Numéro 7 - Juillet 2020

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Partie I - Arrêts et ordonnances

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION

Crim., 8 juillet 2020, n° 20-81.915, (P)

Cassation

Détention provisoire – Demande de mise en liberté – Appel d'une ordonnance de rejet – Défaut de signature de l'ordonnance – Inexistence – Recours qualifié de saisine directe

Méconnaît les dispositions des articles 148 alinéa 5 et 593 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction qui, après avoir annulé, faute de signature du juge, une ordonnance de rejet de demande de mise en liberté, se borne à retenir que cette annulation n'entraîne pas en elle même la nullité du titre de détention.

En effet, en premier lieu, c'est à tort que la chambre de l'instruction a annulé ladite ordonnance, au lieu de constater son inexistence à défaut de signature du juge.

En second lieu, faute par le juge d'avoir statué dans le délai légal de trois jours, le recours de l'intéressé devant la chambre de l'instruction devait nécessairement s'analyser en une saisine directe de cette juridiction, au sens de l'article 148 alinéa 5 du code de procédure pénale.

CASSATION sur le pourvoi formé par M. J... X... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Cayenne, en date du 6 février 2020, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d'assassinat, a annulé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa demande de mise en liberté.

Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. J... X..., mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire, a fait l'objet, le 21 janvier 2020, d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa demande de mise en liberté, dont il a interjeté appel ; devant la chambre de l'instruction, M. X... a invoqué la nullité de cette ordonnance, demandé sa libération d'office et, subsidiairement, a contesté la nécessité et le bien fondé de la mesure de détention provisoire.

Examen du moyen

Sur le moyen pris en sa première branche

3. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le moyen pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il s'est limité à annuler l'ordonnance de rejet de demande de mise en liberté du 21 janvier 2020, sans faire droit à la demande de mise en liberté de M. X..., alors :

« 2°/ que, subsidiairement, en raison de l'effet dévolutif de l'appel, il appartient à la chambre de l'instruction, saisie de l'appel d'une ordonnance ayant rejeté une demande de mise en liberté, d'examiner le bien-fondé de la détention provisoire et de statuer sur la nécessité de cette mesure ; que dès lors, en se bornant en l'espèce à annuler l'ordonnance entreprise en raison de son absence de signature, sans examiner le bien-fondé et la nécessité de la détention provisoire, contestés par M. X..., ni statuer sur sa demande de mise en liberté, la chambre de l'instruction a violé l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme et les articles 144, 148, 186, 207, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 148 alinéa 5 et 593 du code de procédure pénale :

5. Selon le premier de ces textes, faute par le juge des libertés et de la détention d'avoir statué dans le délai fixé au troisième alinéa du même article, la personne peut saisir directement de sa demande la chambre de l'instruction qui, sur les réquisitions écrites et motivées du procureur général, se prononce dans les vingt jours de sa saisine faute de quoi la personne est mise d'office en liberté sauf si des vérifications concernant sa demande ont été ordonnées.

6. Selon le second, tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties.

L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

7. Pour écarter l'argumentation de l'intéressé, la chambre de l'instruction énonce qu'il convient d'annuler, faute de signature du juge, l'ordonnance entreprise et ajoute que cette annulation concernant une ordonnance de rejet de demande de mise en liberté, n'entraîne pas en elle-même la nullité du titre de détention.

8. En s'abstenant de prononcer, comme il le lui était demandé, sur la nécessité du maintien en détention, la chambre de l'instruction a méconnu les textes et les principes susvisés.

9. En effet, en premier lieu, c'est à tort que la chambre de l'instruction a annulé ladite ordonnance, au lieu de constater son inexistence à défaut de signature du juge.

10. En second lieu, faute par le juge d'avoir statué dans le délai légal de trois jours, le recours de l'intéressé devant la chambre de l'instruction devait nécessairement s'analyser en une saisine directe de cette juridiction, au sens de l'article 148 alinéa 5 du code de procédure pénale.

11. D'où il suit que la cassation est encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Cayenne, en date du 6 février 2020, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi.

- Président : Mme Durin-Karsenty (conseiller le plus ancien faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Méano - Avocat général : M. Valat - Avocat(s) : Me Ridoux -

Textes visés :

Articles 148 alinéa 5 et 593 du code de procédure pénale.

Crim., 8 juillet 2020, n° 20-82.472, (P)

Cassation sans renvoi

Détention provisoire – Demande de mise en liberté – Demande formulée par un accusé renvoyé devant la Cour d'assises – Délai pour statuer – Délai de vingt jours – Prolongation – Impossibilité – Sanction

Il résulte de l'article 148-2 du code de procédure pénale que, lorsqu'une chambre de l'instruction est appelée à statuer, en application de l'article 148-1 de ce code, sur une demande de mise en liberté formée par un accusé qui est renvoyé devant la cour d'assises, elle doit se prononcer dans le délai de vingt jours qu'il fixe, faute de quoi il est mis fin à la détention provisoire, l'intéressé, s'il n'est pas détenu pour autre cause, étant mis d'office en liberté.

