ACTION CIVILE

Crim., 1 septembre 2020, n° 19-84.600, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Partie civile – Citation directe – Recevabilité – Conditions – Personne morale à but lucratif – Justification de ressources – Moment de la production des justificatifs – Appel – Effet

La personne morale à but lucratif qui, ayant fait délivrer une citation directe devant le tribunal correctionnel, a omis de justifier de ses ressources en joignant son bilan et son compte de résultat demeure recevable à apporter ces justifications devant la cour d'appel au soutien de son appel du jugement ayant sanctionné sa carence en déclarant sa citation irrecevable.

CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI sur les pourvois formés par M. O... H... et l'association Union nationale de l'apiculture française contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-7, en date du 23 mai 2019, qui, pour refus d'insertion d'une réponse, a condamné le premier à 500 euros d'amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires, en demande et en défense, et des observations complémentaires ont été produits.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Par lettre recommandée adressée au directeur de la publication de la revue Abeilles et fleurs, organe de l'Union nationale de l'apiculture française (UNAF), M. K... C... a sollicité l'insertion d'une réponse à un éditorial publié dans la revue sous le titre « M. C... et le marché du miel ».

3. Cette réponse n'ayant pas été publiée dans le numéro suivant le surlendemain de sa réception, la société Famille C... Apiculteurs a fait citer M. H..., directeur de la publication de la revue, et l'UNAF du chef précité devant le tribunal correctionnel.

4. Les juges du premier degré ont constaté l'irrecevabilité de la citation directe, sans ordonner le versement d'une consignation, faute de production par la partie civile de son bilan et de son compte de résultat.

5. La société Famille C... Apiculteurs a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens

Enoncé des moyens

6. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevable la citation directe de la société Famille C... Apiculteurs en admettant la production pour la première fois devant la cour d'appel de ses bilan et compte de résultat, suivie d'une consignation dont le montant a été fixé par la cour d'appel, alors « que la personne morale à but lucratif dont la citation directe a été déclarée par le jugement frappé d'appel, non recevable faute de production de son bilan et de son compte de résultat ayant mis obstacle à la fixation de la consignation, ne peut pour la première fois devant la cour d'appel, produire ces justifications et obtenir la fixation d'une consignation permettant aux juges du second degré, après son versement, d'infirmer le jugement, de déclarer la citation directe recevable et de statuer sur l'action publique et sur l'action civile ; que la cour d'appel a décidé que le jugement prononçant l'irrecevabilité de la citation directe de la SA Famille C... Apiculteurs faute par celle-ci d'avoir produit son bilan et son compte de résultat dans le délais imparti, devait être infirmé sur appel de cette société, en raison de la production des justificatifs pour la première fois devant la cour d'appel après la déclaration d'appel et en raison de la fixation d'une consignation et de son versement, permettant ainsi aux juges du second degré d'évoquer l'affaire au fond sur la culpabilité des prévenus et sur les intérêts civils ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le principe constitutionnel d'égalité devant la justice, les articles 392-1 du code de procédure pénale, 13 de la loi du 29 juillet 1881, ensemble le principe du double degré de juridiction garanti par le protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l'homme et les articles 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

7. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a évoqué et statué au fond sur la citation directe qui n'avait pas régulièrement saisi les premiers juges, alors « que la cour d'appel qui, statuant sur l'appel de la personne morale à but lucratif auteur d'une citation directe déclarée irrecevable par le jugement du fait de son abstention délibérée de produire devant le tribunal son bilan et son compte de résultat, et qui infirme ce jugement en admettant la production de ces justificatifs pour la première fois en appel, en fixant et en admettant le versement de la consignation, ne peut procéder par voie d'évocation dès lors que les premiers juges n'avaient pas été régulièrement saisis de la prévention ; qu'en effet, ayant pour objet de permettre à la cour d'appel de remplir directement la mission des premiers juges, l'évocation ne peut intervenir que lorsque la cour d'appel est en mesure de constater que ceux-ci avaient été régulièrement saisis, ce qui n'est pas le cas ; qu'ayant constaté l'absence de production devant le tribunal par la SA Famille C... Apiculteurs du bilan et du compte de résultat, qui a entraîné l'irrecevabilité de la citation directe devant les premiers juges, la cour d'appel faute de pouvoir constater que ceux-ci avaient été régulièrement saisis et à supposer qu'elle ait pu admettre la régularisation de la citation directe par production des justificatifs pour la première fois à hauteur d'appel, ne pouvait procéder par voie d'évocation et remplir directement la mission du tribunal, celui-ci n'ayant jamais été régulièrement saisi ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le principe constitutionnel d'égalité devant la justice, les articles 392-1 et 520 du code de procédure pénale, 13 de la loi du 29 juillet 1881, ensemble le principe du double degré de juridiction garanti par le protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l'homme et les articles 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

8. Les moyens sont réunis.

9. Pour infirmer le jugement et évoquer, l'arrêt attaqué énonce que l'obligation faite à la partie civile, personne morale à but lucratif, par l'article 392-1 du code de procédure pénale de produire son bilan et son compte de résultat a pour objet de permettre la détermination du montant de la consignation, de sorte que son non-respect devant les premiers juges peut être régularisé en cause d'appel.

10. Les juges ajoutent notamment que la société Famille C... Apiculteurs a communiqué les documents exigés par ce texte à la cour d'appel, qui a pu ainsi fixer une consignation, versée dans les délais, et que la partie civile est donc recevable.

11. Ils en concluent que la cour d'appel doit évoquer l'affaire au fond en application de l'article 520 du code de procédure pénale.

12. En l'état de ces seules énonciations, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen, pour les motifs qui suivent.

13. La Cour de cassation juge que la personne morale à but lucratif qui, s'étant constituée partie civile en portant plainte devant le juge d'instruction, a omis de justifier de ses ressources en joignant son bilan et son compte de résultat, ainsi que l'exige l'article 85, alinéa 4, du code de procédure pénale, demeure recevable à apporter ces justifications devant la chambre de l'instruction au soutien de son appel de l'ordonnance du magistrat instructeur ayant sanctionné sa carence en déclarant sa constitution de partie civile irrecevable (Crim., 13 novembre 2018, pourvoi n° 18-81.194, Bull. crim. 2018, n° 189, cassation).

14. Il n'existe aucune raison de ne pas juger de même s'agissant de la délivrance d'une citation directe par la partie civile.

15. En effet, de première part, l'objet de l'article 392-1, alinéa 2, du code de procédure pénale comme de l'article 85, alinéa 4, précité, ces deux textes étant issus de la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles, est de permettre au juge d'instruction ou au tribunal correctionnel de fixer une consignation en adéquation avec les capacités financières d'une personne morale à but lucratif.

16. De deuxième part, interdire à une telle personne, qui a vu sa citation déclarée irrecevable en première instance, faute par elle d'avoir produit les documents comptables exigés, en vue de la fixation de la consignation, par l'article 392-1, alinéa 2, précité et qui fait appel de ce jugement, la possibilité de produire lesdits documents en appel, porterait atteinte, par un formalisme excessif, au droit de la partie civile d'accéder à une juridiction.

17. Enfin, lorsque la cour d'appel, infirmant sur la recevabilité, évoque et statue au fond, il n'est pas porté atteinte au principe d'égalité, la partie civile et le prévenu ayant tous les deux eu la possibilité de comparaître devant les juges du premier degré puis d'appel.

18. Il en résulte que la personne morale à but lucratif qui, ayant fait délivrer une citation directe devant le tribunal correctionnel, a omis de justifier de ses ressources en joignant son bilan et son compte de résultat demeure recevable à apporter ces justifications devant la cour d'appel au soutien de son appel du jugement ayant sanctionné sa carence en déclarant sa citation irrecevable.

19. Ainsi, les moyens ne sont pas fondés.

Mais sur le moyen relevé d'office dont il a été fait mention au rapport

Vu les articles 1er, 2 et 3 du code de procédure pénale et 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse :

20. Il résulte de ces textes que seule est recevable à mettre en mouvement l'action publique du chef du délit de refus d'insertion d'une réponse, prévu par le dernier d'entre eux, la personne, nommée ou désignée dans un journal ou écrit périodique, qui a demandé en vain au directeur de la publication l'insertion forcée de ladite réponse.

21. Pour déclarer le directeur de la publication du périodique Abeilles et fleurs coupable du délit de refus d'insertion, l'arrêt attaqué énonce notamment que la société Famille C... Apiculteurs est expressément visée et citée dans le texte auquel il est répondu, de sorte que, quand bien même M. C... en personne serait également nommément cité dans le même éditorial, cette société a bien qualité à agir sur le fondement de l'article 13 précité.

22. En prononçant ainsi, alors que la demande en insertion forcée d'une réponse avait été adressée au directeur de la publication par M. C... en son nom propre, et non par la société Famille C... Apiculteurs, qui, seule, a fait délivrer une citation directe du chef de refus d'insertion de ladite réponse, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe ci-dessus énoncé.

23. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

24 N'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, la cassation aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

25. La société Famille C... Apiculteurs sera dite irrecevable en sa constitution de partie civile.

26. Il n'y a en conséquence pas lieu d'examiner les autres moyens de cassation.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 23 mai 2019, en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a constaté que la partie civile avait régulièrement versé la consignation fixée et constaté l'irrecevabilité des exceptions de nullité ;

DIT la partie civile irrecevable en sa constitution ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Bonnal - Avocat général : Mme Caby - Avocat(s) : Me Brouchot ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article 392-1 du code de procédure pénale ; articles 1er, 2 et 3 du code de procédure pénale ; article 13 de la loi du 29 juillet 1881.

