Numéro 7 - Juillet 2020

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

DETENTION PROVISOIRE

Crim., 8 juillet 2020, n° 20-81.739, (P)

Rejet

Atteinte à la dignité – Recours préventif – Office du juge – Vérification de la situation personnelle de la personne incarcérée – Contrôle – Portée

Il appartient au juge national, chargé d'appliquer la Convention, de tenir compte, sans attendre une éventuelle modification des textes législatifs ou réglementaires, de la décision de la Cour européenne des Droits de l'homme condamnant la France pour le défaut de recours préventif permettant de mettre fin à des conditions de détention indignes.

Le juge judiciaire a l'obligation de garantir à la personne placée dans des conditions indignes de détention un recours préventif et effectif permettant de mettre un terme à la violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme.

En tant que gardien de la liberté individuelle, il incombe à ce juge de veiller à ce que la détention provisoire soit, en toutes circonstances, mise en oeuvre dans des conditions respectant la dignité des personnes et de s'assurer que cette privation de liberté est exempte de tout traitement inhumain et dégradant.

La description faite par le demandeur de ses conditions personnelles de détention doit être suffisamment crédible, précise et actuelle, pour constituer un commencement de preuve de leur caractère indigne.

Il appartient alors à la chambre de l'instruction, dans le cas où le ministère public n'aurait pas préalablement fait vérifier ces allégations, et en dehors du pouvoir qu'elle détient d'ordonner la mise en liberté de l'intéressé, de faire procéder à des vérifications complémentaires afin d'en apprécier la réalité.

REJET sur le pourvoi formé par M. M... V... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 13 février 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de meurtre, tentatives de meurtre, aggravés, et association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa demande de mise en liberté.

Un mémoire a été produit.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Dans le cadre d'une information judiciaire ouverte le 13 mai 2019, M. M... V... a été mis en examen, le 29 novembre 2019, des chefs de meurtre commis en bande organisée, tentative de meurtre commis en bande organisée et participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime.

3. Le même jour, il a été placé en détention provisoire par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes, au [...].

4. Par ordonnance du 28 janvier 2020, le juge des libertés et de la détention a rejeté une demande de mise en liberté présentée par l'intéressé.

5. M. V... a formé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance entreprise rejetant la demande de mise en liberté de M. V..., alors « que, les dispositions des articles 137-3, 144 et 144-1 du code de procédure pénale, en ce qu'elles ne prévoient pas, contrairement à la recommandation faite par la Cour européenne des droits de l'homme à la France dans son arrêt du 30 janvier 2020, que le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention puisse, de manière effective, redresser la situation dont sont victimes les détenus dont les conditions d'incarcération constituent un traitement inhumain et dégradant afin d'empêcher la continuation de la violation alléguée devant lui, portent atteinte au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, au principe constitutionnel nouveau qui en découle d'interdiction des traitements inhumains et dégradants ainsi qu'à la liberté individuelle, le droit au respect de la vie privée, le droit au recours effectif ; que consécutivement à la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, l'arrêt attaqué se trouvera privé de base légale. »

Réponse de la Cour

7. Par arrêt de ce jour, la Cour de cassation a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative aux articles 137-3, 144 et 144-1 du code de procédure pénale.

8. L'article 23-5, alinéa 4, de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel dispose que lorsque celui-ci a été saisi, le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation sursoit à statuer jusqu'à ce qu'il se soit prononcé. Il en va autrement quand l'intéressé est privé de liberté à raison de l'instance et que la loi prévoit que la Cour de cassation statue dans un délai déterminé.

9. Il est rappelé que, dans sa décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009, le Conseil constitutionnel a jugé que si l'alinéa 4 de l'article précité peut conduire à ce qu'une décision définitive soit rendue dans une instance à l'occasion de laquelle le Conseil constitutionnel a été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité et sans attendre qu'il ait statué, dans une telle hypothèse, ni cette disposition, ni l'autorité de la chose jugée ne sauraient priver le justiciable de la faculté d'introduire une nouvelle instance pour qu'il puisse être tenu compte de la décision du Conseil constitutionnel.

