Numéro 9 - Septembre 2019

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

DETENTION PROVISOIRE

Crim., 18 septembre 2019, n° 19-83.950, (P)

Rejet

Atteinte à la dignité – Occupation des cellules – Non-respect des normes – Obstacle légal (non)

Justifie sa décision la chambre de l'instruction qui rejette une demande de mise en liberté fondée notamment sur le non-respect des normes d'occupation des cellules fixées par l'administration pénitentiaire, en retenant qu'une éventuelle atteinte à la dignité de la personne en raison des conditions de détention, si elle est susceptible d'engager la responsabilité de la puissance publique en raison du mauvais fonctionnement du service public, ne saurait constituer un obstacle légal au placement et au maintien en détention provisoire.

REJET sur le pourvoi formé par M. L... Y..., contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, en date du 19 mars 2019, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de viols et agressions sexuelles aggravés, a rejeté sa demande de mise en liberté.

LA COUR,

Vu le mémoire personnel produit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. Y..., mis en examen le 31 janvier 2013 et placé sous contrôle judiciaire à compter du même jour, puis mis en accusation par ordonnance du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Perpignan en date du 17 novembre 2015 et renvoyé devant la Cour d'assises des Pyrénées orientales des chefs de viols et agressions, aggravées, a été partiellement acquitté de certains chefs et condamné à dix ans de réclusion criminelle par arrêt en date du 29 janvier 2019, dont il a relevé appel le 31 janvier 2019, la cour d'assises de Montpellier ayant été désignée comme juridiction d' appel ; que le 8 mars 2019, il a présenté une demande de mise en liberté, qui a été rejetée par arrêt de la chambre de l'instruction en date du 19 mars 2019 ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation :

Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que le moyen n'est pas de nature à être admis ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'articles 593 alinéa 2 du code de procédure pénale ;

Attendu que, pour rejeter la demande de mise en liberté fondée notamment sur le non-respect des normes d'occupation des cellules fixées par l'administration pénitentiaire, l'arrêt énonce, en substance, que, d'une part, la condamnation par la cour d'assises des Pyrénées orientales à une peine de dix ans de réclusion criminelle est un élément nouveau et, qu'au regard de l'enjeu de l'appel, l'intéressé, qui se prétend victime d'un complot familial depuis le début de la procédure et conteste l'intégralité des faits, pourrait désormais être tenté de se soustraire à l'action de la justice, et ce, d'autant que, marié à une femme d'origine camerounaise, il entretient des liens importants avec ce pays, en sorte que le risque de fuite se trouve caractérisé, et d'autre part, que la multiplicité des faits dénoncés, qui se seraient déroulés sur plusieurs années, sur trois victimes différentes, toutes mineures et de l'entourage proche de M. Y..., laisse incontestablement craindre un renouvellement des faits si ce n'est sur les mêmes victimes, au moins sur d'autres mineures si ce dernier était laissé à leur contact ; qu'en outre, les juges estiment qu'au regard des pièces médicales produites, l'état de santé de ce dernier ne paraît pas incompatible avec une détention, dès lors qu'il bénéficie d'un traitement médical et que le suivi adéquat peut lui être prodigué au sein de la détention, ou auprès des services médicaux spécialisés de l'administration pénitentiaire ;

Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, les juges ont justifié leur décision, dès lors qu'une éventuelle atteinte à la dignité de la personne en raison des conditions de détention, si elle est susceptible d'engager la responsabilité de la puissance publique en raison du mauvais fonctionnement du service public, ne saurait constituer un obstacle légal au placement et maintien en détention provisoire ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Barbé - Avocat général : Mme Moracchini -

Textes visés :

Article144 du code de procédure pénale.

Crim., 11 septembre 2019, n° 19-83.890, (P)

Rejet

Demande de mise en liberté – Appel d'une ordonnance de rejet – Délai imparti pour statuer – Circonstance imprévisible et insurmontable – Défaut – Effet

Le déménagement du service du juge des libertés et de la détention dans d'autres locaux en raison de la fermeture de la juridiction consécutive à la découverte d'amiante, ayant retardé de vingt-trois jours la transcription de la déclaration d'appel sur rejet d'une demande de mise en liberté, ne constitue pas une circonstance imprévisible et insurmontable, extérieure au service public de la justice.

Il appartenait à l'autorité judiciaire d'avertir l'établissement pénitentiaire du nouveau numéro de télécopieur qui devait être utilisé pour transmettre les demandes ou recours formulés par les détenus.