Rapprochement(s) :

S'agissant de la possibilité pour une personne morale à but lucratif de régulariser en appel sa non-justification de ressources en joignant son bilan et compte de résultat ainsi exigé par l'article 85, alinéa 4 du code de procédure pénale en matière de plainte avec consittution de partie civile, à rapprocher : Crim., 13 novembre 2018, pourvoi n° 18-81.194, Bull. crim. 2018, n° 189 (cassation).

Crim., 9 septembre 2020, n° 19-83.139, (P)

Cassation

Partie civile – Constitution – Comité d'entreprise – Représentation en justice – Représentant du comité – Mandat préalable – Défaut – Portée

L'action civile en réparation du dommage directement causé au comité d'entreprise par un crime, un délit ou une contravention doit être exercée par l'un de ses membres régulièrement mandaté à cet effet.

L'abrogation, par le décret n° 2008-244 du 7 mars 2008, lors de la recodification du code du travail, de l'article R. 432-1 de ce code qui énonçait ce principe, ne remet pas en cause ce dernier, cette recodification, sauf dispositions expresses contraires, étant intervenue à droit constant.

Encourt la cassation l'arrêt qui a déclaré la constitution de partie civile d'un comité d'entreprise recevable, sans rechercher si la personne mandatée pour le représenter en était membre.

CASSATION sur le pourvoi formé par M. I... Y... contre l'arrêt de la cour d'appel de Riom, chambre correctionnelle, en date du 11 avril 2019, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d'abus de confiance, a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires et des observations complémentaires ont été produits, en demande et en défense.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. Y... a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef d'abus de confiance au préjudice du comité d'entreprise de la société Celta dont il était le trésorier.

3. Il lui était reproché d'avoir détourné des fonds en procédant à des achats personnels, ainsi qu'à des retraits d'espèces.

4. Le prévenu a été définitivement déclaré coupable des faits qui lui étaient reprochés par le tribunal qui l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis et 30 000 euros d'amende.

5. Le tribunal a en revanche déclaré irrecevable la constitution de partie civile du comité d'entreprise.

6. Le comité d'entreprise a relevé appel de la décision.

Examen des moyens

Sur les premier et troisième moyens

Enoncé des moyens

7. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé le jugement entrepris ayant déclaré irrecevable la constitution de partie civile du comité d'entreprise de la société Celta, d'avoir dit que le comité d'entreprise est valablement constitué partie civile devant la juridiction pénale, d'avoir déclaré M. Y... entièrement responsable des préjudices subis par le comité d'entreprise de la société Celta du fait de l'abus de confiance pour lequel il a été condamné pénalement, et d'avoir condamné M. Y... à payer au comité d'entreprise de la société Celta les sommes de 105 291,08 euros au titre de son préjudice financier, de 5 000 euros au titre de son préjudice moral et de 5 000 euros au titre de l'indemnité procédurale, alors :

« 1°/ qu'en considérant qu'il suffisait que le comité d'entreprise se fût régulièrement constitué partie civile au stade de l'instruction puis qu'il fût cité devant le tribunal correctionnel par le ministère public et qu'il fût représenté par un avocat, cependant que le comité d'entreprise ne pouvait être partie devant le tribunal correctionnel que s'il avait régulièrement mandaté une personne pour agir en son nom dans le cadre du procès l'opposant à M. Y... et indépendamment d'une constitution d'avocat, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-1 ancien du code du travail et 424 du code de procédure pénale ;

2°/ qu'en retenant que depuis l'abrogation de l'article R. 432-1 du code du travail par le décret n° 2008-244 du 7 mars 2008, pour être mandaté pour agir en justice au nom du comité d'entreprise il n'est plus nécessaire d'être membre de celui-ci de sorte que Mme E... pouvait être valablement mandatée à cet effet, la cour d'appel a violé l'article L. 2325-1 ancien du code du travail, dont il résulte qu'il faut être membre du comité d'entreprise pour être habilité à agir en justice en son nom ;

3°/ qu'en se bornant à affirmer que le comité d'entreprise s'était valablement constitué partie civile à l'instruction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2325-1 ancien du code du travail et méconnu les exigences de l'article 593 du code de procédure pénale, en statuant par des motifs n'établissant pas que le comité d'entreprise, à la faveur d'une délibération régulièrement adoptée, avait expressément mandaté une personne pour le représenter en justice et se constituer partie civile. »

8. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé le jugement entrepris ayant déclaré irrecevable la constitution de partie civile du comité d'entreprise de la société Celta, d'avoir dit que le comité d'entreprise est valablement constitué partie civile devant la juridiction pénale, d'avoir déclaré M. Y... entièrement responsable des préjudices subis par le comité d'entreprise de la société Celta du fait de l'abus de confiance pour lequel il a été condamné pénalement, et d'avoir condamné M. Y... à payer au comité d'entreprise de la société Celta les sommes de 105 291,08 euros au titre de son préjudice financier, de 5 000 euros au titre de son préjudice moral et de 5 000 euros au titre de l'indemnité procédurale, alors « qu'en considérant qu'il suffisait que le comité d'entreprise se fût régulièrement constitué partie civile au stade de l'instruction et que cette constitution perdurait devant le tribunal correctionnel, cependant que cette constitution avait été effectuée dans une instruction ouverte contre X et que, pour être partie au jugement sur le fond contre M. Y..., le comité d'entreprise devait valablement se constituer partie civile devant le tribunal correctionnel, la cour d'appel a violé les articles 287, 419 et 420 du code de procédure pénale, et L. 2325-1 ancien du code du travail. »

Réponse de la Cour

9. Les moyens sont réunis.

Vu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale et L. 2325-1 du code du travail dont les dispositions demeurent applicables dans les conditions de l'article 9 de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 :

10. Il se déduit de ces textes que l'action civile en réparation du dommage directement causé au comité d'entreprise par un crime, un délit ou une contravention doit être exercée par l'un de ses membres régulièrement mandaté à cet effet.

11. En effet, si l'article R. 432-1 du code du travail, qui disposait que « pour l'application des dispositions de l'alinéa 1er de l'article L. 431-6 qui figurent à l'article L. 2325-1 depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail, le comité est valablement représenté par un de ses membres délégué à cet effet », a été abrogé par le décret n° 2008-244 du 7 mars 2008 relatif au code du travail, cette abrogation, intervenue lors de la recodification du code du travail, ne saurait être interprétée comme permettant que l'action civile du comité d'entreprise soit exercée par une personne qui n'en est pas membre, dès lors que, sauf dispositions expresses contraires, la recodification du code du travail est intervenue à droit constant (Soc., 27 janvier 2010, pourvoi n° 08-44.376, Bull. 2010, V, n° 22).

12. Pour déclarer la constitution de partie civile de la société Celta recevable, en écartant le moyen tiré de ce que Mme E..., munie d'un mandat de représentation en date du 21 février 2018, n'avait pas qualité pour représenter le comité d'entreprise puisqu'elle n'en était plus membre, l'arrêt retient que le comité d'entreprise s'est valablement constitué partie civile au stade de l'instruction préparatoire, les effets de cette constitution de partie civile perdurant devant le tribunal correctionnel, que le comité a d'ailleurs été cité à comparaître par le procureur de la République en la qualité de partie civile à l'audience du tribunal correctionnel, et que, s'il n'avait pas comparu, il aurait été considéré comme se désistant de sa constitution de partie civile.

13. Les juges ajoutent qu'en vertu de l'article 424 du même code, la partie civile peut toujours se faire représenter par un avocat.

14. Ils énoncent enfin qu'en raison de l'abrogation de l'article R. 432-1 du code du travail, qui prévoyait que le comité d'entreprise devait se faire obligatoirement représenter par l'un de ses membres, lors de la recodification du code du travail, le comité d'entreprise n'est plus tenu de se faire représenter par l'un de ses membres.

15. En se déterminant ainsi, sans rechercher si Mme E..., mandatée pour représenter le comité d'entreprise, en était membre, et alors que la circonstance que le comité d'entreprise se soit constitué partie civile pendant l'information judiciaire était indifférente quant à la nécessité pour la personne morale d'être représentée devant la juridiction de jugement, tout comme le fait que la partie civile puisse se faire représenter par un avocat, le mandat ad litem délivré à ce conseil étant distinct du mandat devant être délivré à la personne désignée par le comité d'entreprise pour le représenter, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.

16. La cassation est par conséquent encourue.

Portée et conséquence de la cassation

17. La cassation portant sur la recevabilité de la constitution de partie civile du comité d'entreprise, il n'y pas lieu de prononcer sur le deuxième moyen relatif au fond de l'action civile.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Riom, en date du 11 avril 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Riom, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Ascensi - Avocat général : M. Petitprez - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard ; SCP Richard -

Textes visés :

Articles 2 et 3 du code de procédure pénale et L. 2325-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Crim., 23 novembre 1992, pourvoi n° 92-81.499, Bull. crim. 1992 n° 383 (2) (rejet). Sur la recodification à droit constant du code du travail, à rapprocher : Soc., 13 mars 2012, pourvoi n° 10-21.785, Bull. 2012, V, n° 99 (cassation partielle), et l'arrêt cité ; Soc., 19 mai 2016, pourvoi n° 14-10.251, Bull. 2016, V, n° 103 (cassation partielle sans renvoi) ; Soc., 26 octobre 2016, pourvoi n° 14-26.935, Bull. 2016, V, n° 200 (cassation partielle).