Sur le premier et le troisième moyens

Enoncé des moyens

10. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance entreprise rejetant la demande de mise en liberté de M. V..., alors :

1°/ que, lorsque la description faite des conditions de détention supposément dégradantes est crédible et raisonnablement détaillée, de sorte qu'elle constitue un commencement de preuve d'un mauvais traitement au sens de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, la charge de la preuve est transférée au gouvernement défendeur, qui est le seul à avoir accès aux informations susceptibles de confirmer ou d'infirmer les allégations du requérant (CEDH, 30 janvier 2020, J.M.B et autres c. France, n° 9671/15, § 258) ; que M. M... V..., détenu à la [...] depuis le 29 novembre 2019, dénonçait ses conditions de détention comme constitutives de traitements inhumains ou dégradants au sens de l'article 3 de la Convention, du fait de la surpopulation carcérale, du manque d'intimité et de l'insécurité qui en découlaient, faisant notamment état des propos tenus dans la presse par la directrice de l'établissement ainsi que d'un rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, de nature à donner du crédit à ses allégations ; qu'en relevant, pour confirmer l'ordonnance entreprise, qu'une telle violation « n'est pas démontré[e] de manière effective » par le requérant, s'abstenant ainsi de fournir un quelconque élément de nature de nature à démontrer le respect de ces stipulations, la chambre de l'instruction, qui s'est livrée à un renversement indu de la charge de la preuve, a violé l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ qu'au demeurant, lorsque la surpopulation d'un établissement pénitentiaire est telle qu'elle conduit à priver les personnes détenues d'un espace de vie personnel suffisant, cet élément peut suffire à révéler, en tant que tel, un traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la Convention européenne ; qu'en toute hypothèse, l'article 3 est violé si le manque d'espace s'accompagne d'autres mauvaises conditions matérielles de détention, notamment d'un défaut d'accès à la cour de promenade ou à l'air et à la lumière naturels, d'une mauvaise aération, d'une température insuffisante ou trop élevée dans les locaux, d'une absence d'intimité aux toilettes ou de mauvaises conditions sanitaires et hygiéniques ; que M. M... V..., détenu à la [...] depuis le 29 novembre 2019, démontrait, aux termes du mémoire qu'il a régulièrement déposé, la surpopulation carcérale flagrante de l'établissement, dont il résultait un manque d'espace de vie personnel, à savoir un espace inférieur à 4 m², une atteinte grave à son intimité, ainsi que les conditions matérielles de détention alarmantes au regard de l'article 3 de la Convention, faisant notamment état des propos tenus dans la presse par la directrice de l'établissement ainsi que d'un rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, qu'en confirmant l'ordonnance entreprise, motifs pris que l'« affirmation péremptoire » du détenu ne permettait d'établir le caractère inhumain ou dégradant de ses conditions de détention, sans se prononcer sur la substance même des éléments de preuve produits par ce dernier, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

11. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance entreprise rejetant la demande de mise en liberté de M. V..., alors « que, pour qu'un système de protection des droits des détenus garantis par l'article 3 de la Convention soit effectif, les remèdes préventifs et compensatoires doivent coexister de façon complémentaire.

Le recours préventif doit être de nature à empêcher la continuation de la violation alléguée ou de permettre une amélioration des conditions matérielles de détention. Une fois que la situation dénoncée a cessé, la personne doit disposer d'un recours indemnitaire » (CEDH, 30 janvier 2020, J.M.B et autres c. France, n° 9671/15, § 167) ; qu'en relevant, pour confirmer l'ordonnance entreprise, que, d'une part, « aucune décision de la Cour européenne des droits de l'homme n'a posé le principe selon lequel toute violation de l'article 3 de la Convention éponyme devait être sanctionnée par la mise en liberté de la personne concernée » et, d'autre part, « la personne détenue dispose [...] d'un recours compensatoire » en responsabilité ainsi que « d'un recours préventif [...] devant la juridiction administrative » en référé-liberté, l'ordonnance entreprise, qui a ainsi manqué de garantir l'existence d'un recours préventif effectif pour faire immédiatement cesser des conditions indignes de détention, a violé les articles 3 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

12. Les moyens sont réunis.

13. Il découle des articles 137-3, 144 et 144-1 du code de procédure pénale que le juge, pour apprécier la nécessité de placer ou maintenir une personne en détention provisoire, se détermine en tenant compte des impératifs de la procédure judiciaire, des exigences de préservation de l'ordre public et du caractère raisonnable de la durée de cette détention.