REJET du pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel de Cayenne contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la dite cour, en date du 21 mai 2019, qui, dans l'information suivie contre M. T... O... des chefs d'infraction à la législation sur les stupéfiants, importation de stupéfiants, complicité de transport en contrebande de marchandises prohibées, a dit la transcription de la déclaration d'appel tardive et a ordonné la remise en liberté de M. O....

LA COUR,

Un mémoire a été produit.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué et les pièces de la procédure, M. O... a été mis en examen le 6 décembre 2018 par le juge d'instruction de Cayenne pour importation, trafic, détention, transport et acquisition non autorisée de stupéfiants, complicité de transport en contrebande de marchandise dangereuse pour la santé.

2. Le 16 avril 2019, M. O... a déposé une demande de mise en liberté qui a été rejetée par le juge des libertés et de la détention de Cayenne le 18 avril 2019.

3. Par déclaration faite au greffe du centre pénitentiaire de la Guyane du 23 avril 2019, M. O... a interjeté appel de cette ordonnance et a demandé à comparaître.

4. Cet appel a été transcrit le 16 mai 2019 au greffe du tribunal de grande instance de Cayenne.

Examen du moyen

Exposé du moyen

5. Le moyen est pris de la violation des articles 40-1, 385, 386, 429, 537 et 593 du code de procédure pénale.

6. Il critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit la transcription de l'appel faite le 16 mai 2019 au greffe du tribunal de grande instance tardive et ordonné la mise en liberté de M. O..., alors que :

1°/ « les locaux de la juridiction étant fermés en raison de la découverte d'amiante, le procureur de la République n'a pas eu connaissance du fax transmis le 23 avril 2019, mais a appris l'existence de cet appel, le 16 mai, par appel téléphonique, et la transcription, qui trouve son retard dans une circonstance imprévisible et irrésistible, ne peut être qualifiée de tardive ; »

2°/ « la découverte d'amiante constitue une circonstance extérieure au service public de la justice ».

Réponse de la Cour

7. Pour dire que la retranscription de l'appel était tardive et ordonner la mise en liberté de M. O..., l'arrêt relève que la déclaration d'appel a été adressée sur le télécopieur du greffe du juge des libertés et de la détention alors que ce télécopieur se trouvait dans les locaux du tribunal de grande instance, fermé et inaccessible depuis le 6 avril 2019, à la suite de la découverte de la présence d'amiante, le greffe du juge des libertés et de la détention étant installé dans les locaux de la cour d'appel depuis le 8 avril.

8. Les juges ajoutent que ce n'est que le 16 mai 2019 que le greffe du centre pénitentiaire, s'inquiétant de l'absence d'audience devant la chambre de l'instruction, a pris l'attache avec le greffe du juge des libertés et de la détention et a transmis sa déclaration d'appel par mail, ce qui a permis la transcription le jour même et la fixation de l'examen de l'affaire par la chambre de l'instruction le 21 mai 2019.

9. Ils concluent qu'il appartenait au greffe du juge des libertés et de la détention, dès le 8 avril 2019, d'avertir le centre pénitentiaire du déménagement de son service et de fixer de nouveaux modes de transmission des déclarations d'appel. Cette situation ne saurait caractériser l'existence d'une circonstance imprévisible et insurmontable, extérieure au service de la justice, ayant différé la transcription de l'appel, mais relève d'un dysfonctionnement interne du service public de la justice, préjudiciable aux droits du mis en examen.

10. En se déterminant ainsi la chambre de l'instruction a justifié sa décision pour les motifs suivants.

11. Le service public de la justice était informé, depuis le 6 avril 2019, de la fermeture des locaux du tribunal de grande instance, et il lui appartenait de prendre les précautions nécessaires aux fins de réception des fax provenant du centre pénitentiaire.

12. Un retard de vingt-trois jours dans la transcription de la déclaration d'appel de M. O... lui a nécessairement causé un préjudice, l'audience qui a statué sur son recours ne s'étant tenue que plus d'un mois après cette déclaration.

13. Dès lors le moyen doit être rejeté.

14. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Guéry - Avocat général : Mme Moracchini -

Textes visés :

Articles 194 et 199 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Sur l'effet de l'absence de circonstances imprévisibles et insurmontables, extérieures au service public de la justice mettant obstacle au jugement de l'affaire dans le délai prévu à l'article 194 du code de procédure pénale, à rapprocher : Crim., 27 novembre 2018, pourvoi n° 18-85.049, Bull. crim. 2018, n° 198 (annulation), et l'arrêt cité.