Crim., 8 septembre 2020, n° 19-85.004, (P)

Rejet

Partie civile – Constitution – Irrecevabilité – Cas

L'article L. 142-2 du code de l'environnement qui permet aux associations agréées pour la défense de l'environnement de se constituer partie civile, texte spécial d'interprétation stricte, ne s'applique qu'à la condition que l'infraction dénoncée relève de la liste limitative des infractions aux dispositions législatives relatives à la protection de l'environnement ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions ou les nuisances énumérées par cet article.

Justifie sa décision la chambre de l'instruction qui retient qu'une association ne peut, sur le fondement de l'article L. 142-2 du code de l'environnement qui a pour objet de protéger le cadre de vie, la nature et l'environnement, se constituer partie civile pour le délit de mise en danger d'autrui, qui s'attache à la protection des êtres humains (premier moyen).

Préjudice – Préjudice personnel – Préjudice subi par un autre que la victime de l'infraction – Association – Mise en danger de la vie d'autrui – Recevabilité (non)

En application de l'article 2 du code de procédure pénale, l'action civile en réparation du dommage causé par une infraction appartient uniquement à ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé par l'infraction. Justifie sa décision la chambre de l'instruction qui retient qu'une association, personne morale, ne peut exciper d'une exposition à un risque d'atteinte à l'intégrité physique et n'est donc pas recevable à se constituer partie civile pour mise en danger d'autrui (second moyen).

REJET sur le pourvoi formé par l'association Générations futures, partie civile, contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 4e section, en date du 3 juillet 2019, qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction refusant d'informer sur sa plainte du chef de mise en danger d'autrui.

Un mémoire a été produit.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. L'association Générations futures a, le 13 janvier 2017, déposé auprès du procureur de la République une plainte simple du chef de mise en danger d'autrui, qui en substance visait les carences des pouvoirs publics dans les actions susceptibles d'être menées pour lutter contre l'exposition de la population aux polluants atmosphériques.

3. La plainte a été classée sans suite.

L'association a alors déposé une plainte et s'est constituée partie civile devant le doyen des juges d'instruction.

4. Par ordonnance du 26 septembre 2017, le magistrat instructeur a rendu une ordonnance de refus d'informer pour irrecevabilité de la plainte avec constitution de partie civile, dont l'association a relevé appel.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Générations futures, alors :

« 1°/ que les associations agréées peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives notamment à la protection de la nature et de l'environnement ou à l'amélioration du cadre de vie ; qu'il ressort des motifs de l'arrêt que la mise en danger est éventuellement une conséquence d'une atteinte à l'environnement ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de Générations futures du chef de délit de mise en danger d'autrui, que la mise en danger ne peut être assimilée à l'atteinte à l'environnement, lorsque ce délit implique, pour assurer la protection de la vie et de l'intégrité d'autrui, de veiller à ce qu'aucune atteinte ne soit portée à son cadre de vie, la chambre de l'instruction, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a méconnu les articles L. 142-2 du code de l'environnement, 223-1 du code pénal, 85, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ qu'en retenant, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de Générations futures que le délit de mise en danger s'attache à la protection des êtres humains appelés à vivre dans le cadre de vie tandis que l'article L. 142-2 du code de l'environnement a pour objet de protéger le cadre de vie, autrement dit la nature et l'environnement, lorsque ce délit implique, pour assurer la protection de la vie et de l'intégrité d'autrui, de veiller à ce qu'aucune atteinte ne soit portée à son cadre de vie, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés. »

Réponse de la Cour

6. Pour confirmer l'ordonnance entreprise l'arrêt énonce que l'action civile devant les juridictions répressives est un droit exceptionnel qui en raison, de sa nature, doit être strictement renfermé dans les limites des articles 2 et 3 du code de procédure pénale et que l'article L.142-2 du code de l'environnement qui permet aux associations agréées pour la défense de l'environnement de se constituer partie civile, d'interprétation stricte s'agissant d'un texte spécial, ne s'applique qu'à la condition que l'infraction dénoncée relève de la liste limitative des infractions aux dispositions législatives relatives à la protection de l'environnement ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions ou les nuisances énumérées par cet article.

7. Les juges retiennent, par ailleurs, que la mise en danger d'autrui, qui est éventuellement une conséquence d'une atteinte à l'environnement, ne peut être assimilée à cette atteinte elle-même, que l'article L.142-2 du code de l'environnement a pour objet de protéger le cadre de vie, la nature et l'environnement, le délit de mise en danger s'attachant lui, au contraire, à la protection des êtres humains, appelés à vivre dans le-dit cadre ; qu'ainsi l'association ne peut se constituer partie civile sur le fondement de cet article pour le délit de mise en danger d'autrui.

8. Par ces énonciations, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes spéciaux d'interprétation stricte visés au moyen.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Générations futures, alors :

« 1°/ qu'en dehors de toute habilitation légale, une association est recevable à se constituer partie civile dès lors qu'elle est susceptible de subir un préjudice personnel directement causé par l'infraction ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de l'association, que, par essence, une personne morale ne peut exciper une exposition au risque d'atteinte à l'intégrité physique, lorsque le délit de mise en danger d'autrui vise la protection de la vie ou de l'intégrité de toute personne sans distinction, de sorte que la mise en danger d'autrui, à la supposer établie, est susceptible de causer un danger à la vie de Générations futures, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 223-1 du code pénal, 2, 85, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ qu'une association est recevable, en tout état de cause, à se constituer partie civile dès lors que l'infraction est susceptible de porte atteinte aux intérêts collectifs qu'elle a conformément à son objet pour mission de défendre ; que Générations futures qui agit notamment pour la défense de la santé publique en relation avec les nuisances causées à l'environnement, est susceptible de subir un préjudice direct et personnel découlant du délit de mise en danger d'autrui ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de Générations futures du chef de délit de mise en danger d'autrui, que cette association ne pouvait se prévaloir d'un préjudice personnel lorsque ce délit, en ce qu'il vise la protection de la vie ou de l'intégrité d'autrui, est susceptible porte atteinte aux intérêts collectifs que l'association défend, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

10. Pour confirmer l'ordonnance l'arrêt relève que l'action civile devant les juridictions répressives est un droit exceptionnel qui. en raison, de sa nature, doit être strictement renfermé dans les limites des articles 2 et 3 du code de procédure pénale, qu'en application de l'article 2 précité, l'action civile en réparation du dommage causé par une infraction appartient uniquement à ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé par l'infraction.

11. Les juges ajoutent que le délit de mise en danger d'autrui se définit comme le fait d'exposer autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement et que par essence, l'association, personne morale, ne peut exciper d'une telle exposition à ce risque d'atteinte à l'intégrité physique.

12. Ils en déduisent que la plaignante ne saurait arguer d'un préjudice personnel, requis par l'article 2 du code de procédure pénale, pour admettre, sur ce fondement de droit commun, la recevabilité de l'action civile.

13. En statuant ainsi, dès lors que l'association n'était pas susceptible de subir un préjudice personnel directement causé par le délit dénoncé de mise en danger d'autrui, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

14. Ainsi, le moyen doit être écarté.

15. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Ingall-Montagnier - Avocat général : M. Quintard - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article L. 142-2 du code de l'environnement ; article 2 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Sur le préjudice personnel d'une association en matière de mise en danger d'autrui, à rapprocher de : Crim., 8 septembre 2020, pourvoi n° 19-84.995, Bull. crim. 2020 (rejet).

Crim., 8 septembre 2020, n° 19-84.995, (P)

Rejet

Préjudice – Préjudice personnel – Préjudice subi par un autre que la victime de l'infraction – Association – Mise en danger de la vie d'autrui – Recevabilité (non)

Une association, qui n'est pas recevable à se constituer partie civile sur le fondement de l'article L. 142-2 du code de l'environnement en l'absence de renouvellement de son agrément, peut toujours, en application de l'article 2 du code de procédure pénale, se constituer partie civile dès lors qu'elle démontre un préjudice personnel directement causé par le délit. Ne démontre pas un préjudice personnel directement causé par le délit dénoncé de mise en danger d'autrui une association, personne morale qui, par essence, ne peut exciper d'une exposition au risque d'atteinte à l'intégrité physique. (3e moyen).

REJET des pourvois formés par l'association Ecologie sans frontière et l'association Générations futures, parties civiles, contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 4e section, en date du 3 juillet 2019, qui dans l'information contre personne non dénommée du chef de mise en danger d'autrui et tromperie aggravée, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable leurs constitutions de parties civiles.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Un mémoire, commun aux demandeurs et des observations complémentaires ont été produits.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. L'association Ecologie sans frontière a, le 11 mars 2014, déposé une plainte simple au parquet de Paris, du chef de mise en danger d'autrui en raison de la pollution atmosphérique, qui a été classée sans suite le 4 mai 2015.

3. Le 8 juillet 2015, les associations Ecologie sans frontière et Générations futures ont déposé plainte et se sont constituées parties civiles devant le doyen des juges d'instruction de Paris des chefs de mise en danger d'autrui en raison de cette pollution.