14. Jusqu'à présent, nonobstant l'article préliminaire III, alinéa 4, du code de procédure pénale, la Cour de cassation a posé en principe qu'une éventuelle atteinte à la dignité de la personne en raison des conditions de détention, si elle est susceptible d'engager la responsabilité de la puissance publique en raison du mauvais fonctionnement du service public, ne saurait constituer un obstacle légal au placement et au maintien en détention provisoire (Crim., 18 septembre 2019, pourvoi n°19-83.950, publié au Bulletin).

15. Ce n'est qu'en cas d'allégation d'éléments propres à la personne concernée, suffisamment graves pour mettre en danger sa santé physique ou mentale, que la Cour de cassation a estimé que les juges du fond pouvaient se déterminer par des motifs étrangers aux seules exigences des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procédure pénale (Crim., 29 février 2012, pourvoi n° 11-88.441, Bull. crim., n° 58).

L'article 147-1 du code de procédure pénale, issu de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014, a consacré cette jurisprudence, en disposant qu'en toute matière et à tous les stades de la procédure, sauf s'il existe un risque grave de renouvellement de l'infraction, la mise en liberté d'une personne placée en détention provisoire peut être ordonnée, d'office ou à la demande de l'intéressé, lorsqu'une expertise médicale établit que cette personne est atteinte d'une pathologie engageant le pronostic vital ou que son état de santé physique ou mentale est incompatible avec le maintien en détention.

16. Cependant, le 30 janvier 2020, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France dans son arrêt JMB et autres, pour des conditions de détention contraires à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, dans diverses prisons françaises (req. n° 9671/15 et 31 autres).

17. Elle a également prononcé une condamnation sur la base de l'article 13 de la Convention.

18. Après avoir constaté qu'il n'existait aucun recours préventif en matière judiciaire, la Cour européenne des droits de l'homme a estimé notamment que, si la saisine du juge administratif, en l'occurrence du juge du référé-liberté, avait permis la mise en oeuvre de mesures visant à remédier aux atteintes les plus graves auxquelles sont exposées les personnes détenues dans certains établissements pénitentiaires, le pouvoir d'injonction conféré à ce juge ne lui permet pas de mettre réellement fin à des conditions de détention contraires à la Convention.

19. Sur le fondement de l'article 46 de la Convention, elle a émis diverses recommandations, l'Etat français devant adopter des mesures générales aux fins de garantir aux détenus des conditions de détention conformes à l'article 3 de la Convention, d'établir un recours préventif et effectif, combiné avec le recours indemnitaire, permettant de redresser la situation dont les détenus sont victimes et d'empêcher la continuation d'une violation alléguée.

20. Les recommandations générales que contient cette décision s'adressent, par leur nature même, au Gouvernement et au Parlement. Cependant, il appartient au juge national, chargé d'appliquer la Convention, de tenir compte de ladite décision sans attendre une éventuelle modification des textes législatifs ou réglementaires.

21. A ce titre, le juge judiciaire a l'obligation de garantir à la personne placée dans des conditions indignes de détention un recours préventif et effectif permettant d'empêcher la continuation de la violation de l'article 3 de la Convention.

22. En tant que gardien de la liberté individuelle, il lui incombe de veiller à ce que la détention provisoire soit, en toutes circonstances, mise en œuvre dans des conditions respectant la dignité des personnes et de s'assurer que cette privation de liberté est exempte de tout traitement inhumain et dégradant.

23. Il résulte de ce qui précède que, lorsque la description faite par le demandeur de ses conditions personnelles de détention est suffisamment crédible, précise et actuelle, de sorte qu'elle constitue un commencement de preuve de leur caractère indigne, il appartient alors à la chambre de l'instruction, dans le cas où le ministère public n'aurait pas préalablement fait vérifier ces allégations, et en dehors du pouvoir qu'elle détient d'ordonner la mise en liberté de l'intéressé, de faire procéder à des vérifications complémentaires afin d'en apprécier la réalité.

24. Après que ces vérifications ont été effectuées, dans le cas où la chambre de l'instruction constate une atteinte au principe de dignité à laquelle il n'a pas entre-temps été remédié, elle doit ordonner la mise en liberté de la personne, en l'astreignant, le cas échéant, à une assignation à résidence avec surveillance électronique ou à un contrôle judiciaire.

