Numéro 8 - Août 2021

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Partie I - Arrêts et ordonnances

CASSATION

Crim., 25 août 2021, n° 21-83.238, (B)

Cassation

Pourvoi – Recevabilité – Recevabilité immédiate – Arrêt sur le fond – Exclusion – Arrêt confirmant le renvoi devant le tribunal correctionnel

N'est pas un arrêt sur le fond au sens des articles 570 et 571 du code de procédure pénale la décision rendue par la chambre de l'instruction qui, saisie d'un appel formé à l'encontre d'une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel présentant le caractère d'une décision complexe, confirme l'ordonnance du juge d'instruction renvoyant la personne mise en examen devant le tribunal correctionnel.

M. [C] [K] et Mme [R] [K] ont formé des pourvois contre :

 - l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 31 juillet 2012, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs d'association de malfaiteurs, blanchiment en bande organisée, travail dissimulé, abus de faiblesse et escroquerie en bande organisée, a prononcé sur leurs demandes d'annulation d'actes de la procédure ;

 - l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 26 février 2019, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs d'association de malfaiteurs, blanchiment en bande organisée, travail dissimulé, abus de faiblesse et escroquerie en bande organisée, a ordonné un supplément d'information ;

 - l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 11 mai 2021, qui, statuant après cassation (Crim., 11 avril 2018, pourvoi n° 17-86.557 ; Crim., 11 avril 2018, pourvoi n° 17-86.554), confirmant l'ordonnance rendue par le juge d'instruction, les a renvoyés devant le tribunal correctionnel sous la prévention, le premier, d'association de malfaiteurs, blanchiment en bande organisée, travail dissimulé, abus de faiblesse, escroquerie en bande organisée et complicité de détournement de la finalité de fichiers informatiques nominatifs, la seconde, de blanchiment en bande organisée, escroquerie en bande organisée, complicité de détournement de la finalité de fichiers informatiques nominatifs et blanchiment de fraude fiscale.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

LA COUR,

Faits et procédure

1. M. [C] [K] et Mme [R] [K] ont été mis en examen dans le cadre de l'information judiciaire diligentée des chefs susvisés.

2. Les personnes mises en examen ont saisi la chambre de l'instruction de requêtes en nullité d'actes de la procédure qui ont été partiellement rejetées par arrêt du 31 juillet 2012 à l'encontre duquel elles se sont pourvues en cassation.

3. Par ordonnance du 18 septembre 2012, le président de la chambre criminelle a rejeté la requête des demandeurs aux fins d'examen immédiat des pourvois.

4. Par ordonnance du 7 août 2017, le juge d'instruction a rejeté l'exception d'incompétence dont il était saisi et renvoyé les demandeurs devant le tribunal correctionnel. M. et Mme [K] ont interjeté appel de la décision.

Par ordonnances du 31 octobre 2017, le président de la chambre de l'instruction a déclaré les appels non admis. M. et Mme [K] se sont pourvus en cassation.

5. Par arrêts du 11 avril 2018, la Cour de cassation a annulé les ordonnances, constaté que la chambre de l'instruction se trouvait saisie des appels et ordonné le retour de la procédure à cette juridiction autrement présidée.

6. Par arrêt avant-dire droit du 26 février 2019, la chambre de l'instruction, statuant après cassation, a ordonné un supplément d'information aux fins de mise en examen de M. et Mme [K]. Ces derniers se sont pourvus en cassation.

7. Par ordonnance du 13 mai 2019, le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté la requête des demandeurs aux fins d'examen immédiat des pourvois.

Examen de la recevabilité immédiate des pourvois formés contre les arrêts des 31 juillet 2012 et 26 février 2019

8. Le président de la chambre criminelle ayant dit, par ordonnances des 18 septembre 2012 et 13 mai 2019, n'y avoir lieu à l'examen immédiat des pourvois formés par les demandeurs contre les arrêts des 31 juillet 2012 et 26 février 2019, ces pourvois ne peuvent, aux termes de l'article 571 du code de procédure pénale, être jugés qu'en même temps que les pourvois formés contre le jugement ou l'arrêt sur le fond.