4. Par ordonnance du 5 juillet 2018, le juge d'instruction a constaté l'irrecevabilité des constitutions de parties civiles desdites associations.

5. Les associations ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen

6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de l'association Générations futures, alors « qu'aucun formalisme tant sur la forme que sur le contenu de la plainte simple n'est exigée à peine d'irrecevabilité de la plainte avec constitution de partie civile, si ce n'est qu'elle doit seulement révéler les faits susceptibles de causer au plaignant ou à un tiers un préjudice ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable la plainte avec constitution de partie civile de l'association Générations futures, qu'il résulte de la lecture combinée des alinéas 1 et 2 de l'article 85 du code de procédure pénale que le bénéfice de la recevabilité de la plainte avec constitution de partie civile doit être propre au plaignant, auteur de la simple plainte, de sorte que la plainte ne saurait bénéficier « par ricochet » à une personne qui n'aurait pas elle-même suivi le circuit imposé par l'article 85 alinéa 2 du code de procédure pénale, lorsqu'il est seulement exigé de cet article l'existence d'une plainte déposée devant le procureur de la République ou un service de police judiciaire, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 85, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

8. Pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction et dire irrecevable la plainte avec constitution de partie civile de l'association Générations futures, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte de la lecture combinée des alinéas 1 et 2 de l'article 85 du code de procédure pénale que le bénéfice de la plainte avec constitution de partie civile, accordé en raison d'un dépôt préalable d'une plainte simple pour les mêmes faits, est propre au plaignant auteur de la plainte simple, et ne saurait bénéficier « par ricochet » à une personne qui n'aurait pas elle-même suivi le circuit imposé par l'article 85 alinéa 2 du code de procédure pénale.

9. Les juges ajoutent qu'il est constant que l'association n'a pas déposé de plainte simple préalable pour les faits pour lesquels elle s'est constituée partie civile le 8 juillet 2015.

10. En l'état de ces énonciations la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen.

11. Ainsi, le moyen doit être écarté.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de l'association Ecologie sans frontière du chef de mise en danger d'autrui, alors :

« 1°/ qu'en retenant, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de l'association Écologie sans frontière du chef de mise en danger d'autrui, qu'elle s'était vue refuser le renouvellement de son agrément à compter du 31 décembre 2013, lorsque l'association n'a à justifier que d'une atteinte aux intérêts collectifs qu'elle défend, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 142-2 du code de l'environnement, 85, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ qu'en dehors de toute habilitation légale, une association est recevable à se constituer partie civile dès lors qu'elle est susceptible de subir un préjudice personnel directement causé par l'infraction ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de l'association Écologie sans frontière, que, par essence, une personne morale ne peut exciper une exposition au risque d'atteinte à l'intégrité physique, lorsque le délit de mise en danger d'autrui ne limite pas la faculté de se constituer partie civile aux seules personnes physiques, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 223-1 du code pénal, 2, 85, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ qu'une association est recevable, en tout état de cause, à se constituer partie civile dès lors que l'infraction est susceptible de porte atteinte aux intérêts collectifs que celle-ci a pour mission de défendre conformément à son objet ; que l'association Écologie sans frontière qui, selon ses statuts, a pour objet l'amélioration de la qualité de vie dans un cadre de développement durable et la lutte contre toutes formes de pollutions et nuisances ayant un impact sur la santé humaine, est susceptible de subir un préjudice direct et personnel découlant du délit de mise en danger d'autrui ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de l'association Écologie sans frontière du chef de délit de mise en danger d'autrui, que cette association ne pouvait se prévaloir d'un préjudice personnel, lorsque ce délit, en ce qu'il vise la protection de la vie ou de l'intégrité d'autrui, est susceptible de porter atteinte aux intérêts collectifs que l'association défend, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 223-1 du code pénal, 2, 85, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

13. Pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction et dire irrecevable la plainte avec constitution de partie civile de l'association Écologie sans frontière du chef de mise en danger d'autrui en raison de la pollution atmosphérique, l'arrêt attaqué énonce, d'une part, que ladite association n'était pas recevable sur le fondement de l'article L. 142-2 du code de l'environnement à se constituer partie civile, le renouvellement d'agrément lui ayant été refusé.

14. L'arrêt relève, d'autre part, que sur le fondement du droit commun, l'action civile devant les juridictions répressives est un droit exceptionnel qui, en raison, de sa nature, doit être strictement renfermé dans les limites des articles 2 et 3 du code de procédure pénale et qu'en application du premier de ces deux articles, l'action civile en réparation du dommage causé par une infraction appartient uniquement à ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé par l'infraction.

15. Les juges retiennent ensuite qu'alors que le délit dénoncé de mise en danger d'autrui se définit comme le fait d'exposer autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, une association personne morale ne peut, par essence, exciper d'une telle exposition au risque d'atteinte à l'intégrité physique.

16. Ils en déduisent que l'association plaignante ne saurait arguer d'un préjudice personnel, tel que requis par l'article 2 du code de procédure pénale, pour admettre, sur ce fondement de droit commun, la recevabilité de l'action civile.

17. En statuant ainsi, en l'absence d'agrément de l'association plaignante et dès lors que celle-ci n'était pas susceptible de subir un préjudice propre, directement causé par le délit de mise en danger d'autrui, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

18. Ainsi le moyen doit être écarté.

19. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Ingall-Montagnier - Avocat général : M. Quintard - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article 85, alinéa 2, du code de procédure pénale ; article 2 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Sur le préjudice personnel d'une association en matière de mise en danger d'autrui, à rapprocher : Crim., 8 septembre 2020, pourvoi n° 19-85.004, Bull. crim. 2020 (rejet).

Crim., 8 septembre 2020, n° 18-82.150, (P)

Rejet

Transporteur aérien – Application de la Convention de Montréal – Compétence matérielle des juridictions repressives (non)

L'action en responsabilité du transporteur aérien et de ses préposés, pour laquelle seule la Convention de Montréal du 28 mai 1999 est applicable aux termes de l'article 1 du règlement CE 889/2002 du 13 mai 2002, repris par l'article L. 6421-3 du code des transports relatifs aux transports aériens effectués dans un même Etat membre par une entreprise de transport aérien titulaire d'une licence d'exploitation, échappe à la compétence matérielle des juridictions répressives.

REJET des pourvois formés par MM. L... I..., V... W..., C... T..., la Fédération nationale des victimes d'accidents collectifs, partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de Besançon, chambre correctionnelle, en date du 13 février 2018, qui, pour homicides involontaires, a condamné les prévenus à trois ans d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires en demande, en défense et des observations complémentaires ont été produits.

LA COUR,

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que MM. L... I..., V... W... et C... T... ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel du chef d'homicides involontaires à la suite d'un accident survenu dans la nuit du [...] au [...] lors d'un décollage de nuit à un avion de type Beechcraft C90 King air, exploité par la société Flowair aviation et piloté par H... F..., qui n'était pas titulaire de la qualification IFR professionnelle ; qu'après un décollage long et une pente de montée faible, l'avion a percuté des arbres situés dans l'axe de la piste, accident à la suite duquel le pilote, un employé de cette même compagnie et deux médecins embarqués comme passagers ont trouvé la mort ; que les juges du premier degré ont déclaré les prévenus coupables ; que, les prévenus, le procureur de la République et la partie civile ont relevé appel de cette décision ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation proposé par M. W... :

Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale :

Attendu que le moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le moyen unique de cassation, proposé par M. I..., pris de la violation des articles 121-3 et 221-6 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

En ce que la cour d'appel a déclaré M. I... coupable d'homicide involontaire ;

1°/ alors que, la faute délibérée n'est établie que si l'obligation particulière de prudence ou de sécurité méconnue est prévue par la loi ou le règlement ; que le manuel d'exploitation (MANEX) dont les termes n'ont pas été respectés est rédigé par l'exploitant lui-même et n'est pas un texte réglementaire, même si son existence est prévue par l'arrêté du 12 mai 1997 concernant le SADE ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait, sans violer l'article 121-3 du code pénal, juger que la méconnaissance du MANEX par le prévenu constituait une faute délibérée au sens de ce texte ;

2°/ alors que, la faute délibérée n'est établie que si les juges du fond caractérisent le caractère délibéré du manquement ; qu'en se bornant à relever que M. I... n'a pas veillé à la stricte et constante application de la réglementation, sans établir la violation intentionnelle et délibérée des obligations particulières de prudence ou de sécurité prétendument violées, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

3°/ alors que, la faute caractérisée, qui est celle qui expose autrui à un risque d'une particulière gravité qu'on ne peut ignorer, suppose de son auteur la conscience d'un tel danger, les juges du fond devant démontrer que la personne physique auteur indirect du dommage avait connaissance du risque ou disposait d'informations suffisantes pour lui permettre de l'envisager comme probable ; qu'en déclarant que l'accumulation des fautes commises par M. I... ne lui a pas permis d'apprécier avec la rigueur nécessaire les véritables compétences et faiblesses de H... F..., ce dont il résulte nécessairement que le prévenu ignorait les insuffisances professionnelles de son pilote, tout en jugeant que ses négligences ont exposé autrui à un danger d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;

4°/ alors qu'en reprochant tout à la fois à M. I... de ne pas s'être mis en mesure d'apprécier les compétences professionnelles de H... F..., et d'avoir, en l'employant comme commandant de bord, exposé autrui à un danger d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires, le prévenu ne pouvant à la fois ignorer les insuffisances professionnelles de son pilote et savoir qu'elles exposeraient autrui à un danger au sens de l'article 121-3 du code pénal ;

5°/ alors que, l'article 221-6 du code pénal ne peut recevoir application que si le lien de causalité, même indirect, est établi avec certitude entre la faute du prévenu et le décès de la victime ; que les causes certaines de l'accident n'ont jamais pu être déterminées, les rapports officiels se bornant, faute d'enregistreur de vol, à émettre des hypothèses ; qu'en se bornant à déduire, sur le fondement de quelques témoignages portant sur le comportement de H... F..., d'ailleurs contredits, que l'accident aurait été causé par une faute de pilotage, la Cour d'appel, qui s'est limitée à émettre une hypothèse, serait-elle probable, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

6°/ alors que, la cour d'appel ne pouvait s'abstenir de répondre au moyen péremptoire de défense qui faisait valoir que le SADE prétendument non respecté n'a en tout état de cause pas vocation à former le pilote, seulement à l'adapter aux procédures internes de la compagnie, de sorte que le non respect du SADE ne peut pas être à l'origine d'aucune faute de pilotage.