25. Pour confirmer l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention, l'arrêt attaqué relève notamment que, s'il est soutenu que la détention provisoire de M. V... le place dans des conditions indignes relevant de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, il s'agit d'une affirmation péremptoire reposant sur un article de presse et un rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté de 2018 qui ne renseignent en rien, in concreto, sur la situation de l'intéressé, incarcéré depuis le 29 novembre 2019.

26. Les juges ajoutent que la cour n'est pas en mesure d'apprécier si M. V... est dans une cellule double, triple, s'il est privé de lumière naturelle, de ventilation, qu'à supposer que ses conditions de détention relèvent effectivement de l'article 3 de la Convention, ce qui n'est pas démontré de manière effective, la sanction d'un tel traitement ne peut être la remise en liberté de l'intéressé au regard des droits constitutionnels imprescriptibles que garantit la détention provisoire par l'objectif de recherche d'auteurs d'infraction qu'elle poursuit en écartant la personne incarcérée de tout risque d'immixtion dans l'information judiciaire.

27. La cour retient qu'aucune décision de la Cour européenne des droits de l'homme n'a posé le principe selon lequel toute violation de l'article 3 de la Convention devait être sanctionnée par la mise en liberté de la personne concernée et que, dans un arrêt de principe (Crim., 18 septembre 2019, pourvoi n° 19-83.950), la Cour de cassation a jugé qu'une éventuelle atteinte à la dignité de la personne en raison des conditions de détention, si elle est susceptible d'engager la responsabilité de la puissance publique en raison du mauvais fonctionnement du service public, ne saurait constituer un obstacle légal au placement et au maintien en détention provisoire.

28. Les juges concluent que la personne détenue dispose donc d'un recours compensatoire et qu'elle dispose également d'un recours préventif, par l'exercice, devant la juridiction administrative, d'un référé-liberté visé par l'article L. 521-2 du code de la justice administrative qui oblige le juge saisi à statuer dans les quarante-huit heures de sa saisine.

29. Pour les raisons précisées aux paragraphes 16 à 24, c'est à tort que la chambre de l'instruction a jugé qu'une éventuelle atteinte à la dignité de la personne en raison des conditions de détention ne saurait constituer un obstacle légal au placement ou au maintien en détention provisoire.

30. L'arrêt n'encourt néanmoins pas la censure dès lors que les allégations formulées par M. V... ne faisaient état que des conditions générales de détention au sein de la maison d'arrêt dans laquelle il est détenu, sans précisions sur sa situation personnelle, et notamment sur la superficie et le nombre des occupants de la cellule, son agencement intérieur et le nombre d'heures journalières d'occupation.

31. Le moyen doit, en conséquence, être rejeté.

32. Par ailleurs l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Guéry - Avocat général : Mme Zientara-Logeay - Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Articles 3 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme ; article préliminaire du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

S'agissant de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme pour violation des articles 3 et 13 de la Convention, à rapprocher : CEDH, 30 janvier 2020, J.M.B et autres c. France, n° 9671/15 et 31 autres. S'agissant de la jurisprudence de la chambre criminelle considérant que si une éventuelle atteinte à la dignité de la personne en raison des conditions était susceptible d'engager la responsabilité de la puissance publique, elle ne pouvait constituer un obstacle légal au placement et au maintien en détention provisoire, en sens contraire : Crim., 18 septembre 2019, pourvoi n° 19-83.950, Bull. crim. 2019 (rejet).

Crim., 22 juillet 2020, n° 20-82.294, (P)

Rejet

Débat contradictoire – Débat contradictoire différé – Convocation du conseil – Régularité – Changement d'avocat – Convocation de l'avocat initial – Absence ou tardiveté de convocation de l'avocat choisi – Portée

La personne mise en examen qui, au cours du débat contradictoire initial, a sollicité un délai pour préparer sa défense sans demander à être assistée pour le débat différé par l'avocat qu'il a préalablement choisi lors de l'interrogatoire de première comparution, n'est pas fondée à invoquer la nullité de l'ordonnance de placement en détention provisoire prise de la tardiveté de la convocation de cet avocat choisi pour le débat différé dès lors que l'avocat commis d'office qui l'a assistée lors du débat initial, a été informé de la date et de l'heure du débat différé, peu important que l'avocat choisi ait ou non été convoqué.

REJET sur le pourvoi formé par M. B... P... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 5 mars 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, blanchiment et association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.

Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 5 février 2020, M. P..., mis en examen par le juge d'instruction du tribunal judiciaire de Lille des chefs précités, a comparu devant le juge des libertés et de la détention en vue de son placement en détention provisoire et a sollicité un délai pour préparer sa défense, de telle sorte que l'examen de l'affaire a été renvoyé au 10 février suivant à 9h30, avec incarcération provisoire de l'intéressé.

3. Par des conclusions déposées en vue de ce débat contradictoire, Maître Jankielewicz, avocat choisi par le demandeur lors de l'interrogatoire de première comparution, a sollicité son renvoi en indiquant avoir demandé un permis de communiquer auprès du juge d'instruction le vendredi 7 février 2020 à 10h28 qui ne lui avait toujours pas été délivré au jour du débat.

4. Le 10 février 2020, l'avis de libre communication a été délivré à l'avocat du mis en examen et le débat différé, initialement fixé à 9h30, s'est tenu le même jour à 18h00 ainsi qu'en atteste le procès-verbal de débat contradictoire différé.

5. M. P... a été placé en détention provisoire par ordonnance du même jour, dont il a interjeté appel.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de placement en détention provisoire alors :

« 1°/ que l'avocat choisi par la personne mise en examen pour l'assister lors du débat contradictoire relatif à sa détention provisoire doit être informé sans délai, qu'il s'agisse du débat contradictoire différé ou non ; que dès lors, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 137, 145, 591 et 593 du code de procédure pénale et a porté une atteinte excessive aux droits de la défense, la chambre de l'instruction qui, pour considérer que l'avocat choisi n'avait pas à être informé sans délai, a indiqué « qu'il résulte de la lecture de l'article 145 du code de procédure pénale que l'avis sans délai à l'avocat est prévu avant le débat contradictoire par l'alinéa cinq alors que les dispositions relatives au débat différé prévues par l'alinéa huit renvoient à l'alinéa six mais pas à l'alinéa cinq de sorte que l'avis sans délai n'est pas prévu pour le débat différé »

2°/ que l'absence de délivrance en temps utile d'un permis de communiquer entre une personne détenue et son avocat, indispensable à l'exercice des droits de la défense, non justifié par une circonstance insurmontable, fait nécessairement grief à la personne mise en examen ; que n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a méconnu les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 137, 145, 591 et 593 du Code de procédure pénale, la chambre de l'instruction qui relevait que « le conseil du mis en examen a été avisé par télécopie en date du jeudi 6 février 2020 à 17h01 de sa convocation pour l'assister dans le cadre du débat contradictoire différé pour placement en détention provisoire le lundi 10 février 2020 à 9h30 et que ce n'est que par télécopie du vendredi 7 février à 10h29, le lendemain de la réception de la convocation que la demande de permis de communiquer a été adressée par le conseil du mis en examen au cabinet du juge d'instruction » quand le fait de solliciter la délivrance d'un permis de communiquer le vendredi matin après réception de la convocation le jeudi à 17h01 démontrait que l'avocat avait pris ses dispositions pour obtenir ce permis avant la tenue du débat contradictoire ;

3°/ qu'en tout état de cause, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 137, 145, 591 et 593 du code de procédure pénale et a affirmé un fait en contradiction avec les pièces de la procédure, la chambre de l'instruction qui a indiqué que « le 5 février 2020, la date de renvoi n'a pas été fixée immédiatement par le juge des libertés et de la détention car le débat se déroulait tard dans la soirée et que ce n'est donc que le lendemain que l'audiencement a pu être organisé » en qualifiant de « raisonnable » le délai de délivrance du permis de communiquer, quand il résultait des pièces du dossier que l'audience du 10 février avait été fixée dès le 5 février, une convocation ayant été remise à l'avocat commis d'office et qu'à cette date, informé du choix du mis en examen d'être assisté par Maître Jankielewicz, le greffe du juge des libertés et de la détention n'avait convoqué ce conseil que le jeudi 6 février 2020 à 17h01, sans s'expliquer sur l'impossibilité de délivrer ce permis le vendredi 7 février dans la journée, la demande ayant été formulée le matin-même.»

