certificat d'immatriculation, comme celle de celui de la personne morale qui détient le véhicule, que peuvent être poursuivies tant la personne morale titulaire du certificat d'immatriculation que la personne morale locataire du véhicule.

Il se déduit de ce même texte que, lorsqu'une infraction constatée selon les modalités prévues à l'article L. 130-9 du code de la route a été commise avec un véhicule dont le titulaire du certificat d'immatriculation est une personne morale ayant donné en location ledit véhicule à une autre personne morale, il appartient au représentant légal de la première d'indiquer, dans le délai de quarante-cinq jours à compter de l'envoi ou de la remise de l'avis de contravention, l'identité et l'adresse de la personne physique qui conduisait ce véhicule.

Dans le cas où ledit représentant ne connaîtrait pas l'identité du conducteur, il lui est permis de s'exonérer de sa responsabilité pénale en indiquant, dans les mêmes conditions, l'identité et l'adresse de la personne morale ayant pris ledit véhicule en location.

REJET du pourvoi formé par la société TTLS a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 682 de la cour d'appel de Rennes, 10e chambre, en date du 3 juin 2019, qui, pour non-transmission de l'identité et de l'adresse du conducteur du véhicule, l'a condamnée à 450 euros d'amende.

Un mémoire a été produit.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Un procès-verbal a été établi le 24 mars 2017 relevant à l'encontre de la société TTLS, qui a pour activité la location de véhicules, la contravention de non-transmission de l'identité et de l'adresse du conducteur du véhicule immatriculé [...], qui avait été contrôlé en excès de vitesse le 23 mars 2017.

3. Par jugement du 15 novembre 2018, le tribunal de police a déclaré la société TTLS coupable de cette infraction et a prononcé une peine.

4. L'intéressée, ainsi que le ministère public, ont interjeté appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement du 15 novembre 2018 en ce qu'il a déclaré la société TTLS coupable des faits qui lui sont reprochés et l'a condamnée à une amende contraventionnelle de 450 euros, alors :

« 1°/ que lorsque la personne morale titulaire du certificat d'immatriculation a loué à une autre personne morale le véhicule ayant servi à l'infraction, c'est le dirigeant de la personne morale locataire qui doit désigner le conducteur du véhicule et c'est la personne morale locataire, non la personne morale loueuse, qui peut être poursuivie si son représentant légal ne désigne pas le conducteur ; qu'en retenant dans les liens de la prévention la société TTLS, laquelle soutenait qu'elle avait loué à une personne morale le véhicule ayant servi à l'excès de vitesse, au prétexte qu'il incombait à son représentant légal de dénoncer la personne physique qui conduisait le véhicule ou qui le détenait et que cela n'avait pas été fait, la cour d'appel a violé les articles L. 121-6 du code de la route et 121-2 du code pénal ;

2°/ qu'en toute hypothèse, en ne s'expliquant pas sur le point de savoir si le véhicule ayant servi à l'excès de vitesse avait été loué par la société TTLS à une autre personne morale au moment des faits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-6 du code de la route et 121-2 du code pénal ;

3°/ que la personne morale poursuivie sur le fondement de l'article L. 121-6 du code de la route peut parfaitement démontrer qu'elle avait loué le véhicule à une autre personne morale au moment des faits, sans avoir à préalablement soumettre ce moyen au service indiqué dans l'avis de contravention à la faveur de la requête en exonération visée par l'article 529-2 du code de procédure pénale ; qu'à supposer qu'elle ait adopté le motif du premier juge selon lequel, si la société TTLS entendait se prévaloir d'un contrat de location du véhicule à une autre personne morale il lui appartenait de former sur ce fondement une requête en exonération dans les 45 jours conformément à l'article 529-2 du code de procédure pénale, la cour d'appel a violé ce texte. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte de l'article L. 121-6 du code de la route, qui prévoit la responsabilité pénale du représentant légal de la personne morale bailleresse, titulaire du certificat d'immatriculation, comme celle de celui de la personne morale qui détient le véhicule, que peuvent être poursuivies tant la personne morale titulaire du certificat d'immatriculation que la personne morale locataire du véhicule.

7. Il se déduit de l'article L. 121-6 du code de la route que, lorsqu'une infraction constatée selon les modalités prévues à l'article L. 130-9 du même code a été commise avec un véhicule dont le titulaire du certificat d'immatriculation est une personne morale ayant donné en location ledit véhicule à une autre personne morale, il appartient au représentant légal de la première d'indiquer, dans le délai de quarante-cinq jours à compter de l'envoi ou de la remise de l'avis de contravention, l'identité et l'adresse de la personne physique qui conduisait ce véhicule.

8. Dans le cas où ledit représentant ne connaît pas l'identité du conducteur, il ne peut s'exonérer de sa responsabilité pénale qu'en indiquant, dans les mêmes conditions, l'identité et l'adresse de la personne morale ayant pris ledit véhicule en location.

9. Cette interprétation des textes est la seule à même de permettre à l'autorité de poursuite d'avoir connaissance de l'identité du conducteur du véhicule, et de respecter ainsi l'intention du législateur comme l'intérêt des usagers de la route.

10. Pour écarter l'argumentation de la prévenue, qui soutenait que seul le locataire du véhicule pouvait être poursuivi, à l'exclusion du bailleur, et qu'en tout état de cause le moyen de défense pris de l'existence d'un contrat de location pouvait être produit pour la première fois devant le tribunal, les juges retiennent qu'il appartenait au représentant légal de la société TTLS d'indiquer, dans le délai de quarante-cinq jours suivant l'envoi ou la remise des avis de contravention d'excès de vitesse à la société, l'identité et l'adresse de la personne physique qui conduisait le véhicule contrôlé en excès de vitesse ou à défaut celui qui le détenait.

11. En prononçant ainsi, et dès lors qu'il résulte des pièces de procédure, ainsi que la Cour de cassation a pu s'en assurer, que la prévenue n'a indiqué à l'autorité mentionnée sur l'avis, dans le délai imparti, ni le nom et l'adresse du conducteur, ni ceux de la personne morale ayant pris le véhicule en location, la cour d'appel a justifié sa décision.

12. Il s'ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

13. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Barbier - Avocat général : M. Quintard - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Article L. 121-6 du code de la route.

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