7°/ alors que, la cour d'appel ne pouvait s'abstenir de répondre au moyen péremptoire de défense qui faisait valoir que le non respect du SADE n'avait pas causé l'accident, la soumission au SADE ne pouvant déceler ou empêcher, en tout état de cause, des comportements délibérément dangereux en vol d'un pilote, commandant de bord ;

8°/ alors que, la cour d'appel ne juger que « le responsable du recrutement devait contrôler les brevets et licences de l'impétrant et à tout le moins se renseigner auprès de ses précédents employeurs sur les qualités du pilote et sa réputation professionnelle », pour en déduire que M. I... avait agi « avec une légèreté blâmable pour un chef d'entreprise responsable » sans répondre au moyen péremptoire de défense selon lequel la disparition du scellé « DOC 10 – Neuf copies de document remis par la société Flowair concernant H... F...» avait privé le prévenu de la possibilité de démontrer l'ensemble des diligences effectuées au cours de l'embauche de H... F... et, notamment, qu'il avait vérifié sa licence et son triptyque. »

Sur le deuxième moyen de cassation proposé par M. W..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-3 et 221-6 du code pénal, préliminaire, 384, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale, violation du principe du contradictoire ;

En ce que la cour d'appel a déclaré M. W... coupable d'homicide involontaire commis par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, l'a condamné à une peine de trois ans d'emprisonnement avec sursis, a déclaré recevable les constitutions de partie civile et l'a condamné à verser diverses sommes au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;

1°/ alors que le règlement au sens du quatrième alinéa de l'article 121-3 et du second aliéna l'article 221-6 du code pénal s'entend uniquement des actes des autorités administratives à caractère général et impersonnel ; qu'il ne résulte pas des dispositions de l'arrêté du 12 mai 1997 relatif aux conditions techniques d'exploitation d'avions par une entreprise de transport aérien public (OPS 1) un ordre précis de passage des épreuves du stage d'adaptation de l'exploitant en ce qui concerne les deux épreuves de vol hors ligne et de vol en ligne, ni un nombre d'étapes minimum ; qu'en retenant comme un manquement à une obligation prévue par le règlement le fait de ne pas respecter l'ordre de ces épreuves et le nombre d'étapes minimum fixés, non pas par le décret précité, mais par le manuel en ligne établi par l'exploitant et validé par la direction générale de l'aviation civile au motif inopérant que ce document tirait sa force obligatoire du décret précité qui en impose l'adoption, la cour d'appel a méconnu les textes précités ;

2°/ alors que le délit d'homicide involontaire par violation manifestement délibérée d'une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement suppose le constat de la violation en connaissance de cause de cette obligation ; qu'en l'état des constatations de l'arrêt dont il résulte que M. W... ne connaissait pas le changement de la réglementation et la prétendue obligation réglementaire qui en résulterait de faire subir l'épreuve de vol hors ligne avant celle du vol en ligne (arrêt, p. 37, § 2 ; jugement, p. 22, §9), la cour d'appel, en retenant une faute délibérée dans le fait de méconnaître cette obligation, a entaché sa décision d'une contradiction de motifs ;

3°/ alors en tout état de cause qu'en condamnant le prévenu du chef d'homicide involontaire par violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement et réprimé par le second alinéa de l'article 221-6 du code pénal en ne constatant à son encontre qu'une faute caractérisée et qui exposait autrui à un danger que son auteur ne pouvait ignorer, la cour d'appel a méconnu les textes précités ;

4°/ alors en dernier état de cause qu'en requalifiant les manquements visés par la prévention et retenus par le premier juge en tant qu'une violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement en faute caractérisée, sans en informer préalablement le prévenu et sans mettre ce dernier en mesure de présenter des observations sur le point de savoir si une faute pouvait lui être reprochée au-delà des manquements visés par la prévention, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire et les textes cités au moyen ;

5°/ alors enfin qu'en retenant à l'encontre du prévenu l'absence de manuel à sa disposition à bord de l'avion et en déduisant de cette seule circonstance que le stage d'adaptation de l'exploitation aurait alors présenté un caractère artificiel et révélé une faute caractérisée cependant que ce prétendu manquement n'est pas mentionné au sein de la prévention et ne participe pas des faits au regard desquels la prévention vise un manquement à une obligation légale ou réglementaire, la cour d'appel a excédé les termes de sa saisine et méconnu l'article 384 du code de procédure pénale. »

Sur le troisième moyen de cassation proposé par M. W..., pris de la violation des articles 121-3 et 221-6 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;

En ce que la cour d'appel a déclaré M. W... coupable d'homicide involontaire commis par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, l'a condamné à une peine de trois ans d'emprisonnement avec sursis, a déclaré recevable les constitutions de partie civile et l'a condamné à verser diverses sommes au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;

1°/ alors qu'il résulte des constatations de l'arrêt que l'avion avait roulé sur une distance anormalement longue de 950 mètres, soit une distance qui avait été relevée comme étant très supérieure à celle nécessaire (jugement, p. 20, § 6 ; arrêt, p. 21, §1 et 3) ; qu'en retenant néanmoins que la faute de pilotage résultait de ce que, comme il en aurait eu l'habitude, le pilote aurait pratiqué la technique du décollage par palier permettant de décoller indépendamment de la longueur de la piste, circonstance radicalement contradictoire avec le roulement de l'avion sur une distance excessive, la cour d'appel a entaché ses motifs d'une contradiction quant aux faits au regard desquels elle a estimé que l'accident était dû à une faute de pilotage et non à un incident technique ;

2°/ alors encore que le délit d'homicide involontaire suppose un lien certain entre la faute et le dommage, et ne peut résulter de la perte d'une chance d'éviter ce dernier ; qu'en retenant que la faute consistant à avoir fait subir les épreuves du stage d'adaptation de l'exploitant dans un ordre différent à celui qui était préconisé était en lien avec l'accident sans répondre au moyen pris de ce que la DGAC valide les stages dans de telles situations (conclusions d'appel, p. 11 et 12) ni constater la certitude qu'en cas de respect de l'ordre préconisé le pilote aurait manifesté une insuffisance que le prévenu aurait pu déceler et qui aurait dissuadé son employeur de le conserver au sein des effectifs de l'entreprise, la cour d'appel n'a pas légalement motivé sa décision ;

3°/ alors enfin que le délit d'homicide involontaire suppose un lien certain entre la faute et le dommage, et ne peut résulter de la perte d'une chance d'éviter ce dernier ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que les fautes commises par les trois prévenus auraient été en lien avec l'accident imputable à une erreur humaine du pilote dans la mesure où ce dernier n'aurait pas été embauché par la société Flowair Aviation et n'aurait pas piloté l'avion si les fautes de l'un ou l'autre des prévenus n'avait pas été commises ; qu'il résulte également des constatations de l'arrêt que le pilote avait réussi les épreuves du stage d'adaptation de l'exploitant avec son précédent employeur, lequel avait néanmoins décidé de ne pas le maintenir dans l'entreprise à raison des insuffisances remarquées au cours de ce stage ; qu'il résulte encore des constatations de l'arrêt l' « aveuglement » de M. I..., dirigeant de la société Flowair Aviation, qui avait adopté un parti pris en faveur du pilote face aux remarques qui lui avaient été présentées par des pilotes de la compagnie lui faisant part de leurs craintes et de leurs analyses après avoir réalisé des vols avec H... F... et qu'il n'avait pas cru bon de conserver un certain recul face à ce pilote en raison de l'urgence de recruter un candidat correspondant à son profil et qui souhaitait se stabiliser pour un temps au sein de la compagnie ; que, dès lors, en retenant en lien avec l'accident la prétendue défaillance dans la mise en oeuvre du stage d'adaptation de l'exploitant imputable à M. W..., qui aurait empêché ce dernier de déceler les insuffisances du pilote, par des motifs dont il ne ressort pas qu'il est certain que, si ce stage s'était déroulé conformément à la réglementation le pilote n'aurait pas, comme avec son précédent employeur, réussi l'ensemble des tests et si, à supposer que des insuffisances aient tout de même été détectées, il est certain qu'en l'état de cette réussite aux épreuves ces insuffisances auraient réussi à convaincre le dirigeant de la société Flowair Aviation, pressé de recruter ce pilote et ignorant tout des avertissements donnés par les autres pilotes de sa compagnie, de ne pas embaucher l'intéressé, la cour d'appel n'a pas légalement motivé sa décision. »