Réponse de la Cour

Sur le moyen pris en sa première branche

7. Pour rejeter la demande de nullité de l'ordonnance de placement en détention provisoire de M. P... prise de la convocation tardive de l'avocat désigné au débat différé, l'arrêt attaqué relève qu'il résulte de l'article 145 du code de procédure pénale qu'aucun texte de loi ne réglemente le délai de convocation en vue du débat différé ; que par télécopie du jeudi 6 février 2020 à 17h01 Maître Jankielewicz a été convoquée pour assister le mis en examen dans le cadre du débat contradictoire différé pour placement en détention provisoire le lundi 10 février 2020 à 9h30.

8. Il résulte des pièces de la procédure que, d'une part, lors de l'audience qui s'est tenue le 5 février 2020 devant le juge des libertés et de la détention au cours de laquelle M. P... a sollicité un délai pour préparer sa défense, celui-ci n'a pas demandé à être assisté de l'avocat choisi pour le débat différé, d'où il résulte que ce dernier n'avait pas à être convoqué en vue d'assister son client lors dudit débat, d'autre part, l'avocat commis d'office qui a assisté le demandeur lors de cette audience a reçu le jour même des mains du juge des libertés et de la détention une convocation pour le débat différé fixé au 10 février 2020 à 9h30.

Sur le moyen pris en ses deuxième et troisième branches

9. Pour rejeter la demande de nullité de l'ordonnance de placement en détention provisoire de M. P... prise de l'absence de délivrance d'un permis de communiquer avant le débat différé, l'arrêt attaqué énonce qu'à l'audience du 10 février 2020 à 9h30, Maître Jankielewicz, a déposé des conclusions et sollicité un renvoi qui lui a été accordé, que le permis de communiquer lui a alors été délivré et le débat différé reporté le même jour à 18h00 dans la limite permise par les délais légaux en la matière.

10. Ils en déduisent que toutes les diligences ont été accomplies afin de permettre l'exercice des droits de la défense et que la procédure suivie par le juge des libertés et de la détention est régulière.

11. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

12. Ainsi, le moyen n'est pas fondé.

13. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme de la Lance (conseiller le plus ancien faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Slove - Avocat général : Mme Bellone - Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Article 145 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

S'agissant de l'appréciation de la régularité de la convocation du conseil au sens de l'article 145 du code de procédure pénale, à rapprocher : Crim., 17 décembre 2013, pourvoi n° 13-86.744, Bull. crim. 2013, n° 258 (cassation).

Crim., 22 juillet 2020, n° 20-82.213, (P)

Rejet

Débat contradictoire – Débat contradictoire différé – Recours à la visioconférence – Dispositions dérogatoires sur le fondement de la loi d'urgence n° 2020-290 du 23 mars 2020 – Ordonnance du 25 mars 2020 adaptant la procédure pénale – Article 5 – Application – Conformité aux articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme

Les dispositions de l'article 5 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dérogent explicitement à celles de l'article 706-71 du code de procédure pénale, qui prohibent le recours à la visioconférence pour le placement en détention provisoire hors le cas où la personne est détenue pour autre cause et l'autorisent à passer outre le refus de visioconférence exprimé par le mis en examen. Ces dispositions ne sont pas contraires aux articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, dès lors que même prises dans un contexte sanitaire d'urgence, elles posent in fine l'exigence que le juge organise et conduise la procédure en veillant au respect des droits de la défense et en garantissant le caractère contradictoire des débats.

REJET sur le pourvoi formé par M. R... V... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 5 mai 2020, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.

Un mémoire ampliatif a été produit.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. R... V... a été mis en examen le 14 avril 2020, a sollicité un délai pour préparer sa défense conformément à l'article 145 du code de procédure pénale et a fait l'objet d'une ordonnance d'incarcération provisoire.

3. A l'issue du débat différé tenu par visioconférence, au visa des dispositions de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19, il a fait l'objet, le 17 avril 2020, d'une ordonnance de placement en détention provisoire.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen de nullité tiré du recours à la visioconférence lors du débat de placement en détention provisoire de M. V... devant le juge des libertés et de la détention, confirmé l'ordonnance entreprise et ordonné son maintien en détention provisoire alors :