9. Or ne constitue pas un arrêt sur le fond, au sens de cet article, la décision rendue le 11 mai 2021 par la chambre de l'instruction qui, saisie d'appels formés à l'encontre d'une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel présentant le caractère d'une décision complexe en ce qu'elle rejetait une exception d'incompétence, sur le fondement de l'article 186, alinéa 3, du code de procédure pénale, confirme l'ordonnance du juge d'instruction renvoyant les personnes mises en examen devant le tribunal correctionnel.

10. En conséquence, les pourvois n'ont pas lieu d'être en l'état examinés.

Examen des moyens dirigés contre l'arrêt du 11 mai 2021

Enoncé des moyens

11. Le moyen de M. [K] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné le renvoi de M. [K] devant le tribunal correctionnel, alors que « si selon l'article 574 du code de procédure pénale, le pourvoi formé par le prévenu contre l'arrêt de la chambre de l'instruction le renvoyant devant le tribunal correctionnel est en principe irrecevable, c'est à la condition que la décision satisfasse, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ; que le moyen pris de ce que la personne mise en examen ou son avocat n'ont pas eu la parole en dernier rend recevable l'examen d'un tel pourvoi ; qu'en l'espèce, il ressort de l'arrêt attaqué que l'avocat général a eu la parole après Maître Ermeneaux, substituant Maître Lahaie, avocat de M. [K] [C], lequel n'a pas eu la parole en dernier ; que la chambre de l'instruction a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 199 du code de procédure pénale et les principes généraux du droit. »

12. Le moyen de Mme [K] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné le renvoi devant le tribunal correctionnel de Mme [K], dit en outre qu'il existe des charges suffisantes contre elle de s'être rendue complice d'un délit de détournement de la finalité de fichiers informatiques nominatifs et d'avoir commis un délit de blanchiment, et ordonné le renvoi de Mme [K] devant le tribunal correctionnel pour y être jugée également de ces faits en sus de ceux objets de l'ordonnance entreprise, alors que « devant la chambre de l'instruction, la personne mise en examen ou son avocat doivent avoir la parole les derniers ; qu'il ressort des mentions de l'arrêt que seul Maître Courteille, avocat de M. [P] [S], et non Maître [U], substituant Maître Pasquet-Marinacce, et Maître Sand, avocats de Mme [R] [K], a eu la parole en dernier ; qu'en statuant dans ces conditions, la chambre de l'instruction a violé les articles 6 de la Convention des droits de l'homme, 199 du code de procédure pénale et les principes généraux du droit. »

Réponse de la Cour

13. Les moyens sont réunis.

Vu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 199 du code de procédure pénale :

14. Il se déduit des dispositions de ces textes et des principes généraux du droit que, devant la chambre de l'instruction, la personne mise en examen ou son avocat doivent avoir la parole les derniers.

15. L'arrêt mentionne que l'avocat général a été entendu en ses réquisitions et que l'avocat de l'un des co-mis en examen de M. et Mme [K] a eu la parole en dernier.

16. En l'état de ces mentions, dont il ne ressort pas que les avocats des demandeurs ont eu la parole en dernier, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.

17. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés, la Cour :

Sur les pourvois dirigés contre les arrêts du 31 juillet 2012 et 26 février 2019 :

DIT n'y avoir lieu de statuer immédiatement sur les pourvois ;

Sur les pourvois dirigés contre l'arrêt du 11 mai 2021 :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 11 mai 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.

- Président : M. de Larosière de Champfeu (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Ascensi - Avocat général : Mme Mathieu - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Sevaux et Mathonnet ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles 570 et 571 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Crim., 20 février 2019, pourvois n° 18-86.897 et n° 17-86.951, Bull. crim. 2019, n° 42.

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