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour déclarer M. I... coupable d'homicides involontaires, l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que celui-ci était le gérant de la société Flowair, qu'il a embauché H... F... sans se renseigner sur ses qualités de pilote auprès de ses précédents employeurs, qu'il a agi ainsi avec une légèreté blâmable qui l'a privé d'être informé des conditions de la rupture du précédent contrat de travail en raison de l'incapacité de ce pilote à effectuer du transport public de passagers, qu'il a poursuivi son aveuglement sans tenir compte des craintes des autres pilotes de sa compagnie ; que les juges ajoutent que le stage d'adaptation de l'exploitant (SADE) n'a pas été effectué conformément à l'arrêté du 12 mai 1997 qui est un règlement au sens de l'article 121-3 du code pénal, que même si l'OPS 1 et le manuel d'exploitation (Manex) ne sont pas en eux-mêmes des règlements, c'est bien de l'arrêté du 12 mai 1997 qu'ils tirent leur force obligatoire puisque ledit arrêté y renvoie expressément pour préciser le contenu des obligations liées aux conditions techniques d'exploitation et que l'OPS 1.945 relate les conditions du stage d'adaptation en précisant que l'exploitant doit le suivre effectivement ; que les juges retiennent que ce stage doit comprendre une formation et un contrôle au sol couvrant les systèmes de l'avion, les procédures normales, anormales et d'urgence, une formation et un contrôle de sécurité-sauvetage qui doivent être effectués avant le début de la formation sur avion, une adaptation et le contrôle associé requis au paragraphe OPS 1.965 (b) sur avion ou entraîneur synthétique de vol, une adaptation en ligne sous supervision et le contrôle requis au paragraphe OPS 1.965 (c), et que le stage d'adaptation de l'exploitant doit être effectué dans l'ordre fixé au sous-paragraphe (a) ; que les juges retiennent encore que le manuel d'exploitation (MANEX) de la société Flowair, qui fait référence à ce stage, a été approuvé par l'Autorité le 8 avril 2005, et que de ce fait, le respect des dispositions de l'arrêté du 12 mai 1997 concernant le SADE implique le respect du manuel d'exploitation mis en place par le dirigeant de l'entreprise ; que les juges ajoutent que l'ordre de formation prévu par le SADE n'a pas été respecté, que le livret de progression ne fait état que de l'accomplissement de quatre étapes de vol au lieu des huit prescrites au minimum, ce qui n' a pas permis de jauger réglementairement H... F..., que ce dernier a volé comme pilote de l'avion, alors qu'il n'était pas lâché, sous la supervision de Mme A... qui n'avait pas la qualité de pilote superviseur ; que les juges en concluent que l'accumulation de ces fautes qualifiées n'a pas permis d'apprécier avec la rigueur nécessaire les véritables compétences de H... F... et ses faiblesses structurelles, que ces négligences ont exposé objectivement la clientèle à un risque d'une particulière gravité que le prévenu ne pouvait ignorer, que l'intention coupable est caractérisée par le fait que M. I... était le rédacteur du manuel d'exploitation et devait personnellement veiller au strict respect du SADE, qu'il existe un lien indirect mais certain avec l'accident causé par une faute de pilotage, comme cela résulte du recoupement des conclusions du Bureau d'enquêtes et d'analyses (B.E.A) de la Direction générale de l'armement (D.G.A) et de l'expertise judiciaire avec les témoignages ; que les juges retiennent encore que H... F... a choisi la piste la plus défavorable pour décoller en raison de la présence d'obstacles en bout de piste, que les témoins ont déclaré que ce pilote, pour qui c'était une habitude, après avoir effectué un roulage anormalement long de 950 mètres au lieu de 457 mètres, avait pris une pente de montée insuffisante de 3 % alors que celle nécessaire était de 7,8 %, et qu'en conséquence les éléments constitutifs du délit d'homicide involontaire sont réunis ;

Attendu que, pour déclarer M. W... coupable d'homicides involontaires, l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que celui-ci, pilote contrôleur agréé par l'aviation civile, mandaté par la compagnie Flowair pour faire passer un examen à H... F... entre le 7 août et le 7 septembre 2006, a déclaré ignorer le changement de réglementation impliquant la réalisation de vols en supervision préalablement à un vol de contrôle en ligne, qu'il n'a respecté ni l'ordre du déroulement du stage d'exploitation en ligne (SADE), ni son contenu, qu'il ne disposait pas à bord du manuel d'exploitation de la société Flowair, ce qui conférait un caractère artificiel au SADE qu'il était censé faire passer à H... F..., qu'il n'a pas sollicité de dérogations quant aux étapes du SADE, qu'agissant en dehors du cadre réglementaire sans respecter les contraintes en matière de sécurité imposées aux représentants de l'aviation civile, dont lui-même, M. W... a commis une faute caractérisée ; que les juges ajoutent qu'en tant que professionnel, son accréditation par la DGAC lui donne la compétence mais aussi la connaissance précise des enjeux de l'examen dont il devait assumer le contrôle, qu'il avait un devoir de vigilance qu'offraient les exigences du SADE qu'il n'a pas respecté et qu'il a déclaré H... F... apte sans avoir intentionnellement utilisé les outils à sa disposition pour le lâcher en ligne ; que les juges retiennent encore, par motifs propres et adoptés, qu'il existe un lien indirect mais certain entre le non respect du SADE par M. W... et l'accident survenu au décollage, que les rapports du BEA, de la DGA et de l'expert judiciaire vont dans le sens de la faute de pilotage, liée aux insuffisances de H... F..., dont l'inaptitude à exercer les fonctions de commandant de bord a été dénoncée par plusieurs témoins dont son ancien employeur ; que les juges retiennent encore que H... F... a choisi la piste la plus défavorable pour décoller en raison de la présence d'obstacles en bout de piste, que les témoins ont déclaré que ce pilote, pour qui c'était une habitude, après avoir effectué un roulage anormalement long de 950 mètres au lieu de 457 mètres, avait pris une pente de montée insuffisante de 3 % alors que celle nécessaire était de 7,8 %, et qu'en conséquence les éléments constitutifs du délit d'homicide involontaire sont réunis ; que les juges concluent de l'exécution d'un stage bâclé, effectué sans professionnalisme ni rigueur par M. W..., qu'il existe un lien indirect mais certain entre la non réalisation réglementaire du SADE et l'accident survenu au décollage ;

Attendu qu'en statuant ainsi, par des motifs dont il résulte que les prévenus, ont commis des violations manifestement délibérées d'obligations de prudence ou de sécurité imposées par la loi ou le règlement, en l'espèce l'arrêté du 12 mai 1997, l'OPS 1.945 et son appendice 1 que le manuel d'exploitation (MANEX) se borne à reprendre en les adaptant à l'entreprise, et que ces violations étaient en lien certain avec l'accident, la cour d'appel, a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens, qui manquent en fait dans les troisième, quatrième et cinquième branche du deuxième moyen proposé par M. W..., doivent être écartés ;

Sur le premier moyen de cassation proposé par M. T..., pris de la violation des articles 6 de la Convention des droits de l'homme, 11 bis 1 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, 121-3 et 221-6 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de base légale ;

En ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré M. C... T... coupable des faits qui lui sont reprochés pour les faits d'homicide involontaire commis les [...] et [...] à Bron, Lyon et La Veze et l'a condamné à un emprisonnement délictuel de trois ans avec sursis ;

« 1°/ alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ; qu'il résulte de l'information que H... F... se prévalait mensongèrement de la qualification IFR professionnel depuis 2002, consécutivement à l'erreur d'un examinateur qui avait coché à tort la case « prorogation IFR » sur le formulaire d'examen en vol comportant le numéro de la licence professionnelle de H... F..., que cette case avait été cochée à nouveau par erreur chaque année jusqu'en 2006 par différents examinateurs et que consécutivement quatre agents du bureau central des licences de Paris avaient, avant M. T..., prorogé par erreur la qualification IFR professionnel de Barthélémy F..., que ce dernier s'était mensongèrement prévalu de la qualification IFR requise pour voler aux instruments en tant que pilote professionnel auprès de ses trois employeurs successifs, en leur présentant à cette fin l'intercalaire jaune associé à sa licence professionnelle, sur lequel figurait à tort la qualification IFR pour les périodes du 1er juin 2003 au 31 mai 2005 (D438), que le 27 mai 2005, un nouvel intercalaire erroné avait été établi par Mme N... D..., agent de la DGAC du bureau central des licences à Paris, attestant que H... F... était titulaire d'une qualification « IFR professionnel » (D615), que si cet intercalaire erroné a été retiré le 29 mai 2006 par Mme O..., un autre agent de la DGAC chargée de la délivrance des licences à Paris, à l'issue d'un contrôle approfondi (D1412), H... F... a continué à utiliser une copie qu'il en avait faite pour tromper ses interlocuteurs et leur faire croire qu'il était titulaire de ladite qualification, que M. T... n'avait quant à lui pas de mission de délivrance des licences des pilotes mais uniquement de renouvellement et de prorogation de ces dernières après leur attribution par l'administration centrale au terme d'un contrôle strict, que cette mission annexe à ses missions principales s'exerçait deux demi-journées par mois dans le hall d'entrée du bureau de piste de Lyon-Bron, sans disposer du dossier papier des pilotes, contrairement à Mme O... lorsqu'elle avait découvert la falsification effectuée par H... F..., tandis que selon les dires de cette dernière « le système informatique ne comportait aucune mention spécifique sur ce point » » (conclusions d'appel de l'exposant, p.26) et qu'en l'espèce « H... F... a présenté à M. T... tous les documents nécessaires à la prorogation, c'est à dire un test en vol contenant la qualification « IFR » et son carnet de vol comprenant les étapes requises » (conclusions, p.27) ; qu'en jugeant que M. T..., à qui H... F... avait produit une copie de l'intercalaire erroné du 27 mai 2005 ainsi que le test en vol du 7 août 2006 de M. V... W... contenant la qualification « IFR » prorogée pour la licence professionnelle, avait commis une faute caractérisée pour, après avoir effectué l'ensemble des vérifications formelles requises pour accorder une prorogation, n'avoir pas découvert que plusieurs examinateurs et agents de la DGAC du bureau central des licences à Paris avaient été dupés par H... F... avant lui et lui avaient attribué une qualification IFR professionnelle qu'il ne possédait pas, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a méconnu les textes précités ;