L'article 194, alinéa 4, du code de procédure pénale n'étant pas applicable en pareil cas, ce délai n'est pas susceptible de prolongation.

Encourt en conséquence la censure l'arrêt qui statue après l'expiration de ce délai, sans qu'un arrêt précédent rendu dans le délai et ayant ordonné des vérifications concernant la demande, ait prononcé sur celle-ci.

CASSATION SANS RENVOI sur le pourvoi formé par M. A... L... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 5 mars 2020, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de meurtre en bande organisée, tentative de meurtre en bande organisée et association de malfaiteurs, en récidive, a rejeté sa demande de mise en liberté.

Un mémoire a été produit.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Dans le cadre d'une information judiciaire ouverte des chefs précités, un mandat d'arrêt a été décerné contre M. L....

3. À l'issue de l'information, le juge d'instruction a mis en accusation, notamment, M. L..., de ces chefs, et constaté que le mandat d'arrêt continuait à produire ses effets.

4. Remis postérieurement aux autorités françaises après son extradition, et placé en détention provisoire, M. L... a, le 30 janvier 2020, formé une demande de mise en liberté.

5. Il a contesté devant la chambre de l'instruction le respect du principe de spécialité, de sorte que, par arrêt avant dire droit du 13 février 2020, cette juridiction a seulement constaté la nécessité de procéder à des vérifications concernant la demande et ordonné la traduction d'une des pièces du dossier d'extradition.

Examen des moyens

Sur le moyen relevé d'office pris de la violation de l'article 148-2 du code de procédure pénale, ce moyen ayant été évoqué dans le rapport du conseiller rapporteur et les conclusions de l'avocat général

Vu ledit article :

6. Il résulte de ce texte que, lorsqu'une chambre de l'instruction est appelée à statuer, en application de l'article 148-1 de ce code, sur une demande de mise en liberté formée par un accusé qui est renvoyé devant la cour d'assises, elle doit se prononcer dans le délai de vingt jours, non susceptible de prolongation, qu'il fixe, faute de quoi il est mis fin à la détention provisoire, l'intéressé, s'il n'est pas détenu pour autre cause, étant mis d'office en liberté.

7. Pour dire la procédure indemne de toute irrégularité qui justifierait une mise en liberté d'office, l'arrêt attaqué énonce notamment qu'il a été statué dans le délai prévu par la loi, le 13 février 2020, sur la demande de mise en liberté formée le 30 janvier précédent.

8. Les juges ajoutent qu'en l'état de l'invocation par la défense de l'intéressé de la possible méconnaissance du principe de la spécialité de l'extradition, ils ont estimé nécessaire, par cet arrêt qui n'a pas été critiqué, d'ordonner, comme le prévoit expressément l'article 194 du code de procédure pénale, une vérification sur ce point précis qui, s'il avait été avéré, aurait justifié la remise en liberté du demandeur.

9. Ils concluent que la demande de mise en liberté a été examinée, et à deux reprises, dans les meilleurs délais possibles et dans le respect de l'impératif conventionnel et légal de célérité dans le traitement du contentieux de la détention.

10. En statuant ainsi, alors que, d'une part, l'article 194, alinéa 4, du code de procédure pénale n'est pas applicable lorsque la chambre de l'instruction statue en application des articles 148-1 et 148-2 du même code, d'autre part, il n'a pas été statué avant l'expiration du délai imparti par le second de ces textes, l'arrêt du 13 février 2020 n'ayant pas prononcé sur la demande de mise en liberté, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé.

11. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les moyens du pourvoi, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 5 mars 2020 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE, s'il n'est détenu pour autre cause, la mise en liberté de M. A... L...

- Président : Mme Durin-Karsenty (conseiller le plus ancien faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Bonnal - Avocat général : M. Valat - Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Article 148-2 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

S'agissant de l'impossibilité pour la chambre de l'instruction de placer le prévenu sous contrôle judiciaire dès lors que la Cour n'a pas statué sur la demande dont elle était saisie avant l'expiration du délai qui lui était imparti par la loi, à rapprocher : Crim., 9 janvier 2013, pourvoi n° 12-87.016, Bull. crim. 2013, n° 11 (cassation sans renvoi). S'agissant de la possibilité pour la chambre d'accusation d'ordonner une expertise médicale dans le délai de vingt jours dès lors que les juges statuent aussi, fût-ce provisoirement, sur la détention provisoire, à rapprocher : Crim., 7 mars 1991, pourvoi n° 90-87,728, Bull. crim. 1991, n° 116 (rejet). S'agissant de la computation du délai de deux mois accordé à la chambre de l'instruction aux termes de l'article 148-1 du code de procédure pénale pour statuer sur la demande de mise en liberté lorsque la personne a déjà été jugée en premier ressort et qu'elle est en instance d'appel, à rapprocher : Crim., 8 juin 2011, pourvoi n° 11-82.402, Bull. crim. 2011, n° 125 (cassation).

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