Crim., 24 septembre 2019, n° 19-84.067, (P)

Cassation

Mandats – Mandat d'arrêt – Personne découverte après règlement de l'information – Appel – Délai pour statuer – Délai raisonnable – Appréciation

En l'absence de précision de l'article 135-2 du code de procédure pénale sur le délai dans lequel la cour, saisie d'un appel de la décision de placement en détention provisoire d'une personne arrêtée en vertu d'un mandat d'arrêt postérieurement au règlement de l'information, doit statuer, son arrêt doit intervenir dans un délai raisonnable.

Encourt la censure l'arrêt qui qualifie d'excessif le délai de 25 jours s'étant écoulé entre l'acte d'appel et son examen par la chambre correctionnelle.

CASSATION sur le pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel de Paris, contre l'arrêt n° 240 de ladite cour, chambre 8-2, en date du 19 juin 2019, qui, dans la procédure suivie contre M. K... B... P... du chef de participation à un groupement formé ou une entente établie en vue de la préparation d'actes de terrorisme visés à l'article 421-1 du code pénal, a ordonné sa remise en liberté sous contrôle judiciaire.

LA COUR,

Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 135-2, 179 et 194 du code de procédure pénale, 591 du code de procédure pénale, violation de la loi et manque de base légale :

Vu les articles 135-2 et 179 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'il est procédé à l'égard d'une personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt découverte après règlement de l'information, conformément aux dispositions du premier de ces textes qui renvoie, lorsque la personne est placée en détention, aux délais prévus par les quatrième et cinquième alinéas de l'article 179 pour son jugement sur le fond ; que s'agissant du délai dans lequel doit intervenir le jugement sur l'appel du placement de cette personne en détention, ces textes n'en prévoyant expressément aucun, la cour doit statuer dans un délai raisonnable ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que par jugement de défaut du 1er juin 2017, M. P... a été déclaré coupable et condamné à la peine de huit ans d'emprisonnement et à une interdiction définitive du territoire français, outre l'inscription au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions terroristes, la confiscation des biens saisis et des scellés avec maintien des effets du mandat d'arrêt émis par le juge d'instruction le 10 octobre 2016 ; qu'il a été retenu dans le cadre de la mise à exécution du mandat d'arrêt, suite à son arrestation à Sallanches le 16 mai 2019, présenté devant le juge des libertés et de la détention de Bonneville le 16 mai 2019, lequel a pris une ordonnance d'incarcération provisoire, puis présenté devant le procureur de la République de Paris, qui lui a notifié le 17 mai 2019 le mandat d'arrêt pris à son encontre dans la présente procédure, le juge des libertés et de la détention de Paris, ordonnant le même jour sa mise en détention provisoire ; qu'il a relevé appel de cette décision le 24 mai suivant ;

Attendu que, pour constater l'irrégularité de la détention provisoire et ordonner sa remise en liberté, l'arrêt retient que dans le cadre de l'information, l'article 194 du code de procédure pénale prévoit qu'en matière de détention provisoire, la chambre de l'instruction doit se prononcer dans les plus brefs délais et au plus tard dans les dix jours de l'appel lorsqu'il s'agit d'une ordonnance de placement en détention et dans les quinze jours dans les autres cas ; que les juges ajoutent que c'est cette caractérisation du bref délai qui est soumise à l'appréciation de la cour ; qu'ils en concluent qu'entre la date du 24 mai 2019, jour de l'appel formé par l'avocat du prévenu et le 19 juin 2019, date à laquelle l'affaire a été soumise à l'examen de la chambre, il s'est écoulé une durée de 25 jours, excédant ce principe de brièveté des délais pour statuer ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que les dispositions de l'article 194 du code de procédure pénale ne concernent que la procédure devant la chambre de l'instruction et qu'en vertu des dispositions de l'article 135-2 du même code, seules applicables, qui renvoient, pour le jugement au fond, à certaines dispositions de l'article 179 dudit code, les juges ne pouvaient qualifier d'excessif le délai de 25 jours s'étant écoulé entre l'acte d'appel et son examen par la chambre correctionnelle, cette dernière a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 19 juin 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de PARIS, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Lavielle - Avocat général : M. Lagauche - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 135-2 du code de procédure pénale.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.