« 1°/ qu'il résulte de la première phrase du 4e alinéa de l'article 706-71 du code de procédure pénale qu'il ne peut être recouru à un moyen de télécommunication audiovisuelle pour le débat contradictoire préalable au placement en détention provisoire que pour les personnes détenues pour une autre cause ; qu'en affirmant, pour considérer qu'il pouvait être passé outre au refus de M. V... qui n'était pas détenu pour autre cause mais incarcéré en vertu d'un mandat de dépôt provisoire consécutif à une demande de débat différé – de comparaître par visioconférence pour le débat sur son placement en détention provisoire, qu'il se déduisait de la dernière phrase du même alinéa, relative aux conditions dans lesquelles il peut être passé outre au refus d'utilisation d'un moyen de télécommunication, qu'un tel moyen pouvait être utilisé à l'occasion de tout placement en détention, quand cette dernière phrase régit les conditions dans lesquelles il peut être passé outre, en matière de placement en détention provisoire, le refus de « la personne détenue », ce qui établit qu'il ne peut être recouru à un moyen de télécommunication audiovisuelle que pour le placement en détention provisoire d'une personne déjà détenue pour une autre cause, la chambre de l'instruction a violé les articles 706-71, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que l'article 706-71 du code de procédure pénale prohibant l'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle en matière de placement en détention provisoire hors le seul cas des personnes détenues pour une autre cause, l'éventuelle irrégularité du refus opposé par M. V... à l'utilisation d'un tel moyen était sans incidence sur l'irrégularité de son placement en détention à l'issue d'un débat tenu par visioconférence ; qu'en affirmant, pour dire la procédure suivie régulière, que M. V... n'avait manifesté son refus de l'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle que le jour du débat contradictoire, la chambre de l'instruction a violé les articles 706-71, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ que la possibilité offerte aux juridictions pénales, par l'article 5 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, de se dispenser de l'accord des parties pour recourir à un moyen de télécommunication audiovisuelle ne vaut que dans les hypothèses dans lesquelles le recours à un tel moyen est prévu par la loi ; qu'en affirmant qu'il résulte de cette ordonnance qu'il pourrait être recouru à un moyen de télécommunication audiovisuelle y compris devant le juge des libertés et de la détention appelé à statuer sur le placement en détention provisoire d'une personne non détenue pour autre cause, pour en déduire que M. V... avait été valablement placé en détention provisoire à l'issue d'un débat tenu par visioconférence, auquel il avait d'ailleurs refusé de participer, la chambre de l'instruction a violé les articles 706-71, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

4°/ que viole les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme la chambre de l'instruction qui retient qu'une personne qui n'est pas détenue pour autre cause peut se voir imposer que le débat préalable à son placement en détention provisoire se fasse par des moyens de télécommunication audiovisuelle ; qu'en l'espèce, a méconnu ces stipulations conventionnelles la chambre de l'instruction qui a estimé régulier le recours, pour le placement en détention provisoire de M. V..., à la visioconférence en dépit de l'opposition manifestée par ce dernier à l'utilisation de ce mode de communication ».

Réponse de la Cour

5. L'article 5 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19, dispose que « Par dérogation à l'article 706-71 du code de procédure pénale, il peut être recouru à un moyen de télécommunication audiovisuelle devant l'ensemble des juridictions pénales, autres que les juridictions criminelles, sans qu'il soit nécessaire de recueillir l'accord des parties ».

6. En premier lieu, ces dispositions dérogent explicitement, pour un temps limité, à celles de l'article 706-71 du code de procédure pénale, qui prohibent le recours à la visioconférence pour le placement en détention provisoire hors le cas où la personne est détenue pour autre cause.

7. En second lieu, elles ne sont pas contraires aux articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, dès lors que même prises dans un contexte sanitaire d'urgence, elles posent in fine l'exigence que le juge organise et conduise la procédure en veillant au respect des droits de la défense et en garantissant le caractère contradictoire des débats.

8. Pour rejeter le moyen de nullité tiré du recours à la visioconférence, l'arrêt énonce notamment au visa de l'article 5 sus-visé, que l'ensemble des dispositions de l'article 706-71 du code de procédure pénale, sans exclusion, est visé par cette disposition dérogatoire qui s'appliquait à la date du débat et permettait au juge des libertés et de la détention de passer outre au refus de visioconférence exprimé par le mis en examen.

9. En l'état de ces seules énonciations la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

10. Enfin, la chambre de l'instruction a justifié sa décision par des considérations de droit et de fait répondant aux exigences des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procédure pénale.

11. Ainsi, le moyen n'est pas fondé.

12. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme de la Lance (conseiller le plus ancien faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Lavielle - Avocat général : Mme Bellone - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 5 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020.

