Numéro 8 - Août 2022

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Partie I - Arrêts et ordonnances

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

Crim., 10 août 2022, n° 22-81.057, (B), FRH

QPC - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Droit de la presse – Loi du 29 juillet 1881 – Article 39 quinquies – Légalité des délits et des peines – Victime – Définition – Caractère sérieux – Défaut – Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Droit de la presse – Loi du 29 juillet 1881 – Article 39 quinquies – Liberté d'expression – Diffusion de renseignements concernant la victime d'une agression ou agression sexuelle – Diffusion de l'image d'une victime d'une agression ou agression sexuelle – Renseignements ou image déjà diffusés – Caractère sérieux – Défaut – Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

M. [P] [W] a présenté, par mémoire spécial reçu le 16 mai 2022, des questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-7, en date du 3 février 2022, qui, pour diffusion d'image ou de renseignement sur l'identité d'une victime d'agression ou d'atteinte sexuelles sans son accord écrit, l'a condamné à 1 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.

Des observations complémentaires ont été produites.

LA COUR,

1. La première question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« L'article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 ne méconnaît-il pas le principe de légalité des délits et des peines, garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce qu'il ne désigne pas précisément les personnes qui doivent être regardées comme victimes au sens de ce texte ? »

2. La seconde question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« L'article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 ne méconnaît-il pas la liberté d'expression, garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce qu'il réprime, sans distinction et sous la seule réserve de l'accord écrit donné par la victime, le fait de diffuser des renseignements concernant l'identité d'une victime d'une agression ou d'une atteinte sexuelles ou l'image de cette victime lorsqu'elle est identifiable, y compris lorsque de tels renseignements ou une telle image ont déjà été diffusés par la victime elle-même ? »

3. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

4. Les questions, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles.

5. La première question posée ne présente pas un caractère sérieux, dès lors que la notion de victime d'une agression ou d'une atteinte sexuelles est suffisamment claire et précise pour que son interprétation, qui entre dans l'office du juge pénal, puisse se faire sans risque d'arbitraire.

6. La seconde question posée ne présente pas non plus un caractère sérieux pour les motifs qui suivent.

7. La disposition législative critiquée poursuit un objectif d'intérêt général, soit la protection de la dignité et de la vie privée de la victime d'infraction sexuelle, protection qui est également de nature à éviter des pressions sur celle-ci.

8. La disposition en cause ne prescrit pas une interdiction générale de diffusion mais est limitée à certains éléments, ce dont il se déduit qu'elle n'interdit pas toute expression sur des faits d'agression ou d'atteinte sexuelles.

9. Elle prévoit une dérogation en cas d'accord écrit de la victime.

10. Même dans le cas où la victime a déjà diffusé elle-même des renseignements concernant son identité, ou son image, un risque d'atteinte aux intérêts précités est susceptible de résulter d'une nouvelle diffusion dans des conditions auxquelles elle n'a pas consenti.

11. La disposition en cause, qui ne présente pas un caractère général et absolu, assure donc une conciliation, qui n'est pas manifestement disproportionnée, entre la protection des victimes et le principe de la liberté d'expression.

12. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer les questions au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : M. Michon - Avocat général : M. Lesclous - Avocat(s) : Me Goldman ; SCP Célice, Texidor, Périer -

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