2°/ alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en jugeant dans le même temps « qu'en l'espèce, la licence de pilote privée en date du 25 octobre 2005 portait la mention de 1'existence de la mention IFR, mais la licence professionnelle du 29 mai 2006 n'en portait aucune, car cette qualification ne lui avait jamais été attribuée ; que M. T... n'avait aucunement analysé le contenu du titre qu'il lui avait été demandé de proroger ; qu'en effet, la seule lecture par un agent de la DGAC de la licence professionnelle présentée ne laissait apparaître aucune mention antérieure sur l'existence de la qualification IFR, et ce avant même de s'intéresser aux moyens de contrôle qui n'ont pas été sollicités » (arrêt, p.39 in fine) et que « la mention portée par erreur sur la licence professionnelle du 27 mai 2005 de M. F... par un agent de la DGAC lui attribuant l'IFR professionnel était valable jusqu'au 31 octobre 2006 et lui aurait permis de voler le soir de l'accident avec une apparence de légalité » (arrêt, p.40, antépénultième §), la cour d'appel, qui s'est contredite, a méconnu les principes et les textes susvisés ;

3°/ alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en jugeant que « la lecture du classeur mis à sa disposition dans son bureau et dont il était chargé des mises à jour n'est pas suffisante pour l'absoudre de son manque de professionnalisme » (arrêt, p.40 § 4), dès lors que M. T... « disposait, en cas de simple doute sur sa propre technicité, de la possibilité de téléphoner aux services du BRIA de Lyon, comme cela avait été confirmé par M. K..., chef du Bureau régional d'information et d'assistance » (ibid. §5), sans relever aucun élément permettant d'établir l'existence d'un tel doute, la cour d'appel ayant au contraire relevé que « la mention portée par erreur sur la licence professionnelle du 27 mai 2005 de M. F... par un agent de la DGAC lui attribuant l'IFR professionnel était valable jusqu'au 31 octobre 2006 et lui aurait permis de voler le soir de l'accident avec une apparence de légalité » (arrêt, page 40, antépénultième §) et M. T... ayant rappelé qu'« il résulte de ses déclarations constantes qu'il n'a eu aucun doute sur la validité des qualifications présentées par H... F... » (conclusions de l'exposant, p.9), la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a méconnu les principes et les textes susvisés ;

4°/ alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que M. T... rappelait, page 26 de ses écritures d'appel, que seule la consultation du dossier papier du pilote aurait permis de déceler la falsification commise par H... F..., que « c'est précisément la consultation du dossier papier du pilote, doublée de la présentation par H... F... d'un test en vol sans mention de l'épreuve « IR », qui a permis à Mme J... O... de déceler l'échec de H... F... au teste d'anglais », que « Mme J... P... O... a précisé que le système informatique ne comportait « aucune mention spécifique sur ce point ». Son attention a été attirée par la mention « absence langue anglaise » figurant dans le dossier papier de H... F... (D1414, D148), ce qu'elle a confirmé à l'audience du 10 octobre 2017 » et qu'il a été établi lors de l'instruction qu'un « bug » entraînait sur les dossiers informatiques des pilotes l'affichage intempestif, bien que non systématique, de la mention « restreint pilote privé » pour les qualifications IFR, même lorsque les pilotes étaient bien qualifiés « IFR professionnel », de telle sorte que « les agents étaient invités à ne pas en tenir compte D1414, D1422) » (conclusions d'appel de l'exposant, p.39 in fine), raison pour laquelle le tribunal avait retenu que « la question de savoir si cette consultation (du dossier informatique) aurait permis à M. T... de vérifier l'acquisition du privilège de l'IFR n'a pas été résolue » (jugement, p.23) ; qu'en jugeant que dès lors que M. T... avait ouvert son ordinateur « il avait été à même de vérifier l'état du dossier de M. F... (et) qu'ainsi, et même en l'absence du dossier « papier » qui avait été contrôlé par Mme O..., et sans comparaison entre eux, M. T... disposait des outils nécessaires pour mener à bien sa mission », aux motifs contradictoires que le « bug » informatique a été « révélé très tardivement dans l'instruction judiciaire » (arrêt, p.40 § 2) et que cette existence « n'est nullement démontrée » (ibid.), absence de démonstration tirée au surplus des motifs inopérants aux termes desquels la copie informatique du dossier de H... F... d'octobre 2006 laissait apparaître la mention « restreint au privilège de pilote privé » tandis que celle de M. U... à la même date ne la comportait pas, et en ignorant ainsi qu'il n'avait jamais été soutenu que ce « bug » était systématique, la cour d'appel, qui n'a pas justifié sa décision, a méconnu les principes et textes susvisés ;

5°/ alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en jugeant « qu'en sa qualité de professionnel, il (M. T...) avait ainsi une obligation positive de vérification des titres présentés, obligation qu'il n'a pas remplie, alors que la DGAC lui reconnaissait une aptitude à cette mission pour laquelle il avait reçu une formation, ce qu'il ne nie pas » (arrêt, p.39), sans vérifier, comme il lui était demandé, si cette formation ne différait pas de celle des autres agents du bureau central des licences, qui « recevaient une formation adaptée et permanente (D1413). Ils avaient ainsi une connaissance très poussée de la technique administrative relative à la délivrance et à la prorogation de licence » (conclusions, p.26, antépénultième §), ce qui « n'était évidemment pas le cas de M. T... » (ibid. pénultième §), la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a méconnu les textes précités.

Sur le second moyen de cassation proposé par M. T..., pris de la violation des articles 6 de la Convention des droits de l'homme, 11 bis 1 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983, 121-3 et 221-6 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de base légale ;

En ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré M. T... coupable des faits qui lui sont reprochés pour les faits d'homicide involontaire commis les [...] et [...] à Bron, Lyon et La Veze et l'a condamné à un emprisonnement délictuel de trois ans avec sursis ;

« 1°/ alors que l'article 221-6 du Code pénal exige, pour recevoir application, que soit constatée l'existence certaine d'un lien de causalité entre la faute du prévenu et le décès de la victime ; qu'en retenant que M. T... avait causé indirectement l'accident après avoir relevé que « selon la direction générale de l'armement (DGAT), le rapport d'investigation laisse apparaître « comme hautement improbable un dysfonctionnement mécanique comme cause de l'accident » ; que l'expert judiciaire, Mme Q... validait les conclusions de la DGAT et du BEA et considérait quant à elle comme « quasi improbable une défaillance technique de l'avion » ; que selon le rapport du BEA, deux scénario permettaient d'expliquer simultanément la longueur de roulement et la faible prise de hauteur de l'avion, sachant qu'il existait pas d'enregistreur de vol » (arrêt, pp.35-36), de telle sorte qu'il n'existait aucune certitude sur la cause de l'accident et que le dysfonctionnement mécanique, bien que « quasi-improbable », n'avait pas été définitivement exclu et ne pouvait l'être faute d'enregistreur de vol, la cour d'appel a méconnu le principe et les textes susvisés ;

2°/ alors que l'article 221-6 du code pénal exige, pour recevoir application, que soit constatée l'existence certaine d'un lien de causalité entre la faute du prévenu et le décès de la victime ; qu'en retenant que M. T... avait causé indirectement l'accident après avoir relevé que « la mention portée par erreur sur la licence professionnelle du 27 mai 2005 de H... F... par un agent de la DGAC lui attribuant l'IFR professionnel était valable jusqu'au 31 octobre 2006 et lui aurait permis de voler le soir de l'accident avec une apparence de légalité » (arrêt, p.40, antépénultième §), au motif « que le pilote n'aurait pas pu voler s'il (M. T...) avait prévenu son employeur » (ibid., pénultième §), sans prendre en considération ni les manoeuvres entretenues depuis des années par H... F... pour tromper ses interlocuteurs en leur laissant croire qu'il possédait l'IFR professionnel, ni le fait qu'à supposer que M. T... ait rencontré une difficulté il aurait sans doute invité H... F... à se présenter au bureau des licences de Saint-Exupéry avant le 31 octobre 2006, date d'expiration de sa qualification, ce qui n'aurait pas suffi à éviter l'accident survenu antérieurement, ni du fait que le jour de l'accident, H... F... était le seul pilote disponible et qu'il était impossible de préjuger de la réaction de son employeur, M. I..., co-prévenu de M. T..., si ce dernier avait décelé l'existence d'un problème concernant l'attribution de l'IFR professionnel antérieurement attribué à H... F..., la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard du principe et des textes susvisés. »