Rapprochement(s) :

S'agissant de la doctrine du Conseil constitutionnel quant à l'utilisation de la visioconférence sans accord du détenu dans le cadre d'audiences relatives au contentieux de la détention provisoire, à rapprocher : Cons. const., 30 avril 2020, décision n° 2020-836 QPC, M. Maxime O. [Utilisation de la visioconférence sans accord du détenu dans le cadre d'audiences relatives au contentieux de la détention provisoire II].

Crim., 22 juillet 2020, n° 20-82.094, (P)

Annulation

Décision de mise en détention provisoire – Ordonnance de placement – Appel – Demande d'examen immédiat au président de la chambre de l'instruction – Recevabilité – Appréciation – Sanction – Annulation

En déclarant la demande d'examen immédiat de l'appel interjeté contre son ordonnance de placement en détention provisoire irrecevable, alors qu'intervenue le vendredi 17 avril 2020, cette décision pouvait encore faire l'objet d'un appel et d'une demande d'examen immédiat le lundi 20 avril 2020, le président de la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs.

ANNULATION sur le pourvoi formé par M. W... L... contre l'ordonnance n° 62/2020 du président de la chambre de l'instruction de Versailles, en date du 21 avril 2020, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants, a déclaré irrecevable sa demande d'examen immédiat de l'appel interjeté contre l'ordonnance de placement en détention provisoire.

Un mémoire ampliatif et des observations complémentaires ont été produits.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. W... L..., mis en examen des chefs susvisés a fait l'objet d'une ordonnance de placement en détention après débat différé, le vendredi 17 avril 2020.

3. Le lundi 20 avril 2020, le conseil de M. L... a formé appel de cette ordonnance et, conformément aux dispositions de l'article 187-1 du code de procédure pénale, a sollicité du président de la chambre de l'instruction qu'il examine immédiatement cet appel.

4. Suivant ordonnance du 21 avril 2020, le président de la chambre de l'instruction a jugé la demande d'examen immédiat de l'appel irrecevable au motif que l'appel, assorti d'une demande d'examen immédiat, a été interjeté le 20 avril 2020, soit plus d'un jour après la décision de placement en détention.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande d'examen immédiat de l'appel formé par M. L... contre l'ordonnance de placement en détention provisoire de ce dernier, alors « que commet un excès de pouvoir et viole les articles 187-1, 801, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme le président de la chambre de l'instruction qui, saisi d'une demande d'examen immédiat de l'appel interjeté contre une ordonnance de placement en détention provisoire, déclare cette demande irrecevable au motif que l'appel a été interjeté plus d'un jour après l'ordonnance de placement, quand le délai d'un jour suivant une décision de placement en détention pour interjeter appel de cette décision et en demander l'examen immédiat par le président de la chambre de l'instruction, qui expirerait normalement un samedi ou un dimanche, est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant à vingt-quatre heures, de sorte qu'en l'espèce M. L... était recevable à demander au président de la chambre de l'instruction d'examiner immédiatement l'appel qu'il avait interjeté le lundi 20 avril 2020 de l'ordonnance de placement en détention provisoire de M. L... du vendredi 17 avril 2020. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 187-1 et 801 du code de procédure pénale :

6. En application du premier de ces textes, en cas d'appel d'une ordonnance de placement en détention provisoire, la personne mise en examen ou le procureur de la République peut, si l'appel est interjeté au plus tard le jour suivant la décision de placement en détention, demander au président de la chambre de l'instruction d'examiner immédiatement son appel sans attendre l'audience de cette juridiction. Cette demande doit, à peine d'irrecevabilité, être formée en même temps que l'appel devant la chambre de l'instruction.

7. En vertu du second de ces textes, le délai qui expirerait normalement un samedi ou un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.

8. En déclarant irrecevable la demande d'examen immédiat de l'appel interjeté contre l'ordonnance de placement en détention provisoire, comme formée plus d'un jour après la décision de placement en détention alors que cette décision intervenue le vendredi 17 avril 2020, pouvait encore faire l'objet d'un appel et d'une demande d'examen immédiat, le lundi 20 avril, le président de la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs.

9. L'annulation est par suite encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance susvisée du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 21 avril 2020 ;

ORDONNE le retour du dossier de la procédure à cette juridiction.

- Président : Mme de la Lance (conseiller le plus ancien faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Lavielle - Avocat général : Mme Bellone - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles 187-1 et 801 du code de procédure pénale.

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