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable d'homicides involontaires, l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que M. C... T... a apposé une mention non réglementaire en apposant la mention « oui » dans la colonne IFR sur la licence professionnelle de H... F... alors que ce document ne faisait pas mention de cette qualification ; que les juges ajoutent que cette lecture incorrecte du titre présenté a été aggravée par l'absence d'utilisation des outils mis à sa disposition et notamment de l'informatique à laquelle M. T... s'est pourtant raccordé pour effectuer la prorogation de la licence, qu'aucun bug informatique n'est avéré et que M. T... s'est abstenu de contacter le Bureau régional d'information aéronautique (BRIA) ; que les juges retiennent que le fait qu'il y ait eu une erreur antérieure sur la licence de 2005 attribuant à H... F... l'IFR professionnel qui lui aurait permis de voler le soir de l'accident avec une apparente légalité n'est pas pertinent dans la mesure où le prévenu aurait dû s'apercevoir de l'erreur lors de la prorogation de la licence ; que les juges retiennent encore que le prévenu ne peut arguer du fait qu'il a été induit en erreur par le document signé par M. W... sur lequel apparaissait la qualification de type et celle de la prorogation de l'IFR en apparence liée à la licence professionnelle, un tel argument ne pouvant être invoqué par un agent de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) formé à des missions de contrôle et que M. T... a ainsi commis une faute caractérisée ; que les juges ajoutent que M. T..., affecté à temps partiel au bureau des licences, avait eu une formation assurée par la DGAC, qu'il disposait d'un manuel technique et d'un accès à une base informatique, outre la possibilité de joindre le BRIA de Lyon-Bron, qu'il avait, en sa qualité de professionnel, une obligation positive de vérification des titres présentés, et qu'il a accompli les opérations de prorogation en une dizaine de minutes ; que les juges en concluent que le manque cruel de vigilance de M. T..., par une lecture erronée des données, une absence de contrôle effectif et l'apposition d'une qualification inexistante, a eu des conséquences connues sur le vol du [...] ; que les juges retiennent encore que le rôle de M. T... s'arrêtait au contrôle et à l'alerte de M. I..., présent sur place, qui n'aurait pas donné le poste de pilote en fonction à H... F... s'il avait su que ce dernier n'avait pas l'IFR professionnel et que le lien entre l'accident et la faute aggravée de M. T... est ainsi indirect mais certain ; que les juges retiennent encore que les rapports du BEA, de la DGA et de l'expert judiciaire sur les causes de l'accident et les témoignages vont dans le sens de la faute de pilotage, que H... F... a choisi la piste la plus défavorable pour décoller en raison de la présence d'obstacles en bout de piste, que les témoins ont déclaré que H... F..., pour qui c'était une habitude, après avoir effectué un roulage anormalement long de 950 mètres au lieu de 457 mètres, avait suivi une pente de montée insuffisante de 3 % alors que celle nécessaire était de 7,8 %, que ces éléments démontrent qu'une manoeuvre inappropriée de pilotage est à l'origine de l'accident et en est la cause directe et que cette faute de pilotage est liée aux insuffisances de H... F..., dont l'inaptitude à exercer les fonctions de commandant de bord a été dénoncée par plusieurs témoins dont son ancien employeur ;

Attendu qu'en statuant ainsi, par des motifs dénués d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions légales et conventionnelles invoquées ;

D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;

Sur le moyen unique de cassation proposé par la Fenvac, partie civile, pris de la violation des articles 1er du règlement (CE) n° 2027/97 du Conseil du 9 octobre 1997, 1er du règlement (CE) no 889/2002 du Parlement européen et du Conseil du 13 mai 2002, 29, 33 et 55 de la convention de Montréal du 28 mai 1999, 1er du premier protocole et 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 1382, devenu 1240 du code civil, 2, 2-15, 382, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit ;

En ce que la cour d'appel s'est déclarée incompétente pour connaître des demandes formées par les parties civiles en réparation des dommages causés par MM. I... et W... ainsi que par les associations Fenvac et avec sur leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 2-15 du code de procédure pénale et les a renvoyées à se pourvoir devant le tribunal de grande instance de Lyon ;

« 1°/ alors que la convention de Montréal du 28 mai 1999, pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international, applicable aux opérations de transport de passagers effectuées sur le territoire d'un seul État, a remplacé la convention de Varsovie du 12 octobre 1929, dès son entrée en vigueur en droit français, intervenue le 28 juin 2004 ; qu'en jugeant, pour se déclarer incompétente pour connaître des demandes formées par les parties civiles et les renvoyer à se pourvoir devant le tribunal de grande instance de Lyon, que la convention de Varsovie exclurait la compétence des juridictions pénales et imposerait la seule compétence du tribunal du lieu de destination de l'aéronef ou du siège social de la compagnie, quand, rationae temporis, la convention de Varsovie était inapplicable à un accident survenu le [...], la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

2°/ alors que le juge pénal saisi, à la suite d'un accident aérien, de poursuites dirigées contre une compagnie aérienne, ses dirigeants ou préposés, est compétent pour allouer des dommages intérêts aux parties civiles victimes du dommage causé par l'infraction ; qu'en se déclarant incompétente pour connaître des demandes formées par la Fenvac sur le fondement de l'article 2-15 du code de procédure pénale, et en la renvoyant à se pourvoir devant le tribunal de grande instance de Lyon, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

3°/ alors que l'action en responsabilité est portée, au choix du demandeur, dans le territoire d'un des états parties, soit devant le tribunal du domicile du transporteur, du siège principal de son exploitation ou du lieu où il possède un établissement par le soin duquel le contrat a été conclu, soit devant le tribunal du lieu de destination, soit, sur le territoire d'un Etat partie où le passager a sa résidence principale et permanente au moment de l'accident et vers lequel ou à partir duquel le transporteur exploite des services de transport aérien, soit avec ses propres aéronefs, soit avec les aéronefs d'un autre transporteur en vertu d'un accord commercial, et dans lequel ce transporteur mène ses activités de transport aérien à partir de locaux que lui-même ou un autre transporteur avec lequel il a conclu un accord commercial loue ou possède ; qu'en jugeant que « seules les juridictions visées à l'article 28 de la convention de Varsovie, modifié par le protocole de La Haye en 1955, sont compétentes pour statuer sur la responsabilité du transporteur aérien, soit le tribunal du lieu de destination de l'aéronef, soit celui du siège social de Flowair » (arrêt, p. 42, § 5), quand, à raison du domicile des passagers victimes, les juridictions françaises, et spécialement les juridictions pénales bisontines à raison du lieu de l'infraction, étaient également compétentes pour connaître des demandes formulées par la Fenvac, conformément à l'article 33 de la convention de Montréal, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

Attendu que, pour se déclarer incompétente pour statuer sur les demandes de réparations civiles formées à l'encontre de MM. I... et W..., la cour d'appel énonce que la jurisprudence a posé le principe de l'incompétence matérielle des juridictions répressives pour condamner un transporteur aérien à réparer les préjudices subis par les victimes d'un accident survenu dans le cadre d'un transport aérien, que la responsabilité de ce dernier ne peut être recherchée que dans les conditions prévues par l'article 24 de la Convention de Varsovie et de l'article L. 321-3 du code de l'aviation civile devenu l'article L. 6421-3 du code des transports et qu'en vertu de ces textes, il y a lieu de renvoyer les parties civiles à se pourvoir devant la juridiction civile du tribunal de grande instance de Lyon ;

Attendu qu'en statuant ainsi, et si c'est à tort que la cour d'appel a considéré que la Convention de Varsovie était applicable aux demandes en réparation formées par les parties civiles alors que seule la Convention de Montréal l'était aux termes de l'article 1 du règlement CE 889/2002 du 13 mai 2002, repris par l'article L. 6421-3 du code des transports, pour les transports aériens effectués dans un même Etat membre par une entreprise de transport aérien titulaire d'une licence d'exploitation, l'arrêt n'encourt pas la censure dès lors que l'action en responsabilité du transporteur aérien et de ses préposés échappe à la compétence matérielle des juridictions répressives ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 6[...]-1 du code de procédure pénale.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Bellenger - Avocat général : Mme Le Dimna - Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet ; SCP Spinosi et Sureau ; SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Boullez -

Textes visés :

Article 1er du règlement CE 889/2002 du 13 mai 2002 ; article L. 6421-3 du code des transports ; arrêté du 12 mai 1997 ; convention de Montréal du 28 mai 1999 ; article 1 du règlement CE 889/2002 du 13 mai 2002 ; article L. 6421-3 du code des transports.

Rapprochement(s) :

Sur la responsabilité pénale du transporteur aérien, à rapprocher : Ch. mixte, 24 février 1978, pourvoi n° 74-14.340, Bull. 1978, Ch. mixte, n° 2 (cassation) ; Crim., 10 septembre 2019, pourvoi n°18-83.858, Bull. crim. 2019, n° 162.

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